Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'ALLEMAGNE

07 Mai 2004

7 mai 2004


Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique de l'Allemagne sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Michael Steiner, Représentant permanent de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que son gouvernement accorde une attention prioritaire à la question de la promotion des droits de l'homme. S'il est vrai qu'aucun pays au monde ne saurait prétendre être à l'abri de violations de droits humains, l'Allemagne fait néanmoins tout ce qui est en son pouvoir pour les prévenir.

L'importante délégation allemande était également composée du Commissaire fédéral pour les droits de l'homme, M Klaus Stoltenberg, ainsi que de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministre des affaires étrangères, du Ministère de la justice et du Ministère de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse. La délégation a notamment insisté sur le fait qu'aucune dérogation au principe d'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants n'est autorisée par la législation antiterroriste adoptée à la suite des événements du 11 septembre 2001. Elle a souligné qu'en matière d'extradition, des accords bilatéraux ne sont conclus qu'avec des pays qui satisfont, d'un point de vue juridique mais également dans les faits, aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. De plus, l'Allemagne se réserve toujours la possibilité de mettre fin à un tel accord bilatéral.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, M. Yu Mengija, s'est félicité des efforts consentis par l'Allemagne pour préciser la législation en matière de torture. Il a toutefois souligné que des allégations font état d'une non-adéquation entre les sanctions prononcées à l'encontre de policiers qui se sont rendus coupables de mauvais traitements à l'égard d'étrangers et la gravité des actes incriminés.

M. Claudio Grossman, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport, s'est pour sa part demandé comment un étranger sous le coup d'une procédure d'expulsion pouvait, concrètement, apporter la preuve que le pays vers lequel il risque d'être expulsé présente un «danger concret» en matière de torture.

Le Comité poursuivra l'examen du rapport allemand lundi prochain, à 15 heures.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de la Croatie aux questions que lui avaient posées les membres du Comité hier matin.

Présentation du rapport de l'Allemagne

M. MICHAEL STEINER, Représentant permanent de l'Allemagne auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré que son gouvernement accorde une attention prioritaire à la question de la promotion des droits de l'homme. Il a notamment rappelé que son pays, lors de la dernière session de la Commission des droits de l'homme, a été à l'origine de la création d'un mandat de Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, particulièrement les femmes et les enfants. Il a en outre déclaré que son pays attache la plus grande importance à la prise en considération des questions de droits de l'homme par le Conseil de sécurité. À cet égard, l'Allemagne appuie pleinement le renforcement de la coopération entre le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, les organes de traités et le Conseil de sécurité. D'autre part, l'Allemagne appuie pleinement le mécanisme spécial mis en place par la Commission des droits de l'homme pour étudier la question du respect des droits humains dans le cadre de la lutte conte le terrorisme.
Aucun pays au monde ne saurait prétendre être à l'abri de violations de droits humains, a poursuivi M. Steiner ; néanmoins, l'Allemagne fait tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir ces violations. Aussi, l'Allemagne estime-t-elle qu'il est de son devoir d'assurer la mise en œuvre concrète des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme dans le cadre d'un contrôle effectué tant au niveau national qu'au niveau international. La délégation allemande fera de son mieux pour répondre de manière claire et précise à toutes questions qui pourraient se poser durant l'examen de son rapport, a affirmé le Représentant permanent.

Le troisième rapport périodique de l'Allemagne (CAT/C/49/Add.4) rappelle que ces dernières années, des accusations émanant de diverses sources ont été portées contre l'Allemagne concernant la «procédure aéroportuaire» et les conditions dans lesquelles les personnes sont détenues avant leur expulsion et, en particulier, le traitement des étrangers par les policiers de la Fédération et des Länder, surtout lors de l'expulsion. Le Gouvernement fédéral prend ces accusations très au sérieux, souligne le rapport. Il s'est avéré que tous les cas signalés avaient donné lieu à l'ouverture d'une enquête. Tout fonctionnaire reconnu coupable de faute grave fait l'objet de poursuites pénales et de sanctions disciplinaires. Les autorités sont encore plus attentives qu'auparavant aux cas présumés de mauvais traitements de la part d'agents de l'État. Les cas dans lesquels l'enquête a mis à jour des mauvais traitements de la part d'agents de l'État étaient des affaires regrettables mais isolées, qui ne devraient pas prêter à généralisation, précise le rapport. Il convient de noter que l'essentiel des 30 000 expulsions pratiquées en moyenne chaque année depuis les aéroports allemands se passent sans aucun incident de ce type. Toutefois, cela ne signifie pas que le Gouvernement fédéral ne prend pas les mesures qui s'imposent, suite aux affaires portées à son attention.

Ces dernières années, précise le rapport, les Länder se sont efforcés d'améliorer les conditions de rétention. On a ainsi créé un climat permettant de réduire le plus possible les effets négatifs de la détention. À Berlin, un conseil consultatif indépendant a été créé en mars 1997 pour recueillir des informations et faire rapport sur la situation des détenus en attente d'expulsion et recevoir les plaintes. En général, le Ministère fédéral de l'intérieur enquête de manière approfondie sur tout cas présumé de mauvais traitements de la part d'agents de la police fédérale des frontières, prend les mesures qui s'imposent au niveau interne et informe le parquet compétent, qui peut décider de procéder à une enquête si cela n'a pas déjà été fait. Il est dans l'intérêt de la police fédérale des frontières que l'affaire soit portée à l'attention du parquet.

Le rapport précise en outre que la torture, considérée comme l'une des atteintes les plus graves à la dignité humaine que l'on puisse concevoir, est proscrite par la Constitution qui consacre notamment le droit à la vie et à l'intégrité physique. Ce droit constitutionnel ne s'applique pas seulement en cas d'atteintes par l'État à l'intégrité physique de la personne, mais également, selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, à la torture mentale ou psychique ou toute autre méthode d'interrogation similaire. La Loi fondamentale stipule expressément que les personnes arrêtées ne doivent être maltraitées ni moralement, ni physiquement. Il est vrai que la torture ne figure pas en tant que telle au nombre des infractions sanctionnées par la loi en Allemagne. Ce n'est toutefois pas nécessaire, étant donné que les dispositions pénales existantes couvrent tous les agissements proscrits par l'article 4 de la Convention. En Allemagne, insiste le rapport, des sanctions pénales sont prévues pour toutes les formes concevables de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Examen du rapport de l'Allemagne

Fournissant des renseignements complémentaires sur la mise en œuvre de la Convention, la délégation allemande a assuré que la législation antiterroriste adoptée par le pays à la suite des événements du 11 septembre 2001 ne prévoit aucune exception au principe selon lequel aucun étranger ne saurait être extradé vers un pays où il serait exposé à un risque de torture. En outre, la législation antiterroriste ne prévoit aucune dérogation au principe selon lequel nul détenu ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, tels que l'exercice par les forces de police de pressions physiques ou morales. Les rares restrictions apportées aux principes généraux régissant l'extradition sont totalement compatibles avec les articles pertinents des Conventions de Genève sur les réfugiés et concernent, en particulier, les étrangers qui se sont rendus coupables de crime contre la paix, de crime de guerre ou encore de crime contre l'humanité.

La délégation allemande a souligné qu'en matière d'extradition, des accords bilatéraux ne sont conclus qu'avec des pays qui satisfont d'un point de vue juridique, mais également dans les faits, aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans tous les cas, le Gouvernement fédéral examine scrupuleusement la situation des droits de l'homme du pays désireux de passer un accord bilatéral dans ce domaine. En outre, l'Allemagne se réserve toujours la possibilité de mette fin à un accord bilatéral, a précisé la délégation.

S'agissant des cas de suicides d'étrangers intervenus durant la période de rétention préalable à l'application de mesures d'éloignement, la délégation allemande a précisé qu'entre 1996 et 2003, quatre personnes se sont ainsi donné la mort dans des locaux de rétention. De tels faits ont conduit les autorités fédérales à adopter des mesures préventives ; afin d'éviter que de tels cas de suicide ne se reproduisent, les personnes placées en rétention font l'objet d'une assistance psycho-sociale et se voient accorder la possibilité d'entrer en contact avec les membres de leurs familles. Elles peuvent également recevoir des visites et sont, de préférence, placées dans des cellules doubles. En outre, le personnel d'encadrement vérifie que les personnes ainsi détenues ne sont pas en possession d'instruments qui pourraient leur permettre de se mutiler ou de se donner la mort. Lorsque cela est possible, les portes de la cellule restent ouvertes, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite souligné que depuis le 16 mai 2002, les requérants d'asile maintenus en rétention dans un bâtiment de la zone de transit de l'aéroport de Francfort le temps que leurs dossiers puissent être dûment examinés peuvent bénéficier à tout moment d'une assistance médico-sociale. Vingt-cinq chambres, chacune étant équipée de quatre lits, permettent l'accueil des requérants d'asile dans de bonnes conditions, a précisé la délégation. Les femmes seules ou accompagnées d'enfants ont la possibilité d'occuper des chambres séparées, a-t-elle ajouté. La procédure d'accueil des requérants d'asile qui arrivent à l'aéroport de Francfort a été jugée compatible avec la loi par une décision de la Cour constitutionnelle fédérale. Des procédures similaires sont appliquées dans les principaux aéroports du pays, a souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs répondu aux demandes d'informations du Comité concernant le décès de M. Aamir Ageeb, intervenu le 28 mai 1999 peu après le décollage de l'avion qui le transportait vers son pays d'origine en application d'une procédure d'expulsion. Des poursuites pour homicide involontaire ont été engagées contre les trois officiers de la police de l'air et des frontières qui l'accompagnaient. Pour des raisons de fond et de procédure, aucune décision n'a encore été rendue dans cette affaire, a indiqué la délégation.

La délégation allemande a en outre indiqué que tout fonctionnaire de l'État responsable de dommages corporels par mauvais traitement et condamné en vertu du Code pénal pour avoir intentionnellement violé ses obligations est également responsable, au civil, de l'indemnisation du préjudice subi par la victime.

La délégation allemande a par ailleurs souligné que l'Allemagne a engagé des discussions, avec les Länder, en vue de procéder à une ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture. La ratification du Protocole se heurte encore à des difficultés d'ordre structurel et financier. Toutefois, a précisé la délégation, des systèmes de contrôle des installations pénitentiaires et psychiatriques existent déjà qui visent à prévenir tout acte de torture ou de traitements cruels, inhumain ou dégradant.

M. YU MENGIJA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, s'est réjoui de la précision et de la qualité des réponses apportées jusqu'à présent par la délégation allemande dans le cadre de l'examen de son troisième rapport périodique. Il s'est également réjoui des efforts consentis par l'Allemagne pour préciser sa législation en matière de torture. M. Yu Mengija a en outre estimé que l'Allemagne a déployé des efforts importants en matière de lutte contre la torture, comme en témoigne l'absence d'allégations, de la part des ONG, concernant d'éventuels cas de mauvais traitements. Il s'est ensuite demandé comment il est possible, étant donné la structure fédérale de l'État allemand, de s'assurer que les autorités fédérées appliquent bien la Convention contre la torture. Les sanctions imposées aux forces de police qui se sont rendues coupables de mauvais traitements ont indéniablement un effet dissuasif, a-t-il souligné. Toutefois, a souligné M. Yu, des allégations font état d'une non-adéquation entre les sanctions prononcées à l'encontre de policiers qui se sont rendus coupables de mauvais traitements à l'égard d'étrangers et la gravité des actes incriminés.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport allemand, a souligné que là où la Convention contre la torture interdit l'expulsion d'une personne vers un pays où il y a des «motifs sérieux de croire» qu'elle risque d'être soumise à la torture, la législation allemande parle quant à elle de «danger concret». Il s'est donc enquis des éventuelles conséquences que peut avoir une telle différence de terminologie. Par ailleurs, si l'Allemagne interdit l'expulsion vers un pays où existe un danger concret de torture, comment l'étranger est-il, concrètement, en mesure de prouver que le pays vers lequel il est passible de refoulement présente un danger concret de torture? Par ailleurs, l'Allemagne considère-t-elle comme relevant de la torture tout acte de cette nature commis sur le territoire de l'État ou seulement tout acte de cette nature impliquant un agent de l'État? M. Grossman a par ailleurs demandé à la délégation de bien vouloir préciser la situation de la personne gardée du point de vue de son droit à l'assistance d'un avocat et de son droit d'entrer en contact avec ses proches au moment de l'arrestation. Il a également demandé des éclaircissements sur la compétence du juge judiciaire pour déclarer irrecevable toute déclaration obtenue sous la torture ou tout autre mauvais traitement. M. Grossman a ensuite fait état du cas d'une Algérienne de 40 ans retrouvée pendue dans sa chambre, dans la zone de transit de l'aéroport de Francfort, après y avoir été maintenue en rétention pendant huit mois. Il a souhaité savoir si une personne avait été tenue pour responsable de ce décès. Il a en outre demandé à la délégation de préciser la durée maximum de rétention des étrangers en zone de transit. Évoquant par ailleurs le cas de M. Aggeb, décédé au cours de l'application d'une mesure d'éloignement du territoire, il s'est demandé pourquoi les officiers impliqués dans cette affaire n'ont fait l'objet d'une accusation que trois ans après les faits?

Mots-clés

VOIR CETTE PAGE EN :