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Communiqués de presse

L’IMPACT DE LA SANTE SUR LA PRODUCTIVITE ET LA CROISSANCE ECONOMIQUE DEMONTRE AUX MINISTRES DES FINANCES ET DU COMMERCE

16 Mai 2001



Troisième Conférence des Nations Unies
sur les pays les moins avancés
16 mai 2001





Bruxelles, 16 mai -- Ce matin, la Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays moins avancés (PMA), a commenté le lien entre la santé et la productivité, dans le cadre d’un dialogue interactif co-présidé par Mme Maria Minna, la Ministre canadienne de la coopération internationale et M. Aleke Banda, Ministre malawien de la santé et de la population. La discussion est, en effet, partie du postulat selon lequel les gens malades courent davantage le risque de sombrer dans la pauvreté alors que les gens pauvres sont plus exposés aux maladies. Inversement, les gens en bonne santé peuvent avoir une formation plus longue, gagner mieux leur vie et donc être plus productifs. Le but du débat était donc de sensibiliser les ministres des finances et du commerce au coût économique d’une mauvaise santé. Selon, le représentant de la Commission de l’Organisation de la santé (OMS) sur la macroéconomie et la santé, en 2010, la pandémie du VIH/sida aura coûté à l’Afrique du Sud 22 milliards de dollars et réduit son PIB de 17%.

En revanche, comme l’indique le projet de programme d’action établi par l’OMS, une bonne infrastructure de santé contribue à la hausse des taux de productivité, de l’investissement et de l’épargne, de scolarisation et de formation ainsi que des taux d’accroissement de la population. Or, toujours selon le représentant de la Commission de l’OMS sur la macroéconomie et la santé, pour se sortir de leur situation actuelle, où 13 millions de personnes meurent chaque année de maladies éradiquées dans les pays riches, les PMA doivent consacrer 45 à 60 dollars par an par habitant au lieu des 5 à 10 dollars dépensés aujourd’hui. Or, comme l’a souligné un autre représentant de l’OMS, les gouvernements des PMA ne semblent pas accorder au secteur de la santé le rang de priorité requis et se contentent de concevoir les systèmes de santé comme une somme d’opérations ponctuelles. « Il est temps que les Africains souscrivent à la théorie de la responsabilité réciproque et cessent de s’appuyer trop lourdement sur les donateurs », a, par exemple, dit le représentant de la Commission de l’OMS sur la macroéconomie et la santé.

La mise en place d’une infrastructure durable de la santé, dans chaque pays, a été conditionnée à une véritable mobilisation sociale, à savoir à un partenariat entre l’Etat, le personnel médical et les ONG qui doit mener à des changements radicaux dans les politiques budgétaires. Comme le propose le projet de cadre d’action proposé par l’OMS*, il conviendrait de renforcer le lien entre les actions internationales et les politiques nationales; garantir une direction politique à tous les niveaux ; assurer la cohérence des politiques, et se concentrer sur les meilleures pratiques. Si les participants au débat ont reconnu la responsabilité première des PMA en la matière, ils se sont néanmoins tournés vers la coopération internationale pour ce qui est des ressources.


Il a été souligné qu’à ce jour, seuls 7,5% de l’aide publique au développement (APD) va au secteur de la santé. Des appels à une mobilisation des ressources externes ont donc été lancés qui ont conduit l’Union européenne à rappeler une initiative de recherche européenne, financée à ce jour à hauteur de 30 millions d’euros sur une période de 4 ans, qui doit travailler, en partenariat avec les équipes de recherche des PMA.

La proposition du Secrétaire général de créer un Fonds mondial sur la lutte contre le Sida, la malaria, la tuberculose, et les autres maladies infectieuses a reçu l’aval des participants. A cet égard, les questions de l’accès aux produits pharmaceutiques et des droits de la propriété intellectuelle ont été discutées au cours du débat.

Outre le représentant de la Commission de l’OMS sur la macroéconomie et la santé, le Ministre bangladais des finances, le Commissaire européen pour la recherche, le Commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire, le représentant d’OXFAM International, et le représentant du Mozambique ont fait partie des panélistes.

Cet après-midi, la session interactive portera sur l’enseignement pour tous.


DÉVELOPPER LES CAPACITÉS PRODUCTIVES: LE RÔLE DE LA SANTÉ

Déclarations liminaires

Mme MARIA MINNA, Ministre de la coopération internationale du Canada,
Co-Présidente du débat interactif, a déclaré que plus on est pauvre, plus on est malade, et plus on est malade, moins on est productif. Le mauvais état de santé crée donc une spirale sans fin de pauvreté. Le Ministère de la coopération internationale du Canada a toujours pensé qu’une bonne politique de santé est la cheville ouvrière d’une bonne politique sociale, a dit Mme Minna. Nous avons décidé de quadrupler notre soutien à la lutte contre le VIH/sida, a-t-elle annoncé. Le Cadre d’action sur l’amélioration de la santé dans les PMA élaboré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et que nous allons examiner et que nous discuterons peut nous permettre de mieux orienter l’usage qui sera fait des ressources du Fonds mondial de lutte contre la pandémie du VIH/sida et contre les maladies qui en découlent, dont M. Kofi Annan a proposé la création. Nous sommes d’accord avec lui quand il déclare que seule une coopération internationale renforcée permettra de lutter contre ces maladies, et nous lançons un appel à tous les pays donateurs et aux compagnies pharmaceutiques pour qu’ensemble nous travaillions en vue de l’éradication de ces maux. Le Canada invite en particulier les représentants des Ministères des finances présents aujourd’hui dans la salle de dire ce que leurs pays comptent faire pour participer à cet effort.

M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la CNUCED, a remercié Mme Maria Minna et M. Banda de présider la table ronde dont le sujet est crucial. Il a invité tous les pays et organismes à participer activement au débat. Nous devons tirer de ce débat des recommandations pratiques pour redresser la situation de la santé dans le monde, car sans elle il sera impossible de mettre en oeuvre des mesures efficaces de lutte contre la pauvreté.

Prenant la parole après M. Ricupero, M. ALEKE BANDA, Ministre de la santé du Malawi, et Co-Président du débat interactif, a déclaré que la mauvaise santé des populations des PMA ne doit pas être sous-estimée. La morbidité et la mortalité des enfants de cinq ans sont en hausse dans ces pays, et la dégradation de la santé de la majorité de la population porte extrêmement préjudice à l’économie des pays. Différents pays ont mis en place des plans d’action et des stratégies pour y faire face, mais les ressources dont ils disposent sont nettement insuffisantes. La question à laquelle nous devons répondre est celle liée à la mobilisation de ressources nouvelles en matière de promotion de la santé des populations des PMA. La santé est partie intégrante de la problématique de la lute contre la pauvreté, et doit être traitée comme telle.

M. POUL NIELSON, Commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire, a dit que le programme d’action de l’Union européenne sur le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose, avait été adopté par les membres de l’Union le 14 avril dernier. Un accent particulier y a été mis sur l’accès aux médicaments. Mais il faut reconnaître, a-t-il dit, que les capacités de maîtrise des traitements à donner aux malades sont nettement insuffisantes dans les PMA. La Commission européenne estime que les problèmes de la pandémie doivent être abordés sous une optique mondiale et non pas nationale ou régionale. Nous pensons que la création d’un fonds mondial pour lutter contre cette pandémie et les autres grandes maladies citées plus haut, est la bonne approche. Mais nous estimons qu’une collaboration étroite doit s’instaurer dans les pays du Sud entre les gouvernements et la société civile pour identifier les besoins et gérer les ressources éventuelles.

L’Union européenne n’a pas encore annoncé à quel niveau elle pourrait participer au financement du Fonds contre le VIH/sida, mais nous sommes d’avis que les donateurs doivent y verser des ressources nouvelles, et nous voudrions que les trois grandes maladies –sida, paludisme et tuberculose- soient couvertes par le Fonds. L’intégration du Fonds et de ses objectifs dans les politiques nationales est nécessaire. Ses ressources doivent être utilisées dans un cadre intégré et participatif, et il doit être ouvert aux contributions des secteurs public et privé. L’Afrique subsaharienne dépense environ 2 à 6 dollars par habitant en matière de santé par an. Les médicaments rétroviraux étant des traitements à long terme, il faut mettre en place un cadre permettant aux malades de les recevoir sur de longues périodes, ce qui coûtera cher. Le Fonds doit être utilisé en vue de résultats concrets. L’Union européenne ne s’engagera d’autre par dans ce Fonds que si l’industrie pharmaceutique accepte de prendre des mesures en faveur d’une baisse des prix, de manière différenciée, en faveur des pays pauvres, ces prix étant fixés selon la véritable capacité de paiement de chaque pays.

M. A. ASAMOABAAH, Directeur exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a souligné que chaque année, 13 millions de personnes meurent de maladies éradiquées dans les pays riches. En 2005, l’espérance de vie dans les PMA sera de 45 ans contre plus de 80 ans dans les pays du Nord. Pourtant, a-t-il regretté, les problèmes de santé ne font toujours pas partie des plans économiques traditionnels. Si certains commencent à comprendre que la santé n’est pas seulement une question sociale, il reste encore beaucoup à faire. En effet, la santé est une question de productivité donc de développement économique. En effet, « seul un homme en bonne santé peut suivre de bonnes études et donc contribuer à la capacité productive d’un pays », a expliqué l’orateur.

M. K.Y. AMOAKO, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU et membre de la Commission de l’OMS sur la macroéconomie et la santé, a lui aussi souligné l’importance de la santé pour le développement. Pour lui, la situation en matière de santé dans les PMA est plus qu’un simple frein au développement. C’est un obstacle fondamental. Insistant sur le fait que la santé est réellement la clef du développement, le Secrétaire exécutif a demandé un réexamen des priorités. S’appuyant sur des statistiques, il a montré que de nombreux PMA ne pourront remplir les objectifs fixés en matière de survie des enfants et d’espérance de vie dans les années à venir. Entre 2005 et 2010, l’espérance devrait diminuer de 59 ans à 45 ans. Dans les pays affligés par la pandémie du VIH/sida, on constate une véritable élimination de toute une génération. Le coût économique d’une mauvaise santé est élevé, a-t-il encore démontré en indiquant qu’en Afrique sub-saharienne, la malaria coûte, chaque année, plus de 1% de la croissance économique. En 2010, la pandémie VIH/sida aura coûté à l’Afrique 22 milliards de dollars et réduit le PIB de 17%.

Pour que les PMA se sortent de cette situation, ils devraient être en mesure de consacrer 45 à 60 dollars par an par habitant à la santé. Or, seulement 5 à 10 dollars par an sont dépensés aujourd’hui. S’il revient aux PMA « de mettre le premier dollar dans la cagnotte », la communauté internationale doit néanmoins apporter une aide. Soulignant que seulement 7,5% de l’aide publique au développement (APD) est consacré à la santé, le Secrétaire exécutif a indiqué que pour réaliser les objectifs de la Déclaration du Sommet du millénaire, il faudrait une somme de 15 à 25 milliards de dollars pour les PMA sans compter la lutte contre le VIH/sida qui exige une somme entre 5 et 10 milliards de dollars. Mais les ressources ne suffiront pas, a souligné le Secrétaire exécutif. Il faut renforcer les capacités et mettre en place des stratégies durables de mobilisation sociale. Il faut aussi améliorer la qualité du système de santé et faire que la recherche ne se concentre plus seulement sur les maladies des riches.

Préconisant pour ce faire la création de centres régionaux, le Secrétaire exécutif a souligné la question de la fuite des cerveaux qu’il a imputée, en partie, au fait que très peu de PMA élaborent des programmes de santé sérieux et justifiant un prêt des institutions internationales. Il est temps, a-t-il dit, que les Africains souscrivent à la théorie de la responsabilité réciproque et cessent de s’appuyer trop lourdement sur les donateurs. Concluant, le Secrétaire exécutif a plaidé pour une réorientation des systèmes vers un véritable système officiel au niveau de chaque pays; un renforcement du système international d’appui à la recherche sur les maladies des pauvres; et une approche systématique dans l’élaboration des budgets d’aide.

M. MARTINHO DGEDGE, Directeur adjoint de la santé et représentant du Ministre des affaires étrangères du Mozambique, a dit que mauvaise santé, manque de productivité et pauvreté sont étroitement liés. Ce sont les populations les plus pauvres qui sont aussi le plus en mauvaise santé, a-t-il estimé, ajoutant que même l’environnement naturel souffrait des conséquences indirectes de la mauvaise santé et de la pauvreté des populations. Le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme vont de plus en plus souvent de pair dans certaines régions d’Afrique, a-t-il dit. Ces trois maladies déciment la force de production de certains Etats, la mort des parents laissant à la société des milliers d’enfants livrés à eux-mêmes dans la misère. Le Mozambique pense que les premières mesures à prendre devraient viser l’amélioration de la distribution des ressources de santé disponibles au niveau des pays. Il faut pour cela faire participer la société civile à la gestion des structures de l’Etat. Si on veut en effet améliorer la santé génésique des femmes et contrôler la démographie, dont l’explosion incontrôlée est aussi source de pauvreté, il faut une participation active des femmes elles-mêmes à l’élaboration et à l’application des politiques. Concernant le VIH/sida, le gouvernement consacrera cette année 12% de ses ressources à la lutte contre la pandémie. Mais nous manquons de ressources humaines compétentes, et faisons face au coût trop élevé des médicaments et des autres équipements dont nous avons besoin pour lancer des campagnes de santé efficaces. Le Mozambique soutient la création d’un fonds sur le VIH/sida, mais ce fonds doit être « extraordinaire » et ses donateurs et bénéficiaires doivent être clairement nommés. Aucune conditionnalité ne doit d’autre part être liée aux bénéfices que les pays pourraient recevoir de ce fonds, a dit le représentant.


Intervenant après lui, M. PHILIPPE BUSQUIN, Commissaire européen pour la recherche, a dit que la recherche devait être pleinement intégrée dans tout plan d’action pour la santé. La Commission européenne a élaboré un plan visant le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose, mais l’a aussi étendu à d’autres maladies tropicales, sans doute moins voyantes, mais tout aussi dévastatrices. L’Union européenne a proposé la création d’une initiative de recherche européenne, qui travaillera en partenariat avec les pays en développement et leurs équipes locales de recherche, qui ont des expériences qui ne peuvent être ignorées. Le programme actuel a reçu 30 millions d’Euros de financement. La Commission européenne a créé ce programme cadre qui doit se dérouler sur 4 ans. La pandémie du VIH/sida étant un phénomène transfrontalier, des efforts spécifiques seront déployés pour y faire face. Nous voulons veiller à ce qu’il y ait un transfert de technologies de santé, et dans ce cadre, nous avons créé un programme de bourses d’études au bénéfice des chercheurs des pays affectés, qui doivent mettre leur savoir au service de leurs peuples une fois leurs travaux achevés.

Personnalité éminente des Volontaires des Nations Unies, M. JERRY RAWLINGS, ancien Président du Ghana, a souligné que depuis 10 ans, le monde a été le témoin de l’action croissante des volontaires dans la prestation des soins de santé. Il a plaidé pour que ce rôle reconnu et promu, en particulier dans les PMA. L’avantage des volontaires, a-t-il expliqué, est non seulement leur conviction mais aussi leur coût qui ne représente que 20% de celui d’un personnel salarié. Il a demandé aux gouvernements des PMA d’encourager, de faciliter et d’appuyer la mobilisation sociale pour réduire la discrimination à l’encontre des malades du VIH/Sida et la propagation de la maladie. Il a également évoqué la question de la fuite des cerveaux en convenant, à son tour, que le maintien des experts aurait fait beaucoup pour sensibiliser les gens aux problèmes de santé. Il a ensuite cédé la parole à Brigitte, enseignante de formation, mère de 11 enfants et séropositive qui a souligné que si la communauté internationale ne trouve pas le courage de réagir pour sauver l’humanité, le problème de l’Afrique deviendra le problème du monde. Ayez, a-t-elle dit, la force et la dignité de nous aider à « faire nos choses ». Elle a demandé aux participants de ne pas réagir en intellectuels mais en hommes et femmes de cœur.

Pour sa part, le représentant du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a affirmé que le PNUD est sur le pied de guerre pour sensibiliser et mobiliser les ressources nécessaires dans la lutte contre le VIH/sida. En Ouganda, par exemple, il a encouragé l’intégration de cette lutte dans l’ensemble des stratégies de développement. Le PNUD œuvre aussi pour développer des instruments en vue de la planification des ressources ou des recensements nationaux. Conscient de l’importance de la coopération Sud-Sud comme instrument puissant de partenariat, le PNUD essaye, dans ce cadre, de transposer des expériences d’un pays à l’autre. Pour l’avenir, le PNUD entend mettre en place un mécanisme de réponse rapide.

Mme PHILIPPA SAUNDERS, OXFAM International, rendant compte de la table ronde des ONG sur la santé, a souligné la nécessité urgente de s’engager dans l’amélioration des services de santé. Ainsi, elle a demandé un appui financier pour réaliser les objectifs en la matière en demandant, en particulier, que les prêts liés à des questions de santé soient transformées en dons. Se félicitant des nouvelles initiatives annoncées en matière de financement des actions contre le sida, elle a néanmoins mis en garde contre une programmation verticale qui finirait par nuire à l’appui global de la santé. La représentante a aussi appelé à un appui à la recherche sur les maladies négligées et à la satisfaction des besoins des femmes en matière de santé génésique. Elle a terminé sur l’importance de l’accès aux médicaments essentiels en faisant part de sa préoccupation au sujet des accords relatifs à la propriété intellectuelle qui nuisent à cet accès. Elle s’est d’ailleurs déclarée encouragée que les dirigeants africains demandent la révision de ces accords.

Débat interactif

La représentante du Programme commun sur le VIH/Sida (ONUSIDA), a fait sien le cadre d’action pour les PMA tel que proposé par la présente session interactive. Elle a appelé l’attention sur la session extraordinaire de l’Assemblée générale sur la lutte contre le HIV/sida qui doit se tenir du 25 au 27 juin 2001.

Vingt-cinq pays étaient classés dans la catégorie PMA lors de la première Conférence qui s’est tenue à Paris, il y en avait 45 lors de la seconde, et nous en avons 49 aujourd’hui, a constaté M. M.A. ASAMOABAAH, Représentant de l’OMS. En cette période de pauvreté accrue, les ressources consacrées à la santé ne doivent pas être perçues comme de simples dépenses de consommation dans les PMA, mais plutôt comme des dépenses d’investissement, a –t-il dit. A l’OMS, a-t-il poursuivi, nous sommes arrivés à la conclusion que s’il faut trouver des financements pour la santé, il faut que ce soit de bons financements, et de préférence des financements frais ou additionnels. Il y a, d’autre part, des possibilités, pour chaque pays, d’augmenter le niveau de ressources qu’il peut recevoir, en diversifiant ses sources de financement. Mais, à l’heure actuelle, il est dommage qu’une grande partie de l’argent que l’on promet ne soit jamais en réalité débloqué, tout comme il est dommage que les fonds que l’on réussit à débloquer aillent dans l’organisation de conférences, avec délégués hébergés dans des hôtels 5 étoiles et roulant en limousines, au lieu d’investir ces ressources dans des actions concrètes bénéficiant aux populations. C’est le résultat d’une mauvaise compréhension des besoins et d’un mauvais usage de financements eux-mêmes discutables.

La conception des systèmes de santé n’a pas évolué dans la plupart des PMA depuis l’indépendance de ces pays. Les systèmes continuent de négliger les zones rurales au profit des villes, favorisant de ce fait l’exode des populations de l’arrière-pays. De plus, on continue de concevoir la santé comme une série de coups ponctuels –campagne de vaccination, opérations de lutte contre certaines maladies limitées dans le temps sur financements ponctuels-, et cette stratégie ne mène pas à grand chose, puisqu’elle ne crée pas de structures ou de politiques durables. Il est aussi curieux que les ONG, dont le rôle est devenu indispensable en matière de santé pour une bonne partie des populations rurales et des quartiers urbains déshérités, soient exclues de la prise de décisions et de l’usage des fonds. Une autre grande faiblesse dans les PMA et autres pays en développement est le manque de statistiques de santé, et de capacité d’entretien des équipements. La dernière grande anomalie est celle des rapports que les PMA entretiennent avec les « donateurs », qui curieusement, tirent généralement plus de bénéfices des « dons » qu’ils font aux pays pauvres que ces pays eux-mêmes. Et les conditionnalités qui sont généralement attachées à cette aide extérieure créent-elles aussi des distorsions.


A son tour, le représentant de l’Organisation des Nations Unies sur l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a expliqué le programme sur la focalisation des ressources pour la santé scolaire, initié par son organisation. Ce programme, a-t-il dit, part du postulat selon lequel il existe une synergie entre éducation et santé. Il vise donc à faire baisser les taux d’absentéisme et les échecs scolaires. Le représentant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a lui demandé s’il est possible de faire des progrès rapides et concrets dans les mois à venir. A cela, la représentante de l’Association des ONG de la Sierra Leone a argué que les efforts seraient vains, dans les pays en conflit, si les conséquences de ces conflits n’étaient pas éliminées, au préalable. Soulevant aussi les questions des ressources et du renforcement des capacités, la représentante, appuyée par le représentant de Djibouti, a appelé à une aide internationale qui pourrait se matérialiser par l’annulation de la dette.

Pour sa part, le représentant de la Banque mondiale a appuyé la création d’un fonds mondial pour la lutte contre le VIH/sida, la malaria et la tuberculose comme seule manière de combler le vide financier et d’assurer une lutte efficace contre ces maladies. Il a précisé que ce fonds ne pourrait venir qu’en supplément de l’aide déjà accordée. Prenant également la parole, le représentant de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a fait part des travaux de l’atelier sur le financement des médicaments, qui s’est tenu, en avril 2001 en Norvège, avec la collaboration de l’OMS. Cet atelier, a-t-il dit, a donné lieu à un accord sur le fait que la différenciation des prix doit jouer un rôle dans la facilitation d’un accès à des médicaments à des prix abordables tout en permettant la poursuite de la recherche/développement et en assurant le financement de l’acheminement des médicaments vers les pays concernés.

S’attardant aussi sur les accords sur la propriété intellectuelle, le représentant a annoncé la tenue, le 18 juin prochain, d’une réunion importante du Conseil sur les droits de propriété intellectuelle. Il a terminé en invitant les PMA à étudier l’Initiative 0 pour 0 qui concerne la circulation hors taxes des produits pharmaceutiques et des appareils médicaux. Le représentant du Forum du Millénaire est lui revenu sur la question de la corruption, de la criminalité et de la délinquance pour dire la disposition du Programme de l’ONU contre la criminalité de réinvestir dans les systèmes de santé les sommes confisquées aux trafiquants. La représentante de Help Aid International a, pour sa part, soulevé la question de la négligence dont sont victimes les personnes âgées dans les structures de santé.

Le représentant de la Norvège a exprimé le soutien de sa délégation au plan d’action en matière de santé dans les PMA présenté par l’OMS aux participants. Il a dit que les programmes d’action, aussi bien celui de l’OMS que celui de la Commission européenne, devaient être intégrés aux programmes nationaux de santé. La Norvège partage le point de vue de l’OMS sur la priorité à donner au renforcement des systèmes de santé des PMA, a dit le représentant. Intervenant après lui, le représentant de l’Italie a, au nom de la Présidence du G8 qu’assume son pays, dit que l’Italie comptait lancer une initiative lors du sommet du G8 à Gênes. Les membres du G8, a-t-il, dit sont prêts à lancer des actions de soutien aux systèmes de santé des PMA. Un « Fonds de santé du sommet de Gênes », dans l’esprit de l’initiative de santé lancée par le G8 à Okinawa, mettra l’accent sur la lutte contre les trois pandémies du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme. Le G8 estime que le futur Fonds contre le VIH/sida devra être flexible. Ses ressources devront être utilisées pour assurer la fourniture stable et durable de médicaments aux malades, et pour améliorer l’état nutritionnel et sanitaire général des personnes les plus vulnérables.

La Présidente du Comité des ONG pour les droits de la femme à Genève a pris la parole pour dire que la santé des femmes est la première à être menacée par les maladies dont on a parlé depuis le début du débat. Elle a ensuite évoqué les questions du viol et de l’inceste et des tabous qui y sont attachés et qui empêchent les femmes qui en sont victimes de dénoncer les agressions sexuelles qu’elles subissent, le résultat étant souvent leur contamination par le VIH/sida. Des pratiques comme l’excision des jeunes filles dans certains pays sont aussi des risques de santé dans de nombreux PMA, a-t-elle dit. La Conférence devrait lancer un appel contre ces pratiques dangereuses. Le Comité des ONG pour les droits des femmes appelle les donateurs à contribuer de manière efficiente au Fonds contre le VIH/sida. Concernant la santé génésique et le contrôle de la démographie, les hommes pourraient en partager les responsabilités en prenant les nouveaux médicaments contraceptifs mis au point par la recherche scientifique.

M. BUABUA WA KAYEMBE, Ministre de la santé et de la coopération de la République démocratique du Congo (RDC), a dit que la mobilisation de ressources nationales en faveur de la santé était certes souhaitable, mais en ce qui concerne la RDC, la situation de guerre que connaît le pays a complètement détruit le tissu socioéconomique du pays. Le Gouvernement de la RDC, a dit le Ministre, demande à cette Conférence de lancer un appel aux pays qui ont envahi son territoire de s’en retirer, en vue de donner aux autorités du pays et aux partenaires de la RDC la possibilité de porter secours aux millions de personnes réfugiées dans les forêts. La RDC a d’autre part besoin de la reprise de la coopération des pays donateurs et des institutions multilatérales pour lancer des programmes de reconstruction au bénéfice de ses populations.

Le représentant des organisations de consommateurs, Consumer international, a dit qu’il fallait mettre l’accent sur la fourniture aux populations d’eau potable, essentielle à leur bonne santé. Il est aussi anormal, a-t-il, dit que des sociétés transnationales se voient octroyer le droit de gérer de manière commerciale des services qui sont indispensables à la survie de la population dans des pays où tout ne peut être monétarisé.

Le représentant de la République centrafricaine (RCA) a souhaité que la question des situations d’urgence soit discutée. La RCA reçoit, du fait de sa position géographique, des réfugiés en provenance des pays de sa région où sévissent des conflits armés- RDC, Congo, Soudan. Le manque de structures d’accueil et de soins pour ces réfugiés requiert que l’on mette en place des plans de santé pour parer aux crises, a estimé le représentant. Après lui, la représentante des ONG féminines de Djibouti a dit qu’un groupe consultatif avait été créé dans son pays pour lutter contre la transmission verticale, de la mère à l’enfant, du virus du sida. Les ONG de Djibouti aimeraient recevoir une aide de la communauté internationale pour le fonctionnement de ce programme. Le représentant du Burundi a fait remarquer que le coût de la formation des médecins était parfois un investissement à perte pour les PMA. Les médecins formés ne restent pas dans ces pays du fait de la modicité des salaires. Beaucoup s’expatrient et il faut alors faire appel à des cadres de la coopération multilatérale ou bilatérale qui coûtent extrêmement cher, et leurs salaires étant parfois 10 fois plus élevés que ceux des médecins locaux. Ne pourrait-on pas lancer une action commune pour inverser cette tendance ? Il serait possible d’amener les médecins nationaux dans leur pays en revalorisant leur statut et leur salaire, ce qui ne coûterait pas plus cher que l’utilisation de cadres expatriés dont l’adaptation est parfois longue.

La représentante du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a fait remarquer que le sida n’était pas seulement une maladie de pauvres. La pandémie touche beaucoup de jeunes dans tous les pays où les actions de prévention sont négligées. Il faudrait une mobilisation sociale universelle pour lutter contre la pandémie, et un accent particulier doit être mis, en Afrique, sur l’éducation des filles dont le taux de contamination est beaucoup plus élevé que celui des garçons du même âge.

Le représentant du Tchad a dit que son pays connaît des problèmes de santé particuliers à cause de la vie nomade que mène une grande partie de la population, et des guerres que le pays a connues pendant plusieurs décennies. De plus des épidémies cycliques de méningite se déclenchent pratiquement chaque année. Le Tchad manque de médecins. La communauté internationale pourrait-elle étudier des mesures d’aide à des pays comme le Tchad, en les considérant, comme le disait le représentant de la RCA, comme des zones de situations d’urgence presque permanentes ?

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* Le projet de cadre d’action préparé par l’OMS est daté d’avril 2001




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