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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE LA MAURITANIE

28 Mai 2009

Comité des droits de l'enfant
28 mai 2009


Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le deuxième rapport de la Mauritanie concernant les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention.

Présentant le rapport de son pays, M. Mohamed Ould Ely Telmoudy, Secrétaire général du Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille de la Mauritanie, a affirmé que son pays connaît depuis ces dernières années une période favorable aux changements qui se présente comme une opportunité pour améliorer la situation des droits de l'homme. Il a notamment indiqué que la dimension enfance a été prise en compte dans le processus de révision du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Il a souligné que le cadre juridique a été amélioré en vue d'asseoir un système de justice juvénile fondé sur la protection pénale de l'enfant. S'agissant des progrès réalisés dans l'éducation, il a annoncé que le taux brut de scolarisation au niveau fondamental se situait à 95,1% en 2007-2008, les filles représentant 50,3%. Il a conclu sa présentation en attirant l'attention sur les problèmes, notamment économiques, du pays qui ont une incidence sur la mise en œuvre de la Convention.

La délégation mauritanienne, qui était composée de représentants du Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille et du Ministère de la justice, ainsi que de membres de la Mission permanente de la Mauritanie auprès des Nations Unies, a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du budget national consacré à l'enfance; du fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme; de l'applicabilité de la Convention et la réserve générale à la Convention émise par la Mauritanie; de la justice pour les mineurs; du travail des enfants; des châtiments corporels; du respect des droits de l'enfant dans la politique d'immigration; des mariages précoces et forcés; et des mesures prises pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement dans le domaine de la santé.

En début de discussion, l'un des corapporteurs pour l'examen du rapport de la Mauritanie a noté certains problèmes importants qui entravent une bonne et homogène application de la Convention, comme la pauvreté, la discrimination envers les enfants appartenant aux minorités et la persistance de pratiques qui relèvent de l'esclavagisme. À la conclusion de cet exercice, le chef de la délégation a réitéré l'engagement de son pays à mettre en œuvre la Convention. Des solutions ont déjà été trouvées, d'autres contraintes trouveront des solutions, et des perspectives heureuses se dégageront sur la mise en œuvre de cette Convention, a-t-il affirmé.


Demain, vendredi 29 mai, à 10 heures, le Comité procédera à l'examen des rapports initiaux présentés par la Slovénie au titre des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention (CRC/C/OPAC/SVN/1 et CRC/C/OPSC/SVN/1).


Présentation du rapport

M. MOHAMED OULD ELY TELMOUDY, Secrétaire général du Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille de la Mauritanie, a souligné que son pays connaît depuis ces dernières années une période favorable aux changements qui se présente comme une opportunité pour améliorer la situation des droits de l'homme. Il a souligné qu'une attention particulière a été accordée à la promotion sociale, en particulier en matière de protection des personnes handicapées, avec notamment l'adoption d'une ordonnance relative à la promotion et la protection des droits de ces personnes et l'adoption d'un projet de loi autorisant la promulgation de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif. Cette dynamique, a-t-il précisé, est favorisée par la création d'un nouveau Ministère, celui des affaires sociales, de l'enfance et de la famille, chargé, entre autres, d'impulser, de coordonner et de mettre en œuvre les stratégies et les actions de promotion et de protection de l'enfance. Il a également souligné que ces mesures ont été renforcées par la prise en compte de la dimension enfance dans le processus de révision du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Il a, enfin, fait part de la création d'un Commissariat aux droits de l'homme et à l'action humanitaire, institution qui prend en charge, en plus des questions des droits de l'homme, les aspects humanitaires, notamment les situations d'urgence et la coordination de l'action de la société civile.

M. Telmoudy a ensuite expliqué que le cadre juridique mauritanien a été amélioré en vue d'asseoir un système de justice juvénile fondé sur l'application de l'ordonnance portant protection pénale de l'enfant et la loi portant code du statut personnel. Dans ce cadre, les capacités des tribunaux ont été renforcées pour assurer une prise en charge répondant aux normes en matière de prise en charge des enfants en conflit avec la loi, a-t-il indiqué. Il a également expliqué que la réadaptation de ces enfants en conflit avec la loi sera renforcée par la création à Nouakchott d'un centre semi ouvert inauguré le 28 avril dernier. Outre la multiplicité et la diversité des ateliers de formation des mineurs, ce centre offre à chaque enfant un projet de vie qui lui permettra de se réinsérer dans le tissu social, a-t-il précisé.

En matière de santé, le chef de la délégation mauritanienne a notamment indiqué que les vaccins sont pris en charge à 100% par le Gouvernement, précisant par ailleurs que la poliomyélite a été éradiquée en Mauritanie en 2007. Les deux dernières années ont été marquées par une amélioration de la médecine hospitalière, a fait valoir M. Telmoudy, soulignant notamment que sept hôpitaux ont été érigés, que les subventions financières au profit du ministère de la santé ont augmenté et un centre hospitalier mère-enfant a été créé, servant de structure hospitalière spécialisée pour enfants.

S'agissant des progrès réalisés dans l'éducation, M. Telmoudy a annoncé que le taux brut de scolarisation au niveau fondamental se situe à 95,1% en 2007-2008. Pour ce qui est de l'équité, les filles représentent 50,3% des effectifs du fondamental et 46,2% de ceux du secondaire. M. Telmoudy a précisé que la mise en œuvre de la politique nationale de développement de la petite enfance, adoptée en 2005, a connu des avancées significatives, particulièrement au niveau du système de garde et d'éducation préscolaire.

Le Secrétaire général du Ministère mauritanien des affaires sociales, de l'enfance et de la famille a ensuite annoncé que le Gouvernement a défini des orientations stratégiques pour cerner la problématique de protection des enfants contre les abus et l'exploitation. Ces orientations, a-t-il précisé, reposent notamment sur l'élaboration en cours d'une politique nationale de protection des enfants. Le Gouvernement entend également mettre en œuvre une stratégie d'insertion et de promotion sociale des enfants de la rue. Il a par ailleurs créé, en 2007, un Centre de protection et d'intégration sociale des enfants en difficulté.

Pour conclure, M. Telmoudy a fait remarquer que la Mauritanie est l'un des pays du Sahel les plus touchés par la sécheresse et la désertification, ce qui pèse lourdement sur son développement économique. Les ressources financières demeurent limitées, a-t-il souligné, ajoutant que ces contraintes expliquent le taux de pauvreté élevé dans le pays. Il a reconnu que ces problèmes ont une incidence sur la mise en œuvre de la Convention et que beaucoup d'efforts restent à fournir, notamment dans la poursuite de l'exécution de la politique de protection sociale des enfants contre les violences, l'exploitation et la poursuite des efforts de réduction de la mortalité infanto juvénile maternelle.

Le deuxième rapport périodique de la Mauritanie (CRC/C/MRT/2) cite notamment, parmi les mesures prises dans le sens d'une meilleure protection de l'enfant, le Code du statut personnel (2001) qui vise à favoriser le progrès social dans le sens d'un développement harmonieux de tous les segments de la société, en premier lieu, la femme et l'enfant. L'apport le plus significatif dans cette réforme réside dans la définition de la majorité requise pour contracter un mariage qui est fixée à 18 ans avec le consentement, sauf exception consacrée par décision judiciaire fondée sur l'intérêt de l'enfant, précise le rapport. Il fait également mention d'une loi sur la scolarité obligatoire adoptée en 2001 qui s'inscrit dans la démarche d'intégration des dispositions de la Convention dans le droit interne. Aux fins de cette loi, les parents sont désormais tenus, sous peine de sanctions pénales, de scolariser leurs enfants âgés de 6 à 14 ans. C'est également en 2001 qu'ont été ratifiées les Conventions de l'OIT n°138 sur l'âge minimum et n°182 sur les pires formes de travail des enfants, les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l'enfant, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant africain, le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Protocole de Maputo) relatif aux droits de la femme en Afrique. Le rapport précise que la Constitution consacre la primauté des traités et conventions internationaux ratifiés sur la législation nationale. Ainsi, les citoyens ont la possibilité d'invoquer ces instruments internationaux devant les juridictions au même titre que les lois nationales.

Le rapport explique que l'éligibilité de la Mauritanie à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés a permis la mobilisation de ressources nouvelles en faveur des programmes de lutte contre la pauvreté, axés notamment sur l'accélération de la croissance économique et l'expansion des services sociaux de base. En outre, la révision du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté 2006-2010, son harmonisation avec les objectifs du Millénaire pour le développement, l'intégration de la dimension enfance dans ce cycle et l'élaboration d'un cadre de dépenses à moyen terme permettent l'allocation de ressources budgétaires supplémentaires aux secteurs sociaux de base. Il est également indiqué que d'importants efforts de diffusion et de traduction des dispositions de la Convention ont été menés à travers l'élaboration de versions simplifiées de la Convention imprimées dans les langues nationales et l'organisation de larges campagnes de vulgarisation auprès de tous les groupes ethniques du pays. Des formations appropriées en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant ont profité aux segments de la société civile et aux professionnels en charge du secteur de l'enfance. En ce qui concerne le respect des opinions de l'enfant, le rapport indique que suite à l'organisation de plusieurs ateliers sur la question, il a été procédé à la mise en place d'un parlement des enfants qui constitue une tribune de libre expression, d'échange, de pratiques de valeurs démocratiques et d'acceptation de l'autre.

En matière de santé, un plan stratégique de santé de la reproduction 2003-2007, centré sur la lutte contre la mortalité et la morbidité maternelles et néonatales, le renforcement de l'espacement des naissances, la planification familiale et la promotion de la santé de la reproduction, a été élaboré. La prévention des infections sexuellement transmissible et du VIH/sida, la promotion de la santé des adolescents, et la mise en place d'une semaine nationale consacrée à la santé de la reproduction en Mauritanie constituent des perspectives heureuses d'un avenir plus sain de la femme et de l'enfant, souligne le rapport. Par ailleurs, alors qu'environ 35 % des enfants souffrent de malnutrition chronique, la lutte contre ce type de malnutrition a été fixée comme une des prioritaires de la Politique nationale de développement de la nutrition adoptée par le Gouvernement en 2005.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. JEAN ZERMATTEN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie, s'est tout particulièrement réjoui de l'adoption de lois incriminant l'esclavage, réprimant les pratiques d'exploitation de l'homme, assurant la protection pénale des mineurs et instituant l'éducation scolaire obligatoire pendant six ans. Il s'est également félicité de la mise en place de la Commission nationale des droits de l'homme et de la révision du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, avec l'allocation de ressources supplémentaires aux secteurs sociaux de base.

Pour ce qui est de la situation générale du pays, le corapporteur a fait remarquer que la situation est plus ou moins instable suite au coup d'état militaire d'août 2008. Il a noté certains problèmes importants qui entravent une bonne et homogène application de la Convention, comme la pauvreté, la discrimination envers les enfants appartenant aux minorités et la persistance de pratiques qui relèvent de l'esclavagisme.

Soulignant que la Constitution mauritanienne consacre la primauté des traités internationaux sur la législation nationale, il s'est demandé si la possibilité d'invoquer ces instruments internationaux devant les juridictions a déjà été utilisée. Il s'est également enquis de la compatibilité des lois mauritaniennes avec la Convention. M. Zermatten a par ailleurs souhaité avoir davantage d'informations sur la manière dont s'opère la coopération entre les différents ministères concernés par les droits de l'enfant. Comment la Mauritanie articule-t-elle les différents plans adoptés en rapport avec les enfants, a-t-il en outre demandé? Le pays a-t-il défini une politique globale pour les enfants et les familles?

MME MARTA MAURAS PÉREZ, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie, a constaté que de nombreux efforts ont été consentis au niveau législatif pour mettre en œuvre la Convention. Qu'en est-il des efforts déployés pour diffuser la Convention, a-t-elle demandé? Elle s'est également demandée dans quelle mesure la société civile participe à la prise de décisions, l'adoption et l'application de nouvelles mesures en matière de droits de l'enfant. La corapporteuse s'est par ailleurs enquise des mesures prises pour lutter contre la pauvreté, dans le contexte économique actuel difficile. Comment le pays s'assure-t-il que les objectifs du Millénaire pour le développement seront réalisés dans les temps? Mme Mauras Pérez a également invité la délégation à fournir davantage d'informations sur la définition de l'enfant dans la législation mauritanienne. Notant par ailleurs que la scolarité obligatoire se termine à 14 ans et que l'âge minimum pour travailler est de 16 ans, elle s'est interrogée sur les possibilités offertes aux enfants de 14 et 15 ans.


Une autre experte du Comité s'est félicitée des mesures prises par la Mauritanie pour incriminer le viol dans le mariage. Existe-t-il un mécanisme pour le dépôt de plainte, a-t-elle demandé? Des structures sont-elles prévues pour la réinsertion? Qu'en est-il de la stigmatisation dont souffrent souvent les femmes dans ces situations? Attirant par ailleurs l'attention sur la persistance des mutilations génitales féminines, elle s'est enquise des mesures prises pour sensibiliser la population à ce problème et incriminer ces pratiques. Une autre experte a souhaité davantage d'informations sur la loi sur l'excision promulguée en 2005. S'agit-il d'un acte qui dépend du pénal? Des recours ou des poursuites contre les praticiens qui l'ont effectuée sont-ils possibles?

Toujours s'agissant de la situation des femmes, une experte a souhaité avoir des informations sur la mortalité maternelle, faisant remarquer que le taux en Mauritanie est le plus élevé pour l'Afrique occidentale. Elle s'est également demandée quels ont été les objectifs ciblant tout particulièrement les jeunes filles dans la stratégie nationale pour la protection des femmes 2005-2008.

Tout en se félicitant de la ratification par la Mauritanie de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant africain, un expert s'est demandé si le pays entend ratifier d'autres instruments internationaux. Il a également souhaité savoir si le Gouvernement compte retirer sa réserve générale à la Convention relative aux droits de l'enfant, à l'instar de plusieurs pays qui ont émis la même réserve.

Un autre membre du Comité a noté les efforts déployés par le Gouvernement pour diffuser la Convention. Comment expliquer, dès lors, que des pratiques contraires à la Convention perdurent, a-t-il demandé? L'un de ses collègues s'est pour sa part enquis des formations offertes aux magistrats en matière de droits de l'enfant. Les juges peuvent-ils défendre les droits de l'enfant à partir de la Convention et prendre des décisions qui se basent directement sur les dispositions de la Convention, a-t-il demandé?

Plusieurs membres du Comité ont souhaité savoir si un accent particulier est mis sur l'enfance dans les politiques du Gouvernement, notamment dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Le financement est-il bien ciblé? Une experte s'est également demandée si des études sur la pauvreté des enfants ont été réalisées.

En ce qui concerne le travail des enfants, un expert s'est enquis des mécanismes mis en œuvre pour surveiller les conditions de vie et de travail de ces enfants. Que fait le Gouvernement pour aider ces enfants, a-t-il demandé? Il a par ailleurs souhaité avoir des informations sur les critères utilisés par le Gouvernement pour identifier la traite et l'exploitation des enfants.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation

La délégation a tout d'abord tenu à rassurer le Comité sur la situation qui prévaut en Mauritanie, précisant notamment qu'une campagne électorale est en cours et que des élections sont prévues pour le 6 juin. La situation sera normalisée après cette date, a-t-elle estimé.

Invitée à fournir davantage d'informations sur le Conseil national de l'enfance, la délégation a expliqué que cet organe, présidé par un conseiller du Premier Ministre, a une fonction d'observatoire. Entre autres fonctions, il contribue à l'élaboration de la politique d'enfance et est chargé d'élaborer un rapport annuel mettant en relief la situation des enfants dans le pays. La délégation a également souligné que cet organe a participé de façon remarquable à la campagne de sensibilisation à la Convention relative aux droits de l'enfant. Il s'agit d'un organe qui joue clairement son rôle, a insisté le Chef de la délégation. En réponse à une question relative au financement de cet organe, il a expliqué que le Conseil national de l'enfance bénéficie d'une subvention de l'État et d'une subvention du Fonds des Nations Unies pour l'enfance.

S'agissant de l'allocation des ressources consacrées à l'enfance, la délégation a expliqué que le Gouvernement, conscient que la budgétisation ne tenait pas compte de la dimension «enfance», a organisé des ateliers, notamment avec le Ministère des affaires économiques et du développement, pour remédier à cette lacune et prendre en compte, à l'avenir, cette dimension dans les programmes budgétaires. C'est un processus nouveau qui est en cours, a-t-elle souligné.

Interrogée sur la Commission nationale des droits de l'homme et les moyens de garantir son indépendance, la délégation a expliqué que cette Commission était composée de représentants de la société civile et de représentants du Gouvernement. Elle a précisé que des représentants des Ministères concernés par les droits de l'homme font partie de la Commission pour y apporter une expertise technique sur ces questions, mais qu'ils n'ont pas droit de vote. La Commission nationale des droits de l'homme est indépendante, a insisté la délégation. Elle a expliqué que la Commission comprend une sous-commission juridique et une sous-commission dite des droits sectoriels, consacrée aux droits particuliers, comme les droits des femmes, des personnes handicapées et des enfants. Elle propose son appui au Gouvernement pour régler tous les problèmes relatifs aux enfants; elle prend d'elle-même l'initiative de défendre et expliciter les textes relatifs aux droits de l'enfant; elle offre des formations pour tous les acteurs évoluant dans le domaine des droits de l'enfant; et lorsqu'elle constate une violation des droits de l'homme, elle en informe les pouvoirs publics, propose des mesures ou moyens pour régler ce problème et peut prendre l'initiative de mener des investigations, a expliqué la délégation, précisant par ailleurs que la Commission rédige actuellement, en partenariat avec l'Organisation internationale de la francophonie, un rapport sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant dans les États francophones. Son budget pour 2009 se monte à 117 millions d'ouguiyas, soit 450 000 dollars américains, a-t-elle ajouté. Interrogée sur le mode de désignation des membres de la Commission, la délégation a expliqué que les institutions concernées se réunissent pour désigner leurs représentants selon leur propre mode de désignation.

S'agissant de l'applicabilité de la Convention relative aux droits de l'enfant, la délégation a déclaré que la Constitution mauritanienne est claire à cet égard: une fois ratifiée, toute convention prime sur le droit national. Elle a attiré l'attention sur l'ordonnance relative à la protection pénale de l'enfant, soulignant que cette loi va plus loin que les autres textes, puisqu'elle reprend les dispositions de la Convention et les incorpore dans la législation mauritanienne. De surcroît, cette ordonnance a assorti de sanctions la violation de tous ces droits, a fait valoir un délégué mauritanien. Pour mieux protéger l'enfant, les législateurs emploient simultanément la sanction pénale privative de liberté et une amende. En outre, cette loi abroge toutes les dispositions antérieures qui lui sont contraires.

S'agissant de la réserve générale à la Convention émise par la Mauritanie, la délégation a expliqué que cette réserve stipule que toutes les dispositions de la Convention non conformes à la charia sont caduques et non applicables. Conscient que cette réserve générale vide la Convention de sa substance, le Gouvernement a jugé nécessaire de mettre en place un mécanisme de levée de cette réserve et faire des réserves spécifiques à certains articles, ainsi que l'ont fait certains pays musulmans. La Mauritanie est une république islamique, a rappelé la délégation; l'unique source de droit est donc la charia islamique, ce qui signifie que tout traité doit être conforme à la charia. Toutefois, cela ne signifie pas que le droit ne s'inspire pas d'autres sources de droit moderne, a nuancé la délégation.

En ce qui concerne la justice pour mineurs, la délégation a assuré que les jeunes se trouvant en détention ont droit à un avocat. Elle a également précisé que des mesures alternatives à la détention sont prévues. En outre, l'enfant ne peut être placé en garde à vue qu'à partir de 15 ans. En ce qui concerne l'âge pour la responsabilité pénale, un délégué a expliqué que la pratique mauritanienne se fonde sur le droit musulman. De 0 à 7 ans, l'enfant n'a que des droits et n'est pas sujet à obligations; de 7 à 15 ans, il ne peut faire l'objet que de mesures protectrices qui excluent la détention, soit des mesures qui sont faites dans l'intérêt de l'enfant. La justice des mineurs a beaucoup évolué, a expliqué la délégation. Des structures spécifiques aux enfants ont ainsi été mises en place afin que l'enfant n'ait plus à subir les lenteurs dues à l'engorgement de la justice.

À l'experte qui s'inquiétait des mariages précoces et forcés, la délégation a expliqué que le mariage ne peut pas être conclu avant 18 ans. Toutefois, conformément à l'intérêt supérieur de l'enfant, le mariage peut être conclu avant s'il est dans l'intérêt de l'enfant, a-t-elle indiqué, précisant que ce ne sont pas les parents qui apprécient cet intérêt, mais des juges. Ainsi, si le tuteur a marié un enfant, non pas dans l'intérêt de celui-ci mais dans son intérêt personnel, le juge peut annuler le mariage et sanctionner le tuteur, a-t-elle précisé. Interrogée sur la polygamie, elle a indiqué qu'un certain nombre de conditions sont posées pour cette pratique, comme le consentement des deux femmes et un traitement égal. Elle a suggéré que ces conditions tendraient à décourager la polygamie.

En réponse à une autre question, la délégation mauritanienne a expliqué que le Fonds pour les générations futures qui a été institué est alimenté par les revenus du pétrole. Ce Fonds est géré par des personnes du gouvernement et de la société civile, a-t-elle précisé, faisant ainsi valoir que sa gestion est transparente.

À l'experte qui s'inquiétait de ce que les châtiments corporels sont une pratique courante en Mauritanie, la délégation a répondu que le châtiment corporel est interdit depuis 1966.

Par ailleurs, la délégation a expliqué que le travail des enfants est interdit avant l'âge de 15 ans. Entre 15 et 18 ans, l'enfant ne doit pas effectuer certains types de travail comme le travail de nuit ou pendant les jours fériés ou encore dans des conditions difficiles.

En matière d'éducation, la délégation a notamment indiqué que le Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille poursuit un projet ambitieux pour permettre aux jeunes filles de poursuivre leurs études, notamment leurs études secondaires. Elle a en effet rappelé que si les filles représentent 50,3% des élèves de l'école primaire, cette tendance s'inverse au niveau du secondaire. Ainsi, dans les zones où cette situation est d'une prévalence inquiétante notamment en raison des distances à parcourir pour se rendre à l'école, un système de transport gratuit a été mis en place pour permettre aux jeunes filles d'accéder à l'école, a indiqué la délégation. S'agissant des coûts de scolarité, elle a rappelé que les parents ne paient rien, à l'exception des fournitures scolaires. Elle a à cet égard souligné que ces livres à sont vendus par l'État et non par des particuliers, ce qui permet d'éviter toute fluctuation de prix. En outre, des cantines scolaires prises en charge entièrement par l'État existent au sein des écoles et contribuent à éviter l'abandon scolaire, a mentionné la délégation.

En réponse à d'autres questions, un membre de la délégation a reconnu que certains enseignants des écoles coraniques ont pour habitude d'avoir recours à certains châtiments corporels dans leur enseignement du Coran. Il a expliqué que le Gouvernement a dès lors décidé de promouvoir des méthodes d'enseignement plus modérées. Actuellement, dix écoles coraniques devraient faire l'objet d'améliorations s'agissant des méthodes d'enseignement.

En ce qui concerne la politique d'immigration, la délégation a indiqué qu'il y a en Mauritanie des centres accueillant les requérants d'asile qui sont dans l'attente d'une décision sur leur statut. Si les enfants ne sont pas accompagnés, ils sont confiés à des organisations non gouvernementales. S'ils sont avec leurs parents, ils ont droit à un traitement spécifique dans le cadre de ces centres de rétention. La présence d'un enfant est une condition favorable pour l'octroi du statut de réfugié, a précisé la délégation.

En réponse à une question sur les mines antipersonnel, la délégation a fait part de la mise sur pied d'un programme du Fonds des Nations Unies pour l'enfance dont l'objectif est de procéder à un déminage et de sensibiliser la population pour empêcher les enfants de se rendre dans les lieux susceptibles d'être minés.

Le Gouvernement est attaché aux objectifs du Millénaire pour le développement en matière de santé, a poursuivi la délégation. Dans cette perspective, le système de santé mauritanien s'est vu renforcé par les pouvoirs publics, a-t-elle expliqué. Aujourd'hui, 72% de la population se trouve dans un rayon de 5 kilomètres d'un centre de santé, a fait valoir la délégation, qui a aussi souligné que le budget de la santé est passé de 8,7 milliards d'ouguiyas en 2007, à 9,34 milliards en 2008. Elle a aussi indiqué que le taux de mortalité maternelle était en 2001 de 747 pour 100 000 naissances, ce chiffre étant passé à 668 en 2007. Le taux de mortalité infantile est quant à lui passé de 123‰ en 2003, à 77‰ en 2007.

S'agissant de la promotion d'une culture et d'une sensibilisation aux droits de l'enfant, un délégué a expliqué que son pays a, suite à son adhésion à la Convention, insufflé une nouvelle dynamique de sensibilisation de la société mauritanienne à la nécessité de respecter les droits de l'enfant. Ce mouvement national a donné lieu à la création de réseaux et d'alliances et s'est concrétisé dans la création d'un parlement pour enfants, a-t-elle précisé. Elle a également annoncé que le Gouvernement compte, dans le cadre des célébrations du vingtième anniversaire de la Convention, mobiliser les réseaux en place pour mieux faire comprendre et connaître les questions relatives aux droits de l'enfant.

Déclarations de conclusion

MME MARTA MAURAS PÉREZ, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie, a remercié la délégation mauritanienne pour ses réponses. Le dialogue a été fort riche, a-t-elle estimé, ajoutant qu'il est important de bien y réfléchir avant de s'essayer à des conclusions. L'un des objectifs de ce Comité est d'apprendre les uns des autres, a-t-elle rappelé, soulignant que cet objectif a été rempli aujourd'hui. Elle a pris acte des efforts de codification et de législation du Gouvernement mauritanien. Elle a aussi fait remarquer que beaucoup d'interrogations demeurent, s'agissant notamment de l'accès à l'éducation pour les jeunes filles, de la qualité de l'enseignement et de l'octroi d'allocations pour les plus pauvres.

M. MOHAMED OULD ELY TELMOUDY, Secrétaire général du Ministère des affaires sociales, de l'enfance et de la famille de la Mauritanie, s'est félicité des questions très pertinentes qui ont été posées aujourd'hui et qui démontrent l'intérêt que le Comité porte au rapport mauritanien. Il a réitéré l'engagement de son pays à faire son possible pour assurer la mise en œuvre de la Convention. Des solutions ont déjà été trouvées, d'autres contraintes trouveront des solutions, et des perspectives heureuses se dégageront sur la mise en œuvre de cette Convention, a-t-il souligné. Il a assuré que les recommandations du Comité feront l'objet d'une attention particulière en vue de leur mise en œuvre. L'expérience a été exaltante pour notre délégation, a-t-il conclu.

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