Skip to main content

Communiqués de presse

CONFERENCE DE PRESSE DE M. DOMINIQUE DE VILLEPIN, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA FRANCE

20 janvier 2003


Le Ministre français des affaires étrangères, M. Dominique Galouzeau de Villepin, a insisté ce midi au cours d’une conférence de presse tenue au siège des Nations Unies, à New York, sur la nécessité de maintenir l’unité et l’unanimité de la communauté internationale dans la gestion de la crise iraquienne et dans la lutte contre le terrorisme international. 

Intervenant après la séance de haut niveau du Conseil de sécurité consacrée à la lutte contre le terrorisme, qu’il avait présidée, M. de Villepin a rappelé que cette lutte demeure une priorité pour la France et la communauté internationale.  Exprimant le souhait de donner à cette lutte un nouvel élan, le Ministre a souligné la nécessité d’achever rapidement les travaux relatifs à l’élaboration d’une Convention générale contre le terrorisme et d’une convention sur la protection contre les actes de terrorisme nucléaire.  Il  a indiqué que la France avait proposé la création d’un Fonds de coopération et d’assistance contre le terrorisme visant à aider les États qui souhaitent renforcer leurs dispositifs nationaux en matière de lutte contre le terrorisme.  Il a mentionné aussi le besoin d’améliorer la maîtrise des sources radioactives dans le monde, ainsi que la nécessité, pour les États membres, de réaffirmer leur volonté commune d’agir ensemble et de renforcer les mécanismes mis en place au sein du G8 et du GAFI, par exemple, en matière de lutte contre le financement des groupes et activités terroristes.  M. de Villepin a par ailleurs proposé la tenue d’une nouvelle réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel sur cette question en marge de l’Assemblée générale en septembre 2003, ceci afin de maintenir l’unité de la communauté internationale. 

Cette unité, a insisté le Ministre français des affaires étrangères, vaut également et avant tout pour la gestion de la crise iraquienne.  La crise en Iraq est une épreuve pour nous tous et les défis à relever sont énormes car cette question ne peut être écartée par exemple des questions de prolifération.  Aussi, ce que nous faisons dans le cas de l’Iraq doit s’appliquer à toutes les autres crises du même ordre, a-t-il estimé.  La communauté internationale doit clairement faire preuve d’initiative et d’imagination, a dit le Ministre, qui a estimé qu’une intervention unilatérale serait perçue comme une victoire de la loi du plus fort et une attaque contre la primauté du droit et la moralité internationale.  “Si la guerre devait être la seule façon de résoudre ce problème, a-t-il mis en garde, nous entrerions immédiatement dans une impasse”. 

Car en Iraq, a-t-il poursuivi, nous avons fait le choix collectivement de relancer les inspections et force est de constater qu’à ce jour, ces inspections se déroulent dans des conditions satisfaisantes.  Nous savons par exemple, et c’est là un fait avéré, que les programmes iraquiens d’armes de destruction massive ont été interrompus, voire gelés, a indiqué le Ministre.  Nous devons donc

tout faire pour renforcer le processus d’inspection après la présentation, le 27 janvier, du rapport par MM. Blix et El-Baradei.  Nous devrons alors procéder aux ajustements nécessaires, a-t-il ajouté, avant de réaffirmer que le choix de la France est aussi un choix en faveur de la fermeté, ajoutant qu’“il est grand temps que l’Iraq fournisse à la communauté internationale un tableau complet et global de ses programmes d’armements et nous n’accepterons aucune zone d’ombres”.  Pour le Ministre, nous avons la possibilité de désarmer l’Iraq par des moyens pacifiques, sans mettre en danger la vie de nos soldats ou d’autres civils innocents et sans risque de déstabiliser la région ou d’élargir le fossé entre nos peuples et nos  cultures et alimenter ainsi le terrorisme. 

L’unité des consultations qui ont été maintenues depuis le début de la crise iraquienne est exemplaire et doit être maintenue face à d’autres crises notamment celles de la Corée du Nord et du Moyen-Orient, a-t-il considéré ensuite.  Pour ce qui est de la Corée du Nord, la préservation du Traité de non-prolifération et de la stabilité de la région exige de nous une démarche graduelle mais ferme, a dit le Ministre.  Les différents choix doivent être examinés, notamment au sein du Conseil de sécurité et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et les États de la région, Japon et Corée du Sud, doivent continuer de prendre une part active dans ce processus.

S’agissant du Moyen-Orient, a poursuivi le Ministre français des affaires étrangères, nous pensons qu’au lendemain des élections israéliennes du 28 janvier nous serons en mesure de présenter aux parties la “Feuille de route” adoptée le 20 décembre dernier par le Quatuor.  Il a plaidé ensuite pour la tenue d’élections dans le territoire palestinien et pour l’organisation d’une conférence internationale sur le Moyen-Orient.  “La France souhaite être résolument engagée avec ses partenaires et insiste pour que soit reconnu un État palestinien dans ses frontières provisoires à une date précise”, a expliqué M. de Villepin.  Il a également estimé que la question des garanties devait être abordée, garanties de sécurité pour Israël, de justice pour le peuple palestinien, et de développement économique pour l’ensemble de la région.

Interrogé par un journaliste qui soulevait un manque de constance de la diplomatie française sur la question iraquienne et s’inquiétait du risque de voir la France céder à la pression et renoncer à son exigence consistant à donner du temps aux inspecteurs, au-delà du 27 janvier, le Ministre a précisé que la position de la France sur la question de l’Iraq, comme sur les autres, était guidée par des principes forts, à savoir le droit, la morale, la solidarité, la justice.  Ces principes ont guidé la France dans la préparation de la résolution 1441 qui met en avant la nécessité d’avancer dans la sécurité collective vers le désarmement de l’Iraq, a-t-il dit, avant de rappeler que la communauté internationale n’avait à ce jour qu’un seul objectif, à savoir le désarmement de l’Iraq.  A cette fin, la communauté internationale s’est dotée d’un moyen efficace et les inspecteurs qui travaillent sur le terrain ont pour mission de collecter des informations et de faire rapport au Conseil de sécurité qui prendra ensuite ses responsabilités, a-t-il dit.  Or, aujourd’hui, a poursuivi M. de Villepin, la communauté internationale semble être confrontée à un choix consistant, d’une part à continuer dans la voie de la coopération, et de l’autre à avancer, par impatience, dans la voie de l’intervention militaire.  Nous pensons qu’aujourd’hui rien ne justifie d’envisager l’action militaire, a réaffirmé le Ministre, tout simplement parce que la voie que nous avons choisie depuis deux mois, à savoir les inspections, fournit des résultats satisfaisants.  La France est mobilisée pour faire en sorte que le travail des inspecteurs puisse être le plus efficace possible, et elle a invité l’Iraq à une coopération active avec les inspecteurs.  Certes le choix qu’a fait la communauté internationale, et que soutient la France peut changer, a reconnu M. de Villepin, mais ce n’est pas nous qui changerions mais plutôt ceux qui choisiraient l’intervention militaire.  Tant que la coopération peut avancer, continuons sur cette voie, a-t-il déclaré.  Si les États-Unis décidaient de changer de stratégie et d’intervenir militairement de façon unilatérale, la première question que nous poserions serait de savoir quelle est la légitimité de cette action et la seconde serait de savoir quelle en serait l’efficacité. 

C’est une chose que d’intervenir militairement en Iraq et d’attaquer et de faire tomber le régime de Saddam Hussein, a fait observer M. de Villepin, mais c’en est une autre que d’avoir un Iraq uni et un Moyen-Orient stable et sûr.  Cette intervention, en terme d’efficacité, nous conduirait dans une aventure dont nous ne pouvons maîtriser à aucun moment les acquis et les bénéfices, a-t-il mis en garde.  La France exprime la conviction qu’il y a moyen de désarmer l’Iraq en poursuivant patiemment les inspections et c’est aussi la conviction des inspecteurs, a-t-il dit.  Si l’on considère en revanche qu’il existe un raccourci militaire, pour aller plus vite, alors notre mise en garde est claire a dit le Ministre.  Soyons prudents, le monde est malade, le monde connaît un grand désordre et on ne peut se permettre de telles initiatives.  Car n’oublions pas que le problème de la prolifération ne concerne pas uniquement l’Iraq mais aussi la Corée du Nord et peut-être d’autres pays, a-t-il dit, avant de prôner une attitude responsable qui consiste à préserver l’unité et l’unanimité de la communauté internationale.

A la question d’un journaliste sur la possibilité de voir la France faire usage de son droit de veto pour éviter le recours à la force sur la question iraquienne, M. de Villepin a déclaré que l’attitude de la France en cas de deuxième résolution du Conseil de sécurité et dans le cas où les États-Unis choisiraient de poursuivre sur cette voie était très claire.  La France, a-t-il indiqué, ne s’associera pas à une intervention militaire qui n’aurait pas le soutien de la communauté internationale et des Nations Unies.  Nous considérons en outre qu’une intervention militaire serait la pire des solutions et que le recours à la force ne peut être qu’un dernier recours, à supposer que toutes les autres voies ont été épuisées, a-t-il dit.  Évoquant ensuite l’usage éventuel du droit de veto, M. de Villepin a déclaré que «la France, comme membre permanent du Conseil de sécurité, assumera toutes ses responsabilités, fidèle aux principes qui sont les siens» et qu’«elle ira jusqu’au bout».

Répondant à une question sur l’état des relations entre la France et les États-Unis, le Ministre a insisté sur l’excellence et la franchise des contacts entre les deux pays.  Toutefois, les positions et les principes peuvent diverger, a-t-il reconnu, insistant sur la nécessité de prendre le pouls du monde, de prêter attention aux attentes des peuples du monde, ce que fait la France.  Pour régler les problèmes du monde il ne peut y avoir que des efforts, de l’énergie, de la patience, de la détermination et de l’imagination et c’est là qu’intervient la contribution de la France sur la scène internationale, a assuré M. de Villepin.  C’est la seule façon de régler la question de l’Iraq, et demain celle de la Corée du Nord, la seule façon d’espérer reprendre l’initiative sur le Moyen-Orient dont le monde semble s’être détourné.  Comment voulez-vous que le monde arabe réagisse face à ces situations, a interrogé le Ministre avant de déclarer que la France est fermement attachée au respect du droit, de la justice et de la solidarité. 

Répondant à une question sur l’exil éventuel de Saddam Hussein qui serait à l’étude dans certaines capitales, M. de Villepin a déclaré que la France ne comptait pas se laisser divertir de l’objectif que s’est fixé la communauté internationale, à savoir le désarmement de l’Iraq.

Interrogé sur le risque de voir le terrorisme international relégué au second plan, le Ministre français des affaires étrangères a considéré que toutes ces questions sont étroitement liées.  “La planète est une, a-t-il répondu, et quand vous avez face à vous un monde qui a de la fièvre, vous ne pouvez isoler les parties de la planète”.  Le Ministre a estimé que, suite au 11 septembre 2001 et aux attentats perpétrés depuis, le choix du remède est le plus important et il a insisté de nouveau sur l’unité et l’unanimité de la communauté internationale face aux menaces qui pèsent sur la sécurité internationale. 

La peur, la force, le scepticisme ne conduisent à rien, a-t-il dit, car la communauté internationale a besoin de mobilisation.  A cet égard, il a déclaré que, contrairement à ce que certains voudraient croire, il n’y a pas d’un côté ceux qui veulent agir et de l’autre de présumés inconstants ou sceptiques qui se contenteraient de faire semblant d’agir.  “Non, il y a ceux qui pensent que certaines actions sont efficaces et d’autres qui pensent que d’autres actions peuvent l’être davantage”.  Il faut aujourd’hui prendre le risque de construire la paix et cela demande parfois plus d’exigences que de faire la guerre, a conclu M. de Villepin. 

*   ***   *

VOIR CETTE PAGE EN :