Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

COMITÉ CONTRE LA TORTURE: RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DU JAPON AUX QUESTIONS DES EXPERTS

10 Mai 2007

Comité contre la torture

10 mai 2007



Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Japon aux questions que lui avaient posées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation japonaise a notamment souligné qu'en vertu de la Constitution, les aveux obtenus sous la torture après détention prolongée ne sont pas recevables comme preuves. La Constitution garantit en outre que nul ne peut être condamné uniquement sur la base de ses aveux. La délégation a également fourni des compléments d'information s'agissant des procédures d'enquête en cas d'acte de torture imputé à un policier; de la question de la demande d'extradition de l'ex-Président péruvien Alberto Fujimori; de la question des femmes de réconfort; des conditions de détention dans les locaux de la police et de la procédure applicable aux interrogatoires; de l'inspection des établissements pénitentiaires; des visas dits d'«artistes de spectacle» et des risques de voir les personnes en bénéficiant être victimes de la traite; des questions de nationalité et de naturalisation; ainsi que de la peine de mort.

À cet égard, la délégation a reconnu que les condamnés à mort, qui sont détenus dans des cellules individuelles, doivent parfois attendre de longues années avant que l'exécution de leur sentence n'intervienne. Elle a expliqué que cela s'explique par les différentes possibilités d'appel et de pourvoi qui entraînent parfois de longues procédures.

Un membre du Comité a rappelé que la Convention contre la torture traite aussi de la question de la réhabilitation des victimes d'actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans un certain nombre de pays, a fait observer l'expert, les faits historiques du passé sont soumis à des interprétations qui peuvent entraîner des traumatismes pour les survivants de ces événements passés. Continuer à nier des faits ne permet pas de guérir les blessures et traumatismes, a insisté l'expert.

Le Comité rendra publiques ses observations finales sur le rapport japonais à la fin de la session, le vendredi 18 mai prochain.


Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation polonaise aux questions que lui ont été posées ce matin.




Réponses de la délégation japonaise

La délégation japonaise a rappelé que l'article 36 de la Constitution interdit la torture. Outre les auteurs directs d'actes de torture, les personnes instigatrices d'actes de torture ou celles qui donnent leur assentiment à de tels actes sont passibles de sanctions pénales, a souligné la délégation.

En ce qui concerne les procédures d'enquête en cas d'acte de torture imputé à un policier, la délégation a indiqué que c'est le procureur qui tranche, sur la base du rapport d'enquête qui lui est transmis, quant à la nécessité de poursuivre ou non la personne accusée.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles le Japon n'a pas extradé l'ex-Président péruvien Alberto Fujimori, la délégation a indiqué que les informations fournies par les autorités péruviennes n'apportaient pas de preuves convaincantes en vue de son extradition. La délégation a ensuite rappelé que l'ex-Président Fujimori a quitté le Japon, de sorte que le pays n'a pas pu se prononcer de manière définitive sur son extradition.

S'agissant de l'indemnisation des victimes d'actes de torture, la délégation a souligné que l'État ainsi qu'une personne privée peuvent être redevables d'une compensation civile.

La délégation a rappelé que la Convention ne s'applique pas de manière rétroactive aux actes qui se sont produits avant l'accession du pays à cet instrument. La question des femmes de réconfort fait toutefois l'objet de divers accords, a ajouté la délégation, expliquant qu'à compter de 1991, le Gouvernement japonais a étudié les documents relatifs à la situation de ces femmes. Suite à cette étude, le Gouvernement japonais a, en août 1993, fait une déclaration dans laquelle il a exprimé ses remords et présenté ses excuses aux personnes qui avaient été exploitées par l'armée japonaise. Il a même été décidé, en 1995, de créer un fonds spécial destiné à venir en aide aux femmes; ce fonds a permis de verser deux millions de yens à 282 femmes à titre de réparations, a précisé la délégation. Ce fonds a également permis la mise en place de programmes à caractère médical, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs souligné qu'il existe des situations où un suspect peut être arrêté sans autorisation préalable d'un juge (mandat d'arrêt): c'est le cas pour les flagrants délits, pour certains délits très graves ou pour les récidives.

La durée maximale de la garde à vue d'un suspect aux mains de la police avant qu'il ne soit présenté devant un Procureur est de 48 heures, a par ailleurs indiqué la délégation. Un juge peut ensuite prolonger cette période de détention de dix jours et ce, à deux reprises. Selon le Code de procédure pénale, les personnes placées en détention peuvent avoir accès à un avocat avec lequel elles peuvent s'entretenir en privé, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la question des aveux, la délégation a rappelé que selon la Constitution, les aveux obtenus sous la torture après détention prolongée ne sont pas recevables comme preuves. D'autres textes législatifs énoncent le même principe, a précisé la délégation.

Quant à la question de savoir si des aveux ont déjà été retenus au Japon en tant qu'unique élément de preuve pour un verdict de culpabilité, la délégation a rappelé que selon l'article 38 de la Constitution, aucun individu ne saurait être condamné sur la base de ses seuls aveux.

La durée d'un interrogatoire peut varier selon les affaires, en fonction en particulier de la gravité des faits incriminés, a par ailleurs indiqué la délégation. Il n'y a donc pas de durée maximale pour les interrogatoires. D'une manière générale, les interrogatoires ne se font pas la nuit, sauf si cela est indispensable, a précisé la délégation. Les interrogatoires sont soumis à la réglementation applicable aux enquêtes pénales, a-t-elle ajouté.

La délégation a expliqué que le placement de personnes en cellule isolée plutôt qu'en cellule commune concerne des détenus qui refusent de travailler ou ont des problèmes psychologiques ou physiques faisant qu'ils ne peuvent côtoyer les autres détenus. Il arrive que ces personnes restent en cellule isolée jour et nuit, a admis la délégation.

S'agissant de l'inspection des prisons, la délégation a fait état de l'existence d'un comité ou conseil de visites en charge de l'inspection des établissements pénitentiaires. Ce conseil procède à des entrevues avec les détenus pour se faire une idée précise du fonctionnement et de la gestion des établissements. Ses avis sont transmis au Ministère de la justice qui prendra le cas échéant les mesures correctives qui s'impose, a précisé la délégation. Le Ministère publie les résultats de ces inspections, a-t-elle ajouté. Ce conseil de visites s'occupe des questions de gestion dans leur ensemble et peut donc demander au directeur d'une prison de lui fournir toute information qu'il jugera pertinent de recevoir; s'il constate des irrégularités, le conseil peut pousser à l'investigation plus approfondie de l'affaire mais n'a pas autorité pour procéder de sa propre initiative à des enquêtes.

En ce qui concerne la peine de mort, la délégation a rappelé que le Japon a recours à l'exécution par pendaison. À cet égard, a précisé la délégation, le Japon ne pense pas que la pendaison soit inhumaine et en tout cas pas plus qu'une autre forme d'exécution capitale. Certaines exécutions se font attendre, en raison des différentes possibilités d'appel et de pourvoi dont les procédures sont parfois assez longues. Il est donc vrai que les condamnés à mort, qui sont détenus dans des cellules individuelles, doivent parfois attendre longtemps avant que l'exécution de leur sentence n'intervienne. Afin de ne pas trop le déstabiliser, le condamné apprend la date de son exécution le jour même de l'exécution de sa sentence de mort, a ajouté la délégation.

Le Japon n'a pas renvoyé d'étrangers vers un pays où il y avait des raisons de croire qu'ils pourraient être soumis à des actes de torture, a assuré la délégation.

En ce qui concerne les visas d'«artistes de spectacle», la délégation a reconnu que les personnes bénéficiant de ce type de visa peuvent, une fois entrées au Japon, être amenées à exercer d'autres activités que celles qui étaient initialement prévues. Aussi, les autorités japonaises ont-elles décidé de soumettre ces demandes de visa à un examen plus serré afin de s'assurer que ces personnes ne sont pas ensuite victimes de la traite. De ce fait, les cas de traite ont diminué au Japon, a fait valoir la délégation. Chaque année, il y avait traditionnellement entre 60 000 et 80 000 personnes qui entraient au Japon avec un visa d' «artiste de spectacle»; ce nombre est tombé à 47 000 en 2005 et à 8600 en 2006, a indiqué la délégation.

Une équipe spéciale contre la traite a été créée en 2004, a par ailleurs rappelé la délégation. Les résultats enregistrés dans ce domaine sont bons, a-t-elle assuré. D'après le Code pénal, a-t-elle précisé, la traite de personnes est punissable par la loi en tant que crime.

Pour qu'ils obtiennent la nationalité japonaise, les étrangers doivent d'abord se soumettre à une procédure de naturalisation, a expliqué la délégation. C'est le Ministère de la justice qui prend la décision d'accorder ou non la naturalisation, a-t-elle précisé. Les personnes qui ont obtenu la nationalité japonaise par naturalisation ne perdent pas cette nationalité en cas de divorce, a indiqué la délégation.

Toute violence, qu'elle s'exerce à l'encontre d'un homme ou d'une femme, est considérée comme un crime et passible de peines adaptées, a souligné la délégation.


Questions supplémentaires des membres du Comité

M. Fernando Mariño Menéndez, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Japon, a réitéré la question de savoir si la Convention contre la torture s'applique pour le Japon en cas de conflit armé et dans le contexte de l'implication de forces japonaises dans des opérations de maintien de la paix.

La notion de présomption d'innocence, dont il est dit qu'elle est prise en compte dans toute la procédure, est-elle réellement compatible avec la pratique d'interrogatoires prolongés jour et nuit, a demandé M. Mariño Menéndez ?

En ce qui concerne les enquêtes menées dans les lieux de détention, les conseils de visites – qui d'ailleurs n'ont pas à probablement parler de pouvoirs d'enquête – sont-ils véritablement indépendants, a également demandé M. Mariño Menéndez ?

M. Alexander Kovalev, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport japonais, a relevé que la grande majorité des demandes de statut de réfugié enregistrées au Japon sont rejetées pour différents motifs. Or, parmi ces motifs, en figure un jugé dérangeant par M. Kovalev, à savoir celui qui veut qu'une personne en provenance d'un pays où elle n'encourt aucun risque de torture ne saurait se voir accorder le statut de réfugié – alors même que cette personne peut encourir dans le pays dont elle est originaire, et non pas dans le pays dont elle vient, des risques de torture.

Un autre membre du Comité a rappelé que la Convention contre la torture traite aussi de la question de la réhabilitation des victimes d'actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans un certain nombre de pays, a fait observer cet expert, les faits historiques du passé sont soumis à des interprétations qui peuvent entraîner des traumatismes pour les survivants de ces événements passés. Continuer à nier des faits ne permet pas de guérir les blessures et traumatismes, a insisté l'expert.

Face à l'idée selon laquelle l'aveu, jadis considéré comme la mère de toutes les preuves, aurait perdu de sa légitimité, un expert a fait observer que le droit pénal n'interdit aucunement les aveux ni leur prise en compte. Reste que la façon dont est appréhendée la question des aveux reflète une perception du droit pénal et du principe de présomption d'innocence, a souligné cet expert.

Si la pendaison n'est pas considérée comme cruelle au Japon, le reste du monde, lui, trouve qu'il s'agit d'un acte cruel, a souligné le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis.


Renseignements complémentaires de la délégation japonaise

Revenant sur la question des femmes qui ont été exploitées sexuellement durant la seconde Guerre mondiale, la délégation japonaise a réitéré la position du Japon et a rappelé les déclarations faites par les premiers ministres japonais à ce sujet.

En ce qui concerne le cas de l'ex-Président péruvien Fujimori, rien ne prouve que le Japon aurait refusé son extradition parce qu'il était citoyen japonais, a souligné la délégation. Simplement, la loi stipule que pour qu'il y ait extradition d'une personne, il faut que cette personne se soit livrée à des agissements justifiant cette extradition. Or précisément, le Gouvernement japonais était en train de demander des preuves de tels agissements aux autorités péruviennes lorsque M. Fujimori a subitement quitté le Japon, a expliqué la délégation.

S'agissant de la prétendue existence d'un manuel secret concernant les interrogatoires, la délégation a expliqué que le document auquel fait référence cette allégation renvoie en fait à un recueil de notes prises par une personne, à titre personnel, dans le cadre de l'Académie de police; il ne s'agit aucunement d'un document officiel qui émanerait du Ministère de l'intérieur et auquel se conformeraient les agents concernés par les interrogatoires.

La délégation a rappelé que le bâillon n'est utilisé que pour les détenus agités qui constituent une gêne pour un tiers.

Lorsque les demandes de statut de réfugié sont examinées, ce qui est pris en compte, c'est le traitement que le requérant est susceptible de recevoir dans son propre pays et non dans le pays dont il vient directement si celui-ci n'est pas le même que son propre pays, a expliqué la délégation.

Les conseils d'inspection des prisons, ou conseils de visite, n'ont aucun lien avec les autorités pénitentiaires, a par ailleurs souligné la délégation.
__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :