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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DU RWANDA

21 Mai 2004

Comité des droits de l'enfant
21 mai 2004

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui le deuxième rapport périodique du Rwanda sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Les questions relatives à la prise en charge des quelque 1 445 050 enfants orphelins que compte le pays étaient au centre des débats.

Présentant en fin de journée ses observations préliminaires sur le rapport rwandais, Mme Awa N'Deye Ouedraogo, corapporteuse pour l'examen du rapport du Rwanda, a relevé avec satisfaction que le Rwanda a misé sur la réconciliation nationale et s'engage dans un processus de développement durable. Elle a néanmoins mis l'accent sur un certain nombre de défis qui restent à relever, s'agissant notamment de l'harmonisation des lois avec les dispositions de la Constitution et de la Convention; de l'élaboration d'un code de l'enfant, actuellement en cours; ainsi que de la coordination de l'action en faveur de l'enfance. Elle a exprimé l'espoir que le Rwanda prendra en compte les préoccupations exprimées par les experts au sujet du processus de privatisation, de manière à ce que les plus défavorisés puissent avoir accès aux services sociaux de base. Les questions relatives à la famille ont particulièrement retenu l'attention au cours de cette journée, a-t-elle rappelé. Mme Lucy Smith, membre du Comité chargée de l'examen du rapport rwandais, a pour sa part relevé que, pour ce qui concerne les enfants de la rue et les enfants en conflit avec la loi, les considérations sécuritaires semblent l'emporter sur l'intérêt supérieur de l'enfant.

Mme Valérie Nyirahabineza, Ministre du genre et de la promotion de la famille du Rwanda, a présenté le rapport de son pays en rappelant qu'une politique nationale pour les orphelins et les autres enfants vulnérables a été adoptée, qui identifie quinze catégories d'enfants vulnérables. Mme Nyirahabineza a attiré l'attention sur l'appel pressant fait à la population de se lancer dans un processus d'engagement à la prise en charge des enfants par la communauté, en lieu et place d'une prise en charge institutionnelle.

La délégation rwandaise était également composée de représentants du Ministère du genre et de la promotion de la famille et de la Commissaire adjointe de la police nationale. Elle a apporté aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, de la prise en charge des enfants orphelins; des enfants chefs de famille; des enfants handicapés; des juridictions gacaca; du futur code de l'enfance; des châtiments corporels; de la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant; des questions d'éducation et de santé; des questions relatives à l'appartenance ethnique et à la situation des Batwas.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le Rwanda, avant de les rendre publiques à la fin de la présente session, le 4 juin 2004.

Le Comité examinera lundi matin, à 10 heures, le rapport initial de Sao Tomé-et-Principe (CRC/C/8/Add.49).





Présentation du rapport du Rwanda

Présentant le rapport de son pays, Mme VALéRIE NYIRAHABINEZA, Ministre du genre et de la promotion de la famille du Rwanda, a attiré l'attention sur l'approbation par le Rwanda d'une politique nationale pour les orphelins et les autres enfants vulnérables qui contient les stratégies et mesures visant à répondre à différentes situations de vulnérabilité de l'enfant. Cette politique nationale identifie quinze catégories d'enfants vulnérables: les enfants vivant dans des familles dirigées par des mineurs; les enfants vivant dans les familles d'accueil; les enfants de la rue; les enfants affectés par les conflits armés; les enfants vivant dans les centres d'accueil; les enfants en conflit avec la loi; les enfants handicapés; les enfants qui travaillent; les enfants victimes de l'exploitation et de l'abus sexuel; les enfants affectés et/ou infectés par le VIH/sida; les enfants vivant avec leur mère en prison; les enfants réfugiés ou déplacés; les enfants des mères célibataires; les enfants des familles indigentes; les enfants qui se marient avant l'âge de la majorité. Mme Nyirahabineza a souligné que l'appel pressant fait à la population de se lancer dans un processus d'engagement à la prise en charge des enfants par la communauté, en lieu et place d'une prise en charge institutionnelle, permet de lutter contre l'isolement de certains enfants (séparés de leurs communautés), mais aussi de réduire considérablement le nombre d'enfants qui sont placés dans des institutions ad hoc. Dans le même ordre d'idées, le Gouvernement se bat pour assister les familles dirigées par des mineurs en leur apportant des soutiens de tous ordres, notamment par la distribution de vivres, la construction de logements et, surtout, en pourvoyant à leur encadrement par le recrutement de conseillers psychosociaux. Relativement aux enfants vivant dans des familles d'accueil, aux enfants de la rue et aux enfants placés dans des centres pour enfants non accompagnés, le Rwanda a opté pour le concept selon lequel «un enfant = une famille», a souligné Mme Nyirahabineza.

Au vu du contexte socioculturel qui a caractérisé le pays, a poursuivi la Ministre, certains enfants sont en train d'errer dans la rue suite à des contingences de toutes sortes. En vue de pouvoir leur assurer une vie saine, au même titre que les autres, ces enfants sont des fois placés dans des centres de rééducation, d'où ils sont soit réintégrés dans leurs familles (pour ceux qui en ont encore), soit placés dans des centres d'accueil (chez leurs proches parents ou chez des gens avec qui ils n'ont aucun lien de parenté), mais toujours dans l'esprit de les aider ou, mieux encore, de leur permettre d'intégrer une vie sociale normale. «Ce n'est nullement une stigmatisation ni une discrimination opérée à leur encontre; ce n'est pas non plus un lieu dans lequel ils pourraient être pris pour des gens qui purgent leurs peines privatives de libertés», a souligné Mme Nyirahabineza. Les enfants ne sont placés dans des orphelinats que lorsqu'il n'y a aucune autre alternative, a-t-elle insisté.

Pour les enfants qui sont en conflit avec la loi, il faut opérer une nette distinction entre les enfants qui sont pénalement responsables de ceux qui ne le sont pas, a poursuivi la Ministre. Ceux qui sont pénalement responsables passent devant le juge pénal, mais leur condition carcérale est particulière puisqu'ils sont séparés des adultes dans les lieux de détention; ceux qui ne sont pas pénalement responsables, en revanche, sont placés dans des centres de rééducation, pour une période d'un à douze mois. Pour les enfants ayant été impliqués dans des conflits armés ou enfants ex-combattants, un programme d'assistance et de réintégration a été institué, a indiqué Mme Nyirahabineza. Elle a par ailleurs souligné que les enfants handicapés ont accès à l'enseignement.

La Ministre a rappelé qu'une nouvelle constitution a été adoptée par référendum en mai 2003. Le préambule de la Constitution stipule que le peuple rwandais réaffirme spécialement son attachement à la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Programme national de l'enfant, qui relevait jadis du Ministère de l'administration locale et des affaires sociales, relève, depuis le mois d'octobre dernier, du Ministère du genre et de la promotion de la famille, a ajouté Mme Nyirahabineza. Elle a précisé qu'il existe, au sein de la Police nationale, une unité de protection de la famille et de l'enfant qui intervient lorsqu'il y a des conflits familiaux. Son principal objectif est d'aider à résoudre ces conflits et faire en sorte que les enfants n'en soient pas du tout affectés. Il est prévu qu'il y ait une sous-unité dénommée «police pour mineurs», chargée spécialement de la poursuite des infractions commises par les enfants de plus de 14 ans et moins de 18 ans, a indiqué la Ministre. Du 29 au 30 avril 2004, a-t-elle d'autre part rappelé, s'est tenu un Sommet national des enfants sur le génocide, au cours duquel les enfants ont formulé des desiderata allant dans le sens de la protection de leurs droits. Le Gouvernement, à son plus haut niveau, s'est engagé à mettre en œuvre les recommandations issues de ce Sommet, a précisé Mme Nyirahabineza.


Le deuxième rapport périodique du Rwanda (CRC/C/70/Add.22) souligne qu'avec la guerre de 1990, le génocide de 1994 et les migrations intérieures et extérieures qui ont eu lieu, le Rwanda a vécu une rupture historique brutale. La population totale du pays était estimée à 8 810 000 de personnes à la fin de 2002, poursuit le rapport, ajoutant que 50% des Rwandais ont moins de 15 ans. Selon le rapport établi par le Ministère de l'administration locale et des affaires sociales sur le dénombrement des victimes du génocide, un minimum de 1 074 000 personnes ont péri, plus de 3 millions ont été déplacées. Plusieurs centaines de milliers d'enfants rwandais ont perdu leurs parents ou en ont été séparés. Presque tous les enfants ont vécu des expériences traumatisantes pendant la guerre, certains d'entre eux ayant été eux-mêmes soit blessés ou menacés, soit forcés ou entraînés à tuer et à torturer.

S'agissant de la définition de l'enfant, le rapport indique que selon le Code civil, le mineur est l'individu qui n'a pas encore atteint l'âge de 21 ans. La Constitution garantit le droit à l'enseignement primaire et gratuit et l'école primaire est obligatoire pour tous les enfants à partir de 7 ans. Le Code du travail précise qu'il est interdit d'engager une personne n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans sans l'autorisation expresse de celui qui exerce sur elle l'autorité paternelle. En droit du travail, un enfant de moins de 14 ans ne peut être embauché, même comme apprenti, sauf dérogation édictée par le Ministère du travail, compte tenu de circonstances particulières. L'article 66 de la nouvelle loi portant Code du travail, qui est en cours de promulgation, a fait des avancées pour fixer l'âge minimum d'accès à l'emploi à 16 ans, précise le rapport. La loi ne précise pas l'âge du consentement aux relations sexuelles, indique-t-il par ailleurs. Cependant, des dispositions du Code pénal aggravent la peine quand l'attentat à la pudeur est commis sur un enfant de moins de 16 ans. Bien que l'engagement volontaire dans les forces armées ait été fixé par la loi à 16 ans révolus, la loi relative aux droits et à la protection de l'enfant contre les violences, votée récemment, prévoit que le service militaire est interdit pour les enfants de moins de 18 ans. Le Code pénal rwandais fixe la majorité pénale à 14 ans révolus. Cependant, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, des peines moins lourdes sont prévues pour les coupables d'infractions âgés de moins de 18 ans. L'auteur ou le complice d'un crime ou d'un délit qui était âgé de 14 à 18 ans au moment de l'infraction sera, s'il a encouru la peine de mort ou l'emprisonnement à perpétuité, condamné à une peine de 10 à 20 ans d'emprisonnement. Seuls les enfants âgés de plus de 14 ans peuvent être privés de liberté selon les motifs fixés par la loi. Toutefois, le Code civil autorise les pères et mères qui ont des sujets de mécontentement grave concernant la conduite de leur enfant mineur à dénoncer les faits pertinents à l'autorité judiciaire, laquelle s'il y a lieu, ordonne l'internement de l'enfant dans un établissement de rééducation pour une durée de 1 à 12 mois. Avec les déplacements massifs de population, conséquences de la guerre de 1990 et du génocide de 1994, un grand nombre d'enfants se sont retrouvés non accompagnés. Par suite de cette situation, certains petits enfants se sont vu accorder d'autres noms par les agents sociaux des centres pour enfants non accompagnés (CENA) ou par les bienfaiteurs qui les ont accueillis, perdant par-là les noms attribués par leurs propres parents, morts ou disparus. Le nombre des mères qui, après l'accouchement, abandonnent leurs enfants croît également, poursuit le rapport. Les droits de ces enfants de connaître leurs parents et d'être enregistrés dans les délais prescrits par la loi sont bafoués. Les procédures relatives à l'enregistrement officiel des naissances, au droit à un nom et à une identité accusent souvent des retards, surtout dans le milieu rural, insiste le rapport. Au cours des dernières années, un phénomène de violence envers les enfants, spécialement envers les petites filles, y compris en milieu familial, est apparu, indique par ailleurs le rapport. L'ampleur du phénomène a conduit à l'élaboration d'une loi qui alourdit les peines à l'encontre des auteurs de ce genre de délit. La prostitution chez les jeunes et même les très jeunes (12 ans) ne cesse de se développer, ajoute le rapport. Le nombre d'enfants nécessitant une protection spéciale au Rwanda se situerait entre 400 000 et 500 000, indique-t-il en outre. En date du 30 juin 2001, le pays abritait une population de 31 380 réfugiés dont 30 857 réfugiés congolais et 527 burundais. Les enfants réfugiés bénéficient des mêmes droits que les enfants rwandais en matière de santé, d'éducation et d'assistance nutritionnelle. L'effectif des enfants chefs de ménage est estimé à plus de 160 000 et une politique nationale en leur faveur est en cours d'élaboration, poursuit le rapport.


Examen du rapport

MME LUCY SMITH, membre du Comité chargée de l'examen du rapport rwandais, a félicité le Rwanda pour le rapport très autocritique qu'il présente aujourd'hui devant le Comité. Le Rwanda a été particulièrement connu du reste du monde en 1994 en raison du génocide qui a marqué la fin d'une guerre interne de quatre ans, a-t-elle rappelé. Depuis, le Rwanda est passé d'un pays totalement dévasté à un pays relativement calme où, aujourd'hui encore, les progrès se poursuivent. La nouvelle constitution adoptée en 2003 met en lumière l'importance de la lutte contre l'idéologie du génocide dans toutes ses manifestations, a relevé Mme Smith. La Constitution contient un article sur la nécessité de protéger plus particulièrement l'enfant, a-t-elle également relevé. Il convient en outre de signaler qu'au Rwanda, tous les instruments internationaux l'emportent sur la loi interne.

Le Rwanda reste néanmoins un pays très pauvre où 60% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, a poursuivi Mme Smith. Le Rwanda connaît d'importants problèmes, notamment en matière de chômage et de dégradation de l'environnement, a-t-elle ajouté. Elle a souligné que le pays compte un million d'orphelins et d'enfants vulnérables, du fait du génocide, du VIH/sida et de la pauvreté. En 2001, le Rwanda a adopté une loi sur les droits de l'enfant et la protection des enfants contre les mauvais traitements qui, avec la Constitution, devrait constituer la pierre angulaire de la protection des enfants dans le pays, a-t-elle affirmé. Elle a toutefois souhaité en savoir davantage sur ce qu'il en est de la mise en œuvre effective de la législation relative aux enfants. Il semble de manière générale que les questions intéressant les enfants sont tout à fait prioritaires dans bien des domaines; mais que dans d'autres domaines, la priorité n'est apparemment pas accordée à l'intérêt supérieur de l'enfant, a noté Mme Smith. C'est apparemment le cas, notamment, pour ce qui est des enfants de la rue et des enfants en conflit avec la loi, pour lesquels les considérations sécuritaires semblent l'emporter sur l'intérêt supérieur de l'enfant, a-t-elle précisé.

Mme Smith a par ailleurs déploré l'absence, au Rwanda, d'un plan d'action général regroupant tous les domaines visés par la Convention relative aux droits de l'enfant. Il faudrait que le pays se dote d'un tel plan en l'assortissant d'un mécanisme de mise en œuvre.


Un autre membre du Comité a notamment souhaité en savoir davantage sur le statut et le fonctionnement du Conseil national de la jeunesse, qui est le porte-parole des jeunes de 15 à 35 ans: s'agit-il d'une instance gouvernementale ou d'une ONG? Comment sont élus ses membres? Un autre expert, relevant que ce Conseil s'occupe davantage d'adultes que d'enfants, a souhaité savoir s'il existait dans le pays des instances similaires qui s'occupent uniquement des enfants.

S'agissant de la définition de l'enfant, plusieurs experts ont relevé l'existence de différents âges de la majorité et ont souhaité obtenir des éclaircissements à ce sujet.

Un autre membre du Comité a relevé que la loi ne fixe aucun âge minimum de consentement sexuel mais qu'en cas de viol, le Code pénal accroît la sanction encourue lorsque la victime a moins de 15 ans. En cas de viol ayant entraîné la mort, la sanction est la peine capitale; mais cette sanction vaut-elle également si le violeur est un enfant, a demandé cet expert?


La délégation a rappelé qu'une commission chargée de la réforme juridique avait été mise en place afin de mettre toutes les lois nationales en conformité avec la nouvelle Constitution. La délégation a en outre lancé un appel à la société civile, entre autres, afin qu'elle aide à inventorier toutes les lois qui ne seraient pas conformes à la Constitution.

La délégation a par ailleurs souligné que la Commission nationale des droits de l'homme, bien qu'elle ne soit pas un tribunal, est habilitée à recevoir des plaintes. Jusqu'à présent, aucun incident n'a été signalé qui irait à l'encontre du bon fonctionnement de cette Commission, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs rappelé que, lors de sa mise en place, le système des juridictions dites gacaca a été applaudi par tout le monde. Les prisons rwandaises regorgeaient en effet alors de 120 000 détenus dont la culpabilité n'avait encore été ni conformée ni infirmée.

La délégation a assuré qu'aucun mineur (de moins de 14 ans) ne se trouve actuellement en prison au Rwanda, qu'il s'agisse de mineurs de droit commun ou de mineurs ayant commis un crime de génocide.

Certains experts s'étant enquis des conséquences sociales du processus de privatisation, la délégation a affirmé que depuis le lancement du processus de privatisation, le Rwanda a connu un accroissement économique. Lorsque les entreprises sont placées entre les mains du privé, elles deviennent plus rentables, a ajouté la délégation. Ainsi, les autorités souhaitent-elles privatiser toutes les autres entreprises du pays. La majorité des Rwandais ont opté pour la privatisation car toute l'économie du pays y gagne et le niveau de vie s'élève, a insisté la délégation.

Un membre du Comité a invité le Rwanda à ratifier la Convention de La Haye sur les adoptions.

Les brutalités policières ne sont pas chose courante, mais parfois les enfants de la rue sont maltraités par des policiers, a souligné un membre du Comité.

En ce qui concerne les châtiments corporels, ils sont interdits au Rwanda, a assuré la délégation. Certes, il existe des cas très ponctuels de tels châtiments, mais ils sont incontestablement condamnables et condamnés, a-t-elle ajouté. Sans nier qu'il puisse exister des cas de maltraitance d'enfants de la rue par des policiers, la délégation a affirmé que de tels cas sont ponctuels et les coupables punis.

Un membre du Comité s'étant inquiété de l'existence, dans la législation rwandaise, d'un droit de correction de l'enfant, la délégation a souligné que ce droit n'équivaut aucunement au droit, par exemple, de battre à mort un enfant. Aux fins de la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, il est néanmoins incontestable que cette disposition législative devra être revue, a reconnu la délégation.

Un membre du Comité a fait observer à cet égard qu'il est dangereux de maintenir des notions juridiques ambiguës sans que les limites en aient été circonscrites.

Le Gouvernement rwandais doit être loué pour ses efforts visant à accorder la nationalité rwandaise aux enfants réfugiés d'origine inconnue, a déclaré un autre expert. Contrairement à ce qu'affirment certains, les réfugiés qui rentrent au Rwanda se voient restituer leurs biens pour peu qu'ils se fassent enregistrer et qu'ils ne réclament pas des biens indus, a assuré la délégation.

Plusieurs membres du Comité s'étant enquis de ce qu'il en est du code de l'enfance, la délégation a rappelé qu'il est en cours d'élaboration. Le retard pris dans ce domaine est dû à des contingences indépendantes de notre volonté, a précisé la délégation. Il s'agit d'un instrument juridique qui revêt une importance capitale pour la protection de l'enfant, a-t-elle poursuivi. Elle a néanmoins expliqué que certaines étapes doivent être franchies afin d'assurer que ce document sera bien consistant; on attend notamment que certaines lois soient mises en place qui serviront de référence au code de l'enfance. À cet égard, elle a précisé qu'un projet de loi devant guider les centres pour enfants non accompagnés (CENA) est en cours d'élaboration. L'idée d'une loi régissant les familles d'accueil, également en cours d'élaboration, procède quant à elle de la volonté de faire en sorte que la population prenne en charge les enfants, en lieu et place de leur placement dans des institutions. Le principe «enfant=famille» vise à ce que l'enfant soit éduqué dans une famille et non en dehors, a insisté la délégation. Elle a en outre assuré que le Rwanda allait faire de son mieux pour ratifier la Convention de La Haye sur les adoptions; toutefois, avant de procéder à cette ratification, le pays va devoir adapter sa loi aux dispositions de cet instrument.

La délégation a indiqué que le nombre d'enfants orphelins dans le pays s'établit à 1 455 050. Un membre du Comité a relevé que sur ce nombre, 265 000 sont des orphelins du sida, qui souffrent donc d'une double marginalisation en tant qu'orphelin et en tant qu'enfants affectés par le VIH/sida.

La délégation a en outre reconnu que certaines femmes mettent au monde des bébés puis les abandonnent car les pères ne veulent pas les reconnaître et elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins.

Un expert a fait observer que les enfants orphelins, lorsqu'ils ont trouvé une famille d'accueil, ne peuvent plus retrouver le patrimoine de leurs familles d'origine.

Interrogée sur la situation des enfants chefs de famille, la délégation a rappelé que le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures à leur intention; il s'est notamment efforcé de faire comprendre qu'il fallait que les enfants de ces foyers poursuivent leur scolarité. Le Gouvernement a également mis sur pied des petites activités génératrices de revenus à l'intention de ces enfants chefs de famille.

Il est vrai que le pays compte de nombreux enfants handicapés, a poursuivi la délégation. Pour ne pas favoriser la discrimination à leur encontre, on les encourage à accéder à l'enseignement dans les mêmes écoles que les autres enfants, a-t-elle précisé.

En vertu de la nouvelle constitution, l'enseignement primaire, qui était déjà obligatoire pour tous les enfants, est désormais aussi gratuit, a souligné la délégation.

Auparavant, les filles abandonnaient davantage l'école que les garçons, mais désormais, les taux d'abandon scolaire ne démontrent plus une inégalité flagrante entre les sexes.

Un programme d'enseignement des droits de l'homme aux niveaux du primaire et du secondaire a été mis sur pied et devrait débuter très prochainement, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne les questions de nationalité, la délégation a rappelé que traditionnellement, un enfant rwandais ne pouvait pas prendre la nationalité de sa mère car la société rwandaise était basée sur le patriarcat, de sorte que la nationalité ne se transmettait que par le père. Désormais, en vertu de la nouvelle constitution, l'enfant a droit à la double nationalité et a aussi droit à la succession, qu'il s'agisse d'un garçon ou d'une fille.

Au Rwanda, aucun document administratif officiel (passeport, carte d'identité, permis de conduire, carte d'étudiant) ne fait mention de l'appartenance ethnique, a souligné la délégation. Les Batwas sont intégrés dans la société au même titre que les autres personnes et nulle part dans le pays on ne trouve un village uniquement habité par des Batwas, a assuré la délégation. Il est impossible de dire avec précision où se trouvent dans le pays les Batwas, les Tutsis ou les Hutus, a insisté la délégation.

Un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles les Batwas sont une population brimée qui a été privée de ses terres. Un expert a attiré l'attention sur le taux élevé d'illétrisme qui sévit de manière particulièrement prononcée au sein de la communauté batwa.

En ce qui concerne la prise en compte du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans les textes juridiques rwandais, la délégation a fait valoir que, s'il est vrai que les articles 27 et 28 de la Constitution y font référence de manière assez générale, une autre loi parle en revanche expressément de la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Il n'y aura plus de génocide au Rwanda, car on en a identifié les causes et on s'efforce de faire en sorte qu'elles disparaissent, a déclaré la délégation.

Un membre du Comité s'est enquis du nombre et de la situation des enfants de bandes armées des pays voisins capturés par l'armée rwandaise et placés dans des camps de rééducation et de réintégration.

S'agissant des questions de santé, la délégation a notamment admis que le taux de mortalité maternelle est élevé dans le pays. Un système de mutuelles de santé, sous forme d'associations auprès desquelles chacun verse une petite cotisation, a été mis en place afin d'assurer que chaque personne, chaque mère notamment, puisse disposer de soins de santé, a précisé la délégation.

L'avortement est illégal au Rwanda, a indiqué la délégation. Si on légalisait cette pratique, des femmes abuseraient de ce droit en prétendant avoir été violées, même si, a reconnu la délégation, c'est le cas pour certaines d'entre elles.



Observations préliminaires

Présentant en fin d'examen des observations préliminaires sur le rapport rwandais, MME AWA N'DEYE OUEDRAOGO, membre du Comité et corapporteuse pour l'examen du rapport du Rwanda, a relevé avec satisfaction que le Rwanda a misé sur la réconciliation nationale et s'engage dans un processus de développement durable. Elle a néanmoins mis l'accent sur un certain nombre de défis qui restent à relever en matière de mise en œuvre de la Convention. Ainsi, en est-il de l'harmonisation des lois avec les dispositions non seulement de la Constitution mais aussi de la Convention; de l'élaboration d'un Code de l'enfant, actuellement en cours; ainsi que de la coordination de l'action en faveur de l'enfance, qui s'avère un problème, de sorte qu'il s'avèrerait nécessaire de disposer dans ce domaine d'une structure unique. Il serait également nécessaire que le pays se dote d'un organe de surveillance de la mise en œuvre de la Convention. La Commission nationale des droits de l'homme devrait être renforcée du point de vue de ses ressources humaines et financières et devrait voir son indépendance assurée, a poursuivi Mme Ouedraogo. Elle a exprimé l'espoir que le Rwanda prendra en compte les quelques préoccupations exprimées par les experts au sujet du processus de privatisation, de manière à ce que les plus défavorisés puissent avoir accès aux services sociaux de base. Les questions relatives à la famille ont particulièrement retenu l'attention au cours de cette journée, en particulier en ce qui concerne les problèmes liés aux enfants abandonnés ou aux enfants quittant leurs familles. Les politiques de santé et d'éducation devraient être renforcées, a par ailleurs déclaré Mme Ouedraogo. Elle a également mis l'accent sur la nécessité de bien prendre en compte la situation des enfants des rues et des enfants exploités économiquement ou sexuellement. Le système de justice pour mineurs mérite d'être amélioré et le Comité devrait recommander au pays de faire appel à l'assistance technique à cette fin, a ajouté l'experte.



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