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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE CAMEROUN ANNONCE QU'IL VA SIGNER LES DEUX PROTOCOLES FACULTATIFS SE RAPPORTANT À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L'ENFANT

04 Octobre 2001



CRC
28ème session
4 octobre 2001
Matin





Cette annonce intervient alors que le Comité des droits de l'enfant
entame l'examen du rapport initial de ce pays



Le Cameroun signera à New York, en marge des travaux de la session annuelle de l'Assemblée générale, les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est ce qu'a annoncé ce matin M. Joseph Dion Ngute, le Ministre délégué du Cameroun en charge du Commonwealth, alors que le Comité des droits de l'enfant entamait l'examen du rapport initial de son pays. Après le Qatar avant-hier, c'est donc le deuxième pays à annoncer, depuis l'ouverture de la session le 24 septembre dernier, son intention de ratifier ces deux instruments qui traitent respectivement de l'exploitation sexuelle et commerciale des enfants et de l'implication des enfants dans les conflits armés.

Présentant le rapport de son pays, M. Dion Ngute a par ailleurs souligné que l'enseignement primaire, qui était déjà obligatoire au Cameroun, est devenu gratuit suite à une décision prise par le Président Paul Biya en février 2000. Rappelant que le Cameroun a ratifié en avril dernier la Convention nE138 de l'Organisation internationale du travail sur l'âge minimum d'accès à l'emploi, le Ministre délégué a indiqué que le pays a aussi enclenché le processus de ratification de la Convention nE182 de l'OIT sur l'élimination des pires formes de travail des enfants.

L'importante délégation camerounaise est également composée de représentants du Ministère des affaires sociales; du Ministère de l'emploi, du travail et de la prévoyance sociale; du Ministère de la santé publique; du Ministère des relations extérieures; du Ministère de l'éducation nationale; du Ministère de la justice; et de la Mission permanente du Cameroun à Genève. La délégation a apporté aux experts des compléments d'informations concernant notamment la situation économique générale du pays; l'ordre juridique interne; et la définition de l'enfant, en particulier du point de vue de la responsabilité pénale.

Depuis la fin des années 1990, les perspectives économiques du Cameroun sont extrêmement encourageantes, a affirmé la délégation. Certes, récemment, un certain nombre de rapports ont fait état de la gestion des ressources et ont parlé de corruption, a-t-elle poursuivi, ajoutant que c'est un fait que le gouvernement reconnaît et qu'il a déployé beaucoup d'efforts pour endiguer le problème. La délégation a fait valoir que, grâce à la restructuration de sa dette, le Cameroun est parvenu à économiser des ressources qui ont pu être réorientées vers le secteur social.


Le Comité achèvera cet après_midi, à 15 heures, l'examen du rapport camerounais.



Présentation du rapport du Cameroun

Présentant le rapport de son pays, M. JOSEPH DION NGUTE, Ministre délégué chargé du Commonwealth du Cameroun, a rappelé que depuis le 6 novembre 1982, date de l'accession au pouvoir du Président Paul Biya, le Cameroun s'est engagé résolument sur la voie de la justice, du droit et de l'humanité - en un mot du respect des droits de l'homme sous tous ses aspects. Dans un contexte international marqué, entre autres, par la persistance fort préoccupante, dans toutes les régions du monde, d'atteintes graves aux droits et à la dignité des enfants, le Cameroun ne manque pas une occasion de se joindre au consensus international, sans cesse croissant, sur la nécessité d'assurer la promotion et la protection des droits de l'enfant. Insistant sur la politique de renouveau national mise en place depuis 1982 par le Président Biya, le Ministre délégué chargé du Commonwealth a souligné que le Cameroun est aujourd'hui un État de droit dans lequel l'intérêt supérieur de l'enfant, sans discrimination aucune, est garanti par la Constitution. La matérialisation de cette prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant au plan national se traduit entre autres par un ensemble de dispositions d'ordre pénal, civil, social et administratif, a-t-il poursuivi. Des mesures sont en outre prises pour assurer les droits de l'enfant à l'éducation et à la santé, a-t-il ajouté.

M. Dion Ngute a indiqué que l'enseignement primaire, qui était déjà obligatoire, est également devenu gratuit suite à une décision du Chef de l'État annoncée dans sa déclaration du 10 février 2000. La loi de finances du 30 juin 2000 consacre ce principe de gratuité de l'accès aux écoles primaires publiques, a-t-il précisé. Il a fait valoir qu'en dépit de la crise économique qui a sévèrement frappé le pays et entraîné la réduction du volume de l'enveloppe budgétaire allouée aux différents secteurs économiques, la part consacrée à l'éducation est restée relativement importante. Dans le domaine de la santé, la survie de l'enfant est soutenue par plusieurs programmes prioritaires - Programme élargi de vaccination, Programme national de promotion de l'allaitement maternel, Programme de lutte contre les maladies diarrhéiques - eux-mêmes regroupés, avec d'autres, dans un programme de mise en œuvre de la prise en charge intégrée des maladies des enfants. En outre, le Plan national de lutte contre le sida accorde une attention particulière à la santé des adolescents en raison des ravages causés par cette pandémie. M. Dion Ngute a par ailleurs indiqué que le Parlement des enfants, qui se tient annuellement depuis 1998 en marge des travaux de l'Assemblée nationale, est en cours d'institutionnalisation.

D'autre part, a poursuivi le Ministre délégué chargé du Commonwealth, des mesures de prévention sont prises par le pays en vue de lutter contre l'exploitation économique des enfants. À cet égard, il convient de rappeler que le pays a ratifié en avril dernier la Convention nE138 de l'Organisation internationale du travail sur l'âge minimum d'accès à l'emploi. Le Cameroun a également enclenché le processus de ratification de la convention nE182 de l'OIT sur l'élimination des pires formes de travail des enfants et un plan national de lutte contre le travail des enfants est en cours de finalisation. Bien qu'il n'existe pas de tourisme sexuel au Cameroun, une loi a été adoptée en avril 1998 qui réglemente l'activité touristique en disposant notamment que «le gouvernement veille au respect de la Charte du tourisme et du Code du tourisme de l'Organisation mondiale du tourisme, invitant les États et personnes à empêcher toute possibilité d'utilisation du tourisme aux fins d'exploitation d'autrui».

Afin d'améliorer la coordination de la mise en œuvre des droits de l'enfant au Cameroun, a été créée en 1990 une Commission nationale pour la protection de l'enfance en danger moral, délinquante ou abandonnée. En janvier 2001, a par ailleurs été créé un comité interministériel de coordination des programmes relatifs à la coopération Cameroun-UNICEF. En dépit de toutes ces mesures, «tout n'est pas rose au Cameroun en raison de l'insuffisance des moyens financiers de l'État», a reconnu le Ministre délégué avant d'assurer que son pays ne ménage aucun effort pour perfectionner son action de promotion et de préservation des droits de l'enfant.

M. Dion Ngute a par ailleurs informé le Comité que le Cameroun signera à New York, en marge des travaux de la cinquante sixième session de l'Assemblée générale - les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui traitent respectivement de la vente des enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie impliquant des enfants, et de l'implication des enfants dans les conflits armés.

Le rapport initial du Cameroun (CRC/C/28/Add.16) indique que la charge de la protection des droits et de la promotion du bien-être de l'enfant incombe au premier chef au Ministère chargé des affaires sociales. Ce ministère comporte une direction du bien-être de la famille et de l'enfant avec une sous-direction de la sauvegarde de l'enfant, composée de trois services: le service de la rééducation en internat; le service de la liberté surveillée et de l'éducation en milieu ouvert; et le service de la protection de la petite enfance. En 1990, fut par ailleurs instaurée la Commission nationale pour la protection de l'enfance en danger moral, délinquante ou abandonnée.

Au rang des obstacles à la mise en œuvre effective de la Convention au Cameroun, le rapport relève l'insuffisance de la coordination des politiques sectorielles de prise en charge de l'enfant, l'existence de textes disparates dont certains sont soit inadaptés soit désuets, la récession économique et la persistance de coutumes et traditions rétrogrades, notamment quant à la perception de l'enfant comme un être simplement en devenir n'ayant pas de droit à faire valoir dans une société gérontocratique d'une part et, d'autre part, par rapport aux pratiques discriminatoires au niveau du genre dans l'éducation de la jeune fille et du garçon.

En ce qui concerne la définition de l'enfant, le rapport indique qu'en matière civile, la majorité est de 21 ans. Toutefois, le mineur peut être émancipé par décision judiciaire ou de plein droit par le mariage. Aucun mariage ne peut être célébré si la fille est mineure de 15 ans ou le garçon mineur de 18 ans, sauf dispense accordée par le Président de la République pour motif grave. En matière sociale, poursuit le rapport, les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise avant l'âge de 14 ans, sauf dérogation accordée par arrêté du Ministre chargé du travail, compte tenu des circonstances locales et des tâches qui peuvent leur être demandées. D'après la réglementation en vigueur, aucun enfant de moins de 18 ans ne peut être recruté dans les forces armées et la police sauf dérogation spéciale des parents. En matière scolaire, l'enseignement primaire est obligatoire mais aucune allusion n'est faite dans la loi à un âge limite de la scolarisation.

S'agissant des mineurs délinquants, les mineurs de moins de 10 ans sont considérés comme étant totalement irresponsables. Entre 10 et 14 ans, l'enfant est pénalement responsable mais ne peut se voir infliger que l'une des mesures spéciales prévues par la loi : remise de l'enfant à sa famille; mise en liberté surveillée; placement de l'enfant, au maximum jusqu'à la majorité civile, soit chez une personne digne de confiance, soit dans un internat approprié, soit dans une institution charitable.

S'agissant de la jeune fille, certains facteurs tels que les préjugés sociaux, les pratiques coutumières et religieuses et les mariages précoces entraînent un déséquilibre dans la scolarisation entre les filles et les garçons. Pour y pallier, l'État a pris des mesures incitatives à l'égard des filles, notamment au niveau de l'âge d'entrée dans les collèges d'enseignement technique industriel et commercial qui est de 14 ans pour les filles contre 13 ans pour les garçons. En outre, certains textes qui excluaient la jeune fille de l'école du fait de la grossesse ont été abrogés. Une circulaire de 1980 relative à la grossesse des élèves dans les établissements scolaires publics et privés du Cameroun autorise la suspension pendant la grossesse et la réadmission après l'accouchement.


Examen du rapport camerounais

Un membre du Comité a relevé que le Cameroun est un pays singulier à plus d'un titre, en particulier du fait des nombreuses ethnies différentes qui composent sa population, ce qui n'est pas sans entraîner un fort enracinement des pratiques traditionnelles dans le pays. Ainsi, un système de droit coutumier coexiste-t-il avec un système de droit écrit dans ce pays à la fois francophone et anglophone, a fait observer l'expert. Il a demandé comment sont traités les éventuels conflits entre ces deux systèmes de droit. Il a également relevé que la perception de l'enfant qui semble prévaloir au Cameroun est celle d'un être humain «en devenir» ne bénéficiant pas de certains droits. En outre, certaines pratiques discriminatoires à l'encontre des femmes perdurent au Cameroun, a observé l'expert.

L'expert a regretté que le rapport du Cameroun n'aborde pas suffisamment les questions relatives à la justice pour mineurs; au monde du travail; aux mauvais traitements infligés aux enfants; aux enfants handicapés; au trafic et à l'exploitation des enfants.

S'agissant de la situation économique générale du pays, la délégation a rappelé que le Cameroun avait été frappé par une profonde crise économique jusque vers le milieu des années 1990. Depuis la fin des années 1990, a-t-elle toutefois fait observer, les perspectives économiques du Cameroun sont extrêmement encourageantes. «Certes, récemment, un certain nombre de rapports ont fait état de notre gestion des ressources et ont parlé de corruption, a relevé la délégation. C'est là un fait que nous reconnaissons et nous avons déployé beaucoup d'efforts pour endiguer ce problème, a-t-elle affirmé». À cet effet, le Cameroun s'est notamment doté d'un comité national sur la bonne gouvernance qui a pour mandat de garantir la bonne gestion des affaires dans le secteur public mais aussi, de plus en plus, dans le secteur privé. Grâce à la restructuration de sa dette, le Cameroun est en outre parvenu à économiser des ressources qui ont pu être réorientées vers le secteur social, a souligné la délégation.

En cas de conflit entre la Convention relative aux droits de l'enfant et la législation interne du Cameroun, ce sont les dispositions de la Convention qui sont censées l'emporter, a par ailleurs indiqué la délégation. Ainsi, chacun peut invoquer les dispositions de la Convention et s'en prévaloir devant toute juridiction, a-t-elle expliqué. Le Cameroun vient d'ailleurs d'entamer le processus d'intégration systématique des dispositions de la Convention dans le droit interne, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs expliqué que le droit coutumier ne s'applique que dans la mesure où il n'est pas contraire aux principes du droit écrit. Il existe au Cameroun une procédure déclinatoire de compétence en vertu de laquelle un plaideur qui a saisi une juridiction coutumière, peut se pourvoir devant une juridiction moderne. Quant aux affaires pénales, elles ne sont pas de toutes façons du ressort des juridictions coutumières, a par ailleurs précisé la délégation.

En ce qui concerne la définition de l'enfant du point de vue de la responsabilité pénale, la délégation a indiqué que le Cameroun a cru bon de catégoriser les mineurs. Si en principe l'âge de la majorité commence à 18 ans, il est important de tenir compte de la notion de discernement lorsqu'on entend poursuivre un individu au pénal, a expliqué la délégation. C'est pourquoi le Cameroun a retenu trois catégories de mineurs en matière pénale. Jusqu'à dix ans, un enfant est totalement irresponsable du point de vue pénal et ne peut donc pas être conduit devant un tribunal. S'il est âgé de 10 à 14 ans, l'enfant peut être conduit devant un tribunal mais ne peut jamais être condamné à une peine. Sa comparution ne vise en fait qu'à établir les faits. Entre ces deux âges, l'enfant peut en revanche être placé en institution. Enfin, un enfant âgé de 14 à 18 ans est réputé pénalement responsable. Il peut donc être jugé et condamné à une peine. Mais - afin qu'il ne se retrouve pas dans la même situation que les délinquants majeurs - les peines prononcées à son encontre obéissent obligatoirement au mécanisme d'«excuse atténuante de minorité» en vertu duquel les peines qu'il encourt sont automatiquement réduites.

Il est vrai que subsistent dans le pays certaines coutumes rétrogrades, notamment celle qui consiste à donner en mariage de très jeunes enfants, parfois âgés d'à peine dix ans, a par ailleurs reconnu la délégation. S'il existe des dispositions législatives visant à empêcher de telles pratiques, il n'en demeure pas moins que les coutumes sont souvent tenaces, a souligné la délégation.

Un membre du Comité a fait état d'informations - émanant notamment du Rapporteur spécial sur la torture - selon lesquelles au Cameroun, des enfants en détention feraient l'objet d'actes de violence et d'abus. Des enfants seraient également victimes de disparitions forcées voire d'assassinats, a ajouté cet expert. Ce même expert s'est inquiété d'informations laissant entendre que des petites filles, parfois très jeunes, seraient vendues, notamment dans le Nord du pays. Jugeant alarmant les problèmes de traite et de vente d'enfants dans ce pays et dans d'autres, l'expert s'est enquis des intentions du Cameroun en matière de réglementation des procédures d'adoption.

Plusieurs experts se sont enquis de la situation particulière des pygmées.



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