Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LA GUINEE DEFEND SES INITIATIVES JURIDIQUES ET POLITIQUES POUR SURMONTER LES OBSTACLES A L’EGALITE ENTRE HOMMES ET FEMMES

16 Juillet 2001



Comité pour l’élimination de
la discrimination à l’égard des femmes
26ème session
16 juillet 2001
524ème séance – matin





L’écart entre la situation de jure et de facto en matière d’égalité entre les sexes en Guinée avait conduit les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes à poser de nombreuses questions à la délégation guinéenne conduite par la Ministre des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance, Mme Mariama Aribot. S’inquiétant de la réalité de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes que la Guinée a ratifiée en 1982, les experts ont laissé, ce matin, la Ministre des affaires sociales, de la famille et de l’enfance et sa délégation expliquer les questions liées à la santé des femmes, à l’éducation, aux mesures juridiques et aux mécanismes institutionnels. Ces questions constituent les tenants et les aboutissants de "l’arsenal juridique de protection des droits des femmes” dont s’est équipée la Guinée, en particulier son Programme-cadre “Genre et développement”.

Les représentants du Gouvernement guinéen ont d’abord tenu à souligner le caractère laïc de la République de Guinée qui rend impossible l’existence d’un système juridique dans lequel le droit coutumier et le droit islamique exerceraient une influence sur le droit positif. La légalité d’une disposition est appréciée par rapport au droit positif et non par rapport à la coutume, ont-ils affirmé avant d’attribuer la contradiction entre les garanties constitutionnelles et la situation de facto des femmes aux us et coutumes, aux dérogations permises par le code civil et au faible taux de saisine des tribunaux par les femmes.

A titre d’exemple, ils ont reconnu que, malgré l’article 305 du Code pénal qui punit les mutilations génitales, 96,4% des femmes ont été excisées à un âge moyen de 9,4 ans. Toujours dans le même ordre d’idées, en dépit de la consécration dès 1958 du caractère gratuit et obligatoire de l’éducation pour tous, le taux d’analphabétisme féminin était toujours en 2000 de 78,14% et celui d’alphabétisation de 21,86%. Démontrant que dans ces deux domaines, des progrès ont été enregistrés depuis 1998, la délégation a expliqué les différents programmes mis en place pour renverser les tendances en matière d’égalité entre les sexes en illustrant ses propos par le fait que le budget du Ministère de la santé a augmenté, passant de 2,16% en 1995 à 6% en 2001 et celui de l’éducation de 25,8% en 1998 à 29,89% en 2000. La délégation s’est, à cet égard, félicitée que, grâce à l’admission de la Guinée à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, la remise ou le rééchelonnement de la dette permettra des investissements plus importants dans les secteurs sociaux.

Le Gouvernement guinéen est conscient de l’existence de l’inégalité entre les sexes, a tenu à préciser la délégation en affirmant que c’est la raison pour laquelle la priorité a été accordée à la composante “droits et pouvoir” du Programme-cadre “Genre et développement”. Ce Programme mis en place en 1997 et estimé à 26 363 000 dollars couvre, outre la composante “droits et pouvoir”, les composantes “économie et lutte contre la pauvreté”, “éducation, alphabétisation et formation”, “santé et population”, et “appui aux mécanismes institutionnels”.

Le Programme a été présenté par la délégation guinéenne comme un véritable instrument opérationnel pour la mise en oeuvre de la politique nationale de promotion féminine dont la responsabilité a été confiée au Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance. Pour montrer la détermination du Gouvernement guinéen en faveur de la promotion de la femme, ses représentants ont souligné que, de 1998 à 2001, les dotations budgétaires consacrées à ce Ministère sont passées de 2,65 milliards à 3,52 milliards de francs guinéens.

A l’issue de ces interventions, la Présidente du Comité, Mme Charlotte Abaka, a souligné que l’objectif de la représentation des femmes dans le processus de prise de décisions vise à garantir aux femmes des droits et un statut égal dans le développement de leur pays. Lorsque les femmes ont ce pouvoir, tout le pays en bénéficie. Soulignant le zèle et l’enthousiasme de la Ministre guinéenne des affaires sociales, elle l’a priée de poursuivre l’”effort difficile” de la promotion de la femme, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation et de la formation afin de réduire la féminisation de la pauvreté dans le pays. La Guinée, a insisté la Présidente, a aussi un besoin urgent d’une éducation juridique et en matière des droits de l’homme ainsi que d’un mécanisme efficace de contrôle de l’application de ses lois. Il faut tout mettre en oeuvre pour protéger de jure et de facto les femmes. Il faut, a-t-elle ajouté, amender certaines lois, en promulguer de nouvelles et adopter une approche holistique en matière de promotion de la femme.

La délégation guinéenne était composée, outre la Ministre des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance, de représentants du Ministère de l’enseignement préuniversitaire et de l’éducation civique et du Ministère de la santé publique.

Le Comité se réunira, demain mardi 17 juillet à 10 heures pour examiner les quatrième et cinquième rapports périodiques du Nicaragua.

Les 23 experts du Comité sont : Mmes Charlotte Abaka (Ghana), Ayse Feride Acar (Turquie), Sjamsiah Achmad (Indonésie), Emna Aouij (Tunisie), Ivanka Corti (Italie), Feng Cui (Chine), Naela Gabr (Egypte), Françoise Gaspard (France), Maria Yolanda Ferrer Gomez (Cuba), Aida Gonzalez Martinez (Mexique), Savitri Goonesekere (Sri Lanka), Rosalyn Hazelle (Saint-Kitts-et-Nevis), Fatima Kwaku (Nigéria), Rosario Manalo (Philippines), Asha Rose Metengeti-Migiro (Tanzanie), Mavivi Myakayaka-Manzini (Afrique du Sud), Frances Livingstone Raday (Israël), Zelmira Ragazzoli (Argentine), Hanna Beate Schöpp-Schilling (Allemagne), Heisoo Chin (République de Corée), Maria Regina Tavares da Silva (Portugal), Chikako Taya (Japon) et M. Göran Melander (Suède).


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ELIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES

Réponses aux questions posées par les experts le 12 juillet dernier

Répondant aux questions relatives à la santé des femmes, Mme FATOU SIKHE CAMARA, Représentante du Ministère de la santé, a indiqué que depuis 1984, la Guinée a mis en oeuvre la politique nationale de santé basée sur la stratégie des soins de santé primaires dont le fondement est l’Initiative de Bamako. Tous les acquis obtenus ont largement contribué à l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant, a dit la représentante en citant, pour étayer ses propos, les résultats de l’enquête démographique et de santé de 1999. Toutes les prestations préventives en matière de santé sont données gratuitement à la femme et à l’enfant et les femmes réfugiées, déplacées et résidentes bénéficient des mêmes prestations. En ce qui concerne les mutilations génitales, Mme Sikhé Camara a cité une enquête de 1998 qui a révélé que 96,4% des femmes ont été excisées à un âge moyen de 9,4 ans. L’excision s’opère sur toutes les femmes sans distinction de religion. La cellule de coordination sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants, ONG nationale, a élaboré un plan stratégique national pour la période 2001-2010, et un plan d’action opérationnel - pour la période 2000-2002 - de lutte contre les mutilations génitales féminines. En collaboration avec la Banque mondiale et l’ONUSIDA, des projets d’intérêt économique de reconversion des exciseuses sont en cours d’exécution. L’Assemblée nationale a, en outre, voté une loi pénalisant les mutilations génitales féminines. Les médias privés et publics participent effectivement aux campagnes de sensibilisation sur les mutilations génitales, a précisé la représentante.

Poursuivant, Mme Sikhé Camara a indiqué que la loi guinéenne n’autorise l’avortement que sur décision strictement médicale. Selon une étude, le taux d’avortement chez les jeunes filles est estimé à 20%. Pour limiter les avortements clandestins, un programme de santé maternelle et infantile a été mis en place avec la collaboration des ONG nationales. Des programmes d’augmentation de l’offre des services de planification familiale sont en train d’être exécutés avec l’appui des ONG. Sur la planification familiale, elle a reconnu les motifs de résistance que sont le faible niveau d’information, l’insuffisance de l’offre des prestations, le poids des us et coutumes, le taux élevé d’analphabétisme, et l’insuffisance de personnel qualifié. Des actions sont entreprises pour améliorer l’offre et l’utilisation des services de planification, a indiqué la représentante avant d’ajouter que, de manière générale, le budget du Ministère de la santé est passé de 2,16% en 1995 à 6% en 2001. A la faveur de l’admission de la Guinée à l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) de la Banque mondiale et du FMI, les fonds obtenus du fait de la remise ou du rééchelonnement de la dette, seront affectés en grande partie au secteur de la santé et de l’éducation, a-t-elle affirmé. Depuis 1984, a-t-elle poursuivi, le Gouvernement a autorisé la privatisation des sous-secteurs médical et pharmaceutique dans la perspective de la complémentarité avec le secteur public.

Venant aux questions relatives à l’éducation, Mme PASSY KOUROUMA, Représentante du Ministère de l’éducation, a indiqué que dès l’indépendance en 1958, la Guinée a consacré la gratuité et l’obligation de l’enseignement pour tous les citoyens. La part du budget national alloué au secteur de l’éducation a été augmentée d’environ 3%, passant de 25,8% en 1998 à 29,89% en 2000. Là encore, grâce à l’Initiative PPTE, des fonds pourront être réinvestis dans le secteur de l’éducation. Chaque année, les bacheliers sont soumis à un concours et, en fonction du nombre de places disponibles, un quota positivement discriminatoire est d’office accordé aux jeunes filles, a poursuivi la représentante. En conséquence, le taux des places réservées aux filles à l’université s’est accru sensiblement, allant de 13% en 1998 à 45,05% en 2000 avec un accent particulier pour les filières techniques. A ce jour, environ 4 000 filles ont bénéficié de l’appui des différents programmes mis en place. En termes de résultats concrets, le taux d’analphabétisme féminin est passé de 79,46% en 1998 à 78,14% en 2000. Quant au taux d’alphabétisation – qui représentait 20,54% en 1998 - , il s’élèvait à 21,86% en 2000. Pour remédier aux déséquilibres ainsi révélés, un programme “Education pour tous” de 2001 à 2012 est initié, couvrant tous les cycles de l’enseignement - du préscolaire au supérieur -, a encore dit la représentante.

S'agissant des questions juridiques, et en particulier la question relative à l'existence de systèmes juridiques multiples consacrant d’une part l'existence d'un droit islamique et coutumier et un droit positif d'autre part, M. ISSA TRAORE, Conseiller juridique du Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l'enfance, a expliqué que le seul système en vigueur est celui du droit positif et que les constitutions de 1958, 1968 et 1990 ont consacré la laïcité. Poursuivant, il a ajouté que la légalité d'une disposition est appréciée par rapport au droit positif et non par rapport à la coutume. Il a indiqué que les tribunaux civils se fondent sur le code civil et les codes spécifiques à la sécurité sociale, à la propriété foncière ou encore aux activités économiques. Venant au statut des veuves sans enfant, il a indiqué que les articles 483, 484, 485 et 487 du code civil protègent les droits des veuves sans enfant et les mettent à l'abri de tout préjudice. Sur la question des contradictions entre la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et les lois nationales, il a indiqué que ces contradictions sont dues au fait que les lois nationales sont antérieures à la Convention et que leur adaptation se fait de manière progressive.

Concernant la pratique de la polygamie, M. Traoré a indiqué qu’en dépit de son abolition, cette pratique est maintenue par la survivance des us et coutumes, les dérogations permises par le code civil et le faible taux de saisine des tribunaux par les femmes. Il a expliqué que les mesures envisagées pour lutter contre la polygamie se limitent aux campagnes de sensibilisation, de diffusion et de vulgarisation de la loi relative au mariage. L'article 518 du code pénal prévoit et punit l'auteur de la polygamie d'un emprisonnement de 5 à 10 ans et d'une peine d'amende.
De plus, les nombreux débats tenus sur cette question ont amené une proposition de réforme du code des personnes et de la famille. S'agissant de la survivance du patriarcat dans le droit de la famille, M. Traoré a expliqué que celle-ci est d'origine sociologique mais que l'évolution de la jurisprudence apporte peu à peu un équilibre dans le domaine de l'autorité parentale. Pour ce qui est des dispositions réprimant les mutilations génitales, il a indiqué que l'article 305 du code pénal prévoit que tout auteur de cet acte – qualifié par la législation guinéenne de crime - subira une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Si Cet acte entraîne la mort dans les 40 jours qui suivent, il sera passible de la peine de mort. Les tribunaux guinéens poursuivent systématiquement les auteurs des infractions portés à leur connaissance. Mais dans la pratique, a-t-il ajouté, les victimes se résignent à ne pas porter les faits à la connaissance des juges. Des campagnes de sensibilisation, de diffusion et de vulgarisation des instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux sont organisées sur l'étendue du territoire par le Gouvernement et la société civile pour promouvoir les droits de la femme. Il n'existe pas de disposition pénale prévoyant et réprimant les principes traditionnels de sororat et de lévirat.

A la question relative aux contradictions entre les garanties constitutionnelles et la situation de facto des femmes, M. Traoré a répondu qu'il ne faut pas confondre situation de jure et situation de facto et que si une situation de fait n'est pas portée devant la loi, elle est censée ne pas exister. S'agissant du mécanisme prévu pour réviser les lois anticonstitutionnelles, il a indiqué que c'est la Cour suprême qui reçoit les recours. A la question de savoir si une réforme juridique et un plan d'action pour éliminer les dispositions discriminatoires en vigueur étaient envisagées, il a expliqué que cela ne sera possible que par une réforme législative parce que cela relève du domaine de la loi. M. Traoré a précisé qu'il n'est pas prévu d'amender la Constitution pour promouvoir la Convention.

Par ailleurs. M. Traoré a indiqué que le Conseil de famille est un organe consultatif, constitué par les membres de la famille, qui siège en vue d'un examen consensuel ou non des questions successorales mais dont les résolutions ne lient pas le juge. Il a également expliqué que les centres d'assistance juridique sont des centres d'accueil, d'écoute, de conseil et d'orientation des femmes en matière de promotion et de protection de leurs droits. Il en existe pour le moment cinq dans la capitale - Conakry -, à titre expérimental. Concernant les efforts accomplis en vue de promouvoir l'accès des femmes à la prise de décisions politiques, M. Traoré a indiqué qu'il n'existe pas de discrimination de la femme en la matière et que, pour remédier à la faible participation des femmes à la prise de décisions, des actions de lobbying, de sensibilisation des groupes cibles et de formation en politique ont été entreprises par l'Etat, les ONG et la société civile. L'Association guinéenne des femmes leaders a été créée en ayant pour mission d'identifier les femmes occupant des postes à responsabilités et de les former au leadership et aux techniques de négociation.

Sur les questions institutionnelles, Mme MARIAMA ARIBOT, Ministre des affaires sociales, de la famille et de l’enfance de la Guinée, a souligné que la promotion de la femme est une réalité socioéconomique transversale et transectorielle qui s’intègre dans les stratégies et politiques de développement des autres départements, des institutions et des ONG de la société civile dont les initiatives et programmes concourent aux mêmes objectifs. Dans ce cadre, le Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance a pour mission la conception, la mise en oeuvre, le suivi et le contrôle de la politique du Gouvernement dans ces domaines. Le Programme cadre “Genre et développement” est un instrument opérationnel pour la concrétisation de la politique nationale guinéenne de promotion féminine. Les objectifs de ce Programme doivent être atteints par la mise en oeuvre d’actions concomitantes d’appui direct aux femmes guinéennes; le renforcement des capacités du mécanisme institutionnel chargé de la promotion féminine et des autres acteurs comme les ONG, les syndicats et les associations.


Cadre national et fédérateur, de caractère thématique et transversal, le champ d’intervention du Programme-cadre couvre cinq composantes: droits et pouvoir, économie et lutte contre la pauvreté, éducation, alphabétisation et formation, santé et population, et appui aux mécanismes institutionnels. Le coût du Programme-cadre a été estimé en 1997 à 26 363 000 dollars. Le Gouvernement, a poursuivi le représentant, est conscient de l’existence de l’inégalité entre les sexes et c’est la raison pour laquelle il a accordé la priorité à la parité à travers la composante droits et pouvoir du Programme-cadre. Depuis, 1998, le Gouvernement a accordé d’importants crédits au Ministère des affaires sociales. De 1998 à 2001, les dotations budgétaires ne découlant pas de financement extérieur en faveur de ce Ministère sont passées de 2,65 milliards à 3,52 milliards de francs guinéens.




* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :