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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA GAMBIE OÙ ENVIRON 69% DE LA POPULATION VIVRAIENT EN DESSOUS DU SEUIL DE PAUVRETÉ

05 Octobre 2001



CRC
28ème session
5 octobre 2001
Matin



La Gambie prévoit de créer une commission nationale
des droits de l'enfant et une loi globale sur les enfants
est en cours d'élaboration dans le pays



Conformément à l'esprit de la Convention relative aux droits de l'enfant, il est prévu de créer en Gambie une commission nationale des droits de l'enfant, a indiqué ce matin M. Joseph Henry Joof, Procureur général et Secrétaire d'État à la justice de la Gambie, devant le Comité des droits de l'enfant qui entamait l'examen du rapport initial de son pays. Une loi nationale globale sur les enfants est en cours d'élaboration, a également déclaré M. Joof avant d'ajouter que cette loi devrait permettre de résoudre tous les conflits qui peuvent exister dans les textes législatifs gambiens en matière de définition de l'enfant.

Poursuivant la présentation du rapport de son pays, le Secrétaire d'État à la justice a affirmé que la pleine réalisation des droits de l'enfant en Gambie était entravée par le caractère limité des ressources disponibles; le caractère inadéquat du cadre institutionnel de promotion et de protection des droits de l'enfant; la persistance de certaines pratiques et croyances culturelles; l'absence d'un ensemble cohérent de lois sur les enfants; l'inégalité entre les sexes découlant de la situation socio-économique inférieure des femmes; ainsi que la pauvreté et le fardeau de la dette. Sur ce dernier point, M. Joof a précisé que selon une enquête sur les ménages menée en 1998, environ 69%de la population et 55% des foyers gambiens vivraient en dessous du seuil de pauvreté.

La délégation gambienne est également composée, entre autres, de représentants du Secrétariat d'État à l'éducation, du Secrétariat d'État au bien-être social; et du Département central des statistiques. Elle a apporté un certain nombre de réponses aux demandes d'informations complémentaires présentées par les experts s'agissant, notamment, du statut de la Convention dans l'ordre juridique interne; de l'institution du Médiateur; de la structure du budget de l'État; des mesures prises par le pays en vue de lutter contre la pauvreté.


Soulignant que le chapitre IV de la Constitution de 1997 s'efforce de transposer en droit interne l'essentiel des dispositions de la Convention, la délégation a précisé que ne sont toutefois pas couvertes par cette transposition les questions de succession, de divorce et de mariage pour lesquelles s'appliquent les dispositions de la charia.

Le Comité achèvera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la Gambie.


Présentation du rapport initial de la Gambie

Présentant le rapport initial de son pays, M. JOSEPH HENRY JOOF, Procureur général et Secrétaire d'État à la justice de la Gambie, a rappelé que lors du dernier recensement en date, effectué en 1993, la population de la Gambie avait atteint le million d'habitants. Précisant que le prochain recensement devrait se dérouler dans le pays en 2003, il a indiqué que la population gambienne est actuellement évaluée à 1,3 million d'habitants. Selon le recensement de 1993, 44% de la population du pays étaient constitués d'individus âgés de moins de 15 ans, alors que 50,4% des Gambiens avaient moins de 18 ans, a-t-il ajouté. Bien que tous les articles de la Convention relative aux droits de l'enfant n'aient pas été intégrés dans la législation interne, il est important de souligner que la Constitution de 1997 contient des dispositions générales visant la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens et résidents gambiens, a poursuivi M. Joof. Le chapitre 29 de la Constitution fait d'ailleurs spécifiquement référence aux droits de l'enfant. Conformément à l'esprit de la Convention, il est prévu de créer dans le pays une commission nationale des droits de l'enfant, a également indiqué le Procureur général avant de préciser qu'une loi globale sur les enfants est en cours d'élaboration dans le pays.

M. Joof a expliqué que le Bureau du Procureur général et le Département d'État à la justice constituent l'organe gouvernemental chargé de la mise en oeuvre de la Convention en Gambie. Pour l'instant, aucune ressource budgétaire ne vient appuyer ce mandat, ce qui n'empêche pas le Gouvernement de s'efforcer de promouvoir la survie, la protection, le développement et la participation de l'enfant, en particulier dans les domaines de la santé, de l'éducation et des services sociaux en général.

Le Secrétaire d'État à la justice a fait observer que s'il n'existe pas de définition uniforme de l'enfant en Gambie, la Constitution considère comme enfant tout individu n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans. La loi sur les enfants dont le pays entend se doter prochainement, résoudra tous les conflits qui peuvent exister, en matière de définition de l'enfant, entre les diverses lois fixant entre 14 et 21 ans, selon les cas, l'âge en dessous duquel un individu est considéré comme un enfant.

En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, M. Joof a fait valoir que les délinquants juvéniles reconnus coupables et condamnés sont isolés des délinquants adultes. Il a précisé qu'entre 1996 et 1998, six jeunes gens ont été détenus en vertu d'affaires d'homicides. En 1998, a-t-il ajouté, le Gouvernement a établi une Commission nationale sur la justice juvénile chargée de le conseiller sur les mesures à prendre en vue d'améliorer le système de justice juvénile conformément aux normes énoncées dans la Convention relative aux droits de l'enfant. En avril 2000, un quartier pour les jeunes délinquants a été ouvert à la prison Old Jeshwang. Il est vrai que le pays compte trop peu d'agents de probation - les trois agents disponibles manquant de mobilité pour pouvoir faire un travail efficace. En matière d'usage de stupéfiants, les lois nationales gambiennes prévoient de lourdes peines afin de dissuader les éventuels délinquants, a d'autre part indiqué le Procureur général.

La législation gambienne pâtit d'un déficit indéniable en matière de protection des enfants privés d'environnement familial, a poursuivi le Secrétaire d'État à la justice. Il n'en demeure pas moins que le système de la famille élargie a constitué jusqu'à présent la source la plus efficace de soutien aux orphelins.

Si la Constitution gambienne reconnaît l'article de la Convention qui garantit l'éducation primaire de base, il n'existe cependant pas d'obligation légale, pour l'État ou les parents, d'assurer la scolarisation des enfants et leur présence à l'école, a reconnu M. Joof. Les taux globaux de scolarisation sont passés de 60% en 1988 à 70% en 1996 et le budget consacré à l'éducation représente 22% du budget de l'État, a-t-il précisé. La Gambie a enregistré des progrès significatifs dans le domaine de la santé, a poursuivi le Procureur général en précisant que pour l'année 1998, le taux de mortalité infantile était estimé à 64 pour mille naissances vivantes. Bien que l'accès à la santé ait été amélioré, la qualité des services continuent d'être un problème du fait de contraintes telles que le manque de personnel qualifié et l'inadéquation des infrastructures. Grâce à un prêt de 15 millions de dollars consenti au pays par la Banque mondiale, un programme de réponse rapide au VIH/sida a été lancé cette année en Gambie afin de lutter contre la propagation de cette maladie. En outre, une note stratégique de réduction de la pauvreté a été rédigée et devrait être finalisée en décembre prochain. De telles politiques devraient permettre d'améliorer le lot quotidien des enfants en Gambie, a affirmé M. Joof.

Parmi les principales contraintes entravant la pleine réalisation des droits de l'enfant en Gambie, le Procureur général a identifié le caractère limité des ressources disponibles; le caractère inadéquat du cadre institutionnel de promotion et de protection des droits de l'enfant; la persistance de certaines pratiques et croyances culturelles; l'absence d'un ensemble cohérent de lois sur les enfants; l'inégalité entre les sexes découlant de la situation socio-économique inférieure des femmes; ainsi que la pauvreté et le fardeau de la dette. Sur ce dernier point, M. Joof a précisé que selon une enquête sur les ménages menée en 1998, environ 69%de la population et 55% des foyers vivraient en dessous du seuil de pauvreté.

Aussi, le Secrétaire d'État à la justice a-t-il souligné que son pays, outre qu'il entend créer une commission nationale sur les droits de l'enfant, comme cela a été indiqué, entend également harmoniser les lois existantes avec les dispositions de la Convention et adopter de nouvelles lois afin de couvrir tous les aspects de la Convention; assurer une plus grande implication de la société civile dans la mise en oeuvre des programmes de mise en oeuvre des droits de l'enfant; mobiliser de nouvelles ressources nationales et internationales aux fins de la mise en oeuvre de programmes en faveur de l'enfance; convertir la réduction de sa dette en investissement dans le secteur social; et entreprendre une étude sur l'exploitation sexuelle des enfants.

Le rapport initial de la Gambie (CRC/C/3/Add.61) souligne que la nouvelle Constitution a fixé à 18 ans l'âge auquel le citoyen peut exercer ses droits de vote, alors qu'il était de 21 ans dans la Constitution de 1970, "nouvelle preuve de la volonté d'harmoniser les lois existantes avec les dispositions de la Convention". Ceci est d'autant plus important qu'aucun consensus n'existe dans les lois de la Gambie sur la définition de ce qu'est un enfant, ajoute le rapport. Il reconnaît en outre qu'en dépit des gains positifs obtenus dans le développement social, l'absence de législation portant principalement sur les enfants est l'un des principaux obstacles à l'application des dispositions de la Convention en Gambie. La loi relative à l'enfance et à la jeunesse n'est pas suffisamment complète pour intégrer toutes les dispositions de la Convention, poursuit le rapport. En outre, la loi relative à l'entretien des enfants exerce une discrimination à l'encontre des enfants naturels musulmans. Par conséquent, la situation exige un effort concerté pour réexaminer le cadre institutionnel et juridique dans le but d'adopter une stratégie globale relative à la protection des droits de l'enfant.

En général, les Gambiens vivent dans des familles nombreuses comptant environ six personnes dans les zones urbaines et 13,6 personnes dans les zones rurales, souligne par ailleurs le rapport. Il précise en outre que le mariage précoce est une pratique très répandue en Gambie et qu'il constitue l'un des obstacles les plus importants s'opposant à ce que l'éducation de la petite fille soit prolongée. Cette pratique entraîne également un taux de mortalité et de morbidité très élevé chez le nourrisson et la mère; des familles nombreuses; ainsi que l'appauvrissement qui en découle. Le rapport reconnaît aussi que la mutilation des organes génitaux de la petite fille est également largement pratiquée en Gambie, bien que ses dangers sociaux et sanitaires soient continuellement dénoncés.

Au titre du cadre juridique général assurant la protection des droits de l'homme, le rapport indique que le système juridique en Gambie est fondé sur le droit anglais, c'est-à-dire sur les principes de la common law et de l'équité. Les pratiques coutumières et la charia font également partie du système juridique, ajoute le rapport. "Les discriminations à l'encontre de la petite fille pour ce qui est de l'héritage ou de la part prédéterminée des biens transmis lors d'un décès sont également des pratiques fondées sur le sexe issues des lois musulmanes de la Gambie relatives aux personnes", poursuit le rapport. Il reconnaît également qu'il existe une forte discrimination à l'encontre de la petite fille par rapport aux garçons en ce qui concerne l'âge du mariage puisque les garçons tendance à se marier bien au-delà de leur vingtième anniversaire alors que la pratique courante est de marier une fillette avant 15 ans, habituellement entre 12 et 17 ans. Le Bureau des femmes révèle que la discrimination est un problème qui est fondé sur l'ethnie dans la plus grande partie de la Gambie, notamment dans les communautés peules, mandingue et sarakolé. Les enfants illégitimes ou nés hors mariage sont des cibles certaines de discrimination, poursuit le rapport avant de préciser que "même s'ils bénéficient des dispositions de la loi relative à l'obligation de pension alimentaire, souvent ils se voient refuser le droit d'hériter des biens de leurs parents".

Nombre d'enfants des rues (almudus) sont des petits garçons venant de pays voisins comme le Sénégal, la Guinée et le Mali sous le prétexte d'étudier avec des tuteurs islamiques appelés marabouts, explique d'autre part le rapport. Toutefois, la majorité de ces enfants des rues sont des Gambiens qui n'ont plus le soutien ni l'affection de leurs parents. Bien que cette pratique soit de nature traditionnelle, elle ne peut se poursuivre dans l'environnement cosmopolite des villes étant donné les dangers potentiels que représente le trafic de drogues et l'exploitation économique, affirme le rapport avant de préciser que ces enfants ont en général entre 6 et 12 ans.

En conclusion, le rapport recommande que le Gouvernement gambien crée une commission nationale avec secrétariat qui sera chargée de la mise en oeuvre progressive et du suivi régulier des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'établissement des rapports diffusés en temps utile sur ce sujet. Le rapport recommande également que la Gambie procède à un examen de sa législation, portant plus particulièrement sur la loi relative à l'enfance et à la jeunesse, sur la loi relative à l'entretien des enfants, sur le code pénal et sur la loi relative à l'éducation, en vue d'harmoniser les dispositions de ces lois avec celles de la Convention, en particulier pour ce qui est de la définition de l'enfant.


Examen du rapport de la Gambie

Interrogée sur le statut de la Convention dans l'ordre juridique interne de la Gambie, la délégation a indiqué que la Convention bénéficie d'un statut bien particulier dans le pays, conformément à la Constitution de 1997. Le chapitre IV de la Constitution s'efforce en effet de transposer en droit interne l'essentiel des dispositions de la Convention. Ne sont toutefois pas couvertes par cette transposition les questions de succession, de divorce et de mariage pour lesquelles s'appliquent les dispositions de la charia, a précisé la délégation. Il n'y a pas contradiction à proprement parler entre les dispositions de la charia et celles de la Convention en ce qui concerne ces questions précises, a-t-elle cependant estimé. Simplement, en termes d'héritage, l'Islam prévoit qu'un garçon reçoive deux fois plus qu'une fille, ce qui, on peut l'admettre, constitue peut-être une légère forme de discrimination, a affirmé la délégation. Pour ce qui est des questions de propriété, c'est en vertu du droit coutumier que les femmes ne sont pas autorisées à posséder des terres, alors que l'Islam n'empêche absolument pas une telle possession, a souligné la délégation. Aussi, faut-il s'abstenir de procéder à toute interprétation erronée de l'Islam en attribuant à la loi islamique des pratiques qui relèvent en fait du droit coutumier.

La délégation gambienne a précisé que le Bureau du Médiateur est une institution nouvelle en Gambie. Pour l'heure, le mandat de ce Bureau ne couvre pas les questions relatives à l'enfance, mais il faut espérer que cette lacune sera prochainement comblée et que le Médiateur sera aussi chargé des questions relatives à l'enfance, lesquelles relèvent pour l'instant du Département des affaires sociales, a déclaré la délégation. Le Département des affaires sociales, en ce qui le concerne, a mis en place en son sein une unité spécialement chargée des questions touchant aux enfants et qui traite notamment des plaintes impliquant des enfants.

Interrogée sur la structure du budget de l'État, la délégation a notamment fait valoir qu'en 1998, le budget de l'éducation nationale s'élevait en Gambie à 19% du budget de l'État. L'an dernier, la part de l'éducation est passée à 22% du budget national, l'essentiel des ressources étant consacré à l'éducation de base, a-t-elle précisé.

Plusieurs experts s'étant enquis des mesures prises par le pays pour réduire la pauvreté - qui frappe plus de 60% de la population gambienne - la délégation a reconnu qu'il sera très difficile d'offrir des services à toute cette population. Il sera très difficile de leur assurer à tous un accès universel aux services publics, a-t-elle insisté. Aussi, la Gambie entend-elle se concentrer sur les zones les plus défavorisées afin de répondre aux besoins, notamment alimentaires, de populations ciblées dans des localités précises.

Un membre du Comité s'est inquiété du faible taux d'enregistrement des naissances dans le pays.

Un autre expert a relevé que selon le paragraphe 83 du rapport, "les délinquants juvéniles et autres personnes peuvent encourir la peine de mort s'ils ont commis de graves infractions qui ordinairement sont sanctionnées de la peine de mort".

Plusieurs experts ont relevé que la Gambie a accédé à la Convention nE138 de l'OIT sur l'âge minimum d'accès à l'emploi mais n'a pas encore adopté de loi fixant l'âge minimum du travail. Certains se sont à cet égard enquis de la situation des enfants d'âge scolaire qui sont employés comme domestiques.

Apparemment, le problème de l'infanticide existe toujours en Gambie mais il semble difficile d'en mesurer l'ampleur, a relevé un expert avant de demander à la délégation de lui fournir un complément d'information sur cette question.



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