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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU SÉNÉGAL

06 août 2002



CERD
61ème session
6 août 2002
Après-midi





La délégation souligne que la lutte contre le racisme et
la discrimination est une priorité du Gouvernement



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du quinzième rapport périodique du Sénégal sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, Mme Marne Bassine Niang, Commissaire aux droits de l'homme, a affirmé que le Sénégal a fait de la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes une des priorités de son action. Dans ce contexte, la Commissaire a précisé que la pratique de l'excision est devenue une infraction grave, sanctionnée par le code pénal de peines privatives de liberté. Mme Niang a également souligné la criminalisation des pratiques de harcèlement sexuel à l'égard des femmes, ainsi que les violences conjugales. M. Niang a également abordé la situation en Casamance, assurant que ce conflit n'est pas un conflit de nature ethnique. Elle a souligné que le Gouvernement sénégalais ne ménage aucun effort pour réaliser une paix durable en Casamance. Elle a également abordé la question du phénomène de castes au Sénégal qu'elle a qualifié de mode d'organisation de la société sénégalaise, n'ayant rien de discriminatoire.
La délégation sénégalaise est également composée de M. Maymouna Diop, Ambassadeur, représentant le Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur; de M. Abdou Salam Diallo, Conseiller diplomatique du Premier Ministre; de M. Daouda Maliguèye Sene, Ministre conseiller à la Mission permanente auprès de l'Office des Nations Unies à Genève; de M. Oumar Diouf, Délégué aux droits de l'homme et à la paix; de M. Oumar Sarr, Directeur adjoint des affaires criminelles et des grâces au Ministère de la justice; ainsi que de M. Momar Gueye, de la Mission permanente à Genève.
Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport sénégalais, M. Nourredine Amir a déclaré qu'avec ce rapport, le Sénégal se trouve bien «dans la direction des obligations prévues par la Convention». Le Sénégal, a-t-il déclaré, est bien aujourd'hui au rendez-vous de l'histoire. Toutefois, il a souligné que si le Sénégal s'est doté de textes qui consacrent les droits protégés par la Convention, il ne fournit que peu d'informations en ce qui concerne la réalité du respect de ces droits. Qu'en est-il de la protection de ces droits dans les faits, s'est-il demandé ?
Plusieurs experts se sont inquiétés du sort réservé aux personnes victimes d'atteintes discriminatoires à leurs droits, la délégation sénégalaise ayant indiqué n'avoir pu recenser aucun recours de cette nature devant les tribunaux. Partant, ils se sont demandé si les victimes sont à même d'exercer des recours en cas d'abus. Le maintien du système des castes et la situation en Casamance ont également été au centre des préoccupations exprimées par les experts.
Au cours de la présente séance, les experts suivants ont pris la parole : MM. Régis de Gouttes, Luis Valencia Rodríguez, Linos Alexander Sicilianos, Morten Kjaerum, José Augusto Lindgren Alves, Patrick Thornberry, Raghavan Vasudevan Pillai, Tang Chengyuan, Mario Jorge Yutzis, Yuri Rechetov, et Mahmoud Aboul-Nasr.
En fin de séance, les membres du Comité ont décidé, à la demande de Madagascar, de ne pas procéder, au cours de la présente session, à l'examen la situation dans ce pays, initialement prévu pour le 19 août prochain. Ils ont également discuté de l'éventualité de reporter l'examen de la situation aux Îles Fidji, à la demande de ce pays, sans prendre de décision sur ce point.
Le Comité poursuivra demain matin à 10 heures, l'examen du rapport périodique du Sénégal.

Examen du rapport du Sénégal
Le quinzième rapport périodique du Sénégal (CERD/C/408/Add.2) rappelle que la constitution sénégalaise garantit l'égalité de tous les citoyens sénégalais devant la loi, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion et interdit tout acte de discrimination raciale, ethnique, ou religieuse. Il précise qu'en tant qu'État partie à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Sénégal a procédé, d'une part, à l'introduction de ladite Convention dans l'ordre juridique interne et d'autre part à son application. La Convention est ainsi devenue un élément de l'ordre juridique interne, bénéficiant d'une autorité supérieure à celle des lois.
Le rapport souligne que le Sénégal, État laïc et démocratique, n'établit aucune mesure spéciale aux fins de privilégier certains groupes raciaux, ethniques, religieux ou certains individus. Plusieurs lois ont été promulguées afin de réprimer toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la haine raciale. En outre, plusieurs dispositions de la nouvelle constitution sénégalaise consacrent ou réaffirment expressément le droit de la femme à un traitement égal devant la loi.
Présentant le rapport de son pays, Mme MARNE BASSINE NIANG, Commissaire aux droits de l'homme a souligné que la constitution du 22 janvier 2001 cite en son préambule la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La Commissaire a affirmé que l'effectivité des libertés civiles et politiques au Sénégal est illustrée par l'alternance intervenue au sommet de l'État, le 19 mars 2000 avec l'arrivée au pouvoir de M. Abdoulaye Wade. Depuis, la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe constitue une priorité pour les pouvoirs publics sénégalais. Outre la présence de femmes à des postes de responsabilité, cet engagement est attesté par le nombre croissant de femmes qui accèdent à la propriété. Mme Niang a toutefois reconnu que des difficultés subsistent s'agissant de l'accès des femmes au crédit. La scolarisation des filles constitue également une priorité pour le Gouvernement sénégalais, mais l'accès des filles aux études n'est pas encore aussi développé qu'il serait souhaitable en raison de la persistance de pesanteurs sociales. Mme Niang a ensuite souligné que le droit musulman concernant les règles de la dévolution successorale ne jouent en défaveur de la femme sénégalaise qu'en cas de volonté expresse manifestée par le mari défunt. Le régime de droit commun garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes. La Commissaire sénégalaise aux droits de l'homme a expliqué l'absence de recours exercés par les citoyens, en cas de violation supposée de leurs droits fondamentaux, par le poids des valeurs culturelles sénégalaises qui privilégient le règlement amiable des différends plutôt que leur résolution par voie judiciaire.
Mme Niang a par ailleurs déclaré que les mutilations génitales féminines sont désormais considérées par la loi comme des atteintes intolérables à l'intégrité physique et psychique des femmes. L'excision est donc devenue une infraction grave selon le code pénal, assortie de peines privatives de liberté. Mme Niang a également souligné la criminalisation des pratiques de harcèlement sexuel à l'égard des femmes, ainsi que les violences conjugales.
La Commissaire aux droits de l'homme a ensuite abordé la situation en Casamance. Ce conflit, a-t-elle rappelé, perdure depuis bientôt deux décennies. La Casamance, comme toutes les régions du Sénégal, est composée de plusieurs ethnies. Partant, elle a affirmé qu'il n'existe et n'a jamais existé de politiques ou de pratiques tendant à exclure, à restreindre, ou à préférer telle ethnie à telle autre. Aussi, ce conflit que l'on présente aujourd'hui comme étant de nature ethnique, ne l'a en réalité jamais été. Le Diola, a-t-elle ajouté, n'est nulle part inquiété au Sénégal. Mme Niang a souligné que le Gouvernement sénégalais ne ménage aucun effort pour réaliser une paix durable en Casamance. Aussi, la lutte contre les exactions commises par les groupes rebelles armés est-elle une nécessité pour l'État sénégalais en vue de préserver les droits fondamentaux de tous les habitants de la région.
Mme Niang a affirmé qu'il convient d'écarter toute lecture du phénomène de caste au Sénégal sous le prisme de la discrimination. Il s'agit d'une réalité culturelle que l'on ne saurait qualifier de discriminatoire. Au Sénégal, le système des castes est un mode d'organisation de la société, qui n'a rien de discriminatoire. Aucune femme, aucun homme ne s'est vu refuser l'accès à l'éducation, à la santé, à l'emploi, ou à une fonction publique pour cette raison. Toutefois, la Commissaire a reconnu que l'avenir des castes au Sénégal doit passer par des changements significatifs allant dans le sens d'une homogénéisation progressive.
L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport sénégalais, M. Nourredine Amir, a énuméré l'ensemble des mesures juridiques prises par le Sénégal pour assurer la traduction en droit interne, de tous les principes et dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Si le Sénégal s'est doté de textes qui consacrent les droits protégés par la Convention, il ne fournit que peu d'information en ce qui concerne la réalité du respect de ces droits. Qu'en est-il de la protection de ces droits dans les faits, a-t-il demandé?
Le rapporteur s'est inquiété de la situation des près de 20 700 personnes réfugiées sur le territoire du Sénégal et principalement originaires de la Mauritanie. Dans ce contexte, il s'est demandé pourquoi le Sénégal n'est toujours pas partie à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ou à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. Un éclaircissement sur la situation des réfugiés présents au Sénégal serait souhaitable, a déclaré le rapporteur. Les réfugiés et demandeurs d'asile bénéficient-ils d'opportunités d'emploi égales à celles des nationaux ? Des données statistiques sur ce point seraient les bienvenues. Au Sénégal, a précisé le rapporteur, les femmes représentent 75% de la population rurale et 52% de la population totale. Au niveau national, 90% des femmes assurent le rôle de chef de famille alors que rien dans leur statut réel ne leur permet d'assurer ce rôle, a estimé le M. Amir. Il aurait par ailleurs souhaité obtenir des renseignements sur la part du revenu national qui revient aux femmes. Le rapporteur a enfin demandé à la délégation sénégalaise d'apporter davantage d'éclaircissements sur la situation en Casamance. En conclusion de son intervention, le rapporteur a déclaré que le Sénégal se trouve bien dans la direction des obligations prévues par la convention. Le Sénégal, a-t-il conclu, est bien, aujourd'hui, au rendez-vous de l'histoire.
Un expert s'est félicité de la ratification, par le Sénégal, de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi que des efforts déployés par ce pays en vue d'assurer le respect de l'article 4 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Prenant acte du fait que le conflit en Casamance n'est pas de nature ethnique, un expert a fait remarquer que la situation est loin d'être réglée. Dans ce contexte, il a fait état d'exactions commises, selon Amnesty International, par les forces armées contre des civils. Partant, il a demandé à la délégation sénégalaise d'apporter des informations supplémentaires sur ce point.
Plusieurs experts se sont inquiétés du sort réservé aux personnes victimes d'atteintes discriminatoires à leurs droits, le rapport du Sénégal précisant que les juridictions nationales n'ont pas été saisies pour des actes de discrimination raciale. Ces personnes sont-elles indemnisées? Les auteurs de telles infractions font-elles l'objet de poursuites et de sanctions le cas échéant? Les victimes peuvent-elles exercer des recours ? La population est-elle suffisamment sensibilisée à ses droits en matière de droits de l'homme ?
Plusieurs experts se sont dits préoccupé par le système des castes au Sénégal. Qu'est ce que le Sénégal entend faire pour mettre fin à ce système, les textes législatifs pouvant difficilement empêcher les discriminations qui en découlent. Un expert a ainsi demandé à la délégation sénégalaise de fournir des exemples de programmes spécifiques ou d'actions au niveau local, destinés à mettre fin aux pratiques discriminatoires découlant de ce système.
Un expert a par ailleurs demandé davantage d'informations sur la situation sociale et économique des différents groupes ethniques au Sénégal, soulignant la difficulté d'évaluer la vulnérabilité de ces différents groupes à la discrimination. Un expert a demandé à la délégation sénégalaise de fournir au Comité des données statistiques démographiques ventilées par ethnies.
Un autre expert a demandé des éclaircissements à la délégation s'agissant des activités de la Commission sénégalaise des droits de l'homme en ce qui concerne la discrimination raciale et surtout en ce qui concerne la discrimination pour des raisons d'ascendance. Cette commission dispose-t-elle du pouvoir de demander des investigations en cas d'atteintes à des droits reconnus par la Convention ?



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