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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU CAMEROUN

19 Novembre 2003



18 novembre 2003



Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du troisième rapport périodique du Cameroun sur les mesures adoptées par ce pays en vue de mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation camerounaise, M. Jean Simplice Ndjemba, Représentant permanent du Cameroun auprès des Nations Unies à Genève, a souligné qu'une jurisprudence faisant de plus en plus autorité montre que la lutte contre la torture et autres mauvais traitements est une réalité vivante au Cameroun. À cet égard, il a indiqué que les auteurs présumés de telles infractions sont systématiquement poursuivis et, en cas de culpabilité établie, condamnés. Il a également assuré que le contrôle des détentions préventives fait toujours partie des préoccupations majeures. Il a mis l'accent sur les mesures adoptées pour incriminer la torture et les autres mauvais traitements ainsi que les nombreux textes réglementaires qui ont été adoptés afin d'interdire les sévices et brutalités au cours des interventions de la police, de la gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire. Des mesures strictes ont par ailleurs été adoptées afin de réglementer les gardes à vue sous le contrôle du Procureur de la République. En outre, chaque fois que des cas d'exécution d'un ordre manifestement illégal ont été signalés, leurs auteurs ont été poursuivis et condamnés. M. Ndjemba a assuré que des aveux obtenus par la torture sont inadmissibles et que les juges vont jusqu'à annuler les procédures établies sur la base d'aveux extorqués.

M. Ndjemba, réaffirmant la détermination de son pays à s'investir dans le combat contre le fléau de la torture, a néanmoins rappelé les contraintes financières et socio-économiques auxquelles les pays en développement font face et souligné l'importance de soutenir et d'encourager leurs efforts par la manifestation d'une véritable solidarité internationale et non simplement du dénigrement.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Cameroun, M. Guibril Camara, s'est félicité que le Cameroun soit l'un des rares pays au sud du Sahara à faire des efforts pour s'acquitter de ses obligations au regard de la Convention et pour faire rapport au Comité. Le Cameroun a fourni des efforts remarquables pour mettre son système juridique en conformité avec les normes internationales; paradoxalement, ces efforts ne sont pas suivis d'effet dans la pratique et il semble y avoir une survivance de règles et pratiques incompatibles avec un véritable État de droit. M. Camara a souligné le problème posé par le fait que les chefs traditionnels ont le pouvoir de limiter la liberté individuelle. Il s'est également interrogé sur le délai de transfert qui suit la garde à vue et qui revient à prolonger la garde à vue sans aucun contrôle judiciaire.

M. Mengjia Yu, corapporteur du Comité chargé du rapport du Cameroun, s'est pour sa part félicité des efforts du Cameroun en matière de formation et d'éducation. Il s'est toutefois étonné que, malgré tout le travail très positif sur le plan législatif, le Comité continue à recevoir des plaintes pour torture et mauvais traitements qui montrent que les dispositions légales ne sont pas appliquées. Il a souhaité obtenir davantage d'informations notamment sur le cas des gendarmes qui bénéficieraient d'une impunité de fait. Se félicitant en outre des efforts déployés pour se conformer aux recommandations du Comité, notamment en ce qui concerne l'obligation d'enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements, il a néanmoins relevé que ces enquêtes n'ont pas été souvent très fructueuses. Il a souhaité avoir des informations sur les résultats des plaintes reçues par le Comité national des droits de l'homme concernant des allégations de torture ou de mauvais traitements. Il s'est en outre interrogé sur les efforts visant à réhabiliter les victimes de la torture.

D'autres membres du Comité se sont par ailleurs interrogés sur les dispositions adoptées ou prévues pour éliminer l'utilisation de toute preuve obtenue par la torture; sur le rôle, les prérogatives et les pouvoirs des chefs traditionnels, en particulier au regard des allégations selon lesquelles certains d'entre eux livrent une justice expéditive et pratiquent la torture. Plusieurs experts ont par ailleurs posé des questions sur les conditions de détention, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins, la surpopulation, la protection des femmes contre les violences sexuelles ou encore les décès en prison. Ils ont en outre exprimé leur préoccupation face au maintien de juridictions d'exception et demandé des précisions sur leurs compétences.

La délégation camerounaise était également composée de représentants de la Délégation générale à la sûreté, de la Présidence de la République, de l'administration pénitentiaire, du Secrétariat d'État à la défense, du Ministère de la justice et du Ministère des relations extérieures.


Le Comité reprendra ses travaux cet après-midi, à partir de 15 heures pour entendre les réponses du Yémen. Le Cameroun présentera ses réponses demain, mercredi, à partir de 15 heures.


Présentation du rapport

M. JEAN SIMPLICE NDJEMBA, Représentant permanent du Cameroun auprès des Nations Unies à Genève, a réaffirmé l'engagement résolu de son pays dans la voie de l'État de droit, de la justice et des droits de l'homme. À cet égard, la révision constitutionnelle de 1996 a consacré l'intégration des droits de l'homme dans le bloc de constitutionnalité, l'érection de la justice en pouvoir judiciaire, indépendant des pouvoirs exécutifs et législatif, et la décentralisation administrative. M. Ndjemba a mis l'accent sur les mesures permettant d'incriminer la torture et les autres mauvais traitements, ainsi que surles nombreux textes réglementaires qui ont été adoptés concernant les corps de police, de la gendarmerie, de la défense et de l'administration pénitentiaire afin d'interdire des sévices et brutalités au cours de leurs interventions. Des mesures strictes ont notamment été adoptées afin de réglementer les gardes à vue sous le contrôle du Procureur de la République; les auteurs de traitements cruels, inhumains ou dégradants font systématiquement l'objet de mesures disciplinaires, sans préjudice de poursuites pénales, a-t-il indiqué, ajoutant que des contrôles réguliers sont effectués dans les unités de police et de gendarmerie pour s'assurer du respect scrupuleux des droits et des libertés des personnes en toute circonstance. En dehors de ce contrôle hiérarchique interne, les autorités judiciaires exercent une surveillance quant au respect des règles de procédure d'enquête et des conditions de garde à vue, a-t-il ajouté.

M. Ndjemba a par ailleurs indiqué qu'au niveau de la justice militaire, il apparaît que les militaires, y compris les gendarmes, sont régulièrement traduits devant les tribunaux pour toutes sortes d'abus qui constituent des violations des droits de l'homme et spécialement la torture et autres mauvais traitements. Chaque fois que des cas d'exécution d'un ordre manifestement illégal ont été signalés, leurs auteurs ont été poursuivis et condamnés. En outre, des aveux obtenus sous la torture sont inadmissibles et les juges vont jusqu'à annuler les procédures établies sur la base d'aveux extorqués. Une jurisprudence faisant de plus en plus autorité montre que la lutte contre la torture et autres mauvais traitements est une réalité vivante au Cameroun, a déclaré M. Ndjemba, indiquant que les auteurs présumés de telles infractions sont systématiquement poursuivis et, en cas de culpabilité établie, condamnés. À cet égard, il a indiqué que plus de 500 dossiers disciplinaires, aboutissant pour la plupart à des sanctions, ont été constitués à l'encontre des fonctionnaires de la Sûreté nationale pour violation des droits de l'homme depuis 1990. En outre, des sanctions sont systématiquement infligées à tout personnel pénitentiaire qui se rend coupable de torture ou tout autre mauvais traitement à l'égard des détenus.

M. Ndjemba a attiré l'attention sur la réforme de la politique pénitentiaire, détaillant les mesures adoptées pour remédier à la surpopulation carcérale, notamment par le biais de grâces présidentielles et de remises de peine et par la construction de nouveaux établissements. Des mesures ont aussi été prises pour améliorer les conditions de détention, et surtout les conditions sanitaires, ainsi que les conditions de travail des personnels.

M. Ndjemba a précisé les dispositifs mis en place pour veiller à la sécurité des gardés à vue mais aussi de leur intégrité physique et de leur dignité et pour supprimer les mauvais traitements dans les services de police. En ce qui concerne la justice, des efforts tendant à améliorer les conditions matérielles et le travail des magistrats ont été entrepris ainsi que pour rapprocher la justice des justiciables. Le contrôle des détentions préventives fait toujours partie des préoccupations majeures des autorités, a assuré le représentant camerounais, soulignant que ce sont les Procureurs généraux qui procèdent au contrôle des détentions préventives. En outre, afin d'assurer une plus grande maîtrise des détentions préventives, il a été recommandé de poursuivre ces contrôles et de désigner, dans chaque parquet, un magistrat chargé du suivi permanent des détentions préventives. Au titre des mécanismes nationaux de sauvegarde des droits humains, M. Ndjemba a cité deux types d'organismes de veille indépendants du pouvoir exécutif : le Comité national des droits de l'homme et des libertés et les commissions d'enquête parlementaires prévues par la Constitution.

S'agissant du système éducatif, M. Ndjemba a mis l'accent sur le fait que l'interdiction de la torture trouve désormais sa place dans l'enseignement des droits de l'homme, qui est systématiquement instauré dans les programmes des écoles de formation et de perfectionnement des personnels civil, militaire, judiciaire, médical et de maintien de l'ordre. L'information sur l'interdiction de la torture et sur la protection des droits de l'homme est devenue une donnée structurelle de la communication publique, a précisé le représentant.

M. Ndjemba, réaffirmant la détermination résolue de son pays à s'investir dans le combat contre le fléau de la torture, a néanmoins rappelé les contraintes financières et socio-économiques auxquelles les pays en développement font face et souligné l'importance de soutenir et d'encourager leurs efforts par la manifestation d'une véritable solidarité internationale et non simplement du dénigrement. «La communauté internationale devrait donner à tous les pays, développés ou non, les raisons d'espérer que le chemin exigeant et lucide vers un monde meilleur où la torture est abolie, les droits de l'homme respectés, est un chemin accessible à tous ceux qui s'y engagement de bonne foi comme la Cameroun», a-t-il déclaré.


Le troisième rapport périodique du Cameroun (CAT/C/34/Add.17) couvre la période de 1996 à 2000. Il précise le cadre juridique général de l'interdiction de la torture ainsi que les nouvelles mesures et nouveaux faits relatifs à l'application de la Convention contre la torture. Il apporte également un complément d'information et des réponses aux observations et questions formulées par le Comité lors de l'examen du deuxième rapport, en novembre 2000. À cet égard, les modalités d'indemnisation des victimes de la torture sont précisées et il est indiqué que des mécanismes de réhabilitation et de réadaptation des victimes sont à l'étude.

Le rapport fait en outre état des dispositions administratives et pratiques permettant de rejeter toute preuve obtenue par la torture, en attendant l'adoption d'une loi sur ce point. Le rapport met également l'accent sur les mesures prises afin que la limitation des détentions préventives devienne une réalité dans la pratique judiciaire et, notamment, pour privilégier la liberté provisoire sous caution. Par ailleurs, il est noté que le Gouvernement s'emploie à renforcer la collaboration entre les services compétents du Ministère de la justice et du Ministère de l'administration territoriale afin de soumettre le contrôle des détentions préventives et de l'application des peines aux magistrats des parquets qui contrôlent également régulièrement les prisons.

Le rapport note qu'un registre des gardes à vue existe et qu'il s'agit désormais de systématiser cette pratique au niveau de tous les lieux de détention. Le rapport détaille par ailleurs les sanctions infligées au personnel pénitentiaire qui s'est rendu coupable de torture ou tout autre mauvais traitement à l'égard d'un détenu ainsi que des statistiques sur les poursuites et les peines infligées aux membres de la police et de la gendarmerie pour violations des droits de l'homme.


Examen du rapport

M. GUIBRIL CAMARA, rapporteur du Comité pour le rapport du Cameroun, s'est félicité que le Cameroun soit l'un des rares pays au sud du Sahara à faire des efforts pour s'acquitter de ses obligations au regard de la Convention et pour faire rapport au Comité. Le Cameroun a fournit des efforts remarquables pour mettre sont système juridique en conformité avec les normes internationales, a-t-il estimé. Le rapporteur a toutefois relevé que, paradoxalement, ces efforts ne sont pas suivis d'effet dans la pratique et qu'il semble y avoir une survivance de règles et pratiques incompatibles avec un véritable État de droit. À cet égard, il s'est interrogé sur l'existence, à côté d'une garde à vue judiciaire «normale», d'une garde à vue militaire, dont les règles quant à la durée et au contrôle ne sont pas claires, ainsi que d'une garde à vue administrative qui peut se prolonger jusqu'à 15 jours. En outre, M. Camara a souligné le problème posé par le fait que les chefs traditionnels ont le pouvoir de limiter la liberté individuelle. Il s'est également interrogé sur le délai de transfert qui suit la garde à vue et qui revient à prolonger la garde à vue sans aucun contrôle judiciaire. Il a également demandé des explications sur le rôle et la place du Ministère public ainsi que sur son degré d'indépendance pour exercer un contrôle sur les autorités publiques, militaires ou administratives. En outre, il a demandé si des registres existent afin de contrôler les lieux de détention des personnes arrêtées ou détenues.

M. Camara a également soulevé la question des juridictions exceptionnelles qui existent au Cameroun et, notamment, demandé de quelle juridiction relèvent les ministres ayant commis des infractions de droit commun ou responsables d'actes de torture ou de mauvais traitements. Il a en outre soulevé le problème posé par l'existence de tribunaux militaires, s'interrogeant sur leur compétence à juger des civils. Il s'est également interrogé sur la mise en œuvre de l'obligation d'obéissance à l'autorité légale et sur la façon dont cela affecte la responsabilité pénale d'une personne qui se livrerait à des actes de torture sur l'ordre d'un supérieur.


M. MENGJIA YU, corapporteur du Comité pour le rapport du Cameroun, a pour sa part exprimé sa reconnaissance pour les efforts déployés pour mettre en application les dispositions de la Convention en dépit de la situation économique difficile du pays. Il s'est en particulier félicité des efforts de formation et d'éducation et a engagé le Cameroun à les poursuivre. Il s'est également félicité du fait que le Cameroun ait demandé au Comité international de la Croix-Rouge de visiter ses prisons. Toutefois, malgré tout le travail très positif sur le plan législatif, il s'est étonné que le Comité continue de recevoir des plaintes pour torture et mauvais traitements qui indiquent que les dispositions légales ne sont pas appliquées. Il a souhaité obtenir davantage d'informations notamment sur le cas des gendarmes qui bénéficieraient d'une impunité de fait, ne pouvant être traduits en justice sans une autorisation du Ministère de la défense. Il a demandé si les Comités nationaux qui visitent les prisons publient des rapports et si cette information est à la disposition du public.

Pour ce qui est de la libération provisoire sous caution, M. Yu s'est interrogé sur les mesures prévues pour éviter tout conflit d'intérêt entre les ministères de la justice et de l'intérieur. Il s'est félicité des efforts déployés pour se conformer aux recommandations du Comité notamment en ce qui concerne l'obligation d'enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements. Toutefois, ces enquêtes n'ont pas été souvent très fructueuses, a-t-il relevé. S'agissant du droit de porter plainte, il a souhaité avoir des informations sur les résultats des requêtes reçues par le Comité national des droits de l'homme et demandé si le Procureur peut lui-même initier une procédure à l'encontre d'agents de l'État accusés de torture. M. Yu s'est par ailleurs interrogé sur les efforts en vue de réhabiliter les victimes de la torture. Revenant sur la recommandation précédente du Comité relative à l'irrecevabilité de preuves obtenues par la torture, il a demandé si le Cameroun a pris des mesures pour adopter une législation dans ce sens. Il a aussi demandé ce qui est fait pour luter contre certaines pratiques discriminatoires traditionnelles à l'égard des femmes, qui causent de graves traumatismes.


D'autres membres du Comité ont salué les efforts louables du Cameroun afin d'honorer ses engagements internationaux. Certains ont demandé davantage de précisions sur les dispositions adoptées ou prévues pour éliminer l'utilisation de toute preuve obtenue par la torture. Certains se sont également interrogés sur le rôle, les prérogatives et les pouvoirs des Chefs traditionnels, en particulier au regard des allégations selon lesquelles certains d'entre eux livrent une justice expéditive et pratiquent la torture. Plusieurs experts ont par ailleurs posé des questions sur les conditions de détention, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins, la surpopulation, la protection des femmes contre les violences sexuelles ou encore les décès en prison. Ils ont en outre exprimé leur préoccupation face au maintien de juridictions d'exception et demandé des précisions sur leurs compétences.

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