Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU HONDURAS

25 Mai 1999


MATIN
HR/CRC/99/25
25 mai 1999


La délégation hondurienne attire l'attention sur les conséquences du passage de l'ouragan Mitch sur la situation des enfants du pays


Le Comité des droits de l'enfant a entamé, ce matin, l'examen du premier rapport périodique du Honduras, conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

La délégation du Honduras est dirigée par M.Jorge Valladares, Directeur exécutif de l'Institut de l'enfance et de la famille du Honduras. Elle est également composée de MmeSelma Meléndez, Juge pour enfants, et de M.Eduardo Villanueva, Sous-Directeur du Bureau du Procureur général.

Présentant le rapport de son pays, M.Valladares a insisté sur les conséquences du passage de l'ouragan Mitch qui, en octobre 1998, a détruit en 72 heures les trois-quarts de la production agricole du Honduras. Le bilan de cette tragédie est de 5657 morts, plus de douze mille blessés et 8058 disparus. La délégation a souligné que près de la moitié des victimes de l'ouragan Mitch sont des enfants. Environ 80000 enfants se trouvent toujours dans des abris provisoires. La réunion qui se tient aujourd'hui à Stockholm, en présence du Président de la République du Honduras, vise essentiellement à rétablir l'infrastructure sociale, les communications et l'économie du pays.

La délégation du Honduras a également fourni aux membres du Comité des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, le code de l'enfance et de l'adolescence, qui vise à aligner la législation sur la Convention relative aux droits de l'enfant.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la violence perpétrée par la police à l'encontre des enfants de la rue. D'autres ont insisté sur la discrimination de facto dont semblent être victimes, entre autres, les femmes et les populations autochtones.

Le Comité devrait achever l'examen du rapport du Honduras cet après-midi, à partir de 15 heures. Les experts devraient présenter leurs observations préliminaires sur ce rapport.


Présentation du premier rapport périodique du Honduras

Présentant le rapport du Honduras, M.Jorge Valladares, Directeur exécutif de l'Institut de l'enfance et de la famille du Honduras, a souligné que la situation que traverse actuellement le pays suite à la tragédie de l'ouragan Mitch, est entièrement nouvelle. Aussi, les indicateurs sociaux antérieurs à la tragédie ne représentent plus que des repères par rapport à la situation actuelle. En 72 heures, l'ouragan Mitch a détruit 75% de la production agricole du pays et a causé aux infrastructures des dommages tels que pratiquement toutes les villes du pays ont été privées pendant plusieurs semaines de moyens de communication avec l'extérieur. Environ 1375 abris ont été érigés pour héberger les personnes qui avaient dû être évacuées, soit environ 35% de la population du pays. Le bilan du passage de l'ouragan est de 5657 morts et plus de douze mille blessés. Près de 8058 personnes sont encore portées disparues. Environ 60% de la population sont restés sans approvisionnement en eau. Le total des pertes pour le pays est supérieure au montant de la dette extérieure du Honduras. La Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a estimé que les dégâts s'élèvent à plus de trois milliards de dollars. L'essentiel des dégâts, soit 70% du total, a touché les secteurs de l'agriculture et de l'élevage.

M.Valladares a déclaré que les conséquences du passage de l'ouragan sur la situation des enfants et des populations les plus vulnérables ont été importantes. Environ 80 000 enfants se trouvent toujours dans des abris provisoires, a souligné M.Valladares. Il a indiqué que le Président du Honduras, accompagné de son épouse et d'une délégation de 45 fonctionnaires, présente aujourd'hui la situation aux organismes internationaux réunis à Stockholm à cette fin.

Le Honduras a adopté, par un décret en date du 5 septembre 1996, un code de l'enfance et de l'adolescence qui vise à aligner la législation sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Le représentant a en outre indiqué qu'au Honduras, le système d'administration de la justice pour mineurs laisse aux juges un pouvoir discrétionnaire quant aux sanctions à appliquer. Une série de huit mesures permettent de sanctionner le jeune délinquant sans appliquer de peine privative de liberté, a-t-il précisé. M.Valladares a par ailleurs fait part de la création d'un organisme chargé de la suppression progressive du travail des enfants. Il a également attiré l'attention du Comité sur la réforme du code pénal, notamment en ce qui concerne les délits visant les enfants, tels que les abus sexuels commis à leur encontre.

Le premier rapport périodique du Honduras (CRC/C/65/Add.2), qui fait suite au rapport initial que le Comité avait examiné en 1994 (voir le communiqué de base de la session HR/CRC/99/18, daté du 12 mai 1999), précise que 8 à 12% des enfants du pays sont autochtones ou appartiennent à des groupes ethniques. Selon des estimations, il y aurait au Honduras entre 55000 et 110000 enfants autochtones, entre 107000 et 134000 enfants garifunas et environ 27000 enfants de langue anglaise d'origine africaine. Les Garifunas sont le principal «groupe ethnique» du pays, constitué de 40 communautés sur la côte nord. Ils sont venus de Saint-Vincent, dans les Caraïbes, où leurs ancêtres africains s'étaient mélangés à la population autochtone et avaient longtemps résisté à la colonisation. La population d'origine africaine de langue anglaise a été amenée de la Jamaïque à la fin du siècle dernier pour travailler dans les bananeraies.

Le rapport reconnaît qu'au Honduras, certains groupes de personnes manifestent de la discrimination à l'égard des peuples autochtones et des groupes ethniques, attitude qui remonte à l'époque coloniale. Historiquement, une partie de la population autochtone s'est mélangée à la population européenne, ce qui a donné la population ladina. On assiste encore aujourd'hui à un phénomène de ladinisation, de spoliation des terres et d'évangélisation, précise le rapport. Il ajoute par ailleurs que de nombreux enfants autochtones, appartenant à des groupes ethniques et ladinos se trouvent dans un état d'extrême pauvreté, sans accès aux services sociaux et obligés de travailler. Les rares données dont on dispose sur la santé des enfants autochtones montrent que le taux de mortalité, de morbidité et de dénutrition est élevé dans certains groupes. Une étude des enfants lencas a montré que 80% des moins de 7 ans souffrent de dénutrition. De nombreux enfants autochtones ou appartenant à des groupes ethniques n'ont pas accès à l'enseignement primaire parce qu'il n'y a pas d'écoles dans leur communauté ou que leurs familles ne peuvent pas assumer les frais correspondants. Ceux qui sont en mesure de fréquenter des établissements scolaires se heurtent au fait que leur langue n'est pas parlée à l'école et que le programme d'études ne cherche pas à développer leur culture et leurs coutumes mais celles de la majorité de la population. À l'heure actuelle, il n'existe pas de loi qui reconnaisse les droits des autochtones et autres groupes ethniques ou envisage des mesures en vue de promouvoir le développement de leur culture et d'améliorer leur situation économique.

Environ 130000 enfants de 10 à 17 ans travaillent pour la plupart dans le secteur informel urbain et dans le secteur rural traditionnel. La distribution des terres est l'un des principaux obstacles à l'épanouissement et à l'intégration des populations rurales. En 1993, un «Pacte pour l'enfance» transposant au niveau municipal les objectifs du Plan national en faveur de l'enfance a été conclu par tous les maires du pays sauf quatre. Ce document historique propose la nomination d'un défenseur municipal de l'enfance dont la tâche consisterait à surveiller le respect des droits de l'enfant dans la politique locale de développement. Pour ce qui est de la mise en oeuvre des recommandations formulées par le Comité, les principaux progrès réalisés concernent la création d'un poste de Commissaire national aux droits de l'homme, l'approbation d'une loi sur la violence familiale, la suppression du service militaire obligatoire et l'interdiction de l'engagement dans l'armée avant l'âge de 18 ans, ainsi que l'approbation d'un code de l'enfance et de l'adolescence. Le Honduras a par ailleurs mis en place un programme national d'octroi de terres aux paysans sans terre, qui est administré par l'Institut agraire national, mais l'attribution des terres n'est pas aussi importante que le Gouvernement le souhaiterait, reconnaît-il. Le Honduras a par ailleurs signé un mémorandum d'accord et élaboré un Plan national avec l'OIT et l'UNICEF dans le cadre du Programme pour l'abolition du travail des enfants. D'autre part, un bureau du Procureur spécial pour les enfants et les handicapés a été créé ayant pour fonction d'appliquer les mesures prévues dans les lois de protection des mineurs et des handicapés.

Le rapport souligne que le Honduras a consacré le maximum de ressources possibles à la mise en oeuvre prioritaire de politiques sociales en faveur des enfants et des adolescents mais précise que les problèmes que connaît le pays ne pourront être réglés que grâce à un élan de solidarité internationale. La crise économique due à la restructuration et le remboursement d'une dette extérieure exorbitante réduisent considérablement les possibilités d'accorder une attention prioritaire à l'épanouissement de l'homme. La mise en oeuvre des droits de l'enfant butte sur l'absence d'une stratégie de lutte contre la pauvreté qui aille au-delà de l'effet positif mais éphémère des mesures de prévoyance sociale.

Examen du rapport du Honduras

Un expert a rappelé que des mesures ont été prises, au niveau international, pour alléger le fardeau de la dette du Honduras et lui permettre de surmonter la tragédie qu'il a connue suite au passage de l'ouragan Mitch. Cet expert s'est demandé comment il était encore possible, plusieurs mois après la catastrophe, de compter plusieurs milliers de personnes disparues. Un autre expert a formulé l'espoir que le Comité envisage non seulement d'exprimer sa solidarité avec le peuple hondurien mais aussi d'adopter une déclaration à l'attention de la réunion qui se tient aujourd'hui à Stockholm, demandant que toutes les mesures nécessaires soient prises pour permettre que puisse être assuré le respect des droits fondamentaux des enfants. La Présidente du Comité, MmeNafsiah Mboi, a souligné l'importance de la situation actuelle des enfants pour l'avenir du Honduras, qui connaît une période particulièrement difficile suite à la catastrophe de l'ouragan Mitch.

La délégation a souligné que près de la moitié des victimes de l'ouragan Mitch, y compris pour ce qui est des personnes disparues, sont des enfants. Il reste de nombreuses personnes disparues dans les régions où la montée des eaux provoquée par l'ouragan ne s'est pas encore résorbée et que de grandes zones sont encore inondées. Il est probable qu'un certain nombre de personnes ne seront jamais retrouvées, a-t-elle dit. La réunion qui se tient aujourd'hui à Stockholm vise essentiellement à rétablir l'infrastructure sociale, les communications et l'économie du Honduras.

Un membre du Comité a exhorté le Honduras à ne pas céder aux pressions des groupes de la population qui tentent de faire abaisser l'âge de la majorité pénale dans le pays de 18 ans à 16 voire 14 ans. La délégation a souligné qu'il existe au sein de la population des personnes qui estiment qu'il faudrait se montrer plus sévère à l'égard des enfants étant donné la violence qui sévit dans le pays et les failles du système judiciaire à cet égard. Mais le moment est inapproprié pour réformer le code de l'enfance, d'autant plus que cela pourrait entraîner une modification de la définition de l'enfant. Aucune modification n'a été apportée au code de l'enfance et de l'adolescence en ce qui concerne les dispositions applicables en cas de situation d'exception, a par ailleurs reconnu la délégation. À cet égard, une étude menée par l'UNICEF montre clairement quels sont les articles qui devraient encore être améliorés. La définition des mauvais traitements que l'on trouve dans le code de l'enfance et de l'adolescence va au-delà des seuls mauvais traitements physiques puisqu'elle englobe les mauvais traitements infligés par suppression d'un droit, a indiqué la délégation. Un expert ayant souhaité savoir si les autochtones avaient participé à l'élaboration du code de l'enfance et de l'adolescence, la délégation a reconnu que tel n'était pas le cas.

La délégation a affirmé que pour mener à bien les tâches qui lui incombent, l'Institut de l'enfance et de la famille doit bénéficier d'une plus grande régionalisation de ses activités et de ressources financières accrues ainsi que d'un appui politique plus fort afin d'attirer les ressources humaines nécessaires. Depuis 1994, la Commission nationale des droits de l'homme dispose d'un service consacré à la protection des droits de l'enfant, a-t-elle ajouté.

S'agissant de la collecte des données, la délégation a assuré que le pays veille à ce que le recensement de l'an 2000 comprenne des indications portant sur le travail des enfants, les mauvais traitements et l'accès aux services publics.

Au Honduras, les organisations non gouvernementales jouent un rôle important en matière de protection des enfants, notamment en ce qui concerne les enfants handicapés, qui sont pris en charge à 90% par un réseau national d'organisations non gouvernementales.

Un membre du Comité a souligné que l'une des recommandations principales que le Comité avait formulée en 1994 à l'issue de l'examen du rapport initial du Honduras concernait la nécessité d'élaborer une stratégie nationale en faveur des enfants. Or, il semble que cette recommandation n'ait pas été suivie d'effet, a relevé cet expert. Dans quelle mesure le Plan national de reconstruction mis en place dans le pays suite au passage de l'ouragan Mitch prend-il en compte les besoins particuliers des enfants, s'est enquis cet expert?

Bien que le principe de non-discrimination soit inscrit dans la Constitution, il semble qu'il existe dans la pratique une certaine discrimination à l'encontre des femmes et des populations autochtones, a relevé un membre du Comité. Un autre expert a relevé la discrimination de facto que pourrait constituer l'inégalité des situations entre zones rurales et urbaines, d'une part, et entre Nord et Sud du pays, de l'autre.

Un autre membre du Comité, s'appuyant sur les informations contenues dans le rapport du Département d'État des États-Unis pour 1998, s'est inquiété de la violence exercée par la police sur des enfants de la rue, qui seraient encore deux mille dans les seules rues de la capitale Tegucigalpa. Un autre expert, partageant les mêmes préoccupations, a souhaité savoir s'il était donné suite aux plaintes déposées par les organisations de défense des enfants suite à ces cas de violence policière.

VOIR CETTE PAGE EN :