Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DU LUXEMBOURG

13 Janvier 2005

Comité des droits de l'enfant
13 janvier 2005


Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le deuxième rapport périodique du Luxembourg sur l'application par ce pays des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

À l'instar du Président du Comité, M. Jacob Egbert Doek, plusieurs experts ont présenté au Luxembourg leurs condoléances à l'occasion de la disparition de Son Altesse Royale la Grande Duchesse Joséphine-Charlotte, décédée le 10 janvier 2005.

Dans des observations préliminaires présentées en fin de journée, M. Kamel Filali, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Luxembourg, a jugé rassurante la démarche du pays dans le domaine des droits de l'enfant, laquelle confirme ce que chacun savait déjà, à savoir que le Luxembourg s'est engagé pour appliquer la Convention. Il a exprimé l'espoir que ce pays continuera d'avoir une réaction positive face aux observations finales du Comité. Dans ses prochaines observations finales, a précisé M. Filali, le Comité ne devrait pas manquer d'évoquer les questions liées aux réserves que le pays maintient à l'égard de certaines dispositions de la Convention; à la nécessité d'une stratégie globale en faveur des droits de l'enfant; à la coordination de l'action en faveur de l'enfance; au droit de participation de l'enfant; au droit de l'enfant à connaître son identité; au droit d'association de l'enfant; à la situation des enfants étrangers et requérants d'asile; ainsi qu'aux mesures spéciales de protection, s'agissant en particulier de l'isolement des mineurs dans les centres socioéducatifs et de la consommation de stupéfiants et autres produits nocifs.

Les observations finales du Comité sur ce rapport seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 28 janvier 2005.

Dans une brève intervention d'introduction, en début de journée, le Représentant permanent du Luxembourg auprès des Nations Unies à Genève, M. Alphonse Berns, a dit juger utile voire indispensable l'exercice consistant à se soumettre aux remarques et critiques du Comité. Il a par ailleurs rappelé que depuis le 1er janvier 2005, le Luxembourg préside l'Union européenne.

La délégation luxembourgeoise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la famille et de l'intégration, du Ministère de la justice, ainsi que du Ministère de l'éducation nationale. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, du recueil de statistiques; des réserves que le pays maintient à l'égard de plusieurs dispositions de la Convention; de l'aide publique au développement; de la communauté musulmane du Luxembourg; des questions de santé et d'éducation; des châtiments corporels au sein de la famille; des procédures d'asile; ainsi que des jeunes délinquants et de l'administration de la justice pour mineurs.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique de l'Autriche et du rapport initial présenté par ce pays en vertu du Protocole facultatif à la Convention concernant l'implication des enfants dans les conflits armés (CRC/C/83/Add.8 et Corr.1 et CRC/C/OPAC/AUS/1).

Présentation du rapport du Luxembourg


Présentant le rapport de son pays, M. ALPHONSE BERNS, Représentant permanent du Luxembourg auprès des Nations Unies à Genève, a remercié le Président du Comité pour la marque du sympathie qu'il a exprimée à l'occasion du décès de son Altesse Royale la Grande Duchesse Joséphine-Charlotte. M. Berns a ensuite dit juger utile voire indispensable l'exercice consistant à se soumettre aux remarques et critiques du Comité. Il a par ailleurs rappelé que depuis le 1er janvier 2005, le Luxembourg préside l'Union européenne.

Le deuxième rapport périodique du Luxembourg (CRC/C/104/Add.5) rappelle que le Gouvernement a pris, en date du 26 mai 2000, un règlement du Gouvernement et conseil portant création de la Commission consultative des droits de l'homme. À ce stade, indique par ailleurs le rapport, le Gouvernement, après avoir réexaminé les réserves qu'il a formulées au sujet de la Convention, n'envisage pas de les retirer. Si le Gouvernement a attribué la coordination de la promotion des droits de l'enfant au Ministère de la famille, de la solidarité sociale et de la jeunesse, il faut noter que de nombreuses réalisations au bénéfice des enfants relèvent de la compétence directe de nombreux autres départements ministériels, poursuit le rapport. En 1996, précise-t-il, a été institué un comité ad hoc des droits de l'enfant auprès du Ministère de la famille "qui participe dans une approche multidisciplinaire et par voix consultative aux missions de coordination en matière des droits de l'enfant que le Gouvernement a attribuées au Département de la famille". Au nombre des mesures prises pour faire connaître la Convention, le rapport cite la réalisation d'affiches illustrées par un dessinateur luxembourgeois de cartoons et mettant en relief les droits essentiels des enfants (destinataires: les enfants des classes primaires); la publication d'une bande dessinée; la publication d'un livre pour enfants de 9 à 12 ans; la publication d'une carte postale et d'un dépliant en cinq langues rappelant les droits et les devoirs des enfants; la marche silencieuse du 21 novembre 1996 organisée en collaboration avec le Ministère de la jeunesse et environ 80 organismes publics et privés; ainsi que l'organisation de séminaires divers.

Le rapport précise par ailleurs que le Code civil distingue dans son titre VII entre la filiation légitime et la filiation naturelle. Le terme de filiation illégitime n'apparaît pas dans le Code civil, insiste le rapport. Le Code civil prévoit expressément que l'enfant naturel a les mêmes droits et devoirs que l'enfant légitime; il n'y a donc pas de discrimination. Le rapport indique en outre que la loi du 31 mai 1999 visant à renforcer les mesures contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants a porté des modifications au Code pénal et au Code d'instruction criminelle. Cette loi ajoute un article au Code pénal qui incrimine expressément la pornographie enfantine. Cette loi a aussi comme objet d'augmenter sensiblement les peines qui s'appliquent aux différentes formes d'exploitation sexuelle des enfants, d'étendre la poursuite extra-territoriale de touristes sexuels et de permettre l'utilisation d'enregistrements sonores ou audiovisuels de l'audition d'un mineur ou d'un témoin pendant la procédure judiciaire et de contribuer ainsi à éviter un traumatisme secondaire de la victime due à des dépositions répétées.

Le rapport rappelle que, dans ses observations finales précédentes, le Comité des droits de l'enfant avait encouragé le Luxembourg à prendre toutes les mesures voulues pour donner à tout enfant placé dans un type ou un autre d'établissement la garantie de tous les droits qui lui sont reconnus par la Convention, en particulier le droit à un réexamen périodique de placement. Les placements volontaires peuvent être révisés à tout moment, affirme le rapport. Au sujet des placements judiciaires, la loi de 1992 relative à la protection de la jeunesse dispose que "le tribunal ou, …, le juge de la jeunesse peuvent en tout temps soit d'office, soit à la demande du ministère public, du mineur, des parents, tuteur ou autres personnes qui ont la garde du mineur, soit sur le rapport des agents de probation, rapporter ou modifier les mesures prises et agir, dans les limites de la présente loi, au mieux des intérêts du mineur. Lorsque la demande émane du mineur, des parents, tuteur ou autres personnes qui ont la garde du mineur, elle ne peut être présentée qu'après l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour où la décision ordonnant la mesure est devenue définitive. Si cette requête est rejetée, elle ne peut être renouvelée avant l'expiration d'un an depuis la date à laquelle la décision de refus est devenue définitive. Ces mesures font, en tout cas, l'objet d'une révision tous les droits ans lorsque leurs effets n'ont pas cessé dans l'intervalle."

Au moment de la rédaction du présent rapport, le Luxembourg ne dispose pas de structure d'accueil fermée qui admettrait des jeunes dont le comportement constitue un risque, soit pour eux-mêmes, soit pour leur entourage. Si les centres socioéducatifs de l'État accueillent la majorité des jeunes délinquants, ils ne sont pas dotés pour retenir de force des mineurs refusant les mesures prononcées à leur égard par les juges compétents. Ainsi, le seul centre pénitentiaire de Luxembourg continue à accueillir de tels mineurs. Dans sa déclaration d'août 1999, le Gouvernement a pris l'engagement formel de réaliser une unité de sécurité pour mineurs dans le cadre des centres socioéducatifs de l'État. Par la réalisation rapide de ce projet, le Gouvernement entend se conformer aux recommandations du Comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe.

Conscient tant de la difficulté posée par la scolarisation de nombreux enfants non luxembourgeois dans le système scolaire luxembourgeois que de l'absolue nécessité de préserver une école d'intégration, le Gouvernement mettra en place des projets pilote d'alphabétisation en français, indique le rapport. Ces projets pilotes se concentreront sur des quartiers à forte population étrangère et auront lieu dans des bâtiments scolaires qui regrouperont également d'autres classes. Ils auront pour finalité de permettre, par un enseignement de l'allemand comme langue étrangère, aux enfants romanophones d'atteindre un niveau facilitant leur réintégration dans des unités classiques. Au Luxembourg, indique par ailleurs le rapport, la scolarisation des enfants de demandeurs d'asile est obligatoire au même titre que pour les autres enfants et adolescents.


Examen du rapport

M. KAMEL FILALI, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Luxembourg, a présenté ses condoléances au Luxembourg à l'occasion du décès de la Grande Duchesse Joséphine-Charlotte. Il a par ailleurs félicité le Gouvernement luxembourgeois pour sa ponctualité dans la présentation du rapport. M. Filali a souligné que le pays est constant dans sa démarche visant à promouvoir un monde meilleur pour les enfants. Il ressort de ce deuxième rapport périodique du Luxembourg que le pays s'est employé à donner suite à une partie des précédentes observations finales du Comité, notamment en adoptant la loi sur l'ombudsman et la loi relative au comité des droits de l'enfant et en créant une commission consultative des droits de l'homme. Néanmoins, quelques préoccupations persistent qui exigent des éclaircissements de la part de la délégation. Ainsi, certaines recommandations du Comité n'ont pas été suivies d'effet, s'agissant notamment des réserves que le pays maintient à l'égard de plusieurs articles de la Convention. En outre, il reste encore au pays à mettre véritablement en place une stratégie globale pour l'enfance assortie d'objectifs à court, moyen et long termes. Les questions relatives au droit de l'enfant à connaître ses parents biologiques n'ont pas encore reçu de réponse claire au Luxembourg, a par ailleurs souligné M. Filali.

M. Filali a dit rester sur sa faim, à la lecture du rapport, pour ce qui est de la manière dont est traité, dans la réalité, le principe de non-discrimination, s'agissant en particulier des enfants étrangers, des enfants handicapés et des enfants nés hors mariage.

MME GHALIA MOHD BIN HAMAD AL-THANI, co-rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport luxembourgeois, a - elle aussi - présenté au Luxembourg toutes ses condoléances à l'occasion de la disparition de la Grande Duchesse. Rappelant par ailleurs qu'une enquête menée en 1993 avait révélé que pour 49% des parents, les châtiments corporels constituaient une bonne façon d'inculquer la discipline aux enfants, Mme Al-Thani a souhaité obtenir davantage d'informations sur la manière dont le Luxembourg aborde cette question.

Un autre membre du Comité a attiré l'attention sur la situation des groupes vulnérables que constituent les enfants étrangers, les enfants requérants d'asile et les enfants souffrant de handicaps. Cet expert a fait état d'informations selon lesquelles il y aurait des comportements inadaptés à l'égard des musulmans au Luxembourg, attestant de l'apparition d'une certaine forme d'intolérance et de préjugés à l'égard de cette communauté. Ce même expert s'est donc enquis des programmes mis sur pied pour sensibiliser la population à cette communauté et à ses droits. Ce même membre du Comité s'est en outre enquis de la situation des requérants d'asile mineurs non accompagnés qui sont hébergés dans les centres d'accueil mais ne sont, semble-t-il, pas scolarisés.

Un expert a déploré les limitations existantes au droit de l'enfant à connaître ses parents et a préconisé une révision critique de la législation à cet égard.

S'agissant du droit à la vie, un membre du Comité a jugé troublantes les statistiques relatives aux taux d'accidents et de suicides chez les jeunes. Ce même expert a par ailleurs jugé préoccupant, notamment du point de vue des conditions de détention, que des enfants de moins de 18 ans puissent encore être mis au secret, même si la durée de cette mise au secret a été ramenée de 20 à 10 jours.



Renseignements complémentaires fournis par la délégation luxembourgeoise

Depuis fort longtemps, la primauté du droit international sur le droit national est assurée au Luxembourg, a indiqué la délégation.

La délégation a assuré que le Luxembourg est tout à fait conscient de ses déficiences en ce qui concerne le recueil de statistiques. Il convient néanmoins de souligner que le Luxembourg est un petit pays de 450 000 habitants; de ce fait, plus on ventile les données, plus on s'expose à obtenir une classification en petites catégories statistiques intéressant à peine une ou deux personnes.

Le "phénomène de la communauté musulmane" au Luxembourg est récent, a par ailleurs indiqué la délégation; il est issu des guerres en Yougoslavie. Avant 1995, cette communauté était très peu présente au Luxembourg, a insisté la délégation. C'est le déclenchement de la guerre en Bosnie qui a amené une communauté musulmane plus importante dans le Grand Duché. Pour l'heure, cette communauté - hétérogène de par ses origines - ne s'est pas encore organisée pour parler d'une seule voix face au Gouvernement, a fait observer la délégation. Ainsi, du fait l'hétérogénéité de la communauté musulmane au Luxembourg, le Gouvernement se retrouve - face à cette communauté - sans interlocuteur unique. Un membre du Comité a alors fait valoir l'expérience d'un pays voisin dont le Ministre de l'Intérieur s'est impliqué pour aider sa communauté musulmane à s'organiser.

La délégation a fait valoir que le Luxembourg est l'un des rares pays au monde dont le taux d'aide publique au développement (APD) dépasse l'objectif de 0,7% du PIB fixé par les Nations Unies. Le Luxembourg hésite toujours à faire du respect de tel ou tel droit une condition de son aide, car si l'on va au bout de ce raisonnement, alors il faut être prêt, le cas échéant, à retirer son aide.

Il faut se garder d'établir un lien entre le niveau de vie d'un pays et le bonheur, comme pourrait d'ailleurs en témoigner le taux de suicide du Luxembourg, a d'autre part indiqué la délégation. Quant aux accidents de la route, il s'agit là d'un problème qui concerne non pas spécifiquement les enfants mais la société dans son ensemble, a-t-elle souligné.

S'agissant de la réserve que le Luxembourg à émise à l'égard de la Convention en rapport avec la problématique de l'accouchement sous X (ou accouchement anonyme), la délégation a expliqué que la mise en place de la procédure d'accouchement sous X avait pour vocation d'offrir aux femmes enceintes en détresse une autre option, à savoir de pouvoir donner vie à l'enfant sans avoir à assumer la naissance.

La délégation a par ailleurs expliqué que la réserve que le pays a émise s'agissant du droit d'association des jeunes pose la question de la responsabilité civile. En effet, si des jeunes pouvaient créer une association dont ils seraient les seuls gérants, qui assumerait la responsabilité civile alors que, selon la législation luxembourgeoise, cette responsabilité ne saurait intervenir avant 18 ans?

Toutes ces réserves ne sont pas en contradiction avec la Convention; elles ont été émises en prenant en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, a par ailleurs déclaré la délégation.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a notamment rappelé qu'au Luxembourg, la scolarité est obligatoire pour tous les enfants, sans distinction aucune; il s'agit là d'une condition indispensable pour assurer la cohésion sociale. Afin de préserver cette cohésion, il a été jugé prioritaire de maintenir l'unité de l'école et des diplômes luxembourgeois.

Afin de permettre aux enfants de langue étrangère de rester en contact avec leur langue maternelle tout en apprenant l'allemand et le français, des cours de portugais et d'italien (non obligatoires) ont été mis en place. La plus forte communauté d'enfants étrangers au Luxembourg est portugaise, a précisé la délégation. Elle a en outre souligné qu'une bonne connaissance de la langue maternelle facilite le bon apprentissage des langues étrangères

La scolarisation des enfants handicapés est placée sous l'unique responsabilité du Ministère de l'éducation nationale, a poursuivi la délégation. À cet égard, l'obligation scolaire pour ces enfants, établie en 1973, a constitué un progrès essentiel.

S'agissant de la faible proportion d'élèves étrangers dans les lycées, la délégation a indiqué que l'analyse d'une étude récente tend à démontrer que le principal facteur expliquant cet état de fait est la situation socioéconomique de la famille.

En réponse aux préoccupations exprimées par certains s'agissant de la question des châtiments corporels au sein de la famille, la délégation a notamment rappelé qu'à l'occasion de l'adoption de la loi du 2 août 1939 relative à la protection de l'enfance, le législateur a supprimé le droit de correction paternelle tel qu'il était réglé par les articles 375 à 383 du Code civil. Quant au Code pénal, il interdit les coups et blessures ainsi que les violences légères. S'il y a donc juridiquement une réponse au problème, il n'en demeure pas moins que beaucoup de parents semblent banaliser la violence physique légère (gifle, par exemple) et les autorités ont conscience de ce problème, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs affirmé que l'inceste est un problème énorme du fait qu'il s'agit d'un phénomène impossible à chiffrer; en effet, c'est souvent bien après les faits, en consultant, beaucoup plus tard, un psychologue, que la personne va révéler avoir été victime dans sa jeunesse de violence sexuelle au sein de sa famille.

En ce qui concerne les procédures d'asile et les expulsions forcées, la délégation a affirmé que le Luxembourg s'inscrit tout à fait, s'agissant de ces questions, dans le cadre des instruments internationaux pertinents auxquels il est partie. Pour autant, le pays est conscient de la lenteur de certaines procédures et de la douleur qui s'ensuit pour les familles qui doivent parfois quitter le pays après quatre ou cinq ans de procédures. Aussi, une réflexion est-elle en cours afin que les procédures s'inscrivent dans un délai raisonnable et que les familles ne se fassent pas d'illusions indues comme cela peut être le cas lorsqu'elles passent de longues années à épuiser toutes les voies de recours.

En ce qui concerne les jeunes délinquants, la délégation a fait part de son inquiétude face au phénomène récent mais croissant des fugues d'enfants placés dans des centres socioéducatifs. La nouvelle loi sur les centres socioéducatifs prévoit l'institution, dans chacun de ces centres, d'une unité de sécurité qui serait constituée d'un bloc d'une douzaine de chambres entouré d'une aire récréative, ce qui permettrait d'empêcher que ces jeunes ne fuguent, a indiqué la délégation. Interrogée sur l'objectif premier de cette création d'unités de sécurité, la délégation a affirmé qu'il s'agit essentiellement d'éviter le placement d'enfants au centre pénitentiaire de Luxembourg.

Un membre du Comité a préconisé l'abandon de la mesure disciplinaire d'isolement parfois utilisée à l'encontre de ces jeunes délinquants.

En principe, a précisé la délégation, les centres socioéducatifs n'accueillent que des jeunes placés là par décision d'un juge de la jeunesse. Il arrive néanmoins qu'un jeune demande à prolonger son séjour dans un tel centre au-delà du temps qui lui est imposé parce qu'il n'a pas de logement ou parce qu'il souhaite achever une formation ; mais dans la pratique, de tels cas sont très limités, a ajouté la délégation. En moyenne, les jeunes restent moins d'une année dans les centres socioéducatifs, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a souligné que, lorsque la mesure de placement d'un jeune en institution est définitive, les parents se voient obligatoirement déchus de toute autorité parentale. Tel n'est pas le cas tant que la mesure de placement est provisoire. En revanche, la déchéance d'autorité parentale est obligatoire lorsque la mesure est définitive car si tel n'était pas le cas, on s'exposerait alors à des situations telles que celle qui a vu des parents s'opposer au traitement thérapeutique de leur enfant toxicomane.

Un membre du Comité s'est dit préoccupé par la possibilité offerte au Luxembourg de déférer un jeune âgé de 16 à 18 ans devant un tribunal autre que le tribunal pour mineurs et de l'exposer alors aux mêmes peines que celles prévues pour les adultes.

S'agissant des questions de santé, la délégation a reconnu qu'en ce qui concerne le VIH/sida, la situation cette année est devenue alarmante du fait de la croissance des cas d'infections au Luxembourg. Un programme gouvernemental a donc prévu la mise à disposition gratuite de préservatifs pour les jeunes, a précisé la délégation.

En conclusion, la délégation a indiqué que l'aspect "participation de l'enfant" reste probablement l'un des axes sur lesquels les autorités luxembourgeoises entendent concentrer leur attention à l'avenir. La lutte contre la toxicomanie et contre la "drogue légale" qu'est l'alcool (même s'il est interdit d'en vendre aux jeunes de moins de 17 ans) figure au nombre des autres préoccupations du Gouvernement, au même titre que la violence - tant celles que les jeunes subissent que celle qu'ils exercent, a poursuivi la délégation. Un autre champ d'action qui tient particulièrement le Gouvernement à cœur vise à mieux aider les parents à concilier vie professionnelle et vie familiale, a-t-elle ajouté.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, M. KAMEL FILALI, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Luxembourg, a remercié la délégation pour les réponses exhaustives qu'elle a fournies tout au long de cette journée d'examen. "La démarche du pays dans le domaine des droits de l'enfant nous rassure" et confirme ce que nous savions déjà, à savoir que le Luxembourg s'est engagé pour appliquer la Convention, a-t-il déclaré. Il s'est réjoui que le pays ait œuvré au retrait de certaines terminologies à connotation négative, témoignant ainsi de l'intérêt qu'il porte aux observations du Comité. Il faut espérer que le Luxembourg continuera d'avoir une réaction positive face aux prochaines observations finales du Comité, qui seront présentées le 28 janvier prochain, a poursuivi M. Filali.

Dans ses prochaines observations finales, a précisé M. Filali, le Comité ne devrait pas manquer de lancer un appel à la ratification, par le Luxembourg, du Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. Il ne devrait pas non plus manquer d'évoquer les questions liées aux réserves que le pays maintient à l'égard de certaines dispositions de la Convention; à la nécessité d'une stratégie globale en faveur des droits de l'enfant; à la coordination de l'action en faveur de l'enfance; au droit de l'enfant à la participation; au droit de l'enfant à connaître son identité; au droit d'association de l'enfant; à la situation des enfants étrangers et des enfants requérants d'asile; ainsi qu'aux mesures spéciales de protection, s'agissant en particulier de l'isolement des mineurs dans les centres socioéducatifs et de la consommation de stupéfiants et autres produits nocifs.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :