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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT DISCUTE DES DROITS DE L'ENFANT DANS LA PETITE ENFANCE

17 Septembre 2004

Comité des droits de l’enfant
17 septembre 2004

Le Comité des droits de l'enfant a tenu, aujourd'hui, une journée de discussion générale sur le thème de «la mise en œuvre des droits de l'enfant dans la petite enfance». Le débat était axé sur les questions de la protection et de la participation de la petite enfance. La nécessité d'adopter une approche globale des questions en jeu a maintes fois été soulignée durant le débat.

Après avoir entendu des déclarations liminaires de représentants du Haut Commissariat aux droits de l'homme, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, de l'Organisation mondiale de la santé et de la Fondation Bernard van Leer, le Comité s'est séparé en deux groupes de travail distincts traitant, l'un, de la nécessité d'appliquer les bonnes pratiques le plus tôt possible, en particulier en matière de survie et de développement de l'enfant, et, l'autre, des jeunes enfants en tant qu'acteurs à part entière de leur propre développement.

Rendant compte, en fin de journée, des travaux du premier de ces deux groupes de travail, dont il était rapporteur, M. Lothar Friedrich Krappmann, membre du Comité, a indiqué qu'au cours des débats, il a été souligné que les politiques doivent se concentrer non seulement sur la reconnaissance des besoins mais aussi sur la reconnaissance du fait que les jeunes enfants sont des détenteurs de droits. Des campagnes devraient être mises en place pour sensibiliser aux questions relatives à la petite enfance. Le droit à la vie et à avoir des relations stables avec les parents dès le début de la vie, le droit de recevoir des soins, le droit à l'allaitement maternel, constituent quelques-uns des droits dont il faut garantir le respect.

Rendant compte pour sa part des travaux du second groupe de travail, M. Luigi Citarella, membre du Comité et rapporteur de ce groupe, a indiqué qu’un consensus semble s'être dégagé au cours de la discussion s'agissant de certains éléments qui seraient nécessaires pour assurer un développement adéquat de la petite enfance, au nombre desquels on peut citer la nécessité de changer les attitudes culturelles et traditionnelles des familles ; la nécessité de reconnaître et de respecter pleinement les droits de l'enfant ; la nécessité d'assurer la participation des enfants dans la famille ainsi qu'en ce qui concerne l'éducation et la santé.

En se fondant sur les résultats de cette journée de discussion, le Comité adoptera ultérieurement des recommandations sur la mise en œuvre des droits de l'enfant dans la petite enfance qui seront rendues publiques le vendredi 1er octobre prochain.

Lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport périodique de la Croatie (CRC/C/70/Add.23).

Aperçu des déclarations

MME MARIA FRANCISCA IZE-CHARRIN, Responsable du Service des traités et de la Commission au Haut Commissariat aux droits de l'homme, a indiqué que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, est aujourd'hui à Genève et a conscience de l'importance de cette journée de discussion générale; néanmoins, Mme Arbour se prépare à partir, demain, pour Khartoum et le Darfour où elle se rendra en compagnie du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, M. Juan E. Méndez. Mme Ize-Charrin a souligné que cette journée de discussion générale est la quatorzième que tient le Comité et s'est dite impressionnée de l'impact de ces journées, du fait des nouvelles activités et des importantes décisions qu'elles génèrent, comme en témoignent l'étude des Nations Unies sur l'impact des conflits armés sur les enfants; le Protocole facultatif à la Convention portant sur l'implication des enfants dans les conflits armés; et, plus récemment, l'étude des Nations Unies sur la violence contre les enfants, auxquels s'ajoutent quatre commentaires généraux qu'elles ont suscités et dont deux sont encore en cours de rédaction. Mme Ize-Charrin s'est dite persuadée que le débat d'aujourd'hui aboutira à des recommandations valables et novatrices dont les États parties – mais aussi les institutions et organes des Nations Unies et les organisations non gouvernementales – sauront tirer parti.

Mme Ize-Charrin a souligné que la Convention ne se contente pas de protéger les droits de toute personne de moins de 18 ans; elle fournit également une orientation sur la manière dont les enfants devraient être élevés et éduqués. Elle contient un article sur les objectifs de l'éducation (article 29), qui a fait l'objet d'un commentaire général, a poursuivi Mme Ize-Charrin. Elle a en outre rappelé que la première phase du Programme mondial pour l'éducation aux droits de l'homme, qui doit débuter le 1er janvier prochain, se concentrera sur les systèmes d'éducation aux niveaux du primaire et du secondaire, comme l'a demandé la Commission des droits de l'homme à sa dernière session. La définition et les principes relatifs à l'éducation aux droits de l'homme tels qu'ils sont énoncés dans le projet de plan d'action associé à ce Programme s'inspirent largement de la Convention. Les droits de participation des enfants, par exemple, font partie intégrante du projet de plan d'action. Bien que la première phase du Programme mondial ne traite que de l'éducation primaire et secondaire, le projet de plan souligne que l'éducation requiert une approche soucieuse des droits de l'homme qui applique ces droits tout au long du système éducatif et dans tous les environnements d'apprentissage.

Aussi, cette journée de discussion générale devrait fournir l'occasion de rappeler que même les plus jeunes enfants ont le droit d'être sensibilisés à l'éducation aux droits de l'homme et de grandir dans un environnement de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre les peuples, comme cela est spécifié dans la Convention, a conclu Mme Ize-Charrin.

MME PATRICE L. ENGLE (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) a souligné que l'UNICEF déploie des efforts systématiques afin d'incorporer dans tous ses programmes et activités les questions relatives aux jeunes enfants et à une approche intégrée permettant d'assurer leurs droits et de répondre à leurs besoins. Elle a souligné à cet égard que le développement de la petite enfance est l'une des cinq priorités organisationnelles du Plan stratégique à moyen terme de l'UNICEF pour les années 2002-2005. Aussi, l'UNICEF considère-t-il cette journée de discussion comme l'occasion de promouvoir une meilleure compréhension de l'importance et des avantages qu'il y a à investir dans les premières années de l'enfant. Pour assurer le respect de la Convention, l'UNICEF encourage une approche globale du développement de la petite enfance dans les politiques et programmes nationaux ainsi que dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté. De nombreuses recherches ont démontré l'importance que revêt le développement de la petite enfance pour le succès ultérieur de l'enfant dans sa vie. Ces recherches montrent que lorsque les jeunes enfants communiquent et sont en interaction avec leurs parents et avec les personnes qui s'occupent d'eux, ils ont tendance à mieux réussir à l'école et à être mieux préparés socialement et émotionnellement. Ainsi, assurer à l'enfant un bon départ dans la vie apporte de nombreux bénéfices, tant pour l'enfant que pour ceux qui s'occupent d'eux et pour la société dans son ensemble.

L'UNICEF est persuadé qu'à maints égards, le respect des droits des jeunes enfants est étroitement lié au respect des droits des femmes, a poursuivi Mme Engle. Elle a fait observer qu'en raison des responsabilités et pressions qui pèsent sur elles – du fait qu'elles s'occupent généralement davantage des enfants que ne le font les hommes et les garçons -, les filles et les femmes jouissent de moins d'opportunités d'améliorer leur situation que les hommes et les garçons. C'est pourquoi la promotion de la participation des hommes et des garçons dans les activités relatives à la petite enfance ainsi que le soutien aux familles et aux communautés figurent au nombre des principaux messages que l'UNICEF entend faire passer s'agissant du développement de la petite enfance. La mise en œuvre des droits de l'enfant dans la petite enfance exige qu'une attention particulière soit accordée aux groupes marginalisés et défavorisés tels que ceux constitués par les enfants handicapés, les enfants des minorités et les enfants autochtones.

MME Engle a conclu en présentant un certain nombre de recommandations que l'UNICEF entend avancer dans le cadre de cette journée de discussion et au nombre desquelles on peut citer les suivantes : les gouvernements devraient faire en sorte que des installations adéquates destinées aux enfants soient disponibles pour les enfants qui travaillent; les gouvernements devraient consacrer une part importante du budget aux investissements en faveur du développement de la petite enfance; les États devraient prendre des mesures pour prévenir la violence contre les jeunes enfants; les États parties devraient être encouragés à améliorer la qualité et les possibilités d'apprentissage précoce pour les jeunes enfants; il faut promouvoir l'allaitement exclusif du nouveau-né durant les six premiers mois qui suivent sa naissance ainsi que l'allaitement prolongé jusqu'à deux ans, voire au-delà.

M. CHANDRA-MOULI (Organisation mondiale de la santé - OMS) a rappelé que l'un des droits les plus fondamentaux de l'enfant est son droit à la survie, sans lequel aucun autre droit n'a de sens. Malheureusement, la réalité est qu'aujourd'hui, l'équivalent d'une classe d'enfants de moins de cinq ans meurt chaque minute de maladies qui peuvent être prévenues et traitées. Cette année, a poursuivi le représentant de l'OMS, alors que nous célébrons le quinzième anniversaire de la Convention, près de 11 millions de jeunes enfants ont perdu la vie prématurément, leur droit fondamental à la survie leur ayant été dénié. M. Chandra-Mouli a souligné que la tragédie ne s'arrête pas là car les décès ne constituent qu'une petite portion des souffrances qu'endure l'enfance à travers le monde. En effet, l'allaitement inadéquat et les problèmes de nutrition, entre autres, constituent un gros risque pour la santé des enfants qui survivent. Or, nous savons pertinemment quelles sont les causes de ces nombres élevés de décès d'enfants et nous savons exactement ce qui empêche ces enfants qui survivent de se développer au mieux; qui plus est, nous connaissons les interventions médicales qui permettraient de lutter contre ces causes immédiates. On est donc en droit de se demander pourquoi persiste ce problème choquant, cette violation flagrante des droits les plus fondamentaux de l'enfant. Il persiste parce que les stratégies de fourniture de services de santé n'atteignent pas les enfants qui en ont le plus besoin, en particulier les pauvres; parce que leurs familles ou les personnes qui prennent soin d'eux n'ont pas les connaissances ou les ressources financières permettant d'apporter une bonne nutrition; parce que les familles ou les fournisseurs de soins n'ont pas accès aux solutions qui peuvent sauver des vies.

Si la grande majorité des décès et handicaps qui frappent les enfants sont dus à des conditions et à des maladies découlant de la pauvreté, l'exclusion économique n'est pas le seul facteur sous-jacent, a poursuivi le représentant de l'OMS. L'exclusion sociale doit également être reconnue comme une cause fondamentale de cette situation. La discrimination, sous toutes ses formes, exacerbe cette situation, a en outre souligné M. Chandra-Mouli. Le statut inférieur qui continue d'être attaché à la femme dans nombre de sociétés empêche les femmes d'avoir accès à l'information et à l'éducation qui leur permettraient de prendre mieux soin de leurs enfants. Aussi, les gouvernements et les organisations intergouvernementales devraient-ils prendre un engagement ferme et soutenu pour remédier à cette situation. À cet égard, la Convention doit fournir le cadre normatif et juridique au sein duquel traiter de la question de la survie et du développement de l'enfant.

M. PETER LAUGHARN, Directeur exécutif de la Fondation Bernard van Leer, a indiqué que sa Fondation, qui est engagée en faveur du développement de la petite enfance depuis près de 40 ans, s'efforce de promouvoir les capacités des enfants qui vivent dans des circonstances économiques et sociales défavorisées. La Fondation soutient actuellement des projets et programmes dans près de 40 pays, tant développés qu'en développement. La petite enfance est une période de développement rapide de l'individu; les investissements qui sont réalisés durant cette période peuvent s'avérer très fructueux en retour, a souligné M. Laugharn.

S'il ne fait aucun doute que le droit à la scolarisation est très important, il ne faut pas perdre de vue que les jeunes enfants apprennent et se développent dans des environnements très divers, a-t-il par ailleurs fait observer. Il a relevé que si le droit à la survie et à la protection est généralement bien compris et soutenu, les droits au développement et à la participation le sont beaucoup moins. Il a notamment mis l'accent sur la nécessité de reconnaître pleinement le rôle des parents ainsi que la responsabilité des États de soutenir les parents. Le développement et l'apprentissage découlent de l'interaction de l'enfant avec les personnes et les objets qui l'entourent, a ajouté M. Laugharn. Il a encouragé le Comité à adopter un commentaire général sur la petite enfance qui puisse servir de feuille de route pour orienter les gouvernements et d'autres acteurs dans leurs actions en faveur de ce secteur de la population.


Rapports des groupes de travail

Rendant compte des travaux du groupe de travail consacré à la nécessité d'appliquer les bonnes pratiques le plus tôt possible, M. Lothar Friedrich Krappmann, rapporteur de ce groupe, a indiqué que nombre d'intervenants ont exprimé l'espoir que ce débat marque le début d'un processus qui permettra d'améliorer les droits de l'enfant pour la petite enfance. Au cours des débats, a indiqué le rapporteur, il a été souligné que les politiques doivent se concentrer non seulement sur la reconnaissance des besoins mais aussi sur la reconnaissance du fait que les jeunes enfants sont des détenteurs de droits. Des campagnes devraient être mises en place pour sensibiliser aux questions relatives à la petite enfance, car très souvent, les droits des jeunes enfants ne sont pas respectés, a-t-il également été souligné.

Le droit à la vie et à avoir des relations stables avec les parents dès le début de la vie; le droit de recevoir des soins; le droit à l'allaitement maternel, constituent quelques-uns des droits dont il faut garantir le respect. La situation des petites filles, eu égard notamment à la baisse des naissances de petites filles dans certaines régions du monde, a été particulièrement évoquée durant le débat, a précisé M. Krappmann. Il a souligné que nombre d'orateurs ont insisté sur la nécessité de promouvoir une approche globale de la mise en œuvre des droits de la petite enfance. S'agissant de l'éducation et de l'apprentissage – questions qui n'ont toutefois pas été au centre des débats - il est évident que les enfants sont curieux et il faut donc s'efforcer de promouvoir les capacités cognitives et émotionnelles de l'enfant en encourageant des pratiques qui intègrent les droits de l'homme. M. Krappmann a par ailleurs indiqué qu'au cours du débat, l'accent a notamment été mis sur la nécessité de veiller à ne pas imposer dans les jeux des enfants les objectifs des adultes.

Souvent, le développement des enfants est entravé par les pratiques de la famille et des communautés, a rappelé M. Krappmann. Il est bien des aspects de la vie de l'enfant qui ne sont pas très clairement abordés dans la Convention, laquelle pourrait donc judicieusement être amendée, s'agissant en particulier de la petite enfance et de l'inclusion de la notion du développement émotionnel ou encore de la nécessité de parler de manière plus générale de la santé. Nombre d'intervenants ont plaidé en faveur de l'adoption, par le Comité, d'une observation générale qui traiterait de la question de la petite enfance, a indiqué M. Krappmann.

Rendant compte pour sa part des travaux du groupe de travail consacré aux jeunes enfants en tant qu'acteurs à part entière de leur propre développement, M. Luigi Citarella, rapporteur de ce groupe de travail, a souligné que les débats se sont concentrés sur la participation dans la famille, à l'école et au sein de la communauté ainsi que sur le rôle des crèches, des programmes en faveur de la petite enfance, de l'école maternelle, de l'enseignement préscolaire et des premières années de l'enseignement primaire dans la promotion de la notion d'enfant titulaire de droits. M. Citarella a fait observer que les deux groupes de travail ont eu recours à la même démarche et ont donc abouti aux mêmes conclusions. La nécessité d'adopter une approche globale des questions en jeu a maintes fois été soulignée durant le débat, a indiqué M. Citarella.

La mise en œuvre de la Convention, s'agissant particulièrement des problèmes en rapport avec le développement de la petite enfance, se heurte à de nombreuses difficultés dont l'une des principales reste les attitudes culturelles qui persistent dans nombre de pays au niveau de la structure familiale; dans la plupart des cas, les parents répugnent encore à reconnaître les droits de leurs enfants. Il faut que les parents prennent bien conscience que les enfants sont des détenteurs de droits et qu'ils ont des devoirs.

M. Citarella a en outre indiqué qu'au cours des débats, il a été estimé que les États devraient être invités à considérer l'éducation pré-primaire comme étant obligatoire et non pas optionnelle. Il a été dit que l'un des problèmes essentiels en rapport avec le développement de la petite enfance a trait à l'enregistrement des naissances. Le problème des châtiments corporels a été évoqué à maintes reprises, plusieurs intervenants soulignant que de tels châtiments ont un impact négatif sur le processus de développement de l'enfant, a par ailleurs souligné M. Citarella. Il a été proposé que des lignes téléphoniques d'urgence soient mises en service pour recevoir des plaintes émanant des enfants, même très jeunes. En résumé, un consensus semble s'être dégagé au cours de la discussion s'agissant de certains éléments qui seraient nécessaires pour assurer un développement adéquat de la petite enfance et au nombre desquels on peut citer la nécessité de changer les attitudes culturelles et traditionnelles des familles; la nécessité de reconnaître et de respecter pleinement les droits de l'enfant; la nécessité d'assurer la participation des enfants au foyer ainsi qu'en matière d'éducation et de santé.

Dans un document préparatoire dressant le plan général de cette journée de discussion (CRC/C/137 annexe II) il est noté que, selon les pays et les régions, la petite enfance correspond à différents groupes d'âge, compris entre 0 et 4 ans et 0 et 8 ans. Pour sa part, le Comité n'a pas de préférence en la matière, étant donné que l'objectif de cette journée est de mieux faire comprendre et connaître les droits des jeunes enfants afin de faciliter leur mise en œuvre pleine et entière par les États parties à la Convention et les autres parties intéressées. Ayant examiné la situation des droits de l'enfant dans la quasi-totalité des pays du monde depuis 1993, le Comité a constaté que les droits des nourrissons et des jeunes enfants sont trop souvent négligés. On croit encore trop souvent que ces enfants ne peuvent bénéficier que du droit à protection reconnu dans la Convention. Pourtant, il est généralement admis que la petite enfance est une période cruciale pour le bon développement du jeune enfant et que les occasions manquées au cours de ces premières années ne peuvent être rattrapées à un stade ultérieur.

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