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Communiqués de presse Procédures spéciales

LA RAPPORTEUSE SPÉCIALE SUR LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES A CONCLU SA MISSION EN RUSSIE

24 Décembre 2004


24 décembre 2004



La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Yakin Ertürk, a conclu, le 24 décembre, la mission qu'elle menait en Fédération de Russie depuis le 17 décembre 2004.

Au cours de cette visite, la Rapporteuse spéciale a rencontré des représentants du Gouvernement fédéral russe, des autorités des républiques d'Ingouchie et de Tchétchénie, ainsi que des organisations de la société civile à Moscou, Nazran et Grozny. Mme Ertürk a recueilli des témoignages de victimes de violations des droits de l'homme, des proches de personnes portées disparues ainsi que des personnes déplacées en Ingouchie et des réfugiés vivant dans des centres de transit proches de Grozny. Elle a également rendu visite à des femmes détenues dans un centre de détention préventive de Grozny.

La Rapporteuse spéciale souligne qu'au cours des dix dernières années, la Fédération de Russie a subi des changements administratifs et législatifs qui ont contribué à l'amélioration de la situation des femmes. Elle se réjouit de la récente ratification du Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui témoigne à nouveau de l'engagement du Gouvernement à traiter le problème de la violence à l'égard des femmes en Fédération de Russie.

La violence, notamment dans les foyers, continue de porter atteinte à l'intégrité physique et de causer la mort de milliers de femmes. En raison du système des permis de résidence (propiska) et de moyens financiers insuffisants, nombreuses sont les femmes qui sont contraintes de partager le même logement avec un partenaire violent, même après l'officialisation d'un divorce. La situation est aggravée par l'insuffisance des logements. La violence contre les femmes et la discrimination sexuelle ont un faible niveau de priorité pour l'État. Le projet de loi sur la prévention de la violence domestique n'a pas été adopté par la Douma. Par ailleurs, la Commission des femmes, qui s'occupait de l'intégration de la sexospécificité dans les programmes et politiques de l'État, a été supprimée. Actuellement, un département au sein du Ministère de la santé et du développement social est le seul mécanisme national en place qui aborde la discrimination fondée sur le sexe.

En ce qui concerne la situation dans le Nord-Caucase, l'État est confronté au défi d'assurer la sécurité tout en respectant les droits de l'homme. À cet égard, le Gouvernement a pris quelques mesures positives pour la normalisation dans la région. Cependant, la vie quotidienne des populations est loin d'être normale, en particulier en Tchétchénie. La Rapporteuse spéciale a recueilli des témoignages directs de femmes arbitrairement détenues et torturées à la suite d'opérations spéciales. Il s'agirait, selon certains témoignages, de représailles pour la participation de femmes dans les attaques terroristes, notamment les attaques suicides. Elle a également recueilli des témoignages de proches de personnes victimes de disparitions, d'exécutions extrajudiciaires, de torture et de mauvais traitements aux mains de membres des forces de sécurité. En l'absence d'État de droit, la population civile, qui souffre des abus commis par les forces de sécurité et les groupes armés tchétchènes, vit dans un climat de peur et d'insécurité.

La Rapporteuse spéciale est également préoccupée par la situation des personnes déplacées. Les déplacés tchétchènes de l'Ingouchie ne veulent pas rentrer chez eux tant que la sécurité n'est pas rétablie. Les déplacés ingouches d'Ossétie du Nord se plaignent que la Fédération de Russie et la communauté internationale ne les reconnaissent pas comme des personnes déplacées et que l'aide humanitaire est insuffisante.

Au regard de ces observations, la Rapporteuse spéciale adresse des recommandations au Gouvernement de la Fédération de Russie. Elle lui recommande notamment d'accorder la priorité aux droits des femmes dans ses mécanismes, politiques et programmes dans les domaines judiciaire et non judiciaire. Elle lui recommande d'amender sa législation en conformité avec les dispositions internationales, de décréter une législation criminalisant spécifiquement la violence domestique et Mme Ertürk recommande également à la Russie de lancer des campagnes de sensibilisation sur la sexospécificité et de donner une formation aux agents de police et aux forces de sécurité; de soutenir politiquement et financièrement les initiatives de la société civile qui font la promotion des droits de l'homme, notamment à travers la recherche et la promotion des droits de l'homme; de s'assurer que toutes les lois, politiques et pratiques appliquées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont conformes aux principes fondamentaux du droit international et des dispositions internationales en matière de droits de l'homme; d'enquêter, poursuivre et punir tous les responsables de violations de droits de l'homme et de fournir une compensation aux victimes et à leurs familles; d'assurer la sécurité et le retour volontaire des personnes déplacées; et d'établir un programme de protection pour les défenseurs de droits de l'homme ainsi que pour les témoins et les victimes.

La Rapporteuse spéciale remercie les autorités fédérales et locales pour avoir facilité sa visite. Elle exprime également sa gratitude aux organisations des droits de l'homme, aux particuliers et aux victimes de violence pour les informations fournies. Mme Ertürk remercie enfin l'équipe des Nations Unies en Russie pour leur appui logistique au cours de sa visite.

La Rapporteuse spéciale présentera un rapport complet dans lequel figureront ses conclusions et recommandations lors de la soixante-deuxième session de la Commission des droits de l'homme, en 2006.


N.B. : Le présent texte est une adaptation du communiqué de presse paru en anglais.

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