Skip to main content

Communiqués de presse

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA CÔTE D'IVOIRE

31 Mai 2001



CRC
27ème session
31 mai 2001
Matin





Le contexte de morosité générale que connaît la Côte d'Ivoire
a contribué à détériorer la situation des enfants,
reconnaît la Ministre de la famille



Le Comité des droits de l'enfant a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la Côte d'Ivoire sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Mme Henriette Lagou, Ministre de la famille, de la femme et de l'enfant de la Côte d'Ivoire, a notamment rappelé que ces dernières années, la Côte d'Ivoire a connu des tensions sociopolitiques sans précédent. La Ministre a souligné que le contexte de morosité générale que connaît la Côte d'Ivoire a contribué à détériorer la situation des enfants et des femmes. Au cours de la décennie 1990-2000, la Côte d'Ivoire a néanmoins réalisé des progrès dans divers domaines, notamment dans le renforcement du cadre juridique, au niveau des services sociaux de base et dans la protection des enfants.

S'agissant de la question du trafic d'enfants, la Ministre a indiqué que dans son pays le problème recouvre deux aspects: un trafic interne de jeunes filles domestiques des zones rurales vers les zones urbaines et un trafic transfrontalier de certains pays limitrophes vers la Côte d'Ivoire. Mme Lagou a précisé que son pays a signé en septembre 2000 un protocole d'accord avec le Mali pour lutter contre ce phénomène.

La délégation ivoirienne est également composée de M. Christian-Claude Beke Dassys, Représentant permanent de la Côte d'Ivoire auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des ministères de la famille, de la femme et de l'enfant; de la santé publique; des affaires sociales et de la solidarité nationale. Une Conseillère spéciale du Président de la République, un avocat expert consultant ainsi qu'une conseillère auprès de la Mission permanente à

Genève complètent la délégation, qui a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, le contexte politique actuel de la Côte d'Ivoire; la coopération du pays avec les mécanismes et organes des Nations Unies; les mesures prises pour faire connaître la Convention; la définition de l'enfant, s'agissant notamment de l'âge du mariage.


Le Comité achèvera cet après_midi, à partir de 15 heures, le dialogue avec la délégation de la Côte d'Ivoire.


Présentation du rapport de la Côte d'Ivoire

Présentant le rapport de son pays, MME HENRIETTE LAGOU, Ministre de la famille, de la femme et de l'enfant de la Côte d'Ivoire, a rappelé que ces dernières années, la Côte d'Ivoire a connu des tensions sociopolitiques sans précédent. Toutefois, a-t-elle précisé, des actions importantes sont entreprises en faveur de la paix sociale, de la réconciliation nationale et de la normalisation des relations du pays avec les principaux bailleurs de fonds. Dans le contexte sociopolitique fortement troublé depuis 1999 et encore fragile, a poursuivi la Ministre, la situation économique et financière du pays s'est considérablement dégradée avec une baisse du PIB de 3% en 2000 et une détérioration des conditions de vie de plus d'un tiers de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. La Côte d'Ivoire s'est engagée à élaborer une politique et un plan de lutte contre la pauvreté dont les récents événements n'ont pas permis la finalisation, a ajouté la Ministre. La Côte d'Ivoire ne bénéficie pas encore de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés pour réduire le poids de sa dette publique extérieure et financer les services sociaux de base. Cependant, le gouvernement mène en ce moment des pourparlers avec la communauté des bailleurs (notamment le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne) en vue de bénéficier de financements extérieurs.

«Ce contexte de morosité générale que connaît la Côte d'Ivoire a contribué à détériorer la situation des enfants et des femmes», a reconnu Mme Lagou, précisant que les taux de mortalité infantile et infanto-juvénile se sont accrus, respectivement de 90 à 112 pour mille et de 150 à 171 pour mille entre 1994 et 1999. Le taux de mortalité maternelle a été estimé en 1994 à 597 pour 100 000 naissances vivantes et seulement 63% des accouchements sont assistés par un personnel qualifié. Vingt-et-un pour cent des enfants de moins de 5 ans souffrent d'insuffisance pondérale et 25% de retard de croissance, a ajouté la Ministre. Cette situation peut s'expliquer par la faible accessibilité des populations aux soins de santé, au faible niveau d'alphabétisation des femmes et au faible taux de scolarisation, notamment des filles. D'une manière générale, la mortalité élevée des enfants, le nombre important d'enfants infectés et affectés par le VIH/sida et le nombre croissant d'enfants victimes de l'exploitation économique (main-d'œuvre infantile et trafic) et sexuelle constituent des préoccupations majeures pour le Gouvernement ivoirien, a indiqué la Ministre de la famille, de la femme et de l'enfant.

Au cours de la décennie 1990-2000, la Côte d'Ivoire a réalisé des progrès dans divers domaines, notamment dans le renforcement du cadre juridique, au niveau des services sociaux de base et dans la protection des enfants, a poursuivi la Ministre. Ainsi, la nouvelle Constitution assure une protection particulière aux enfants et réaffirme l'interdiction de la peine de mort et de certaines pratiques socioculturelles telles que l'esclavage contemporain, les mutilations génitales féminines et le mariage forcé. Des projets de loi sont en voie d'adoption, notamment en vue de la ratification des conventions nE138 et 182 de l'OIT (relatives à l'âge minimum d'admission à l'emploi et aux pires formes de travail des enfants). Mme Lagou a par ailleurs indiqué que les résultats obtenus en matière de vaccination révèlent une amélioration de la couverture vaccinale avec 51% des enfants de 1 an vaccinés en 1999 contre seulement 41% en 1994. Le taux d'accès à l'eau potable est passé de 63% en 1990 à 81,7% en 2000, a ajouté la Ministre. Malgré les progrès relatifs enregistrés, on observe des disparités au niveau des régions, entre le milieu urbain et rural et selon les lieux de résidence, a reconnu Mme Lagou. Elle a d'autre part fait valoir que le taux net de scolarisation est passé de 50% en 1990 à 56,9% en 2000 alors que le taux d'alphabétisation est passé de 35,2% en 1988 à 48,2% en 2000.

Le dernier recensement de la population (1998) indique que 14,3% des enfants de 6 à 14 ans exercent une activité économique alors que la Côte d'Ivoire s'est dotée en 1995 d'un Code du travail qui fixe à 14 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi, a reconnu la Ministre. Elle a par ailleurs indiqué que ces dernières années, les autorités ivoiriennes, la société civile et l'opinion internationale ont été mobilisées sur la question du trafic des enfants. En Côte d'Ivoire, ce trafic recouvre deux aspects, a-t-elle précisé: un trafic interne de jeunes filles domestiques des zones rurales vers les zones urbaines et un trafic transfrontalier de certains pays limitrophes vers la Côte d'Ivoire, pays récepteur. C'est un phénomène émergent en Afrique de l'Ouest et du Centre, a ajouté Mme Lagou avant de préciser que son pays a signé en septembre 2000 un protocole d'accord avec le Mali pour lutter contre le phénomène du trafic des enfants. La Côte d'Ivoire a également élaboré un plan d'action d'urgence de lutte contre le trafic des enfants pour 2000-2001. Actuellement, 20 trafiquants d'enfants appréhendés sont détenus et un projet de loi spécifique sur la question est en cours d'élaboration, a indiqué la Ministre.

Parmi les facteurs ayant empêché la Côte d'Ivoire de s'acquitter convenablement d'une partie de ses obligations au titre de la Convention, Mme Lagou a identifié: la dégradation des termes de l'échange et la mévente des produits de base; le poids du service de la dette; le taux élevé d'analphabétisme; la persistance de certaines pratiques traditionnelles néfastes à la santé et au bien_être de l'enfant; la pauvreté des ménages; la faible participation des femmes et des enfants aux prises de décision; l'insuffisance de la coordination des actions menées en faveur des enfants; l'urbanisation rapide; ainsi que le taux de croissance démographique (3,3% par an). Le programme du gouvernement en matière de survie, de développement et de protection de l'enfant s'articule autour d'une meilleure prise en charge sanitaire de l'enfant et de la mère; de l'amélioration de la couverture sociale de l'ensemble de la population, de l'éducation obligatoire et gratuite jusqu'à l'âge de 16 ans; d'une meilleure protection des enfants contre le travail, le trafic, la prostitution et le VIH/sida.


Le rapport initial de la Côte d'Ivoire (CRC/C/8/Add.41) souligne que la population ivoirienne est en majorité jeune. La proportion d'enfants de 15 ans représente près de la moitié de la population totale, soit 48,2% en 1993; celle des moins de 20 ans est de 56%. Cette importante proportion de jeunes entraîne une forte pression sur la demande en matière d'éducation et de santé. L'encours de la dette extérieure de la Côte d'Ivoire, y compris la dette privée non garantie, était, à la fin de 1996, de 19,5 milliards de dollars soit 186% du PIB, dont 16,2 milliards pour la dette publique. Le ratio de la dette publique extérieure par rapport aux recettes de l'État était à la fin 1996 de 654%. Malgré un taux de croissance économique élevé (6% en 1997), la pauvreté reste préoccupante, poursuit le rapport. En effet, le revenu brut par tête de ménage a chuté de 30% entre 1986 et 1991.


Si, dans leur majorité, les textes ivoiriens concernant l'enfance sont conformes aux prescriptions de la Convention, il faut cependant reconnaître qu'en divers domaines, ils s'en détachent comme en témoignent notamment la possibilité en droit pénal ivoirien de condamner un mineur à la peine de mort si l'excuse atténuante de minorité n'a pas été retenue en sa faveur. Cependant, dans la pratique, les mineurs ont toujours bénéficié de l'excuse de minorité et cette peine n'a jamais été prononcée à l'encontre d'enfants. En outre, la loi ivoirienne sur l'enseignement n'a pas retenu l'obligation scolaire; la loi sur le mariage fixe des âges de mariage différents pour le garçon et la fille; la loi ivoirienne ne reconnaît le droit à la sécurité sociale qu'aux enfants des travailleurs salariés et des fonctionnaires. L'exploitation du travail des enfants, due à la pauvreté, se développe dans les grandes villes et dans certains zones rurales, poursuit le rapport. Il indique par ailleurs que le mineur est pénalement responsable à l'âge de 10 ans révolus.

Depuis l'indépendance, l'État ivoirien a déclaré que l'école constitue une priorité, ce qui s'est traduit par le fait que 40% du budget national sont alloués à l'éducation. Cependant, le taux net de scolarisation n'atteignait que 50% pour l'année scolaire 1993-1994, reconnaît le rapport. Avec la paupérisation grandissante, la prostitution des enfants, quel que soit le sexe, se développe en milieu urbain, ajoute le rapport avant de préciser qu'il n'existe pas de dispositions légales par rapport à l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. En outre, la consommation de drogues, de tabac et d'alcool augmente sans que l'on puisse l'évaluer de manière satisfaisante. Le rapport indique par ailleurs que les enfants en situation d'urgence sont essentiellement des enfants réfugiés libériens qui, selon le Bureau international catholique de l'enfance, étaient au nombre de 177 575 en août 1996.


Examen du rapport de la Côte d'Ivoire

Un membre du Comité a souligné que la Côte d'Ivoire est confrontée à des tensions à la fois socioéconomiques et politiques qui entravent l'instauration d'un climat et d'un environnement propices à l'épanouissement de l'enfant ivoirien.

La délégation ivoirienne a rappelé qu'en 1999, la Côte d'Ivoire a subi un coup d'État militaire suivi de deux années de régime militaire. Des élections présidentielles ont ensuite permis au pays de revenir à un régime civil et, s'il est vrai que de nombreux affrontements ont suivi les élections du 22 octobre 2000, le gouvernement civil en place s'efforce aujourd'hui de promouvoir la normalisation afin que le pays puisse rétablir ses relations avec les bailleurs de fonds.

Souhaitant témoigner de l'engagement du Gouvernement ivoirien en faveur de la coopération avec les organes et mécanismes des Nations Unies, la délégation a rappelé que la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, Mme Asma Jahangir, a été invitée par le gouvernement à se rendre en Côte d'Ivoire et effectuera cette visite dans les prochaines semaines. Depuis le mois de février dernier, a ajouté la délégation, une commission d'enquête des Nations Unies se trouve à Abidjan pour y enquêter sur les événements du mois d'octobre dernier. La délégation a par ailleurs précisé que mardi prochain, l'épouse du Président de la République de Côte d'Ivoire se trouvera à Genève où elle rencontrera la Haut_Commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, ainsi que le responsable du Programme de l'Organisation internationale du travail pour l'éradication du travail des enfants (IPEC).


Interrogée sur les mesures prises par la Côte d'Ivoire pour faire connaître les dispositions de la Convention auprès de l'ensemble de la population, la délégation a rappelé que si l'on procède à une évaluation de la législation ivoirienne, on constate que ses dispositions - qui datent souvent de 1964 - sont globalement conformes à la Convention. Néanmoins, leur mise en œuvre, plusieurs décennies après, pose encore problème car la Côte d'Ivoire, qui avait fondé son action sur le principe hérité du droit français selon lequel «nul n'est censé ignorer la loi», s'est heurtée à l'analphabétisme encore marqué d'une bonne partie de la population. C'est pourquoi des mesures ont dû être prises afin d'assurer une promotion adéquate des droits de l'enfant. Ainsi, des chroniqueurs nationaux ont-ils été formés pour dispenser des séances de formation aux droits de l'enfant à la population, à la base.

La délégation a assuré que dans le cadre du processus d'harmonisation de la législation nationale avec les dispositions de la Convention, la Côte d'Ivoire a l'intention de s'efforcer d'adopter des lois sur la pédophilie, sur le trafic des enfants et sur la protection des enfants victimes du sida.

En ce qui concerne la définition de l'enfant, la délégation a indiqué qu'actuellement, l'âge de la majorité civile est fixé à 21 ans en Côte d'Ivoire, de sorte que l'âge légal du mariage est également de 21 ans pour les jeunes des deux sexes. Avec l'accord des parents, il est néanmoins permis aux jeunes filles de se marier à l'âge de 18 ans et aux jeunes garçons de se marier à 20 ans. Toutefois, a indiqué la délégation, l'âge de la majorité civile devrait prochainement passer à 18 ans pour les jeunes des deux sexes et l'âge légal du mariage sera alors lui aussi fixé indistinctement à 18 ans pour les filles comme pour les garçons.

Un membre du Comité a demandé les raisons pour lesquelles les campagnes d'incitation à l'enregistrement des naissances n'ont pas porté leurs fruits, comme en témoigne le fait qu'encore 30% des enfants de moins de 5 ans ne soient pas enregistrés, ce taux atteignant même les 40% dans certaines zones rurales.

Un autre expert s'est inquiété d'informations faisant état de cas d'infanticides s'agissant d'enfants handicapés.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :