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COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : PLUSIEURS PAYS PASSENT EN REVUE LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME À TRAVERS LE MONDE
01 avril 2003
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Commission des droits de l'homme
59ème session
1 avril 2003
Après-midi
L'Experte sur l'extrême pauvreté souligne que le coût de la guerre
en Iraq équivaut déjà à la construction de 50 000 écoles,
de 5 000 hôpitaux, de 120 000 dispensaires
La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde en entendant les déclarations de dix-sept pays. Au titre des droits économiques, sociaux et culturels, la Commission a par ailleurs entendu Mme Anne-Marie Lizin, Experte indépendante sur la question des droits de l'homme et de l'extrême pauvreté, qui a présenté son rapport.
Mme Lizin a fait observer que le coût de la guerre en Iraq depuis le début des opérations représente une somme qui aurait permis la construction de plus de cinquante mille écoles, de cinq mille hôpitaux, de cent-vingt mille dispensaires et de plus de puits qu'il n'en faut pour apporter l'eau à tous les villages et quartiers d'Afrique. La République dominicaine a fait une déclaration au sujet de la visite effectuée dans le pays par l'Experte indépendante.
Reprenant le débat général sur la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde, plusieurs délégations ont dressé un tableau des progrès enregistrés au cours de l'année écoulée et des lacunes subsistantes en matière de respect des droits de l'homme à travers le monde. D'autres se sont concentrées sur la situation dans leur propre pays et se sont notamment attachées à mettre en évidence les efforts qu'elles y déploient en vue de promouvoir les droits de l'homme. Plusieurs intervenants ont dénoncé la politisation et la sélectivité qui, selon eux, caractérisent les débats au titre de ce point de l'ordre du jour.
Les pays suivants ont fait des déclarations: Canada, Burkina Faso, Australie, Inde, Algérie, États-Unis, Chine, Pologne, Costa Rica, Cuba, Malaisie, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Égypte, Géorgie et Suisse.
Ont en outre exercé leur droit de réponse la Syrie, la République démocratique du Congo, la Libye, le Pakistan, le Rwanda, Haïti, le Togo, le Zimbabwe, l'Iraq, Cuba, le Vietnam et la République populaire démocratique de Corée.
La Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, son débat sur la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde.
Présentation du rapport sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté
Au titre de la question des droits économiques, sociaux et culturels, MME ANNE-MARIE LIZIN, Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, a estimé qu'il était impossible de parler de la pauvreté sans prendre en considération les dépenses de guerre engagées par la coalition. Ainsi, le coût de la guerre en Iraq depuis son déclenchement aurait déjà permis la construction de plus de 50 000 écoles, 5 000 hôpitaux, 120 000 dispensaires et plus de puits qu'il n'en faut pour donner l'eau à tous les villages et quartiers d'Afrique, a-t-elle souligné. Elle a rappelé que son rapport de l'année 2000 proposait 15 pratiques que les États pouvaient adopter et des méthodes pour permettre aux plus pauvres de faire entendre leur voix. Précisant que ce rapport 2003 était pour elle un rapport intermédiaire, elle a indiqué que l'on observait des améliorations de certaines pratiques, notamment en Chine et au Bénin. Elle a fait part de régressions dans d'autres parties du monde, notamment en République démocratique du Congo (pays analysé dans le rapport) et en République de Moldova. L'Experte indépendante a indiqué qu'elle a émis, dans son rapport, quelques «critiques positives» à l'égard des institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international, qui doit encore évoluer.
Pour ce qui est des bonnes pratiques, elle a mis l'accent sur la décentralisation qui permet de mettre en œuvre les stratégies de lutte contre la pauvreté. Parmi les problèmes urgents, elle a mentionné en particulier les migrations, et a cité l'exemple d'une petite congolaise de cinq ans qui a été rapatriée à Kinshasa alors que les autorités du Canada où avait émigré sa mère savaient pertinemment qu'il n'y avait personne pour l'accueillir. Elle a demandé que l'on prête l'attention qu'il convient aux migrations, question qui doit être traitée à long-terme. Elle a également appelé l'attention sur la déliquescence des structures de certains États, notamment en ce qui concerne l'état civil, seul moyen d'assurer les droits de la population à l'éducation, par exemple.
L'Experte indépendante a ensuite exprimé ses remerciements à ATD-Quart monde, au Bénin et à la République dominicaine dont les autorités font montre d'une véritable volonté de lutter contre la pauvreté. Toutefois, elle a dénoncé des discriminations dans ce dernier pays à l'égard des émigrants haïtiens et a mentionné le cas d'un homme d'origine béninoise qui pratique le vaudou, comptant sans doute parmi les plus pauvres du monde, mais qui n'aura jamais le droit de comprendre son histoire et ne pourra pas bénéficier du processus de naturalisation de la République dominicaine.
Dans son rapport sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté (E/CN.4/2003/52), Mme Lizin, identifie une action prioritaire en faveur des populations des pays les plus pauvres pour mettre en œuvre la restructuration de l'état civil dans les pays qui ont négligé ou abandonné sa tenue comme recommandé dans son dernier rapport. La reconnaissance de la citoyenneté est la condition minimale à l'exercice ou à la jouissance de nombreux droits et elle se manifeste par la délivrance d'un document d'identité. Un questionnaire sur l'état civil, destiné aux autorités nationales, est joint au présent rapport pour approbation. L'Experte indépendante poursuit également sa réflexion sur la décentralisation dans la mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre la pauvreté extrême. Elle propose de mesurer l'état de ces pratiques de décentralisation à l'aide d'un questionnaire destiné aux responsables, élus ou non, d'autorités décentralisées. Par ailleurs, elle poursuit un dialogue constructif avec les institutions financières internationales pour les convaincre de donner à leurs actions une dimension de respect de l'ensemble des droits de l'homme. Enfin, l'Experte indépendante a porté son attention sur les phénomènes migratoires qui révèlent le désespoir des populations pauvres. Ces déplacements sont de plus en plus souvent exploités par des groupes criminels et provoquent une augmentation significative des réactions racistes et sécuritaires.
Dans l'additif 1 à son rapport, relatif à sa mission en République dominicaine, l'Experte indépendante retire une impression favorable des politiques publiques mises en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté extrême. Profitant de la croissance économique rapide de ces dernières années, le Gouvernement s'est engagé dans un programme ambitieux qui vise à améliorer les conditions de vie des plus pauvres tout en leur donnant les moyens de sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de l'exclusion sociale par un effort particulier en matière d'éducation. Le Gouvernement essaie aussi de transformer la gestion purement sécuritaire avec son cortège d'abus et de violations des droits de l'homme de l'immigration haïtienne. L'experte indépendante a mesuré les efforts accomplis et le chemin qui reste à parcourir pour dépasser les préjugés présents dans la société. Un autre motif de préoccupation est l'impunité dont jouissent les policiers qui échappent aux juridictions communes. Là encore, les efforts du Gouvernement doivent se poursuivre pour que tous les citoyens puissent se reconnaître dans une police démocratique et réellement à leur service. La désignation rapide d'un Defensor del Pueblo contribuerait certainement à une meilleure protection des droits de l'homme. Bien que la politique sociale du Gouvernement encourage la participation des femmes, l'experte considère qu'il serait possible de faire davantage en matière d'encouragement au contrôle des naissances. Le Gouvernement dominicain se montre très soucieux de rester à l'écoute des catégories les plus pauvres de la population et ses interventions sont précédées de véritables consultations. Mme Lizin voit dans cette méthode une preuve de sérieux et un gage de succès qui pourrait être renforcé par une évolution progressive vers une décentralisation administrative et politique.
MME YSSET ROMÁN MALDONADO (République dominicaine) a déclaré prendre note du rapport de l'Experte indépendante et l'a remercié de sa réponse positive à l'invitation que lui ont lancée les autorités. Mme Lizin, au cours de son séjour, a rencontré des membres du Gouvernement, des membres d'organisations non gouvernementales ainsi que des représentants du corps diplomatique. Le Gouvernement a lancé un vaste programme de lutte contre la pauvreté: loi de sécurité sociale, caisse de secours en cas de maladie ou de retraite, subventions scolaires, programmes de micro-crédit, attribution de terres aux plus démunis. Les tribunaux dominicains œuvrent de leur côté à l'application des mesures juridiques de lutte contre la pauvreté extrême. Il reste beaucoup à faire et la route sera longue. Les ressources manquent et l'appui de la communauté internationale sera indispensable pour cet effort, a conclu la représentante dominicaine.
Suite du débat sur la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde
M. CHRISTOPHER WESTDAL (Canada) a déclaré que les violations déplorables des droits de l'homme en Iraq ont préoccupé la Commission pendant des décennies. Le Canada condamne sans équivoque les violations de droits de l'homme perpétrées par le Gouvernement de l'Iraq. Il demande en outre à toutes les parties au conflit actuel de respecter les droits de l'homme, le droit humanitaire international et la quatrième Convention de Genève dans le cadre des combats en cours. Le droit des prisonniers de guerre doit être respecté, a insisté le représentant canadien. Il a indiqué que son pays est disposé à aider à la reconstruction de l'Iraq pour laquelle les Nations Unies et le Haut Commissariat aux droits de l'homme devraient, de l'avis du Canada, jouer un rôle central. La crise humanitaire et la situation des droits de la personne en République démocratique du Congo restent parmi les plus graves de l'Afrique, a poursuivi le représentant canadien, exhortant tous les protagonistes à mettre en place la transition et à cesser sans délai la violence dans l'Est du pays. Le Canada renouvelle en outre son appel en faveur de la cessation des violations des droits de l'homme dans la République de Tchétchénie de la Fédération de Russie. Au Soudan, la paix est indispensable si l'on veut que la situation des droits de l'homme s'améliore. Le Canada est d'autre part préoccupé par le fait que la campagne militaire en cours dans le nord de l'Ouganda est lourde de menaces s'agissant des déplacements internes et des enlèvements. Au Libéria, le Canada est gravement préoccupé par les informations faisant état de combats de plus en plus nombreux entre les rebelles du LURD et les forces de sécurité gouvernementales. Les droits de l'homme des Israéliens et des Palestiniens ont été terriblement violés du fait du conflit au Moyen-Orient. À cet égard, la reprise du processus de paix est de la plus grande urgence. S'agissant du Sri Lanka, il est regrettable qu'en dépit du cessez-le-feu, des indices attestent de la poursuite de graves violations des droits de l'homme dans ce pays. S'agissant de l'Indonésie, le Canada est préoccupé par la poursuite de la violence perpétrée par les deux parties en Aceh.
Trop d'individus accusés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité continuent de jouir d'une impunité totale, en particulier en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et en Serbie. Les progrès dans le domaine des droits de l'homme ont été lents au Kosovo, en particulier pour les minorités serbe et rom. En Macédoine, des préoccupations subsistent quant aux obstacles à la pleine participation de la minorité albanaise dans les milieux civils et politiques. Pour ce qui est de l'Afghanistan, le Canada demande que les droits de l'homme, en particulier ceux des femmes et des enfants, trouvent une place centrale dans la Constitution. Le Canada exhorte par ailleurs le Gouvernement cambodgien à assurer que la préparation des élections, la campagne et le vote lui-même, prévu pour juillet prochain, seront libres et exempts de tout acte d'intimidation ou de harcèlement. Le Canada encourage le Gouvernement vietnamien à mettre un terme à la pratique de la détention administrative et à permettre une plus grande liberté politique et religieuse.
Si les efforts en cours au Sierra Leone sont encourageants, le Canada reste néanmoins préoccupé par les rapports de corruption dans ce pays ainsi que par l'impact des tensions régionales sur les droits de l'homme. En Côte d'Ivoire, où la culture de l'impunité dénoncée en novembre 2001 a repris les devants de l'actualité, les rapports faisant état de fosses communes et d'escadrons de la mort sont particulièrement inquiétants. Le Canada renouvelle en outre son appel au Gouvernement de Haïti afin qu'il intensifie ses efforts de promotion des droits de l'homme. Le Canada continue d'être préoccupé par l'imposition de sentences cruelles et inhumaines au Nigéria, telles les condamnations à mort par lapidation pour adultère. Tout en se réjouissant de certaines mesures récemment prises en Arabie saoudite, le Canada reste préoccupé par le manque d'équité de la justice et par la forte incidence des exécutions et châtiments corporels dans le système pénal. En dépit de la détérioration de la crise humanitaire, le Gouvernement du Zimbabwe continue de violer les droits de l'homme, y compris le droit d'accès à la nourriture. Tout en se réjouissant de l'invitation adressée à des rapporteurs thématiques par l'Iran, le Canada se dit préoccupé par le nombre croissant d'exécutions dans le pays, les restrictions de plus en plus fortes imposées à la liberté de la presse, la discrimination officielle dont sont victimes dans ce pays des minorités religieuses, en particulier les Baha'i. Le représentant canadien a souligné que les défenseurs des droits de l'homme continuent d'être menacés dans de nombreuses régions du monde, notamment au Guatemala. Le Canada est aussi préoccupé par le harcèlement et l'emprisonnement dont sont victimes à Cuba ceux qui protestent contre les politiques gouvernementales, et exhorte Cuba à réaliser dans le domaine des droits civils et politiques des progrès aussi admirables que ceux que l'île a réalisés dans le domaine des droits sociaux, en particulier dans les secteurs de la santé et de l'éducation. D'autre part, le Canada apprécie les progrès soutenus globalement enregistrés dans le domaine des droits de l'homme en Chine mais reste préoccupé par les restrictions qui frappent les groupes spirituels ainsi que la liberté d'expression, d'association et de religion.
M. MICHEL KAFANDO (Burkina Faso) a exprimé ses préoccupations et ses inquiétudes au regard des discriminations et des conflits qui endeuillent le monde. Après avoir évoqué les crises graves qui pèsent sur l'Afrique, il a mis l'accent sur les violations des droits de l'homme observées en Côte d'Ivoire, principalement depuis les événements de septembre 2002. Il a regretté qu'il se soit produit dans ce pays une réaction anti-étrangère d'une rare virulence, dirigée contre les non-nationaux, et en tout premier lieu contre les ressortissants du Burkina Faso. Il a rappelé les raisons de la forte présence d'immigrés burkinabè dans ce pays, qui remonte à la période coloniale, moment où les deux pays formaient pratiquement un seul et même territoire. Il a dénoncé les atteintes à la dignité humaine, les souffrances indicibles et les atrocités endurées par les populations civiles en Côte d'Ivoire et l'impunité qui entoure ces actes criminels. Il a interpellé la Commission et demandé s'il était vraiment possible de passer sous silence des agissements aussi répréhensibles. Il a demandé s'il serait vraiment possible de réfuter qu'il y ait eu violation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire alors que maintes enquêtes d'institutions onusiennes et d'organisations non gouvernementales ont conclu à la véracité de ce fait. Il a estimé que la manifestation de la vérité, d'une part, mettra les autorités ivoiriennes devant leurs responsabilités et, d'autre part, contribuera certainement à l'apaisement de la situation, tant en Côte d'Ivoire que dans la sous-région. Il a déclaré qu'il croyait savoir que le Gouvernement ivoirien avait lui-même demandé aux Nations Unies, à la suite du premier rapport qu'il conteste, de diligenter une nouvelle enquête sur la question des droits de l'homme en Côte d'Ivoire. Il a reconnu qu'il était du ressort de la Commission de décider sous quelle forme elle souhaitait prendre ses responsabilités sur cette douloureuse question, que ce soit par l'envoi d'un expert indépendant, la nomination d'un rapporteur spécial ou le vote d'une résolution. Il a déclaré que l'essentiel était pour son peuple que la Commission se prononce pour que de telles tragédies ne se reproduisent plus et que la confiance renaisse.
M. MIKE SMITH (Australie) a déclaré que le gouvernement de l'Iraq, tout au long de ces vingt-cinq dernières années, a constamment commis des violations des droits de l'homme, attaquant son propre peuple avec des armes chimiques, pratiquant la torture et brutalisant les minorités. L'Australie est pour sa part déterminée à assurer un futur où les Iraquiens puissent vivre sans la peur et dans la liberté, la justice et la paix. L'Australie se félicite d'autre part de la nomination de M. Abu Mazen au poste de Premier ministre palestinien et espère qu'elle marquera un tournant. Il faut mettre un terme aux attentats suicide et l'Australie est consternée par le bilan terrible en pertes de vies civiles des deux côtés. Au Zimbabwe, l'Australie a fait de son mieux, dans le cadre du Commonwealth, pour tenter d'interrompre le processus de déliquescence de l'état de droit et du processus démocratique dans ce pays. Elle condamne la violence choquante déployée contre l'opposition politique et la société civile, et appelle le Gouvernement du Zimbabwe à apporter des réponses à ses problèmes politiques, économiques et humanitaires.
Le Gouvernement australien se déclare également préoccupé par la situation des droits de l'homme en Indonésie, bien que des progrès aient été constatés notamment en ce qui concerne les mesures spéciales d'acquisition de l'autonomie des provinces d'Aceh et de Papouasie. Elle reconnaît les efforts déployés par la Chine pour davantage de transparence et de responsabilité dans son système juridique et administratif. L'Australie se déclare aussi inquiète de la situation en République démocratique populaire de Corée, et salue les efforts déployés par la Birmanie, le Cambodge et l'Iran. Elle se félicite des accords de paix obtenus au Népal et au Sri Lanka, note les progrès accomplis en Afghanistan, mais relève que la situation des femmes y est toujours délicate. Le sort de Mme Amina Lawal, condamnée à la lapidation par un tribunal religieux au Nigéria, est également préoccupant pour l'Australie. Enfin, s'il faut être encouragé par les négociations de paix en cours actuellement, l'Australie est inquiète de la situation au Soudan, qui devrait collaborer sans restrictions avec les institutions internationales et les organisations humanitaires pour limiter les souffrances dûes à la guerre civile.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a relevé que le débat au titre de la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde a souvent engendré d'importantes divisions et il a appelé chacun à s'interroger pour savoir si l'objectif commun de promotion des droits de l'homme à travers le monde est bien servi par l'approche qui a jusqu'à présent été adoptée s'agissant du traitement de ce point de l'ordre du jour. En la matière, adopter l'approche qui convient est un objectif tout aussi important que l'objectif visé en premier lieu, à savoir la promotion et la protection des droits de l'homme, a insisté le représentant indien.
Le représentant indien a souligné l'impact négatif sur la crédibilité et l'efficacité de la Commission de la perception selon laquelle le complexe édifice des droits de l'homme qu'elle a échafaudé serait en réalité un instrument servant à promouvoir les objectifs politiques de certains. Cette impression est renforcée lorsque la Commission est utilisée pour condamner sélectivement ceux qui n'ont pas la faveur des puissants alors que d'autres, coupables de violations bien plus graves, sont protégés parce qu'ils sont considérés comme des alliés. Il ne saurait être question, par exemple, de se prononcer négativement au sujet du manque de démocratie dans un pays et de présenter des résolutions contre ce pays, et en même temps de passer sous silence la manière dont la démocratie, l'égalité et la primauté du droit continuent d'être foulées du pied en toute impunité par les dirigeants militaires du Pakistan. Une telle approche, basée sur des dividendes politiques attendus à court terme, n'accroît pas la crédibilité de la Commission. Pour sa part, l'Inde estime que le respect des droits de l'homme ne peut être assuré que dans un environnement politique garantissant la démocratie et la liberté. L'unité dans la diversité est au fondement même de l'inspiration de l'Inde, a insisté le représentant. Aujourd'hui, la principale menace qui pèse sur le système international des droits de l'homme provient de sociétés hautement instables qui se caractérisent par un mélange explosif de dictature militaire, d'obscurantisme et d'exportation de la terreur comme instrument de la politique d'État. Il s'agit là d'États qui n'hésitent généralement pas à politiser l'ordre du jour des droits de l'homme.
M. MOHAMED-SALAH DEMBRI (Algérie) a regretté que l'espace qui est censé être un moment de réflexion commune sur les progrès communs en faveur de l'émancipation de l'homme et de sa pleine jouissance de l'ensemble des droits, serve plutôt à l'élaboration méthodique d'un système d'accusation taillé sur mesure pour fustiger des pays appartenant à la même sphère géographique. Il a estimé que ces démarcations caricaturales charrient les ferments d'une nouvelle tentative de division de la communauté internationale entre mode démocratique et libre, d'une part, et d'autre part, périphérie néo-barbare. Il a dénoncé ceux qui vont jusqu'à dénier à certains le droit d'exprimer leurs souffrances et de crier leur soif de liberté. Il a ensuite adressé une série de questions à ceux qui s'arrogent le droit de se poser en censeurs. Le monde sera-t-il moins libre si la communauté internationale décidait d'éradiquer la pauvreté, a-t-il demandé? Le monde sera-t-il moins libre et moins démocratique si le droit au développement était consacré juridiquement comme faisant partie intégrante des droits inaliénables de l'homme ? Le monde se sentira-t-il moins libre si la majeure partie de l'humanité accédait aux soins de santé ? Le monde sera-t-il moins libre si l'on reconnaît à tous les peuples et à toutes les nations l'égal droit à la dignité, à l'indépendance, à la sécurité et à la paix ? Le monde sera-t-il moins libre si la mondialisation était accompagnée d'un contrepoids social et humain ? Le monde sera-t-il moins libre si le colonialisme était un jour appelé par son nom et les crimes commis durant cette période noire qualifiés juridiquement? Il a estimé que les réponses à ces questions dépendent de notre volonté à construire un monde démocratique selon une vision humaniste.
Sans citer aucun pays, le représentant algérien a ensuite dénoncé certaines violations des droits de l'homme relevés dans les pays de ceux qui s'érigent en censeurs, à savoir, les mauvais traitements infligés par des policiers aux détenus et aux demandeurs d'asile ; les méthodes brutales lors d'expulsions forcées qui entraînent parfois la mort et, maintenant, les charters collectifs. Il a mis l'accent sur l'augmentation constante d'insultes racistes imputées à des policiers et s'est indigné des tortures et des mauvais traitements dont sont victimes les Rom, qui n'ont pas le droit à la défense. Il a également fait état de violences contre les défenseurs des droits de l'homme, d'atteintes à la liberté de religion et de fréquents cas de torture dans les pays baltes, dont même des enfants sont victimes, et les menées sournoises et pernicieuses des grands consortiums du pétrole qui manipulent les décideurs politiques. Estimant que les responsabilités des membres de Commission ne sauraient se diluer dans l'ignorance des souffrances indicibles de la majeure partie de l'humanité, il a considéré que la communauté internationale avait aujourd'hui grand besoin d'une Conférence mondiale «Vienne + 10» pour baliser les actions futures.
MME JEANE J. KIRKPATRICK (États-Unis) a déclaré que l'une des tâches essentielles de la Commission est de dénoncer les crimes commis par les États contre leurs propres citoyens. Lorsque l'on examine l'état du monde, on constate que bien plus d'hommes, de femmes et d'enfants sont victimes de leurs propres gouvernements plutôt que des effets des guerres. Saddam Hussein, qui cumule toute une série de fonctions officielles, a gouverné son pays depuis 1979 et est donc pleinement responsable de la conduite du régime iraqien. Les citoyens iraquiens vivent, selon les termes du Rapporteur spécial devant la Commission en 1999, «dans un climat de peur». Les médias en Iraq sont entièrement soumis au contrôle du parti Baath ou des membres du gouvernement. Le gouvernement a conduit depuis des décennies une campagne de meurtres, d'exécutions sommaires et d'arrestations sommaires à l'encontre des dirigeants chiites du pays, dont les organisations ne sont pas autorisées; la communauté kurde connaît également un sort peu enviable. Il n'y a pas de discrimination contre les femmes: elles sont de fait soumises aux mêmes mauvais traitement que les hommes, et le Gouvernement de l'Iraq utilise l'arme du viol pour obtenir des informations et tenter d'intimider les opposants. La mainmise de l'État sur le processus politique en Iraq est assurée par la terreur et la répression, et les membres de la famille Hussein monopolisent presque tous les postes importants. Les partis d'opposition sont hors-la-loi, l'appartenance à certains de ces partis peut être punie de mort. Cette situation terrible des droits de l'homme en Iraq n'est pas la cause de l'opération militaire actuelle en Iraq; mais le résultat en sera certainement une amélioration et la restauration des libertés et de la dignité du peuple iraquien. Les États-Unis pensent, contrairement à Saddam Hussein, que le peuple iraquien mérite la liberté et en est capable.
M. SHA ZUKANG (Chine) a rappelé que le point de l'ordre du jour consacré aux situations par pays a été intégré à l'ordre du jour de la Commission en 1967. Au cours des trente-six ans qui se sont écoulés depuis cette date, les délibérations au sein de la Commission ont joué un rôle positif pour ce qui est du soutien apporté aux peuples de tous les pays dans leur lutte contre le joug colonial, contre l'agression étrangère, contre l'occupation et contre l'apartheid. Malheureusement, la guerre froide, caractérisée par la confrontation politique, perdure dans tous les organes des Nations Unies et en particulier au sein de la Commission. La dure confrontation au titre de ce point de l'ordre du jour est un fait indiscutable. Aujourd'hui, les pays accusés et pris pour cible sont presque exclusivement d'anciennes colonies - à savoir les actuels pays en développement. La session actuelle de la Commission a passé sous silence les catastrophes humanitaires et les tueries qui se produisent dans un certain pays alors qu'elle proclame en toute hypocrisie sa préoccupation quant aux droits de l'homme dans certains autres pays.
Le représentant chinois a affirmé qu'aujourd'hui, la situation des droits de l'homme en Chine est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. Il s'est dit convaincu qu'à l'avenir elle s'améliorera encore davantage. Aux représentants de certains pays occidentaux qui ont fait part dans leurs déclarations de leurs préoccupations face à la situation des droits de l'homme en Chine, le représentant chinois a rappelé que c'est le Gouvernement chinois qui prend soin le plus des droits de l'homme des 1, 3 milliard de Chinois, lesquels sont satisfaits, eux, du Gouvernement chinois; et tant qu'ils seront satisfaits, le Gouvernement chinois ne changera pas sa politique. La Chine est opposée à la confrontation politique non parce qu'elle en a peur mais parce qu'elle ne favorise pas une culture de paix. La Chine est opposée aux résolutions par pays, non parce qu'elle en a peur mais parce qu'elles ne contribuent pas à la promotion et à la protection des droits de l'homme.
M. KRZYSZTOF JAKUBOWSKI (Pologne) a rappelé que le rôle de la Commission était, au premier chef, d'évaluer les situations des droits de l'homme, ce qui constitue un élément important en vue de développer la capacité internationale de prévention des conflits. Dans ces conditions, il n'est pas question de remettre en cause le droit de quiconque à s'exprimer dans le cadre de ce débat, a-t-il précisé. Il a reconnu qu'aucun État ne saurait se targuer de perfection en la matière et a insisté sur le fait que le débat sur les situations des droits de l'homme devrait se limiter strictement à l'évaluation de la réalisation des droits de l'homme et ne devrait en aucun cas être ressenti comme un acte d'ingérence. Il s'est déclaré d'avis qu'il ne fallait pas percevoir ce débat comme générateur de divisions, susceptible d'accroître la politisation de la Commission. Il importe de se souvenir de la raison d'être de cet organe qui est d'examiner les violations des droits de l'homme où qu'elles se produisent dans le monde, a-t-il recommandé. Il s'est dit convaincu que les États sont au premier chef responsables du respect des droits fondamentaux de leurs citoyens et a considéré que lorsque les États ne sont pas en mesure de s'acquitter de leurs obligations, la communauté internationale devrait les assister. En effet, a-t-il poursuivi, c'est dans un esprit de dialogue et de coopération que l'on sera à même d'apporter une contribution efficace à la cause des droits de l'homme.
MME CARMEN ISABEL CLARAMUNT-GARRO (Costa Rica) a déclaré que son pays était convaincu de l'importance de la Commission pour la protection des droits de l'homme. La Commission est conçue comme un organe politique. Pour que le débat soit utile, il faut qu'il se déroule sur des bases bien intentionnées, et non pas dénaturé par des considérations totalement extérieures aux droits de l'homme. La politisation des débats complique le débat, a souligné la représentante. Les violations graves des droits de l'homme doivent être dénoncées. L'Amérique latine connaît d'ailleurs l'impact positif que les délibérations de la Commission peuvent avoir sur les situations dans les pays. La responsabilité des membres de la Commission est d'améliorer le système des Nations Unies; il faut donc mieux coopérer avec les organes des Nations Unies et les mécanismes de la présente Commission, par exemple par le biais du système des invitations ouvertes et le respect des accords internationaux. L'examen par pays ne doit pas avoir pour unique objectif de dénoncer des situations alarmantes, mais bien de développer des modes de coopération afin d'améliorer les programmes de protection. Il faut d'une façon générale favoriser des débats moins polarisés et plus équilibrés. L'exercice d'auto-évaluation préconisé par le Haut Commissaire aux droits de l'homme sera sans aucun doute très utile à cet égard. Le Costa Rica participera à cette initiative et donnera des informations sur ses méthodes et les résultats obtenus.
M. IVÁN MORA GODOY (Cuba) a déclaré que la Commission ne jouit pas aujourd'hui de l'autorité morale et de la crédibilité nécessaires. Alors que cette Commission se réunit ici pour écouter les sermons délirants de certains pays qui prétendent placer les pays en développement sur le banc des accusés, ceux qui s'érigent en juges et procureurs font la sourde oreille face aux bombes qui assassinent des vies innocentes et bafouent le droit international. Jamais le silence de cet organe du système des Nations Unies n'aura eu d'aussi graves conséquences, étendant l'impunité aux crimes commis au mépris total du droit international. Ceux qui prétendent se poser en défenseurs de la paix dans le monde sont ceux-là même qui bombardent Bagdad. Ceux qui ont élaboré la doctrine de la «guerre préventive», qui se sont arrogés le droit de définir un «Axe du Mal» et s'autoproclament champions des droits de l'homme sont ceux-là même qui cautionnent les actions militaires génocidaires d'Israël contre le peuple palestinien; ce sont les mêmes qui incitent à la xénophobie, tolèrent l'exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales, la discrimination contre leurs populations autochtones et le racisme à l'encontre de larges pans de leurs populations. Ceux qui disent défendre la liberté de la presse sont ceux-là même qui censurent les médias et cherchent à cacher les morts causés par leurs bombes. Ce sont eux aussi qui refusent aux populations l'accès aux médicaments qui permettraient de faire face aux maladies qui les menacent.
Le représentant cubain a déclaré que son pays est victime de la politique de deux poids deux mesures que le Gouvernement des États-Unis impose à la Commission. Il a fait observer qu'une nouvelle initiative anti-cubaine est en gestation au sein de la Commission. Peu importe qu'en apparence les auteurs de cette initiative sont des États de la même région que celle à laquelle appartient Cuba, car «l'Empire loue des plumes», recrute et achète la servilité de ceux qui devront rendre des comptes à leurs peuples, a déclaré le représentant cubain. Depuis le mois de décembre dernier, le Département d'État, les congressistes de Miami et des envoyés secrets ont officié dans des capitales de la région pour aboutir à cette nouvelle sous-traitance des États-Unis que constitue le projet de résolution E/CN.4/2003/L.2, a-t-il indiqué. Quel que soit le texte final de ce document, il sera inacceptable pour Cuba, a assuré le représentant. Toute décision que prendrait cette Commission à propos de Cuba ne pourrait être que le résultat de la manipulation et des pressions exercées par Washington pour qui cela constitue l'unique moyen de tenter de justifier sa politique agressive et son blocus criminel imposé à Cuba. À l'heure actuelle, a ajouté le représentant cubain, un avion est détourné à l'aéroport de La Havane par un individu qui séquestre les passagers et demande à se rendre à Miami. Cette action est dans la ligne directe des actes terroristes que le monde a connus depuis le 11 septembre. Comment accepter que des avions civils soient détournés par des pirates et des terroristes qui utilisent les mêmes moyens que ceux utilisés par les individus qui ont jeté des avions contre les tours jumelles de New York? Cuba demande à tous les membres de la Commission de ne pas permettre que l'hypocrisie règne dans les débats au sein de cette instance et de rejeter cette politique d'hégémonie.
MME HUSSAIN RAJMAH (Malaisie) a déploré que ce point de l'ordre du jour ait été utilisé par certains pays développés pour pousser l'adoption de résolutions motivées par des considérations politiques contre des pays qu'ils n'apprécient guère. Elle a estimé qu'il était grand temps d'utiliser ce point de l'ordre du jour d'une manière plus constructive, notamment en prenant en considération les raisons pour lesquelles certains pays ne parviennent pas à assurer la jouissance des droits fondamentaux reconnus par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cela sera plus constructif que de les mettre au pilori, a-t-elle souligné. La représentante malaisienne a aussi recommandé que l'on s'abstienne de toute sélectivité dans cette évaluation. Elle a considéré que les pays développés, libérés de la lutte quotidienne pour nourrir, vêtir et loger leur population, se placent plus près du sommet de «la pyramide des droits de l'homme» et qu'ils devraient donc tendre la main aux pays en développement qui luttent encore pour assurer les besoins de première nécessité de leur population. Par ailleurs, elle a mis l'accent sur les différentes approches possibles des droits de l'homme, expliquant que certains privilégiaient les droits individuels et d'autres, comme la Malaisie, les droits communautaires.
Portant ensuite son attention sur l'Iraq, la représentante de la Malaisie a jugé ironique qu'une superpuissance et ses alliés aient pris les armes pour libérer le peuple iraquien de ses fers et lui infligent ainsi l'horreur de bombardements quotidiens, la destruction des maisons, le meurtre de civils innocents, la rupture des services de base tels que l'approvisionnement en eau. Elle a rappelé que le peuple iraquien a souffert pendant 12 ans de sanctions et s'est étonnée de l'attitude des «libérateurs» qui tendent des bonbons aux enfants d'une main et prennent la vie des civils de l'autre. Dans ce contexte, elle a jugé particulièrement regrettable que la Commission ait refusé de tenir une réunion extraordinaire, ce qui, selon elle, démontre l'échec de cet organe à aborder cette question de manière non sélective.
M. SHOTARO OSHIMA (Japon) a déclaré que si les droits de l'homme sont des valeurs universelles, il faut aussi prendre en compte les réalités pratiques de chaque pays. Les différences de culture et d'histoire signifient que l'approche dans la résolution des violations des droits de l'homme ne peut être uniforme. Quant à lui, le Japon fonde sa stratégie de promotion et de promotion des droits de l'homme sur la notion de «sécurité humaine». Cette conception considère l'individu dans l'homme et place la dignité de chaque femme, de chaque homme et de chaque enfant au cœur de toute action.
Le Japon se déclare inquiet devant toute une série de violations des droits de l'homme et de restrictions aux libertés fondamentales en République populaire démocratique de Corée. Le Japon demande à Pyongyang de prêter attention aux inquiétudes de la communauté internationale et de coopérer avec les Nations Unies dans l'amélioration de sa situation des droits de l'homme. Le Japon doit ici soulever la question de l'enlèvement de citoyens japonais innocents il y a vingt ans. Lors d'un sommet avec le Premier ministre du Japon, le leader de la Corée du Nord a admis que ces enlèvements avaient été commis par des agents de son pays et a présenté ses excuses. Cinq des victimes sont rentrées au Japon, mais leurs familles sont toujours retenues à Pyongyang, et il n'y a toujours pas d'informations quant à plusieurs personnes disparues. Il s'agit là de violations graves des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Corée du Nord doit maintenant adopter des mesures positives et concrètes pour résoudre ce problème. Enfin, le Japon espère que les combats en Iraq cesseront aussitôt que possible avec le moins de victimes possible, et que la menace que fait peser l'Iraq sur la communauté internationale sera éliminée. Après quoi le pays devra être reconstruit de telle façon que son peuple puisse vivre dans une société prospère, respectueuse des droits de l'homme. Pour ce faire, la coopération et le soutien de la communauté internationale sont essentiels et le Japon contribuera activement à cet effort.
M. SVERRE BERGH JOHANSEN (Norvège) a déclaré que son pays reste très préoccupé par la détérioration des droits de l'homme et le mépris manifesté à l'égard de la primauté du droit au Zimbabwe. En outre, des informations en provenance de la République démocratique du Congo et du Burundi attestent de graves violations des droits de l'homme dans ces deux pays. Au Soudan, les pourparlers de paix sont encourageants et la Norvège espère qu'ils mèneront à un engagement plus ferme en faveur des droits de l'homme à travers tout le pays. La Norvège considère en outre la libération des prisonniers de guerre par l'Éthiopie et l'Érythrée comme un pas positif vers la réconciliation mais reste gravement préoccupée par la poursuite des violations des droits de l'homme dans cette sous-région. La Norvège reste également préoccupée par la détérioration des droits de l'homme au Bélarus ainsi que par la situation actuelle des droits de l'homme au Turkménistan. Elle salue en revanche les mesures positives prises dans le domaine des droits de l'homme en Ouzbékistan et au Kazakhstan.
La situation des droits de l'homme dans la République de Tchétchénie de la Fédération de Russie continue d'être un sujet de préoccupation pour la Norvège, en particulier s'agissant du sort des réfugiés et des personnes déplacées. La récente vague d'arrestations de dissidents à Cuba suscite une grave préoccupation et témoigne de la détérioration des droits de l'homme dans ce pays, a poursuivi le représentant norvégien. Il a indiqué que son pays reste préoccupé par la situation des droits de l'homme en maintes parties du Moyen-Orient. Il a exprimé l'espoir que le conflit actuel en Iraq se terminera le plus tôt possible. La nécessité de promouvoir la stabilité, les droits de l'homme et la primauté du droit en Iraq doit être notre première préoccupation à l'avenir, a-t-il affirmé. Il a lancé un appel au Gouvernement du Myanmar et au Général Than Shwe afin qu'il engage un véritable dialogue de fond avec Daw Aung San Suu Kyi et la Ligue nationale pour la démocratie (NLD). Tout en indiquant que son pays apprécie les efforts déployés par la Chine pour améliorer son système juridique et la condition socioéconomique de ses citoyens, le représentant norvégien a fait part des préoccupations de son pays face à certains aspects de la situation des droits de l'homme en Chine, y compris l'utilisation extensive de la peine capitale. Le Gouvernement norvégien accorde également une grande importance à la préservation de l'environnement naturel, de la culture et de l'identité religieuse du peuple tibétain. La Norvège note en outre avec préoccupation le manque de démocratie, de primauté du droit et de respect des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Tout en se réjouissant des progrès enregistrés en Afghanistan, la Norvège est préoccupée par les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international dans plusieurs parties du pays.
M. TIM CAUGHLEY (Nouvelle-Zélande) s'est adressé aux États dans lesquels il y a des preuves incontestables de violations des droits de l'homme, estimant que la Commission est l'instance appropriée pour appeler l'attention sur les États qui n'assument pas leurs responsabilités dans ce domaine. Il a néanmoins souligné que la promotion des droits de l'homme était une responsabilité collective et a émis l'espoir que ses propos seraient interprétés d'une manière productive. Il s'est déclaré préoccupé par les conséquences de la guerre en Iraq sur les droits de l'homme et a jugé impératif que toutes les parties respectent le droit international humanitaire. Il a ensuite attiré l'attention sur la situation des droits de l'homme au Zimbabwe, au Myanmar, en Iran, en République populaire démocratique de Corée, au Nigéria et en Chine. Il a exhorté le Cambodge à poursuivre ses efforts dans le domaine de l'édification d'un État de droit.
Le représentant néo-zélandais a ensuite souligné que certains droits de l'homme ne peuvent souffrir aucune dérogation. Il s'agit du droit à la vie, de l'interdiction de la torture et de l'esclavage, de la liberté d'opinion, de conscience et de religion. Rappelant que les violations de ces droits ont lieu en période de crise, il a recommandé que les États y prêtent une attention particulière. À cet égard, il a exprimé ses préoccupation sur les conséquences sur les droits de l'homme des conflits en Israël et dans les territoires occupés, en Tchétchénie, au Soudan, et dans certaines parties de l'Indonésie. Par ailleurs, il s'est dit encouragé par les progrès enregistrés en Afghanistan et au Timor-Leste.
MME NAÉLA GABR (Égypte) a déclaré que le peuple de l'Iraq traverse l'une de ses périodes les plus critiques, après douze ans d'un embargo qui l'a affaibli dans sa santé et dans sa vie économique. Le peuple iraquien paie actuellement de son sang une querelle dont il n'est pas responsable. Les iraquiens sont en train de devenir des réfugiés dans leur propre pays et leur existence en tant que peuple même est menacée. Que fait au juste la Commission des droits de l'homme pour venir en aide à ce peuple ? Le résultat de toutes ses délibérations ne sera-t-il qu'une formule vague et diluée? La Commission risque une fois de plus de perdre sa crédibilité si elle ne peut veiller à la réalisation des droits de l'homme partout dans le monde. Si les considérations militaires et politiques de la crise en Iraq ont d'autres tribunes au sein des Nations Unies, certaines décisions concernant la vie des civils, notamment en matière d'aide humanitaire, pourraient tout de même être prises par la Commission.
M. ALEXANDER CHIKVAIDZE (Géorgie) a déclaré que 300 000 ressortissants géorgiens sont actuellement privés de leurs droits suite au conflit en Abkhazie. La Géorgie attend des Nations Unies qu'elles contribuent à la résolution de cette question, en commençant par déplacer leurs bureaux vers Soukhoumi afin d'améliorer quelque peu leur efficacité, compromise par les menées de la partie abkhaze. Les rapports du Haut-Commissaire aux droits de l'homme déclarent que l'on assiste à une amélioration de la situation en Abkhazie. Mais cela est totalement faux : on assiste tout au contraire à des violations massives des droits de l'homme des Géorgiens. Enfin, cette tragédie relève de la purification ethnique, ce que les Nations Unies refusent d'admettre. Le représentant a conclu en rappelant que la partie abkhaze refuse d'appliquer les nombreuses résolutions adoptées depuis des années pour mettre un terme au conflit.
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a limité sa déclaration à une seule situation de violation grave des droits de la perosonne qui perdure depuis de nombreuses années et a pris une nouvelle dimension depuis le 19 mars dernier: celle de l'Iraq. Il a exprimé sa profonde inquiétude quant au sort de la population civile iraquienne. Il a expliqué que son pays avait démontré très tôt sa détermination à agir en faveur des civils et des groupes vulnérables en temps de conflit armé en offrant, notamment par le biais de la «rencontre humanitaire», une plate-forme de dialogue mettant en exergue les préoccupations humanitaires. Il a fait savoir qu'une réunion de suivi sur l'Iraq par le Humanitarian Issues Group se tiendrait à Genève, demain, mercredi 2 avril 2003. Le représentant suisse a ensuite souligné l'importance de l'article 1er commun aux Conventions de Genève qui impose à toutes les parties contractantes de les faire respecter en toutes circonstances. Il a précisé que le caractère coutumier de nombreuses dispositions du Protocole additionnel s'impose aussi bien aux États-Unis et à leurs alliés qu'à l'Iraq, même s'ils ne sont pas parties à cet instrument. En outre, il a déclaré que toutes les précautions devaient être prises afin d'éviter des victimes parmi les personnes protégées. La population civile, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées, les personnes hors combat, les malades, les blessés et tout détenu, qu'il soit civil ou militaire, doit être traitée humainement, a-t-il insisté. Se félicitant du rapport du M. Mavrommatis, il a émis le souhait que le Rapporteur spécial puisse continuer à œuvrer pour le respect des droits de la personne, ceci également en cas d'occupation ou dans le cas de la mise en place d'un nouveau gouvernement iraquien. Il a estimé que l'impératif de veiller au respect et à la promotion des droits de la personne doit aussi guider l'effort de reconstruction en Iraq. En outre, l'ONU, y compris le Haut Commissariat, doit contribuer à l'établissement de structures indépendantes et efficaces de mise en œuvre et de contrôle du respect des droits de la personne.
Droit de réponse
Le représentant de la Syrie a déclaré que depuis plusieurs années, Israël continue de tromper la Commission en tentant de l'induire en erreur. En effet, Israël attaque la Syrie depuis 55 ans en ayant recours au terrorisme d'État. Face à cette situation, la Syrie est disposée à user de son droit de légitime défense. Si l'occupation, ainsi que la répression et le terrorisme d'État se poursuivent, la paix ne pourra prévaloir.
Le représentant de la République démocratique du Congo, souhaitant répondre aux déclarations de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, de l'Union européenne et de la Norvège, a rappelé que les droits de l'homme sont universels, indivisibles et interdépendants, et que si l'on se place sur le terrain de la morale, l'attitude des membres inquisiteurs au sein de cette Commission semble justifiée. Mais en fait, leur attitude change dès qu'il s'agit des droits économiques, sociaux et culturels, dont la réalisation dépend pourtant d'eux, notamment de leur position à l'Organisation mondiale du commerce. Il faut un certain degré de développement économique et social, notamment en matière d'éducation, pour pouvoir prétendre défendre les droits de l'homme, a rappelé le représentant congolais. Or les pays en développement sont confrontés aux conséquences du libéralisme débridé. Nombre de pays riches membres de cette Commission détiennent les clefs du développement des pays en développement et l'on peut se demander dans un tel contexte ces pays riches pourraient s'arroger le droit moral de juger de la manière dont les pays en développement respectent les droits fondamentaux?
Le représentant de la Libye s'est déclaré stupéfait par la déclaration de la Grèce. Il est totalement faux que la Libye ne respecte pas ses obligations en matière de respect des droits de l'homme. Le Gouvernement soumet régulièrement des rapports sur la situation et il a d'ailleurs répondu favorablement aux requêtes d'organisations non gouvernementales, notamment d'Amnesty International, qui a pu se rendre en Libye en 2001. D'autres demandes sont à l'examen en ce moment.
Le représentant du Pakistan, en réponse à une déclaration de l'Inde, s'est «refusé à dire que ce représentant représenteun pays fasciste qui réprime les musulmans». En effet, s'il y a incontestablement plus de musulmans en Inde qu'au Pakistan à l'heure actuelle, vu les massacres dont ils sont victimes au Pundjab, cette situation ne va pas durer et leur nombre est appelé à considérablement diminuer. L'Inde représente non pas la plus grande démocratie, mais bien la plus grande hypocrisie : meurtres de Sikhs, système de castes, autant de comportements qui, s'ils sont démocratiques, signalent alors qu'un profond changement dans les méthodes de travail de la Commission va devenir nécessaire.
Répondant à l'intervention de la République démocratique du Congo, la représentante du Rwanda a rappelé que le Gouvernement de Kinshasa était partie à l'Accord de Lusaka qu'il n'a pas mis en œuvre. De même, elle a déclaré que ce gouvernement avait signé l'Accord de Pretoria et que le Gouvernement rwandais avait pour sa part retiré ses troupes de République démocratique du Congo, sous observation de tout le corps diplomatique et sous la supervision de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) alors que le Gouvernement de Kinshasa n'a toujours pas rempli ses obligations. Pire, a-t-elle poursuivi, il a violé ces Accords en lançant aussitôt dans l'Est des attaques visant à la récupération des positions et du vide laissé par l'armée rwandaise. En troisième lieu, elle a fait part d'une communication conjointe signée par la MONUC et le mécanisme de vérification par des parties tierces, en date du 24 octobre 2002, qui a confirmé le retrait des troupes rwandaises. Elle a appuyé son propos en citant le rapport de la mission d'enquête menée par ce mécanisme de vérification, qui a constaté le 28 mars 2003 le déploiement par le Gouvernement de Kinshasa de troupes dans l'Est ainsi que la reprise d'affrontements.
La représentante d'Haïti, répondant aux interventions de l'Union européenne et du Canada, a réaffirmé l'engagement de son gouvernement à tout mettre en œuvre pour améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. Elle a rejeté les allégations selon lesquelles les violations des droits de l'homme seraient la norme en Haïti et a ajouté que les cas avérés sont des exceptions sévèrement condamnées par le Gouvernement. Elle a fait part de la réforme en cours de la police et de la bonne coopération des autorités haïtiennes avec les mécanismes des droits de l'homme. Elle a précisé que M. Louis Joinet, Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, s'était déjà rendu deux fois dans le pays. Elle a demandé au Haut Commissaire d'intensifier ses efforts de coopération technique.
La représentante du Togo a rappelé que la promotion des droits de l'homme est une entreprise de longue haleine qui requiert de tout gouvernement la mise en place de mécanismes visant à assurer que les droits de l'homme sont effectivement respectés. C'est pourquoi au lieu de s'adonner à des critiques intempestives qui souvent véhiculent des contre-vérités ternissant l'image d'un État, l'Union européenne et le Canada feraient mieux d'apporter leur assistance aux pays qui posent des jalons tangibles sur la voie de la promotion des droits de l'homme. La délégation togolaise tient à souligner que les détenus de droit commun ne sauraient être confondus avec des prisonniers politiques. La liberté de la presse est une réalité au Togo, mais, comme partout dans le monde, cette liberté ne saurait être synonyme d'anarchie et de désordre, a par ailleurs souligné la représentante.
Le représentant du Zimbabwe a déclaré que les États-Unis ne sont pas vraiment préoccupés par les droits de l'homme au Zimbabwe mais plutôt par la préservation des droits fonciers colonialistes usurpés. En ce qui concerne les allégations proférées par l'Australie à l'égard de son pays, le représentant du Zimbabwe a déclaré qu'elles proviennent du représentant d'un régime raciste qui viole depuis fort longtemps les droits des aborigènes et s'efforce de préserver une Australie blanche. Toutes les calomnies à l'égard du Zimbabwe doivent maintenant cesser, a estimé le représentant de ce pays.
Le représentant de l'Iraq a déclaré que, pendant près de quarante ans, les administrations successives des États-Unis ont commis des crimes contre les peuples en voie de développement, utilisant les armes chimiques contre le Vietnam, l'arme atomique contre le Japon et l'uranium appauvri contre l'Iraq, et en pillant leurs ressources économiques. Les États-Unis sont le seul pays au monde qui entourent ses ambassades de barbelés. La diplomatie américaine d'ailleurs ne protège pas du tout les intérêts du peuple américain. Il faut donc condamner les politiques d'agression de l'administration des États-Unis. Enfin, jeter des milliers de bombes sur le peuple iraquien, détruire son infrastructure économique, est-ce là le libérer ? Comment qualifier ces actes, sinon de crimes contre l'humanité?
Le représentant de Cuba s'est demandé que répondre aux discours ennuyeux de tous ceux qui attaquent et jugent les pays en voie de développement, et pourquoi ne pas décerner à ce propos des prix d'hypocrisie? Qui a donné l'autorité morale à ces pays de juger les pays du tiers-monde? Pourquoi le Canada ne parle-t-il pas de la situation des peuples autochtones, au bas de l'échelle sociale de ce pays? Il s'agit là d'hypocrisie, personne n'a le droit de juger les pays du tiers-monde, qui doivent répondre à ces accusations à l'unisson.
Répondant aux interventions de l'Union européenne et du Canada, le représentant du Vietnam a estimé que la Commission devrait fournir l'occasion de tenir un dialogue constructif et d'offrir des possibilités de coopération. Ainsi, il a rendu compte du dialogue engagé avec l'Union européenne et a exprimé sa surprise d'entendre des allégations de violations à la liberté d'expression et d'association. Il a expliqué que son pays avait fait d'importants progrès au cours des dernières décennies dans le cadre du processus démocratique et en vue d'assurer une plus grande liberté à ses citoyens. Il a précisé que son gouvernement mettait tout en œuvre pour améliorer la situation économique de ses citoyens et faire respecter la liberté de la presse. Il a invité ces délégations à venir poser directement à sa délégation leurs questions concernant, entre autres, la liberté de religion afin qu'elle puisse leur fournir les réponses.
Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a rejeté les déclarations politiquement motivées du Japon et des États-Unis. Il a dénoncé les sanctions appliquées par les États-Unis à son pays depuis près d'un demi-siècle alors que ce pays lance une offensive illégale contre l'Iraq. Il a attiré l'attention sur le système de protection sociale mis en place par son pays et qui permet à tous les citoyens d'exercer leurs droits. S'adressant au Japon, il a déclaré que ce pays, qui en avait envahi tant d'autres, n'avait aucune leçon à donner. S'agissant des allégations concernant les personnes d'origine japonaise qui se sont rendus en visite au Japon, il a déclaré que le Japon pratiquait là un deuxième enlèvement et que la famille de ces personnes les attendait en République populaire démocratique de Corée. Le représentant a accusé le Japon de violer délibérément les accords de Pyonyang.
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