Communiqués de presse
POUR UNE NOUVELLE PERIODE D’UN AN, LE CONSEIL DEMANDE A LA COUR PENALE INTERNATIONALE DE S’ABSTENIR DE POURSUIVRE LE PERSONNEL DE MAINTIEN DE LA PAIX D’UN ETAT NON PARTIE A SON STATUT
12 juin 2003
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Conseil de sécurité
12 juin 2003
4772e séance – matin
Après un débat public sur le renouvellement des dispositions de la résolution 1422, tenu, ce matin, à la demande de la Nouvelle-Zélande, du Canada, de la Jordanie, de la Suisse et du Liechtenstein, et en présence du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, le Conseil de sécurité a choisi de ne pas suivre la recommandation de ces Etats qui se sont prononcés contre ce renouvellement. Par la résolution 1487 adoptée par 12 voix pour et les abstentions de l’Allemagne, de la France et de la Syrie, le Conseil de sécurité a «demandé que, s’il survenait une affaire concernant des responsables ou des personnels d’un Etat contributeur non partie au Statut de Rome en raison d’actes ou d’omissions liées à des opérations établies et autorisées par l’ONU, la Cour pénale internationale (CPI), pendant une période de 12 mois commençant le 1er juillet 2003, n’engage ni ne mène aucune enquête ou aucune poursuite, sauf si le Conseil de sécurité en décide autrement».
Se félicitant du renouvellement des dispositions d’une résolution adoptée à l’unanimité le 12 juillet 2002, le représentant des Etats-Unis, James Cunningham, a souligné l’importance des opérations de maintien de la paix de l’ONU et la nécessité pour les pays fournisseurs de contingents «de ne pas nourrir de préoccupations à propos de la juridiction de la Cour». Pour expliquer le changement de son vote, le représentant de la France, Michel Duclos, a affirmé que l’année dernière, à la suite de longues et parfois difficiles négociations, la France, comme les autres Etats membres du Conseil, avait souscrit pour un an aux exemptions prévues afin de tenir compte du risque de ne pas pouvoir renouveler le mandat de certaines forces ou missions des Nations Unies, et du souci de laisser aux Etats-Unis un délai supplémentaire pour trouver une solution durable à leurs préoccupations. Ces deux éléments appartiennent maintenant à un contexte dépassé.
Cet avis n’a pas été partagé par le représentant des Etats-Unis. Nous sommes, a-t-il dit, partisans des mesures prises par le Conseil en ce qui concerne les Tribunaux internationaux parce qu’ils sont responsables devant le Conseil, contrairement à la CPI qui n’est pas une institution de l’ONU. La CPI est une institution «tronquée», a-t-il estimé en saluant le fait que la résolution soit un compromis qui respecte les vues des Etats parties et non parties du Statut de Rome. Dans le même ordre d’idées, le représentant de la Fédération de Russie et Président du Conseil pour le mois de juillet, Sergey Lavrov, a espéré que le travail concret de la Cour permettra de dissiper les doutes persistants quant à son efficacité et sa faculté de fonctionner en toute impartialité. L’impartialité de la Cour a été défendue vigoureusement par les opposants au renouvellement des dispositions de la résolution qui ont invoqué, pour étayer leurs propos, les garanties prévues dans le Statut de Rome contre les «poursuites futiles ou politiquement motivées».
Les délégations ont aussi invoqué l’intégrité intellectuelle des juges et du Procureur d’une Cour devenue opérationnelle depuis le 11 mars 2003. S’engageant dans un débat juridique, plusieurs intervenants ont contesté la référence à l’article 16 du Statut de Rome contenue dans la résolution. A l’instar du Secrétaire général de l’ONU, ils ont estimé que cet article concerne une situation particulière et non pas une situation générale comme celle qu’envisage la résolution adoptée aujourd’hui.
D’autres arguments sont venus conforter la thèse de l’inutilité de la résolution, décriée par de nombreuses délégations. Elles ont argué que les compétences de la CPI concernent des crimes d’une telle gravité qu’il serait «improbable et hypothétique» de prévoir une implication des soldats de la paix. Les délégations ont aussi rappelé le principe de complémentarité, consacré par le Statut de Rome dont l’article 17 prévoit qu’aucune affaire ne peut être portée devant la Cour si elle fait l’objet d’une enquête par l’Etat d’origine de l’accusé.
Résumant le sentiment général, le représentant de la France a estimé, comme de nombreuses délégations qu’«au moment où la Cour pénale internationale se met en place, il n’est pas approprié de renouveler pour un an les exemptions accordées à certains personnels d’Etats non parties au Statut de Rome. Un tel renouvellement risque en effet d’accréditer la perception d’une permanence de ces exemptions». Le représentant français a formé le vœu, comme beaucoup d’autres, qu’à l’issue de ce nouveau délai d’un an qu’il vient d’accorder, le Conseil de sécurité adopte l’année prochaine une position différente.
Outre les membres du Conseil, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Canada, Nouvelle-Zélande, Jordanie, Suisse, Liechtenstein, Grèce (au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés), République islamique d’Iran, Uruguay, Brésil, Malawi, Pérou, Trinité-et-Tobago, Argentine, Afrique du Sud, Nigéria, République démocratique du Congo et Pays-Bas.
MAINTIEN DE LA PAIX PAR LES NATIONS UNIES
Déclarations
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, tout en rappelant que le vote d’aujourd’hui est motivé par les dispositions de l’article 16 du Statut de Rome, a estimé que ce dernier vise une demande concernant une situation particulière et non pas une situation générale telle que celle à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Cependant, il ne fait pas de doute que le Conseil agit de bonne foi et que l’objectif est de faire en sorte que les opérations de maintien de la paix se poursuivent et que tous les Etats y participent, qu’ils soient Etats parties ou non au Statut de Rome. Néanmoins, a poursuivi M. Annan, la demande soumise aujourd’hui n’apparaît pas nécessaire. En effet, depuis que l’ONU existe, aucun soldat de maintien de la paix ou membre d’une Mission des Nations Unies n’a été compromis dans des crimes qui relèvent de la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI). Cette demande concerne non seulement une situation hypothétique mais également hautement improbable. En outre, les personnes affectées à des opérations de maintien de la paix continuent de relever de la compétence juridictionnelle de leurs Etats d’origine.
Aux termes de l’article 17, aucune affaire ne peut être portée devant la CPI si elle fait l’objet d’une enquête de l’Etat d’origine de l’accusé, sauf si dernier n’a pas la possibilité de mener à bien les poursuites. Nous devons formuler l’espoir que cette résolution sera sans effet. L’année passée, il nous a semblé raisonnable d’adopter cette résolution afin de donner plus de temps aux Etats Membres pour étudier le Statut de Rome et ses implications. Nous pouvons à nouveau renouveler cette demande pour une période de 12 mois car la Cour en est encore à ses débuts. Cependant, cela ne doit pas devenir une routine annuelle car la communauté internationale risquerait de penser que Conseil souhaite revendiquer une immunité absolue et permanente pour le personnel des opérations de maintien de la paix et cela ne ferait qu’affaiblir sa légitimité. (voir communiqué de presse SG/SM/8749 pour la version intégrale du discours)
M. PAUL HEINBECKER (Canada) a rappelle que la situation exceptionnelle créée par la résolution 1422 ne doit pas devenir permanente. L’an dernier, le Conseil a entendu de nombreux membres s’opposer vivement à cette résolution. Leurs préoccupations sont toujours présentes. Pour sa part, le Canada estime que le projet de résolution dont est saisi aujourd’hui le Conseil est inutile et risque d’atténuer l’importance des principes d’obligation de rendre compte et de justice pour les victimes. Il craint également qu’elle ne sape les principes fondamentaux du droit international et n’est pas convaincu que les dispositions de ce texte soient compatibles avec le mandat du Conseil. Tout en respectant le droit des Etats de ne pas être membres de la Cour pénale internationale, la délégation canadienne estime néanmoins que le renouvellement de la résolution est contre-productif. Nous comprenons les inquiétudes suscitées par les diverses plaintes non fondées déposées auprès des tribunaux nationaux et internationaux, a indiqué M. Heinbecker, soulignant que le Canada ne souhaite nullement que les citoyens de quelque pays que ce soit, soient soumis à un harcèlement politique dans des enceintes judiciaires. La Cour n’est pas là pour les poursuites futiles, mais constitue plutôt un remède à ces poursuites. L’extraordinaire panoplie de garanties intégrées dans son Statut permet de filtrer et rejeter toutes les plaintes superficielles qui pourraient être présentes. Ces garanties portent sur la définition précise des crimes dont connaîtra la Cour, l’obligation faite au Procureur de ne retenir que les plaintes les plus graves, le pouvoir donné aux Etats de démettre les procureurs de leur fonction dans le cas d’un abus de pouvoir, et surtout le principe de complémentarité.
Compte tenu des garanties et du principe de complémentarité, le seul moment où la résolution pourra être appliquée sera lorsqu’un soldat du maintien de la paix se livrera aux pires crimes internationaux et que son pays refusera d’enquêter ou d’engager des poursuites. La seule incidence possible de ce projet de résolution est d’accorder l’impunité dans un tel cas, pour les crimes violant le droit international. Le caractère dissuasif de la Cour est, de l’avis de la délégation canadienne, essentiel pour épargner peut-être des vies humaines à l’avenir. La juridiction d’un Etat sur les crimes commis sur son propre territoire n’est absolument pas en cause et c’est pourquoi, il est de l’intérêt de chacun d’avoir un système fondé sur la loi. Le Canada est préoccupé par le fait que le Conseil, agissant en notre nom, semble prendre position pour l’impunité dans la résolution 1422, même pour les pires crimes internationaux. La délégation canadienne est également perplexe devant l’absence apparente de menace à la paix et à la sécurité internationales, alors que cette menace est la condition préalable essentielle à toute intervention en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Elle exhorte donc le Conseil de sécurité à ne pas renouveler indéfiniment les dispositions contenues dans la résolution 1422.
M.TIM M CIVOR (Nouvelle-Zélande) a réitéré sa préoccupation face à l’inclusion d’une procédure spéciale prévue par l’article 16 du Statut de Rome dans une résolution générique afin de garantir l’immunité au personnel engagé dans des opérations établies ou autorisées par les Nations Unies. Une nouvelle fois, le représentant a dit ne pas comprendre l’utilité d’une immunité compte tenu du degré requis pour la gravité des crimes et du caractère complémentaire de la CPI. La conjugaison de ces deux facteurs était improbable l’année dernière et elle le reste aujourd’hui, a estimé le représentant. De plus, a-t-il poursuivi, on ne saurait instaurer de doubles standards pour le personnel engagé dans les missions des Nations Unies. Tenter de mettre un tel personnel au-dessus des lois compromet non seulement leur autorité morale mais aussi l’institution indispensable que sont les opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Pour la Nouvelle-Zélande, le renouvellement des dispositions de la résolution 1422 sur une base annuelle n’est pas conforme aux termes et aux objectifs de l’article 16 du Statut de Rome. Ce renouvellement, a insisté le représentant, touche directement les obligations des Etats parties au Statut sans leur consentement. Une telle approche repousse les limites légitimes du rôle et de la responsabilité du Conseil. Maintenant que la CPI est fonctionnelle, il faut espérer que, dans l’avenir, le Conseil sera en mesure de tirer partie de son efficacité et de sa compétence et, par conséquent, de déclarer inutile le renouvellement des termes de la résolution 1422, a conclu le représentant.
M. ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN (Jordanie) a rappelé que la Cour pénale internationale (CPI) dispose à présent d’une adresse, de dirigeants et de personnel. Le nombre d’Etats qui ont adhéré au Statut de Rome ne cesse d’augmenter. La CPI a reçu près de 200 lettres présentant des plaintes et commencera à fonctionner pleinement une fois que le greffier aura été nommé et que le personnel du Bureau du procureur sera en place. Nous sommes bien conscients des tensions et des pressions que le Conseil de sécurité a dû surmonter au cours des dix derniers mois et nous ne souhaitons pas perturber davantage le Conseil de sécurité. En dépit du fait que le projet de résolution soumis au vote aujourd’hui sera probablement adopté sou peu, nous demeurons convaincus que le Conseil devra en temps voulu réexaminer la pertinence d’un tel renouvellement.
Nous sommes en effet préoccupés par le fait que ce texte tente de placer des gens au-dessus de la loi. Ses dispositions sont à notre avis une mauvaise façon d’appliquer l’article 16 du Statut. Elles contreviennent à ce qui a été établi par le Statut de Rome sur l’autorité habilitée à examiner les cas criminels liés au personnel d’une opération de maintien de la paix d’un Etat non partie. Le Conseil ne devrait pas modifier les traités négociés auparavant. La CPI deviendra notre conscience permanente, a poursuivi le représentant. La Cour ne se manifestera que lorsqu’un Etat qui aurait dû s’acquitter d’une poursuite ne l’aura pas fait. En aucun cas, elle ne peut remplacer la juridiction nationale mais elle permet cependant de rappeler aux Etats leurs obligations juridiques et morales. La Cour deviendra le plus sûr compagnon de la paix mondiale et, étant donné ce que l’on a vu et constaté par le passé, elle ne saurait entrer en action trop tôt.
M. JENO STAEHELIN (Suisse) est d’avis qu’il est très préoccupant de voir le Conseil de sécurité adopter une résolution dans le but de limiter la portée d’un traité en vigueur. La Suisse désapprouve la résolution 1422 dans son principe aussi bien que dans ses modalités. Ce texte oppose la juridiction pénale internationale aux opérations de maintien de la paix et cette approche est erronée car loin d’être en contradiction, les deux de complètent. L’article 16 du Statut de Rome est conçu pour être appliqué au cas par cas et non pour être utilisé comme fondement, à titre préventif, d’une immunité globale pour tous les participants à des opérations de maintien de la paix. La résolution 1422 porte clairement atteinte à un progrès historique. La lutte contre l’impunité doit devenir encore plus universelle, avec le soutien de tous. C’est pourquoi la Suisse déplore la perspective d’un renouvellement de la résolution 1422.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a rejeté toute automaticité dans le renouvellement des dispositions de la résolution 1422. Critiquant les dispositions de cette dernière, il a souligné qu’elle invoque le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies sans pourtant définir la menace à la paix et à la sécurité internationales. Cela impliquerait, s’est étonné le représentant, la notion indéfendable que la CPI constitue une telle menace. La résolution se targue d’être conforme à l’article 16 du Statut de Rome alors même qu’elle viole à la fois la lettre et l’esprit de cette disposition, a encore estimé le représentant. L’article, a-t-il souligné, n’a jamais visé à devenir un instrument d’octroi de l’impunité à une catégorie de personnes. L’adoption d’une telle résolution, a poursuivi le représentant, pose la question plus générale du système international d’élaboration des traités. Le Conseil de sécurité n’a aucune compétence dans l’adoption et l’interprétation des traités internationaux et, en tentant de s’en offrir une, il ne fait qu’affaiblir le système établi par la Charte des Nations Unies.
Si les nombreuses garanties qu’offre le Statut de Rome contre les poursuites frivoles et politiquement motivées ne suffisent pas, il suffit simplement d’observer la compétence et l’intégrité des juges élus à la CPI. La Cour ne fera pas de politique, elle rendra justice, a insisté le représentant en arguant que le renouvellement des dispositions de la résolution 1422 serait la pire réponse aux questions posées lors de son adoption. Le risque le plus grand réside dans le fait que la CPI pourrait avoir à traiter de la légalité de la décision du Conseil et, ce faisant, compromettre ses relations entre cette instance. Ces relations, a rappelé le représentant, sont l’un des aspects les plus équilibrés du Statut de Rome. En fait, a-t-il conclu, la résolution 1422 affaiblit surtout l’autorité du Conseil puisqu’elle pose la question de la crédibilité et de la légalité de son action. Au moment où la pertinence du Conseil et de l’Organisation des Nations Unies est remise ouvertement en question, le Conseil devrait s’abstenir de renouveler les dispositions de la résolution 1422.
M. ADAMANTIOS TH. VASSILAKIS (Grèce), au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, a rappelé que la mise en place de la Cour pénale internationale représente une étape importante dans le développement du droit international en vue de mettre fin à l’impunité. Elle est non seulement une institution judiciaire mais aussi un moyen de promouvoir le respect du droit international humanitaire. Dans ce sens, l’objectif du Statut de Rome est conforme aux buts et principes de la Charte de l’ONU. L’Union européenne avait appuyé fermement la mise en place rapide de la CPI et restera engagée à la poursuite de son bon fonctionnement. Nous nous sommes engagés en faveur de la promotion de la participation la plus large à la CPI et avons mis à sa disposition notre assistance technique au mieux de nos capacités. L’Union européenne est déterminée à promouvoir les valeurs, les principes et la diffusion du Statut et des autres instruments de la CPI.
Les préoccupations des Etats-Unis concernant des poursuites à motivation politique sont infondées car des garanties existent dans le Statut de Rome contre une telle pratique. Nous souhaitons également souligner la moralité et l’intégrité des dix-huit juges de la Cour qui ont été élus parmi les plus qualifiés dans le monde. Le Statut établit en outre le principe de complémentarité qui impose la responsabilité des poursuites aux tribunaux nationaux. L’Union européenne estime que la CPI n’est pas une menace au maintien de la paix, mais une garantie pour protéger les soldats contre les crimes graves. Nous estimons dans ce contexte que le renouvellement dans les même conditions de cette résolution ne peut être automatique sans prendre en compte les conditions spécifiques au nom desquelles la demande de renouvellement est formulée. Cela serait contraire à la lettre et à l’esprit du Statut de Rome qui vise à mettre fin à l’impunité pour les crimes les plus graves qui inquiètent la communauté internationale.
M. JAVAD ZARIF (République islamique d'Iran) a qualifié de “dangereuse” la tendance consistant à compromettre le droit international et la crédibilité du Conseil de sécurité. La requête du Conseil, a-t-il dit, exige une extrême prudence, en particulier après les opérations militaires illégales en Iraq. La résolution 1422, a-t-il poursuivi, est perçue par beaucoup comme illégale et comme questionnant l’autorité d’un organe basé sur un traité international. La résolution piétine gravement le Statut de Rome conclu entre Etats conformément au droit des traités qui ne reconnaît à ces derniers que le droit d’interpréter et d’amender ledit traité. Tout en comprenant la nécessité de préserver les opérations de maintien de la paix, qui a présidé à l’adoption de la résolution 1422, le représentant a demandé que le sauvetage du système de ces opérations ne se fasse pas au détriment du Statut de Rome. Il a regretté qu’une approche unilatérale, fondée sur la notion inacceptable de placer un pays au-dessus des lois, ait créé une situation intenable au sein du Conseil et dans les relations internationales en général. Il ne fait aucun doute, a-t-il conclu, qu’une telle approche va à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la Charte des Nations Unies, en particulier de son Article 24 qui stipule que le Conseil agit au nom des Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies.
M. FELIPE H. PAOLILLO (Uruguay) a estimé que l’entrée en vigueur du Statut de Rome et la création de la Cour pénale internationale (CPI) ont lancé un message clair à la communauté internationale. Une nouvelle étape susceptible d’apporter des résultats concrets en matière de répression de crimes graves a été ouverte. Nous sommes convaincus que la simple existence de la CPI est un facteur de dissuasion. C’est pourquoi, nous sommes préoccupés par la perspective de renouveler l’application de la résolution 1422 car cette dernière va à l’encontre de la compétence de la Cour. Outre son fondement juridique contestable, la résolution n’est pas nécessaire et l’intégrité morale des juges représente une garantie supplémentaire. En outre, il ne faut pas perdre de vue les principes qui régissent les activités de la Cour et notamment sa complémentarité avec les juridictions nationales. Cette résolution crée une étrange discrimination entre les auteurs des crimes les plus ignobles. Les Uruguayens –plus de 1 800 soldats- qui participent à des opérations de maintien de la paix ont accepté les conséquences des actes criminels qu’ils pourraient perpétrer et nous estimons que tous ceux qui agissent pour la paix doivent répondre aux mêmes règles.
M. ISAAC. C. LAMBA (Malawi) a estimé que la question dont le Conseil est saisi est importante tant pour la Charte des Nations Unies que pour le rôle du Conseil en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales. Il a rappelé qu’après les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale, les puissances victorieuses avaient décidé de traduire en justice ceux qui avaient perpétré les crimes les plus graves. La question d’un Tribunal pénal international a été posée, dès ce moment-là, a encore rappelé le représentant. Après des négociations longues et ardues, a-t-il dit, la Conférence de Rome est venue couronner tous ces efforts. En effet, sans un mécanisme intergouvernemental crédible pour punir les actes criminels, la stabilité et la paix mondiales ne peuvent être assurées. L’anarchie règnera, en particulier en Afrique où la majorité des missions de la paix sont déployées. La résolution 1422, a donc argué le représentant, risque de saper les jalons acquis lors de la Conférence de Rome. La résolution affaiblit la croisade mondiale contre les catastrophes, comme en particulier au Rwanda ou en Bosnie-Herzégovine. Le représentant a voulu que l’on examine les avantages de la CPI comme élément dissuasif et encourageant la paix dans le monde. Toute dérogation au Statut de Rome ouvrirait la voie à de nouvelles négociations qui auraient des effets négatifs sur le rôle de la CPI. Le renouvellement de la résolution 1422 ne pourrait qu’éroder la volonté politique naissante de promouvoir l’élan créé par la CPI dans la lutte contre les crimes contre l’humanité. En cas de renouvellement de la résolution, s’est interrogé le représentant, comment empêcher qu’elle ne devienne un élément permanent des décisions du Conseil?
Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a souligné que le Statut de Rome offre toutes les garanties contre un recours abusif à la juridiction de la Cour pénale internationale. Elle a estimé, en conséquence, que les efforts visant à créer un système d’immunité sont à la fois illégaux et contre-productifs. Le maintien de la paix et de la sécurité ainsi que la poursuite des crimes graves ne doivent pas être perçus comme des objectifs conflictuels, a déclaré l a représentant e. Elle s’est dit préoccupé e par tout effort visant à réinterpréter ou à réexaminer le Statut de Rome et, ce, en violation avec la pratique du droit international et la Convention de Vienne sur le droit des traités. La CPI, a-t- elle rappelé, dispose de ses propres procédures d’amendement. L a représentant e a donc exprimé sa grande préoccupation devant le renouvellement des dispositions de la résolution 1422 d’autant plus que les opérations de maintien de la paix et la CPI sont les deux piliers de la réalisation des objectifs des Nations Unies. Il faut s’assurer que ces deux instruments fonctionnent de manière cohérente en se renforçant mutuellement, a souhaité la représentante.
M. OSWALDO DE RIVERO (Pérou), au nom du Groupe de Rio, a estimé que la communauté internationale a besoin du droit international. Nous avons une obligation collective de lutter contre les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre. Par conséquent, la participation de la CPI à la répression de crimes qui constituent une menace contre l’humanité revêt une importance particulière. Les décisions du Conseil de sécurité doivent renforcer la coopération internationale afin d’encourager le respect des droits de l’homme et de la justice internationale. Le Conseil de sécurité envisage d’adopter une prolongation du statut d’exception approuvé l’année dernière. Cependant, le Groupe de Rio estime que l’exception énoncée ne doit pas devenir permanente. Nous sommes convaincus que le Conseil contribuera au renforcement de la CPI et souhaitons que ses rapports avec la CPI soient marqués par le sceau de la coopération car leurs rôles sont complémentaires.
M. ANTHONY DAVID EDGHILL (Trinité-et-Tobago) s’est dit préoccupé par toute mesure qui pourrait menacer les objectifs de la CPI et, en conséquence, par la proposition de renouveler les dispositions de la résolution 1422. Cette résolution, a-t-il argué, est incompatible avec les dispositions du Statut de Rome puisqu’en accordant une immunité globale à une certaine catégorie de personnel appartenant à un Etat non partie, elle viole l’article 16 du Statut. Il a été prévu, a-t-il rappelé, que cet article soit appliqué de façon ponctuelle dans les situations exceptionnelles prévues par le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Par conséquent, tout renouvellement annuel irait à l’encontre du Statut. De plus, ce dernier constitue un tout qui reflète les intérêts et préoccupations des Etats Membres et qui protègent donc des poursuites politiquement motivées. Le représentant a, en outre, souligné le principe de la complémentarité de la Cour. De ce fait, a-t-il argué, l’exemption accordée par le Conseil par la résolution 1422 est inutile et injustifiée. Le renouvellement d’une telle résolution va à l’encontre de la Charte des Nations Unies puisqu’il invoque à mauvais escient le Chapitre VII.
M. ARNOLDO M. LISTRE (Argentine) a rappelé que les discussions d’aujourd’hui touchent deux éléments fondamentaux: la paix et la justice qui sont des objectifs complémentaires. La Cour pénale internationale (CPI) a été créée dans l’objectif de réconcilier l’intérêt de la communauté internationale dans son ensemble avec les objectifs nationaux de souveraineté et de sécurité. L’adoption de la résolution 1422 était liée au renouvellement du mandat de la mission en Bosnie-Herzégovine et sa prolongation ne doit pas devenir une exception permanente car cela compromettrait la portée du Statut de la Cour, lequel apporte les garanties nécessaires pour que cette dernière ne dépasse pas ses compétences. Nous ne comprenons donc pas les craintes et les inquiétudes d’un pays qui aurait confiance dans son propre système judiciaire. La CPI est un instrument visant à assurer l’application des droits humains fondamentaux. L’augmentation du nombre de pays qui accèdent au Statut de Rome montre que la communauté internationale lui donne l’appui et la crédibilité qui lui revient. Dans ce contexte, nous formulons l’espoir que ce débat permettra de surmonter les craintes de certains pays car le Statut de Rome n’entre pas en conflit avec la Charte des Nations Unies mais il est instrument de dissuasion pour ceux qui seraient tentés de commettre des crimes odieux.
M. DUMASANI S. KUMALO (Afrique du Sud) a jugé inacceptable tout renouvellement de la résolution 1422 avant de souligner que la création de la CPI illustre de manière suffisante la norme émergente dans le droit international qui assure que les personnes accusées des crimes les plus graves soient poursuivies par les autorités compétentes de leur pays ou traduites devant une cour internationale dûment instituée. L’Afrique du Sud espère que le Conseil de sécurité fera activement la promotion de cette norme émergente. Le représentant a donc appelé le Conseil, garant du maintien et de la sécurité internationales, à user judicieusement de son autorité, dans l’intérêt de l’humanité, et de ne pas permettre que l’on compromette la CPI et la finalité de la justice pénale internationale.
M. ARTHUR C.I. MBANEFO (Nigéria) a fait observer que l’augmentation du nombre d’Etats qui accèdent au Statut de Rome est encourageante et montre que la Cour pénale internationale (CPI) est acceptée comme étant indispensable. Elle sert d’institution judiciaire pénale permanente crédible pour la communauté internationale. Nous prenons note de la nature non rétroactive de sa compétence et le fait que cette dernière ne peut être invoquée que si les juridictions nationales n’ont pas entamé de poursuites. Les compétences professionnelles et l’intégrité des juges sont une garantie supplémentaire contre des poursuites futiles. L’article 16 du Statut de Rome n’a pas pour objet d’être invoqué de façon préventive. Nous estimons donc que la résolution 1422 risque de saper la portée de la CPI et invoquer l’article 16 dans les circonstances actuelles est inutile. Tout comme le terrorisme international est un affront à la paix et à la sécurité internationales, l’impunité menace la conscience de l’humanité. La CPI offre, dans ce contexte, une occasion unique d’écrire le dernier chapitre du ressentiment mondial contre l’impunité.
M. ZENON MUKONGO NGAY (République démocratique du Congo) a articulé son intervention autour de trois questions, à savoir l’importance de la CPI, l’engagement de la RDC à son égard, et l’opportunité de renouveler la résolution 1422. Le rôle de la CPI dans la lutte contre l’impunité, a-t-il dit, est complémentaire du rôle du Conseil dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il est illusoire, a—t-il dit, de croire qu’une société peut atteindre la paix et la stabilité sans s’efforcer de faire la lumière sur les crimes commis, déterminer la responsabilité des uns et des autres, et faire droit aux victimes. La RDC ne saurait trop rappeler son engagement à l’égard de la CPI qui a été confirmé, en 2002, lorsqu’en offrant la 60e ratification, elle a permis l’entrée en vigueur du Statut de Rome. Le représentant a argué que l’indépendance de la CPI vis-à-vis du Conseil est un gage majeur à la réalisation des objectifs qui lui sont assignés. Une CPI, débarrassée de soupçons de partialité politique, ralliera tout le monde, a-t-il dit.
Le représentant a donc plaidé pour le respect de l’intégrité du Statut de la Cour. Après avoir retracé l’histoire de la création de la Cour, il a demandé au Conseil s’il était prêt à assumer la responsabilité historique de gêner constamment la Cour. Il s’est ainsi interrogé sur la nécessité de renouveler la résolution 1422 au moment où les nouvelles générations veulent voir fonctionner la toute première Cour pénale internationale. Maintenant que sa mise en place est terminée, il faut lui laisser la liberté de faire ses preuves. Elle devra surtout assumer le rôle de dissuader les délinquants d’accomplir leur sale besogne. La RDC attend de la Cour qu’elle soit un cadre d’espoir et un pas de géant vers l’universalisation des droits humains et la primauté du droit, a conclu le représentant.
M. DIRK JAN VAN DE N BERG (Pays-Bas) a rappelé que son pays est en mesure de constater l’évolution au quotidien de la Cour pénale internationale et que son établissement s’est déroulé comme prévu. Il ressort tant du texte que des travaux préparatoires sur l’article 16 que les enquêtes ou poursuites ne peuvent être suspendues qu’au cas pas cas pour une période de temps limitée en cas de menace à la paix et à la sécurité internationales. Les Pays-Bas se sont engagés à défendre et à honorer l’intégrité de la CPI et croient fermement que la résolution 1422 sape l’esprit et la lettre du Statut de la CPI. Il convient donc d’en rejeter le renouvellement et ne pas aller dans le sens de son renouvellement automatique.
Projet de résolution S/2003/630
Le Conseil de sécurité,
Prenant acte de l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, du Statut de la Cour pénale internationale, fait à Rome le 17 juillet 1998 (le Statut de Rome),
Soulignant l’importance que revêtent les opérations des Nations Unies pour la paix et la sécurité internationales,
Notant que tous les États ne sont pas parties au Statut de Rome,
Notant que les États parties au Statut de Rome ont choisi d’accepter la compétence de la Cour conformément au Statut et en particulier au principe de complémentarité,
Notant que les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome continueront de s’acquitter de leurs responsabilités devant leurs juridictions nationales en ce qui concerne les crimes internationaux,
Considérant que les opérations établies ou autorisées par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies ont pour mission de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité internationales,
Considérant en outre qu’il est dans l’intérêt de la paix et de la sécurité internationales de faire en sorte que les États Membres soient en mesure de concourir aux opérations décidées ou autorisées par le Conseil de sécurité,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1.Demande, conformément à l’article 16 du Statut de Rome, que, s’il survenait une affaire concernant des responsables ou des personnels en activité ou d’anciens responsables ou personnels d’un État contributeur qui n’est pas partie au Statut de Rome en raison d’actes ou d’omissions liés à des opérations établies ou autorisées par l’Organisation des Nations Unies, la Cour pénale internationale, pendant une période de 12 mois commençant le 1er juillet 2003, n’engage ni ne mène aucune enquête ou aucune poursuite, sauf si le Conseil de sécurité en décide autrement ;
2.Exprime l’intention de renouveler, dans les mêmes conditions, aussi longtemps que cela sera nécessaire la demande visée au paragraphe 1, le 1er juillet de chaque année, pour une nouvelle période de 12 mois;
3.Décide que les États Membres ne prendront aucune mesure qui ne soit pas conforme à la demande visée au paragraphe 1 et à leurs obligations internationales;
4.Décide de rester saisi de la question.
Explications de position
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) s’est dit convaincu que les crimes contre l’humanité ne peuvent jouir de l’impunité surtout en cas d’occupation ou de terrorisme d’Etat. Les mesures nécessaires doivent être prises par les autorités nationales et ce n’est que lorsque ces mesures s’avèrent insuffisantes qu’un recours aux mécanismes internationaux s’impose. C’est dans cet esprit, a indiqué le représentant, que le Pakistan avait voté en faveur du Statut de Rome. Depuis lors, le pays a suivi l’évolution de la situation, en particulier, la mise en place de la CPI au mois de mars dernier. L’existence de la Cour doit avoir un effet dissuasif. Malheureusement, a estimé le représentant, le Statut de Rome ne prévoit pas l’ajout de réserves comme celles que le Pakistan aurait eues sur la question des mécanismes d’ouverture des procédures d’enquête et de poursuites ou encore de l’immunité des chefs d’Etat ou de gouvernement.
Le Pakistan, a rappelé le représentant, est le principal contributeur aux opérations de maintien de la paix. Ses soldats ne sauraient être exposés à des mesures unilatérales de la part d’un quelconque organisme national ou international. Le Pakistan se réserve en effet le droit de se prononcer dans les affaires impliquant ses ressortissants au sein des forces de maintien de la paix. Le représentant a donc appuyé les objectifs du projet de résolution tout en respectant les réserves des autres Etats. Un renouvellement automatique pourrait être évité, à l’avenir, si des dispositifs distincts sont pris, a conclu le représentant en soulignant néanmoins que le Conseil n’est pas habilité à amender les traités et les accords internationaux.
M . IYA TIDJANI (Cameroun) s’est félicité du fait que le débat de ce matin, à quelques jours de la célébration de l’entrée en vigueur du Statut de Rome, ait bénéficié de la réflexion féconde des Etats non Membres. Parce que le Cameroun est un Etat de droit épris de paix, apôtre impitoyable de la lutte contre l’impunité, il s’est entièrement investi dans les négociations du Statut de Rome. Pour le Cameroun, la CPI aura renforcé la capacité des structures existantes en matière de renforcement de la sécurité et de la paix internationales. Le rapport entre le Conseil de sécurité et la CPI doit être envisagé sous l’angle de la coopération et de la complémentarité. L’année dernière, un accord consensuel sur la référence à l’article 16 qui permettait de répondre aux préoccupations d’un Etat Membre des Nations Unies était apparu. Le Cameroun avait alors voté en faveur de la résolution 1422. Au moment où le Conseil s’apprête à prendre une décision, nous réaffirmons que ceux qui agissent au sein du Conseil de sécurité ont le devoir d’agir en faveur de maintien de la paix dans le respect du droit interne et de la vie. Le renouvellement qui va avoir lieu aujourd’hui ne doit pas devenir une routine. Nous lançons donc un appel pour la poursuite de la réflexion et du dialogue entre les différentes parties. Le débat d’aujourd’hui démontre qu’il n’appartient pas au Conseil de sécurité de réécrire le Statut de Rome.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a souligné que la résolution 1422 est une mesure d’exception qui ne saurait être permanente ou renouvelable de manière automatique. Il a dit attendre le jour où de telles résolutions ne seront plus requises. La résolution 1422 et celle adoptée aujourd’hui sont conformes à l’article 16 du Statut de Rome. Elles ne sapent en aucun cas la Cour, ni ne portent atteinte à l’intégrité du Statut de Rome. Le renouvellement de la résolution 1422 permettra aux Etats–Unis de continuer à participer aux opérations de maintien de la paix. La résolution, a précisé le représentant, ne prévoit aucune immunité généralisée.
M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) s’est félicité du renouvellement du compromis de la résolution 1422. Cette résolution donne exemption aux Etats non parties au Statut de la Cour pénale internationale qui participent aux opérations de maintien de la paix des Nations UNies. Elle est conforme aux principes du droit international et n’affecte ni les parties à la CPI ni le Statut de Rome de même qu’elle ne crée pas de catégorie de personnel au-dessus de la loi car la CPI n’est pas la loi. Les opérations de maintien de la paix de l’ONU sont importantes si le Conseil veut remplir son mandat. Or, il n’est pas toujours facile de recruter des pays fournisseurs de contingent. C’est pourquoi, aucun Etat Membre ne doit avoir de préoccupation à propos de la juridiction de la Cour. La résolution n’est pas inutile, nos points de vue ne sont pas exagérés et ne manquent pas de fondement. Les Etats-Unis ont rempli un rôle de leadership dans la lutte contre les crimes de guerre. Il a même été un des premiers pays à codifier le droit international. Nous sommes partisans des mesures prises par le Conseil en ce qui concerne les Tribunaux internationaux car ces derniers sont responsables devant le Conseil, au contraire de la CPI qui n’est pas une institution de l’ONU. Priver un citoyen de sa liberté est quelque chose de redoutable et la CPI n’a pas le droit de priver les Américains de leur liberté. La CPI est une institution tronquée et la résolution constitue un compromis respectant les vues de ceux qui appuient la CPI et de ceux qui ne l’appuient pas.
M. MICHEL DUCLOS (France), expliquant les raisons pour laquelle sa délégation s’est abstenue lors du vote sur le projet de résolution présenté par les Etats-Unis et visant à renouveler pour un an les dispositions de la résolution 1422 (2002), a rappelé que le paragraphe 2 du dispositif de ladite résolution ne comportait pas d’engagement sur un renouvellement automatique. L’année dernière, à la suite de longues et parfois difficiles négociations, a-t-il poursuivi, la France comme les autres Etats membres du Conseil avait souscrit pour un an aux exemptions prévues dans par la résolution 1422. Elle l’avait fait pour tenir compte de deux éléments circonstanciels très importants: le risque existant alors quant au non renouvellement du mandat de certaines forces ou missions des Nations Unies; et le souci de laisser aux Etats-Unis un délai supplémentaire pour trouver une solution durable à leurs préoccupations concernant le statut de la Cour pénale internationale.
Ces deux éléments appartiennent maintenant à un contexte dépassé, a observé M. Duclos, et depuis, d’autres développements sont intervenus qui nous paraissent répondre aux préoccupations exprimées par les Etats-Unis. Il a notamment jugé improbable que se reproduise un cas conduisant à la mise en œuvre de la résolution 1422, soulignant par ailleurs que, suite à l’élection des dix-huit juges et du Procureur de la Cour pénale internationale dont la qualité et la compétence sont reconnues, la crédibilité de cette juridiction internationale apporte la meilleure garantie contre les soupçons concernant une cour «politiquement motivée». Enfin, a-t-il ajouté, au moment où la Cour pénale internationale se met en place, il ne nous semblait pas approprié de renouveler pour un an les exemptions accordées à certains personnels d’Etats non parties au Statut de Rome participant à des forces ou missions sous l’égide des Nations Unies. Un tel renouvellement risque en effet d’accréditer la perception d’une permanence de ces exemptions, a observé le représentant de la France, souhaitant qu’à l’issue du nouveau délai d’un an accordé par la résolution qui sera adoptée aujourd’hui, le Conseil de sécurité adopte l’année prochaine une position différente.
M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a estimé qu’un traité international ne devrait pas être amendé par le Conseil de sécurité. Il a souligné que la justice doit demeurer indivisible. En ce début de millénaire, la Cour doit être un instrument efficace et indispensable au service de la sécurité, de la paix et de la justice internationales. En tant qu’institution chargée de prévenir l’impunité, la CPI, a-t-il dit, peut jouer un rôle important dans la protection des soldats de la paix. Les juges et le Procureur de la CPI ayant été élus, l’Allemagne est convaincue que l’expérience prouvera que la Cour est capable de travailler de manière impartiale et juste tout en se gardant d’exercer des compétences politiquement motivées.
M. INOCENCIO F. ARIAS (Espagne) a estimé que la résolution 1487, qui renouvelle les dispositions de la résolution 1422 ne contreviennent pas au Statut de Rome et que ce qui est dit dans le paragraphe premier n’a pas de répercussions sur l’intégrité du Statut. Cependant, l’article 16 du Statut de Rome ne doit être invoqué qu’à titre exceptionnel. Il C’est au Conseil qu’il reviendra d’examiner les circonstances qui pourront varier à l’avenir.
M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a jugé «inutile» le renouvellement de la résolution 1422 en arguant que l’article 16 et l’article 17 du Statut de Rome répondent clairement et amplement aux préoccupations et aux problèmes liés à ce renouvellement. Inutile, a-t-il aussi expliqué, parce que les soldats de la paix ne sont pas censés commettre les crimes prévus par le Statut de Rome. Dans le cas contraire, a-t-il rappelé, il revient d’abord aux tribunaux nationaux de connaître de ces affaires. Soulignant ainsi le principe de la complémentarité prévu par le Statut de Rome, le représentant a attiré l’attention sur le caractère désormais fonctionnel de la CPI. L’adoption de cette résolution ne pourra qu’affaiblir la façon dont la Cour pourra mener ses poursuites, a-t-il estimé.
M. RAYKO RAYTCHEV (Bulgarie) a estimé que la CPI est le fleuron du droit international contemporain mais nous comprenons également les préoccupations légitimes de certains pays. Dans ce contexte, l’appui à la résolution 1422 permet au Conseil de poursuivre ses efforts pour aboutir à une solution qui ne sape pas la crédibilité de la CPI et permet d’aboutir à un consensus qui représente un compromis et une solution acceptables par tous.
M. JULIO HELDER DE MOURA LUCAS (Angola) a estimé que la résolution adoptée aujourd’hui établit, à juste titre, le lien entre les compétences de la CPI et l’efficacité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Le représentant s’est dit préoccupé par la divergence de vues concernant le Statut de Rome et ses conséquences pour ces opérations. Tout en comprenant les inquiétudes de certaines délégations, le représentant a réitéré sa ferme opposition à l’impunité. Il a estimé que la résolution n’affecte en rien le droit pénal international. La résolution ne constitue pas une ingérence dans les affaires des Etats parties au Statut. La communauté internationale, a-t-il dit, doit s’assurer que la CPI ne soit ni sapée ni affaiblie. Il a aussi mis en garde contre la tentation de rendre automatique le renouvellement de cette résolution.
M. MAMADY TRAORE (Guinée) s’est félicité de la primauté de la Cour pénale internationale dont l’existence constitue un progrès en matière de droit international et a rappelé que le Statut de Rome comprend des mesures d’exception au cas où cela s’avèrerait nécessaire. La Guinée comprend les préoccupations des uns et des autres et garde l’espoir qu’un consensus se dégagera autour de la question à l’examen en vue du renforcement de l’efficacité des opérations de maintien de la paix. Le vote en faveur de la résolution de la Guinée ne doit pas être considéré comme un accord pour son renouvellement automatique, année après année.
M. CHENG YINGYE (Chine) a rappelé que son Gouvernement a participé activement à tous les processus qui ont abouti à la CPI et qu’il a contribué à la promotion de l’universalité du Statut de Rome. Nous comprenons les préoccupations de nombreux pays et formulons l’espoir que dans un an, les parties examineront de nouveau la situation pour trouver une solution.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a reconnu que le renouvellement de la résolution 1422 est une question délicate et d’une importance capitale pour la majorité des Etats Membres. Il s’est félicité de l’échange franc que le Conseil a su tenir et a dit comprendre la préoccupation des Etats parties au Statut de Rome. Le représentant a espéré que le travail concret de la Cour sera un succès et qu’il renforcera la position de ses partisans tout en dissipant les doutes persistants sur son efficacité et son impartialité. La Cour n’étant pas un instrument universel, il est important de tenir compte des préoccupations des Etats non parties, a souligné le représentant en assurant que la résolution adoptée aujourd’hui, a essayé de tenir compte du débat et des compromis que les uns et les autres ont bien pu faire.
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* Lettre datée du 6 juin 2003, adressée au Président du Conseil par ces quatre pays (S/2003/620).
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