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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'URUGUAY

24 Mai 2007

Comité des droits de l'enfant
24 mai 2007



Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le deuxième rapport périodique de l'Uruguay sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, M. Jean Zermatten, tout en saluant l'adoption par l'Uruguay du nouveau Code de l'enfant et la création récente du Conseil national consultatif et honoraire des droits des enfants et des adolescents, s'est inquiété de problèmes concernant la coordination entre les divers organes et les différents programmes de protection des droits de l'enfant et a déploré le manque de collaboration entre les différents ministères ainsi que la fragmentation des informations qui semblent entraver les efforts de l'Uruguay. M. Zermatten et insisté sur la nécessité pour l'Uruguay de procéder au plus vite à une harmonisation de ses lois dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'enfant.

Le Comité adoptera ses observations finales sur l'Uruguay dans le cadre de séances privées avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 8 juin prochain.

Présentant le rapport de son pays, Mme María Elena Martínez, Directrice du département des droits de l'homme au Ministère de l'éducation et de la culture, a fait part des efforts déployés par son gouvernement pour faire face la crise économique que son pays a connu en 2002, qui a exacerbé la pauvreté des enfants notamment. Elle a expliqué qu'un plan d'urgence sociale a été mis en place. Outre ces efforts de reconstruction économique et sociale, le Gouvernement a œuvré à renforcer le processus d'institutionnalisation démocratique. Toutes ces mesures ont entraîné un progrès sensible pour les droits des enfants et des adolescents, a-t-elle assuré. M. Victor Giorgi, Président de l'Institut de l'enfance et de l'adolescence d'Uruguay (INAU), a pour sa part souligné l'avancée importante que représente l'adoption en 2004 d'un nouveau code de l'enfant après neuf ans de délibérations.

La délégation de l'Uruguay était également composée de représentants du Ministère de l'économie et des finances, du Ministère du développement social, du Programme intégral de l'enfance, de l'adolescence et de la famille, de l'Institut de l'enfant et de l'adolescent de l'Uruguay et du pouvoir judiciaire. Un représentant de la mission permanente de l'Uruguay auprès des Nations Unies complétait cette délégation. Elle a répondu aux questions soulevées par les experts s'agissant, notamment, de la coordination entre les différents organismes chargés de l'application de la Convention et de la promotion des droits de l'enfant; de la mise en œuvre d'un système d'information efficace permettant la collecte et l'analyse de données; de l'applicabilité de la Convention dans l'ordre juridique interne; de la diffusion du contenu de la Convention; de la responsabilité pénale et des conditions de détention préventive des mineurs; des mesures prises pour lutter contre la violence à l'égard des enfants; de la situation des filles-mères; du travail des enfants; ainsi que des droits des enfants handicapés.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport initial du Soudan au titre du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/SDN/1).


Présentation du rapport de l'Uruguay

MME MARÍA ELENA MARTÍNEZ, Directrice du département des droits de l'homme au Ministère de l'éducation et de la culture de l'Uruguay, a affirmé la volonté de sa délégation de coopérer avec le Comité dans un esprit de collaboration et de transparence. L'activité de cet organe est une pièce fondamentale de l'application de la Convention et pour la protection des droits de l'enfant, a-t-elle estimé.

Mme Martínez a rappelé que son pays a connu en 2002 la crise économique la plus grave de son histoire. Et une des conséquences de cette crise a été la paupérisation des enfants, a-t-elle souligné. Pour y faire face, le Gouvernement a mis en place une politique économique destinée notamment à réduire le poids de la dette, et a fixé des priorités d'action, visant notamment l'éducation, les infrastructures de santé et la sécurité publique. Un plan d'urgence sociale, mené par le Ministère du développement social, a profité à plus de 400 000 personnes, a fait valoir Mme Martínez. Ce plan comprenait entre autres des programmes de nutrition, de protection de la santé, d'aide à l'enfance et à la famille et d'insertion dans le marché du travail. Dès cette année, ce plan sera remplacé par un programme national visant à promouvoir l'égalité entre tous, a-t-elle ajouté.

Outre ces efforts de reconstruction économique et sociale, le Gouvernement a œuvré pour renforcer le processus d'institutionnalisation démocratique et des efforts sont fait pour élargir les droits civils, politiques, économiques et sociaux à tous les citoyens. À titre d'exemple, Mme Martínez a cité la création de la Commission nationale contre le racisme, la xénophobie et tous les types de discrimination, ainsi que la mise en œuvre d'actions en faveur des enfants et des adolescents. Ces mesures ont entraîné un progrès sensible pour les droits des enfants et des adolescents, a-t-elle assuré.

M. VICTOR GIORGI, Président de l'Institut de l'enfance et de l'adolescence d'Uruguay (INAU), a présenté les excuses de son pays pour le retard avec lequel il a soumis son rapport. Ce rapport a été rédigé par l'administration précédente, a précisé la délégation e a été envoyé tel quel par l'actuel Gouvernement pour éviter de recommencer le travail. Il a souligné que la pauvreté que connaît l'Uruguay est un problème central, avec tous ses corollaires comme l'exclusion sociale et la fragilisation de la protection par l'État, qui touche de plein fouet les enfants et les adolescents. M. Giorgi a rappelé qu'en septembre 2004, son pays a approuvé le Code de l'enfant, après neuf ans de délibérations. C'est une avancée énorme, a-t-il souligné. Le travail se concentre désormais sur les défis que sont la révision de certains articles du Code pour intégrer la Convention et l'application de ce code. Il a en outre souligné que le Gouvernement compte entamer des réformes législatives, appliquer des mesures juridiques s'intéressant tout particulièrement aux enfants et adolescents et veiller à assurer une articulation effective entre les organismes publics responsables de l'application de cette Convention.

Le deuxième rapport périodique de l'Uruguay (CRC/C/URY/2) souligne notamment que, dans le cadre de l'adoption du nouveau Code de l'enfance et de l'adolescence, la conception de l'enfant a été modifiée, l'enfant n'est désormais plus conçu comme un objet de protection mais comme un sujet de droit. Ainsi, la jouissance et de l'exercice des droits de l'homme de base aux personnes de moins de 18 ans en tant que sujets en développement est garantie; les enfants handicapés bénéficient d'une pleine protection et les enfants ont droit de participer à toutes les procédures administratives et légales susceptibles de concerner leurs droits; des mesures spéciales ont été adoptées en vue de protéger l'identité par le relevé des empreintes digitales et plantaires des nouveau-nés; les mères célibataires, quel que soit leur âge, ont droit de reconnaître légalement leurs enfants biologiques; la priorité est donnée aux mesures correctives et éducatives par rapport à la détention des mineurs délinquants dans des institutions. Le nouveau Code de l'enfance et de l'adolescence consacre en outre le principe de non-discrimination. Même si la doctrine et la jurisprudence internes admettent pour l'essentiel que ce principe était implicitement reconnu dans le cadre réglementaire légal uruguayen, la disposition du Code de l'enfance comble le vide législatif en la matière. Le rapport souligne toutefois que malgré la législation récemment adoptée, ces dernières années ont été marquées par l'apparition parmi la population d'un stéréotype stigmatisant et discriminatoire, largement conforté par les médias, à l'encontre des adolescents désormais associés à des conduites délictuelles, à la consommation de drogues, etc.

S'agissant de l'administration de la justice pour mineurs, des progrès considérables ont été faits quant aux garanties procédurales relatives aux enfants en situation de conflit avec la loi. Le nouveau Code reconnaît par ailleurs que les mineurs ne peuvent être détenus qu'«en cas d'infractions flagrantes ou de preuves manifestes de leur commission d'une infraction, auquel cas la détention doit être ordonnée par un juge compétent». Le principe de l'exceptionnalité de la détention est également reconnu. La création de l'Institut national pour la réhabilitation des jeunes délinquants (INTERJ) s'est soldée par une modification du traitement des mineurs en situation de conflit. Cet institut a été conçu pour mettre en œuvre une politique de traitement et de soins permettant d'éviter la récidive des mineurs délinquants. Il traite ces derniers, soit par le biais de programmes de liberté assistée qui privilégient la réinsertion sociale de l'individu sans limitation de sa liberté de circulation, soit par des programmes de détention pour les cas où la conduite du délinquant ne lui permet pas d'avoir accès aux programmes de liberté assistée pleine. Enfin, un Comité national pour l'élimination du travail des enfants (CETI) a été créé et un Plan d'action national pour l'élimination progressive du travail des enfants et la protection de l'adolescent travailleur a été élaboré. L'un des aspects les plus importants du travail des enfants est son impact sur la scolarisation, précise le rapport. Les chiffres sont alarmants: pour l'année 1999-2000, 2,6 % des enfants âgés de 5 à 11 ans n'étaient scolarisés dans aucun établissement d'enseignement, ce qui signifie qu'en termes absolus, environ 7400 enfants se trouvaient hors du système éducatif.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, a salué l'adoption par l'Uruguay du nouveau code de l'enfant en septembre 2004, ainsi que l'adoption de la nouvelle loi sur les réfugiés et la mise en place de programmes familiaux. Il a en outre félicité le pays pour avoir récemment ratifié de nombreux instruments internationaux, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ou la Convention de l'Organisation internationale du travail sur les pires formes de travail des enfants. Toutefois, il a regretté que le rapport ne soit pas très bien structuré et qu'il soit dépassé puisqu'il ne tient pas compte des nouvelles lois et projets en cours.

M. Zermatten a également déploré que de nombreuses recommandations précédentes du Comité n'aient pas été suivies, notamment en matière de législation, de coordination, de contrôle indépendant des droits de l'enfant, de l'exploitation économique et sexuelle, de la santé des adolescents et de la violence à l'égard des enfants.

Saluant la création récente du Conseil national consultatif et honoraire des droits des enfants et des adolescents, le rapporteur a toutefois souhaité savoir quel est le rôle exact de ce Conseil. Entre le Code de l'enfant, le Code civil, le Code pénal et le Code du travail, beaucoup de projets de lois sont en discussion, a-t-il fait observer. Mais qu'en est-il de l'harmonisation? En outre, un Ministère du développement social a été créé, au sein duquel est incorporé l'Institut de l'enfance et de l'adolescence d'Uruguay. Ce ministère et aussi en œuvre le Programme intégral de l'enfance, de l'adolecence et de la famille appelé «Infamilia». Toutes ces différentes mesures posent la délicate question des prérogatives de chacune, a souligné M. Zermatten.

D'autre part, rappelant que l'Uruguay s'était engagé, lors de la Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux enfants en 2002, d'élaborer un plan national d'action en consultation avec la société civile, il a souhaité savoir où en est ce projet. Le rapporteur a également demandé des précisions sur le projet de création d'un institut national des droits de l'homme et la mise en place d'un Ombudsman consacré uniquement aux enfants. Il a regretté que le Gouvernement ait eu de la peine à récolter les données nécessaires à la rédaction de ce rapport. L'Uruguay dispose-t-il d'un institut national de statistiques, a-t-il demandé? Le rapporteur a aussi déploré le manque de collaboration entre les différents Ministères et la fragmentation des informations qui semblent entraver les efforts de l'Uruguay.

MME ROSA MARÍA ORTIZ, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, a rappelé que l'Uruguay est l'un des pays de la région qui a le plus tardé à adopter un code de l'enfant. Elle a souhaité savoir comment les rôles sont répartis entre les différents organismes de défense des droits de l'enfant. Il ne suffit pas d'aligner les lois, il faut aussi que le pays s'organise et coordonne ses politiques de l'enfance. Or, il manque une coordination adéquate des différentes actions, a-t-elle insisté. L'INAU est une organisation qui dispose de peu de ressources et qui s'occupe de 200 adolescents en conflit avec la loi. Quelle est sa capacité pour sensibiliser le pays aux dispositions de la Convention, a demandé Mme Ortiz?

La corapporteuse a d'autre part insisté sur l'importance de s'assurer que le processus de collecte des données se fasse sans discrimination, soulignant à cet égard l'absence de données sur les fillettes enceintes. Elle a en outre souhaité savoir comment le Gouvernement intègre les disparités régionales dans l'attribution des ressources budgétaires. C'est au Gouvernement de garantir la coordination entre les différents organes pour permettre que la Convention influence toutes les parties de la vie de l'enfant, a-t-elle martelé.


Plusieurs membres du Comité ont souhaité savoir si le pays envisage de se doter d'une institution nationale des droits de l'homme. Quelle instance assure actuellement le suivi de l'évolution des droits de l'enfant, a-t-il été demandé?

Le Comité a aussi souhaité savoir quel organe se charge de la formation en matière de droits de l'enfant. Un expert a souhaité savoir si les forces armées suivent une formation en la matière, tandis qu'un autre se demandait si les membres de l'Église connaissent la Convention.

Une experte a souhaité avoir des précisions s'agissant de la définition de l'enfant, notamment pour ce qui est de l'âge de la scolarité obligatoire et l'âge du mariage. S'intéressant plus particulièrement à la question de la responsabilité pénale, une experte s'est étonnée de ce que le rapport explique qu'un mineur ayant commis un délit ne sera pas traduit en justice. Il n'y a donc pas de conséquences à un délit commis par un mineur, a-t-elle demandé? Quel est l'âge de la responsabilité pénale, a aussi demandé un expert?

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la question du respect de la liberté d'expression et d'association des enfants uruguayens. L'un d'eux a fait observer que la participation et la liberté d'expression des enfants semblent dépendre d'un certain nombre de conditions; en particulier, l'enfant n'est jamais entendu seul, mais accompagné d'un tuteur. Dans quelle mesure les parents écoutent-t-ils leurs enfants, a-t-il demandé, avant de regretter que le Gouvernement semble n'avoir aucune information s'agissant du respect de l'avis des enfants dans les écoles et à la maison. D'une manière générale, l'expert a souhaité savoir ce que le Gouvernement compte faire pour réduire ces écarts entre le Code et la réalité.

Tout en saluant le fait que les filles-mères peuvent reconnaître légalement leurs enfants, une experte s'est inquiétée de la persistance de certains préjugés. Elle a ainsi fait observer que la législation fait une différence entre les enfants nés dans le mariage ou hors mariage. En outre, les filles non mariées de moins de 12 ans ne peuvent reconnaître leurs enfants sans une autorisation préalable et elles n'ont pas le droit de garde, celui-ci étant octroyé aux parents de la fille sur décision d'un juge. Aussi, rappelant que le taux de filles-mères est en Uruguay particulièrement élevé et l'avortement illégal, l'experte a souhaité savoir ce que fait le Gouvernement pour éviter les grossesses chez les adolescentes.

Un membre du Comité a regretté que, bien qu'il soit interdit par le Code de l'enfant, le châtiment corporel reste toujours pratiqué dans les foyers, les écoles et les lieux de garde alternative. La délégation a-t-elle des informations supplémentaires à cet égard? Une autre experte a souhaité connaître les possibilités offertes aux enfants pour déposer une plainte en cas de mauvais traitement.

Un expert s'est préoccupé de ce que la pauvreté touche de plus en plus les enfants. De nombreux enfants vivent dans la rue et sont exposés à de multiples risques et abus, a-t-il souligné. Ils courent en outre le risque de commettre eux-mêmes des infractions. L'expert a par conséquent souhaité connaître les résultats concrets obtenus par les stratégies de lutte contre la pauvreté. À cet égard, un membre du Comité a fait observer qu'il existe un lien étroit entre la pauvreté et la violence familiale contre les enfants.

Abordant la question des soins et services particuliers offerts aux enfants et aux adolescents, un expert a souligné l'importance de réduire les inégalités dans l'accès aux soins de santé. Il a souhaité être informé de la manière dont le Gouvernement assure les soins de santé pour tous.

Plusieurs experts se sont inquiétés de la situation des enfants handicapés et souhaité avoir davantage d'informations, notamment s'agissant de leur possibilité d'accès à l'école et aux services de santé. Un membre du Comité a en outre demandé si le pays compte ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Un expert a pour sa part souhaité avoir davantage d'information sur la législation en matière d'adoption et demandé comment la loi protège ces enfants.

Le Comité a en outre souhaité avoir davantage d'informations s'agissant des relations du Gouvernement avec la société civile et les organisations non gouvernementales; de la lutte contre la torture; des conditions de détention des enfants délinquants; du système de justice pour mineurs; des mesures prises pour lutter contre la toxicomanie des enfants et des adolescents; des enfants des rues; ainsi que des stratégies destinées à améliorer la qualité de l'éducation et de la formation des enseignants.


Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation a notamment rappelé que depuis le 1er mars 2005, un nouveau gouvernement est entré en fonction. La décision d'envoyer le rapport préparé par l'ancien Gouvernement s'explique par le manque de temps disponible pour la rédaction d'un nouveau rapport. Toutefois, beaucoup de choses ont changé depuis la rédaction de ce rapport, a-t-elle insisté, et l'actuel Gouvernement Gouvernement déploie d'importants efforts dans le domaine de la promotion des droits de l'enfant.

À l'expert qui s'inquiétait de l'applicabilité de la Convention, la délégation a indiqué que les juges connaissent le contenu de la Convention, avant de reconnaître toutefois que l'incorporation des Conventions internationales en droit interne est loin d'être satisfaisante. Elle a en outre tenu à souligner que de nouveaux crimes, comme la vente des enfants et la prostitution infantile, ont été ajoutés au Code pénal.

Le Code de l'enfant a fait l'objet de discussion pendant près de 10 ans, a-t-elle rappelé. Et, depuis son adoption, et même avant, les projets de modifications du Code se sont multipliés et le parlement les étudie. Il y a donc différentes esquisses, des études diverses, parfois des visions différentes, parfois des projets analogues. L'Uruguay est au milieu d'un projet visant à harmoniser le Code en entier et non pas à apporter des modifications partielles, a-t-elle insisté. Et cette tâche est ardue.

Le Gouvernement fait des efforts d'harmonisation, a assuré la délégation uruguayenne. Le Conseil national consultatif et honoraire des droits des enfants a ainsi été mis en place pour superviser les programmes en faveur des enfants et des adolescents. Il ne dispose que d'un pouvoir consultatif mais joue un rôle important dans la promotion de la coordination et de l'intégration des politiques sectorielles en faveur des enfants et adolescents. Mme Martinez a en outre indiqué que le Gouvernement étudie l'éventualité de créer une Commission, en vertu des principes de Paris, et de mettre en place un Ombudsman en charge des droits de l'homme.

En 2004, l'Uruguay a connu un changement historique, puisque pour la première fois depuis longtemps, un Gouvernement de gauche a pris le pouvoir, a poursuivi la délégation. L'arrivée du nouveau gouvernement implique un changement de la philosophie qui sous-tend les politiques sociales. Aussi, l'actuel gouvernement a-t-il la lourde tâche de changer les procédures et les processus tout en maintenant les garanties et les mesures de protection des enfants et adolescents. Il s'agit de changer et d'assurer la continuité en même temps, a fait valoir la délégation, ce qui est une tâche difficile. Il a souligné qu'aucune coordination ni synchronisation des politiques n'est possible en l'absence totale d'une stratégie de développement. Le manque de coordination et de synchronisation est une conséquence de l'absence d'un projet, a-t-il insisté. À cet égard, il a expliqué qu'il y avait en Uruguay un manque total de système d'information, alors que la collecte de données et la création d'un système d'information constituent un soutien aux politiques et favorisent leur efficacité. Mais la nouvelle approche que le Gouvernement a décidé d'adopter tient à la prise de conscience que les politiques sociales et économiques doivent être articulées autour d'une stratégie de développement. La délégation a ainsi réaffirmé qu'il incombe à l'État, en partenariat avec la société civile, d'assurer la mise en œuvre des politiques sociales. Et la coordination est cruciale. Il faut donc articuler et synchroniser les politiques, à tous les niveaux, politique, institutionnel, sectoriel, mais aussi territorial. Notre gouvernement veut créer un ordre cohérent et efficace, un réseau coordonné, a précisé la délégation. Et c'est le Cabinet social, au sein du Gouvernement , qui assure la coordination des politiques, a-t-il indiqué. Il y a en Uruguay, comme dans la plupart des pays, différents Ministères chargés des différents domaines, a expliqué la délégation, et c'est le Cabinet social qui est chargé de coordonner toutes les politiques et qui définit les stratégies. Le Gouvernement a ainsi mis en place une stratégie de promotion et de réalisation de certains droits comme le droit à la santé ou le droit à l'éducation, dont les objectifs doivent être réalisés pour 2009. À titre d'exemple, la délégation a ainsi expliqué que le budget alloué à l'éducation va doubler entre 2004 et 2009. Pour ce faire, le Gouvernement doit transformer le système d'information pour disposer de statistiques fiables et d'être en mesure de surveiller l'évolution de la situation.

S'agissant plus particulièrement au travail de l'Institut de l'enfance et de l'adolescence d'Uruguay (INAU), la délégation a rappelé que la mission de l'institut est avant tout de gérer les politiques qui visent à promouvoir et protéger les droits de l'enfant. Il a en outre pour tâche de transformer les pratiques. À cet égard, la délégation a expliqué qu'il existe, au sein de l'INAU, un «système d'information pour l'enfance» qui comprend des statistiques de l'âge, du sexe et autres de tous les enfants dont l'INAU s'est occupé. Ce système est actuellement révisé et des mesures de suivi du respect des droits vont notamment y être ajoutées, puisqu'un tel contrôle n'existait pas jusqu'ici.

En réponse aux experts qui s'enquerraient de la diffusion du contenu de la Convention, la délégation a répondu que les éducateurs sociaux et toute personne travaillant dans le domaine de l'éducation et de la petite enfance sont formés en matière de droits de l'enfant. Il existe dans l'armée une formation en matière des droits de l'homme et de droit international humanitaire. Quant aux prêtres, ils connaissent la Convention, a précisé la délégation. Elle a à cet égard mentionné qu'un des programmes de formation en droits de l'homme est dispensé à l'Université catholique de Montevideo.

L'âge de la responsabilité pénale des mineurs commence à 13 ans, a expliqué la délégation. Aussi, tout jeune de 13 à 18 ans est responsable au regard de la loi. D'autre part, le Code de l'enfant consacre le principe de la brièveté de la privation de liberté, a indiqué la délégation, qui fait qu'aucune peine ne peut excéder cinq ans. En vertu de ce principe, des mécanismes de substitution à la détention ont été élaborés. La délégation a en outre indiqué que l'Uruguay n'a pas de Ministère de la justice pour l'instant et que les tâches qui lui incomberaient sont actuellement partagées entre les différents Ministères. S'agissant des conditions de détention préventive des jeunes, la délégation a expliqué que le Code ne permet la détention préventive que dans les cas d'infractions très graves qui pourraient mener à la détention. Chaque enfant qui entre dans le système de justice des mineurs est envoyé, dans un délai de 12 heures, dans un institut technique de réhabilitation chapeauté par l'INAU. Il doit pouvoir rencontrer un juge dans les 24 heures et une décision sur son cas doit être prise dans les 48 heures. La délégation a également tenu à souligner que chaque enfant concerné par un placement en détention reçoit un examen médical. En outre, la famille est toujours informée.

S'agissant des soins apportés aux jeunes filles, la délégation a informé le Comité de la mise en place d'espaces de santé dans tout le pays. Il est prévu la construction de 41 espaces de santé destinés aux adolescents, 20 ayant déjà été établis, a-t-elle précisé. Ces espaces offrent des soins cliniques et dispensent des programmes de prévention en matière de santé. Il existe notamment un programme de travail avec des jeunes filles devenues mères entre 13 à 17 ans, avec lesquelles des professionnels de la santé travaillent, a ajouté la délégation. En outre sont organisés des programmes de promotion et de prévention en matière de santé reproductive.

Répondant à la question du Comité sur le châtiment corporel, la délégation a expliqué qu'aucune forme de châtiment corporel n'est autorisée par la loi, y compris dans le cadre des établissements d'enseignement. Un projet de loi actuellement à l'examen prévoit qu'il est interdit au tuteur d'utiliser tout châtiment physique ou tout traitement humiliant pour discipliner et corriger les enfants et les adolescents, a précisé la délégation. Toutefois, l'enfant ne dispose pas d'instance vers laquelle se tourner, outre la police, a-t-elle reconnu.

La violence contre les enfants et en particulier dans les foyers est un problème préoccupant, a poursuivi la délégation. Et pour la première fois, le Gouvernement s'est saisi de cette question et a créé un système intégral de protection des enfants contre la violence, qui coordonne les actions de plusieurs Ministères, avec la participation du Fonds des Nations Unies pour la population et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance. La «ligne bleue», numéro gratuit, reçoit les plaintes des enfants pour mauvais traitement, a expliqué la délégation. Si cette ligne est atteignable partout dans le pays, il n'en est pas de même des possibilités de réaction, a-t-elle ajouté. Aussi, le Gouvernement travaille maintenant à décentraliser les structures de soutien aux enfants, pour assurer leur présence dans tout le pays. D'autre part, la délégation a indiqué que le Gouvernement a créé en novembre 2005 un Comité chargé de l'élaboration d'un plan d'action nationale de lutte contre l'exploitation des enfants. Ce Comité a en outre pour mandat de sensibiliser la collectivité sur ce problème.

Répondant aux questions sur les difficultés liées à la pauvreté, la délégation a tenu à rappeler que la crise de 2002 a introduit un changement abrupt de la qualité de vie des Uruguayens. En 2004, la pauvreté atteignait son niveau le plus élevé. Toutefois, s'est-elle réjoui, la pauvreté tend maintenant à se réduire.

À l'expert qui demandait si les fonds économisés par l'allègement de la dette ont été alloués à la lutte contre la pauvreté, la délégation a répondu que le montant de la dette n'a pas été réduit. C'est le montant des intérêts qui a été réduit pour permettre une plus grande marge de manœuvre au pays. D'une manière générale, il y a une grande attention accordée à la petite enfance dans les programmes de lutte contre la pauvreté, a précisé la délégation. À cet égard, elle a fait part de la mise en place, par l'INAU, d'un programme d'aide aux petits enfants pauvres. L'Uruguay lutte contre la pauvreté avec énergie et sérieux et le Gouvernement se fixe des objectifs réalistes, a affirmé la délégation. Et, pour ce faire, il faut notamment élaborer une stratégie d'amélioration de la répartition des revenus, a-t-il indiqué à titre d'exemple, ajoutant que le Gouvernement envisage pour cette raison de mettre en œuvre une réforme fiscale pour taxer les revenus. Ceci constitue un des exemples d'efforts déployés par le Gouvernement , a souligné la délégation, il y en a d'autres, mais le temps manque pour aborder cette question de manière exhaustive.

S'agissant du travail des enfants, la délégation a expliqué que le Gouvernement a mis en œuvre des procédures d'enquêtes et d'envoi d'inspecteurs sur le terrain pour surveiller l'application des normes en la matière. La délégation a à cet égard souligné que la prise de conscience que certaines activités comme la mendicité constituent une forme de travail est très récente. Jusqu'alors ces activités étaient considérées comme des activités de subsistance, a-t-il précisé, soulignant que le pays avance progressivement dans la prise de conscience de l'importance du phénomène du travail des enfants.

En ce qui concerne la participation sociale des enfants, la délégation a indiqué qu'il existe des programmes destinés à stimuler la participation des jeunes et des adolescents et à favoriser l'égalité entre les sexes, sous forme notamment de conseils consultatifs constitués d'enfants et d'adolescents de la région. L'an dernier, le Gouvernement a instauré un programme de participation des enfants et des adolescents, aidé par l'INAU, qui a permis la création, par les jeunes eux-mêmes, de 50 projets à caractère éducatif ou ludique. En outre, diverses activités de promotion de la Convention ont été menées, a précisé la délégation.

Le Gouvernement travaille à l'amélioration des infrastructures pour permettre l'accessibilité des enfants handicapés aux différents services, a assuré la délégation, citant à titre d'exemple la construction de rampes d'accès ou la mise en place de mesures d'amélioration de l'éducation pour la rendre accessible aux sourds et malentendants.

Répondant à la question posée par un expert sur la législation en matière d'adoption, la délégation a souligné que l'Uruguay travaille à favoriser l'adoption nationale, avant l'adoption internationale. La législation se place dans une perspective du droit de l'enfant, a-t-elle poursuivi, elle consacre le droit de l'enfant à avoir une famille et non pas le droit de la famille à avoir un enfant. La délégation a en outre expliqué qu'un projet de loi qui est en cours de préparation en vue d'éliminer les deux formes d'adoption existantes pour n'en garder qu'une seule qui privilégie l'intérêt supérieur de l'enfant.


La délégation a reconnu que le système de soins pour les toxicomanes doit être amélioré. Elle a en outre fait part de la préoccupation du Gouvernement s'agissant de la consommation d'alcool chez les jeunes. À cet égard, la délégation a informé le Comité que le Gouvernement va bientôt promulguer une loi sur l'alcool destinée à sensibiliser aux dangers de la consommation et envisage l'interdiction de la vente d'alcool aux jeunes de moins de 18 ans.

Pour conclure, la délégation a indiqué que le Gouvernement va procéder au décompte du nombre d'enfants qui vivent dans la rue. Ce recensement se fera dans le cadre d'une campagne menée 24 heures sur 24 et mobilisée autour des droits de ces enfants. Il permettra ainsi d'actualiser les données, puisqu'il n'existe pas de chiffres fiables et actuels sur les enfants des rues.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires concernant le rapport de l'Uruguay, M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a qualifié l'interaction entre la délégation uruguayenne et le Comité de dialogue ouvert et constructif. Ce dialogue a permis de progresser dans la connaissance de la situation des droits de l'enfant en Uruguay, a-t-il souligné, ajoutant qu'un certain nombre de questions restent toutefois en suspens. Le rapporteur a ensuite insisté sur la nécessité pour l'Uruguay de procéder au plus vite à une harmonisation de ses lois dans ce domaine. Il a en outre souhaité que l'Uruguay se dote d'un plan national d'action, ainsi que le pays s'était engagé à le faire. Il faut également veiller à faire aboutir les projets de lois qui sont actuellement étudiés par le Parlement, a-t-il ajouté. Il a rappelé que, les deux Protocoles facultatifs ayant été signés et ratifiés, le Comité est dans l'attente d'un rapport sur leur mise en œuvre de la part du pays. Pour conclure, il a formulé le vœu que la stratégie de réduction de la pauvreté du pays soit couronnée de succès.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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