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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU GUATEMALA

16 Novembre 2003


14 novembre 2003


Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui le deuxième rapport périodique du Guatemala sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales sur ce rapport avant de les rendre publiques à la fin de la présente session, le vendredi 28 novembre 2003.

Présentant le rapport de son pays, M. Alfonso Fuentes, Président de la Commission présidentielle des droits de l'homme du Guatemala, a, au nom de son gouvernement, invité les membres du Comité à effectuer une visite dans le pays afin que cet organe y procède à sa propre évaluation de la situation et présente des recommandations s'agissant de la manière de promouvoir plus avant, au Guatemala, les droits de l'homme en général et les droits économiques, sociaux et culturels en particulier. Soulignant que le Guatemala s'est doté d'une stratégie de réduction de la pauvreté, il a affirmé que la pauvreté a un visage rural, autochtone et féminin. Il a par ailleurs souligné qu'une décentralisation des services de santé a été opérée et que l'éducation bilingue interculturelle a été renforcée.

La délégation guatémaltèque était également composée, entre autres, de M. Ricardo Alvarado Ortigoza, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de Mme Catalina Soberanis, Secrétaire pour la paix auprès de la Présidence de la République, et de M. Mynor Cordon, Vice-Ministre de la santé publique et de l'assistance sociale. Elle a apporté aux membres du Comité des compléments d'information s'agissant, entre autres, du degré d'application des Accords de paix; du droit syndical et du droit du travail; du travail des enfants; de la traite des êtres humains; des personnes disparues; des questions de santé et d'éducation; de la situation des populations autochtones.


La délégation a notamment indiqué qu'à ce jour, plus de 22 000 familles ont déjà bénéficié du programme de redistribution des terres aux autochtones. Une loi est en cours d'élaboration qui régulariserait les titres fonciers des populations autochtones, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a aussi déclaré que 48% des Accords de paix n'ont pas encore été mis en œuvre et a indiqué qu'un projet de loi sera présenté la semaine prochaine qui prévoit de reconnaître un caractère obligatoire à la mise en œuvre de ces Accords.


Le Comité entamera lundi après-midi, à 15 heures, l'examen du quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie (E/C.12/4/Add.10).



Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. ALFONSO FUENTES, Président de la Commission présidentielle des droits de l'homme du Guatemala, a dit être pleinement conscient que, pour parvenir à des progrès significatifs en matière de droits de l'homme, il convient d'une part d'appréhender ces questions sur le moyen et le long terme et, d'autre part, de susciter un climat de confiance entre l'État et la société civile, compte tenu des antécédents du plus long conflit armé qu'ait connu l'Amérique latine et qui a vu l'apparition de structures clandestines qu'il faut dissoudre, ainsi que la prolifération de polices privées non autorisées ni réglementées.

M. Fuentes a rappelé que le Conseil directeur de la Commission présidentielle des droits de l'homme avait approuvé une proposition de politique de l'exécutif en matière de droits de l'homme, présentée par la Commission, et avait pris la décision de la soumettre, avant sa mise en œuvre, à un processus de consultation avec la société civile. Le processus de consultation a duré six mois, après quoi les propositions qui en ont en découlèrent furent intégrées et approuvées par le Conseil directeur. Au nombre des mesures prises par l'État dans le cadre de la politique ainsi approuvée, figure avant tout la reconnaissance de la responsabilité de l'État dans des cas de graves violations des droits de l'homme, reconnaissance qui s'est accompagnée de la recherche de solutions avec les familles des victimes et/ou leurs représentants (réparations économiques, impulsion donnée aux procédures judiciaires…). M. Fuentes a par ailleurs souligné que le plan national d'indemnisation constitue le premier programme national dont l'élaboration, la mise en œuvre, la direction politique et l'évaluation sont entre les mains d'une commission paritaire composée de cinq membres du Gouvernement et de cinq membres de la société civile.

Dans le cadre de l'invitation ouverte lancée par l'actuel Gouvernement du Guatemala, M. Fuentes a, au nom de ce Gouvernement, invité les membres du Comité à effectuer une visite dans le pays afin que cet organe procède à sa propre évaluation de la situation et présente des recommandations s'agissant de la manière de promouvoir plus avant, au Guatemala, les droits de l'homme en général et les droits économiques, sociaux et culturels en particulier. M. Fuentes a suggéré que le Comité pourrait envisager une visite de M. Álvaro Tirado Mejía, membre du Comité chargé de l'examen du rapport guatémaltèque, et de M. Arjun Sengupta, Expert indépendant sur le droit au développement.

M. Fuentes a souligné que le Guatemala s'est doté d'une stratégie de réduction de la pauvreté, la pauvreté étant considérée comme le problème politique et éthique le plus grave qui se pose à l'État. La pauvreté à un visage rural, autochtone et féminin, a-t-il précisé.


Vidéo-projection à l'appui, M. Fuentes a ensuite expliqué que la couverture de santé n'est pas encore totale au Guatemala puisque des mesures doivent encore être prises en faveur des 10% de la population qui n'ont pas accès au système de santé. Une décentralisation des services de santé a été opérée vers 52 municipalités à travers le pays, a-t-il souligné. En matière d'éducation, a-t-il poursuivi, l'éducation bilingue interculturelle a été renforcée. Dans le domaine de l'emploi, des mesures ont notamment été prises pour éliminer le travail des enfants et une initiative de réforme du Code du travail est en cours, a par ailleurs précisé M. Fuentes. Quant aux populations autochtones, le Guatemala dispose d'une commission contre la discrimination et le racisme et une sous-direction chargée des lieux sacrés a été créée auprès du Ministère de la culture et des sports. M. Fuentes a en outre fait part de l'existence d'une loi sur les langues nationales reconnaissant officiellement les langues maya, garifuna et xinca.

Le deuxième rapport périodique du Guatemala (E/1990/6/Add.34/Rev.1) souligne qu'afin de renforcer le cadre juridique nécessaire à l'exécution des activités et des programmes de développement économique et social visant à rendre effectifs les droits énoncés dans le Pacte, au cours de la période 1999-2001, le Congrès de la République du Guatemala a approuvé diverses lois et réformes, particulièrement dans les domaines de la santé, de l'éducation, du travail et de la sécurité sociale. Un Plan national de santé pour 2000-2004 a été appliqué qui oriente les travaux du Ministère de la santé publique et de l'assistance sociale, précise le rapport. Il indique notamment que la dengue touche tous les départements du pays, à l'exception de celui de Totonicapan. En 2000, on a dénombré 4 800 cas de dengue dans le pays, précise-t-il. En ce qui concerne la leishmaniose, poursuit-il, le foyer principal de cette maladie est le département d'El Petén. S'agissant de la maladie de Chagas, les activités suivantes ont été entreprises dans les départements prioritaires de Chiquimula, Zapaca, Santa Rosa, Jutiapa et Jalapa: lutte contre les vecteurs d'infection (avec la pulvérisation d'insecticides); formation; traitement de 280 personnes chez qui la maladie a été diagnostiquée.

En ce qui concerne les questions d'éducation, le rapport indique notamment qu'un programme d'autogestion éducative, le PRONADE, doté en 2000 de 355 millions de dollars des États-Unis, a pour objectif de développer les écoles autogérées dans les zones rurales. Il fait appel à la participation des parents, qui forment un comité éducatif ayant pour fonction de gérer le processus éducatif, d'engager les enseignants et de les rémunérer, de fournir une aide alimentaire aux élèves, d'acheter les fournitures et le matériel pédagogique et de superviser le travail des enseignants et des élèves. En 2001, ajoute le rapport, le Ministère de l'éducation a accordé une attention spéciale aux populations déracinées, à l'intention desquelles il a engagé 815 éducateurs comme enseignants du primaire. La même année, 20% des écoles des 18 communautés linguistiques ont pu dispenser un enseignement bilingue interculturel depuis le niveau préscolaire jusqu'à la troisième année du primaire. En 2000, la Direction générale pour l'enseignement bilingue (DIGEBI) a permis à 288 507 enfants autochtones de 1 639 écoles de recevoir un enseignement dans leur propre langue.


Examen du rapport

Plusieurs membres du Comité se sont enquis du degré de mise en œuvre de la réforme agraire au Guatemala et des mesures prises afin de faire progresser cette réforme.

Plusieurs experts se sont inquiétés du faible accès des populations autochtones aux différents services, notamment en matière d'éducation. Un autre membre du Comité a relevé que certaines sources évaluent la population autochtone à 60% de la population totale du pays, alors que d'autres l'évaluent à 45%.

Il semble y avoir au quotidien une discrimination de facto entre hommes et femmes, a par ailleurs affirmé un expert.
La délégation a souligné que la question de l'autonomie des populations autochtones relève d'un changement constitutionnel. Malheureusement, dans le cadre du débat sur cette question, des thèmes ont été avancés qui n'avaient rien à voir avec le sujet et des secteurs conservateurs ont, avec succès, fait campagne pour qu'il n'y ait pas d'amendements constitutionnels. Les partis politiques n'ont pas souhaité donner suite aux engagements contenus sur ce point dans les Accords de paix, a souligné la délégation. Certains progrès ont néanmoins pu être réalisés par la voie présidentielle ou législative, mais les décrets n'ont pas la même valeur que des dispositions de la Constitution, a précisé la délégation. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la création de mécanismes alternatifs de règlement des différends respectant le droit coutumier.

Pour ce qui est de la redistribution des terres aux autochtones, la délégation a indiqué qu'en 2002, 134 fermes représentant plus de 8 000 hectares ont été distribuées. En 2003, ce sont près de 100 000 hectares qui ont été distribués et, à ce jour, plus de 22 000 familles ont déjà bénéficié de cette redistribution des terres, a indiqué la délégation.

La Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui contient d'importants principes relatifs à l'autonomie des populations autochtones, a bien valeur constitutionnelle au Guatemala, a par ailleurs assuré la délégation. Actuellement, a-t-elle poursuivi, une loi est en cours d'élaboration qui régulariserait les titres fonciers des populations autochtones.

La délégation a par la suite souligné que, dans le contexte de la redistribution des terres aux populations autochtones, la question en jeu porte davantage sur la qualité des terres et donc leur productivité que sur de simples titres de propriété.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Guatemala a enregistré une augmentation des plaintes pour violence conjugale. Cette question est désormais abordée par les tribunaux non plus au civil mais au pénal, a-t-elle fait valoir.

En ce qui concerne les Accords de paix, la délégation a mis l'accent sur leur complexité et a déclaré que 48% de ces accords n'ont pas encore été mis en œuvre. Un projet de loi sera présenté la semaine prochaine qui prévoit de reconnaître un caractère obligatoire à la mise en œuvre des Accords, a indiqué la délégation.

Un membre du Comité a fait état d'informations émanant de l'Organisation internationale du travail (OIT) et d'autres sources qui indiquent que la confédération des syndicats du Guatemala se plaint de l'impossibilité dans laquelle se trouvent les inspecteurs du travail de mener à bien leur mission. Le Gouvernement se doit d'établir une limitation, soit mensuelle, soit annuelle, du nombre d'heures supplémentaires que peut effectuer un employé, a par ailleurs souligné cet expert. Il a en outre attiré l'attention sur le fait que la législation actuellement en vigueur interdit la grève dans certains secteurs tels que les transports et l'électricité qui, selon les normes internationales en vigueur, notamment celles de l'OIT, ne figurent pas au nombre des services essentiels susceptibles de faire l'objet d'une telle limitation. Cet expert a d'autre part affirmé que la loi interdisant aux travailleurs agricoles de faire grève en période de récolte revient à les priver de la possibilité de faire valoir leurs droits. En effet, a-t-il insisté, c'est en période de récolte qu'une grève dans le secteur agricole prend tout son sens et son pouvoir de pression.

Un autre membre du Comité a fait part de ses préoccupations face à l'actuelle législation sur le travail, qui limite l'accès des travailleurs à bon nombre de leurs droits, notamment leurs droits syndicaux. Dans quelle mesure la réforme envisagée du Code du travail est-elle susceptible de remédier à cette situation, s'est demandé cet expert avant de dénoncer le travail d'enfants mineurs dont les documents ont été falsifiés afin qu'ils puissent travailler dans des ateliers et entreprises.

En ce qui concerne la question du salaire minimal, la délégation a expliqué que la commission nationale tripartite (employeurs, travailleurs, État) chargée des questions salariales n'étant pas parvenue à un accord, c'est au Gouvernement qu'est revenue la décision de décréter le taux du salaire minimal.

La délégation a par ailleurs déclaré que le Gouvernement s'efforce, dans la mesure du possible, de répondre favorablement aux revendications émanant des syndicats et autres entités. Alors qu'auparavant les travailleurs agricoles n'avaient pas le droit de faire grève, a souligné la délégation, le Gouvernement leur a accordé ce droit, même s'il est vrai que cette autorisation s'accompagne de certaines limitations concernant notamment les périodes autorisées.

De 2002 à aujourd'hui, 38 conventions collectives ont été signées dont 22 dans le secteur privé, a indiqué la délégation. Ces derniers temps, des conventions collectives ont été signées dans l'industrie du textile, a-t-elle par ailleurs fait valoir. Le Ministère du travail ne disposant pas de ressources suffisantes, les inspecteurs du travail ne sont pas assez nombreux et s'occupent surtout des conflits liés à la propriété des terres, a-t-elle en outre expliqué.

En ce qui concerne les maquiladoras, la délégation a affirmé qu'ici aussi, des conventions collectives ont été signées, ces questions figurant dans le traité de commerce actuellement en cours de discussion avec les États-Unis.

Un membre du Comité a affirmé qu'il manque actuellement 790 000 unités de logement dans le pays et que, compte tenu de l'essor démographique, il faudrait en construire 42 800 de plus chaque année. La délégation a indiqué que des centaines de millions de quetzales ont été consacrées au secteur du logement ces dernières années. Pour 2004, il est prévu d'allouer 372, 2 millions de quetzales à ce secteur.

Plusieurs experts ayant mis l'accent sur la nécessité, pour le pays, de prendre des mesures afin de lutter contre le travail des enfants, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement guatémaltèque a mis en place un programme de réadaptation en faveur des enfants qui travaillaient. Parmi les mesures prises en faveur de ces enfants, figure l'octroi de bourses afin qu'ils ne soient pas obligés de rapporter des revenus au foyer. S'agissant de la question du droit syndical des enfants qui travaillent, la délégation a fait observer qu'accorder aux enfants de moins de 14 ans qui travaillent le droit de s'affilier reviendrait à admettre leur droit à travailler.

Un membre du Comité ayant jugé plutôt faibles les efforts déployés par le Gouvernement en faveur des 1, 5 million de personnes handicapées que compte le pays, la délégation a indiqué qu'un projet de loi sur les personnes handicapées a été adopté mais que le décret-loi pour sa mise en œuvre attend encore d'entrer en vigueur.

Un autre expert a souhaité savoir pourquoi le Gouvernement n'a pas tenu les engagements d'augmentation de la fiscalité pris en vertu des Accords de paix.

Un membre du Comité ayant demandé des exemples de peines adéquates et exemplaires prononcées dans des affaires de traite de femmes ou d'enfants, la délégation a indiqué que les autorités guatémaltèques coopèrent avec le Mexique à des fins de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants; il est en effet fréquent que des jeunes filles traversent la frontière afin de se livrer à des activités sexuelles à des fins commerciales.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le Gouvernement dispose d'un programme précis ciblant particulièrement les quelque 500 000 orphelins que compterait actuellement le pays, suite au conflit armé qui a frappé le Guatemala pendant plusieurs décennies.

La délégation a déclaré que, selon certaines données émanant en particulier de la Croix-Rouge, le nombre de personnes disparues au Guatemala semble être le double de celui qui avait été estimé dans un premier temps. C'est pourquoi a été mis en place un programme à long terme visant à prendre en charge les familles des victimes.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir quel était le nombre d'enfants disparus qui ont été retrouvés depuis la fin du conflit, la délégation a indiqué que, selon les informations fournies par des organisations de droits de l'homme, 120 enfants ont été retrouvés. La difficulté de retrouver les enfants disparus vient notamment du fait qu'il n'existe pas de système d'enregistrement civil ni de documents d'identité unique au Guatemala, a expliqué la délégation.

Les dépenses sociales vont atteindre plus de 11 milliards de quetzales en 2003, soit 36, 6% du budget de l'État, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a admis qu'il existe bien un problème de santé au Guatemala, mais a assuré que les choses changent réellement dans ce domaine. La délégation a notamment reconnu qu'il existe un problème de nutrition chez les enfants et a mis l'accent sur la nécessité de favoriser la pratique de l'allaitement maternel jusqu'à six mois.

Un membre du Comité a relevé le très important taux d'analphabétisme qui frappe le Guatemala et qui donne la mesure de l'importance du problème de l'éducation dans ce pays.

La délégation a indiqué qu'une grande partie de l'éducation appartient au secteur privé. Pour ce qui est de l'éducation publique, la moitié du budget de l'éducation va à l'enseignement primaire, a-t-elle précisé. Le taux d'analphabétisme a baissé d'environ 28 à 21%, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Il faudra encore un peu de temps au pays pour passer d'une culture de la violence à une culture de la paix, a déclaré la délégation en fin de séance.

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