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Communiqués de presse Organes conventionnels

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE : ADOPTION D'UNE DÉCLARATION SUR LES CONSÉQUENCES DE LA LUTTE ANTITERRORISTE

07 Mars 2002



CERD
60ème session
7 mars 2002
Après-midi





Le Comité entame l'examen du rapport de l'Autriche


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a adopté, cet après-midi, par consensus, une déclaration dans laquelle il condamne sans équivoque les attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001 et, rappelant que l'interdiction de la discrimination raciale est une norme péremptoire du droit international qui ne saurait souffrir la moindre dérogation, il demande à tous les États et à toutes les organisations internationales d'assurer que les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne donnent lieu à aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique. Aussi, le Comité fait-il part de son intention de veiller aux effets potentiellement discriminatoires de la législation et des pratiques mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Cette déclaration fait suite à la lettre que lui avait adressée le 11 octobre dernier la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, lui demandant de faire connaître son point de vue sur la mesure dans laquelle le processus engagé afin de combattre le terrorisme suite aux événements du 11 septembre était, selon lui, susceptible d'affecter les droits relevant du mandat du Comité.

Le Comité a par ailleurs entamé l'examen du quatorzième rapport périodique de l'Autriche sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, M. Harald Dossi, Directeur général pour les affaires internationales et juridiques à la Chancellerie fédérale de la République d'Autriche, a notamment indiqué que le 20 février dernier, l'Autriche a déposé sa déclaration au titre de l'article 14 de la Convention, de sorte que le pays reconnaît désormais la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles émanant d'individus qui se disent victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans cet instrument. M. Dossi a par ailleurs indiqué que le Parlement a amendé la Constitution, l'an dernier, afin d'y intégrer une clause de protection des langues et cultures des minorités étrangères vivant dans le pays.

La délégation autrichienne est également composée de représentants des ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères.

Le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, M. Mario Jorge Yutzis, a notamment attiré l'attention de la délégation sur certains faits intervenus récemment en Autriche en rapport avec la situation des étrangers dans ce pays.


Le Comité achèvera demain matin, à partir de 10 heures, son dialogue avec la délégation autrichienne.


Examen du rapport de l'Autriche

Présentant le rapport de son pays, M. HARALD DOSSI, Directeur général pour les affaires internationales et juridiques à la Chancellerie fédérale de la République d'Autriche, a souligné que le présent rapport est une mise à jour qui tient compte des recommandations qui avaient été faites par le Comité à l'issue de l'examen du précédent rapport autrichien. En ce qui concerne les minorités étrangères vivant en Autriche, il convient de souligner que le Parlement a amendé la Constitution l'an dernier afin d'y intégrer une clause de protection des langues et cultures de ces minorités, a précisé M. Dossi. La Cour constitutionnelle autrichienne peut être considérée comme responsable du respect de cette clause, a-t-il ajouté. L'aide que le gouvernement accorde aux minorités ethniques autochtones n'a pas été réduite, a par ailleurs souligné M. Dossi.

Le Directeur général pour les affaires internationales et juridiques a par ailleurs indiqué que le Parlement a adopté une loi qui prévoit que les langues des minorités nationales doivent être représentées dans les émissions de la radiotélévision autrichienne. Depuis le mois de juin 2000, a poursuivi M. Dossi, des panneaux indicateurs bilingues ont été mis en place au Burgenland – la province la plus orientale du pays. D'autre part, le 20 février dernier, l'Autriche a déposé sa déclaration au titre de l'article 14 de la Convention, de sorte que le pays reconnaît désormais la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles (communications) émanant d'individus qui se disent victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans cet instrument.

En ce qui concerne le Fonds chargé d'indemniser les personnes qui avaient été forcées d'effectuer un travail durant la période national-socialiste et nazie, M. Dossi a indiqué que près de 50 000 demandes d'indemnisation ont été acceptées et presque tous les versements correspondants effectués (soit 110 millions d'euros déboursés d'ores et déjà ). Le Fonds national autrichien en faveur des victimes du national-socialisme verse quant à lui des sommes forfaitaires de 70 000 shillings par personne aux victimes du national-socialisme. A ce jour, ce sont 150 millions d'Euros qui ont été versés à 27 000 personnes, a précisé M.Dossi.

Le quatorzième rapport périodique de l'Autriche (CERD/C/362/Add.7) indique que selon la loi constitutionnelle fédérale portant application de la Convention, «toute forme de discrimination raciale est interdite, si elle n'est pas déjà proscrite par l'article 7 de la loi constitutionnelle fédérale et par l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales». Une disposition réglementaire a été incorporée au Code du commerce et de l'industrie qui autorise l'autorité administrative du district à retirer leur patente aux industriels et aux commerçants exerçant une discrimination à l'encontre d'autrui au seul motif de la race, de la couleur, de l'origine nationale ou ethnique, de la croyance religieuse ou d'un handicap. Pour ce qui est du droit pénal, il faut rappeler que l'article 283 du Code pénal punit l'incitation à des actes d'hostilité. En outre, il est à noter que, aux termes de la loi de 1996 portant modification de la loi pénale, les délits commis pour des motifs racistes et xénophobes sont considérés comme hautement répréhensibles et donc plus sévèrement punis.

La lutte contre l'antisémitisme fait partie des priorités de l'Autriche, assure le rapport. Le 11 novembre 1997, le Conseil national a adopté à l'unanimité une résolution instituant le 5 mai Journée commémorative contre la violence et le racisme en souvenir des victimes du national-socialisme. De son côté, le Fonds national pour les victimes du national-socialisme, opérationnel depuis 1995 et qui a depuis lors indemnisé plus de 25 000 victimes, a créé en janvier 1999 un bureau dont la mission est d'informer le grand public de l'avancement des dossiers liés aux restitutions et du travail de la Commission d'historiens. Quelque 2 000 personnes ont demandé l'aide du Fonds national pour retrouver la trace de biens.

La Cour constitutionnelle autrichienne a estimé, à maintes reprises, dans ses arrêts relatifs à la Loi constitutionnelle fédérale portant application de la Convention, qu'une différence de traitement entre les étrangers n'est admissible que dans la mesure où elle repose clairement sur un motif raisonnable et n'est pas disproportionnée. L'Autriche ne peut donc pas partager la préoccupation exprimée par le Comité sur ce point au regard de l'égalité de traitement, souligne le rapport. Cette interprétation rend possible l'application du principe selon lequel les différences de traitement ne sont justifiées qu'au regard des faits si elles reposent sur des critères objectifs. À l'heure actuelle, poursuit le rapport, l'un des principaux problèmes qui assaillent la plupart des minorités ethniques en Autriche tient au fait qu'elles ont le sentiment de subir une forte pression les poussant à l'assimilation. La raison en est, notamment, qu'elles sont numériquement assez peu importantes, et qu'elles doivent faire face à de nouvelles situations telles la diminution du nombre de travailleurs agricoles et la multiplication des communications avec des personnes parlant la langue de la majorité. La situation des Roms est quelque peu différente. Nombre d'entre eux souhaitant poursuivre leurs études et améliorer leur situation économique et sociale, plusieurs associations de Roms ont entrepris d'apporter une aide aux élèves en difficulté en puisant dans les subventions émanant du Fonds d'assistance aux minorités de la Chancellerie fédérale. C'est ainsi que dans la première zone d'installation du groupe, dans le Burgenland, plus aucun enfant rom ne fréquente désormais d'établissement d'éducation spéciale. Aucune précision ne peut être apportée quant au nombre de Roms vivant en Autriche, poursuit le rapport. Lors du recensement national de 1991, 29 596 personnes ont déclaré parler la langue croate dans leur vie de tous les jours, 19 286 le slovène, 19 638 le hongrois, 9 822 le tchèque, 1 015 le slovaque et 122 le romani.


Examen du rapport de l'Autriche

Le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, M. Mario Jorge Yutzis, s'est inquiété des informations relatives à la loi sur les étrangers contenues dans le rapport autrichien et indiquant que «les distinctions établies entre les diverses catégories d'étrangers en fonction de leur nationalité reposent sur le principe des libertés fondamentales des ressortissants des pays qui font partie de l'Espace économique européen (EEE)». Il y a incontestablement là une différenciation établie entre les nationalités, à l'instar de ce qui se faisait en Suisse avant que ce pays ne renonce à la doctrine dite des «trois cercles» conformément à ce que lui avait recommandé le Comité, a souligné l'expert.

M. Yutzis a par ailleurs attiré l'attention de la délégation sur un certain nombre de faits précis relatifs à la situation des étrangers en Autriche. Ainsi, en vertu des critères utilisés dans la ville de Graz pour délivrer un permis de taxi; il s'avère que seuls les Autrichiens peuvent finalement exercer cette profession, a fait observer l'expert. Il a par ailleurs mis en exergue le cas d'un citoyen d'origine kényane qui, au début de l'année 2000, a ouvert un restaurant africain (nommé Jumbo) dans le deuxième arrondissement de Vienne. Ce restaurant marchait bien mais deux semaines seulement après son ouverture, vingt policiers y ont pénétré pour inspecter les lieux et opérer des contrôles d'identité sur le personnel et la clientèle. Plusieurs semaines plus tard, les policiers sont revenus opérer ce même type de contrôle, ce qui semble attester d'un recours excessif à ce type de pratique à l'encontre de ce restaurant. M. Yutzis s'est par ailleurs inquiété du recours excessif aux fouilles dans la rue à l'encontre des étrangers, notamment turcs, nigérians ou autres. L'expert a également évoqué les propos tenus par un responsable sportif à l'issue d'un match de football ayant opposé une équipe autrichienne à l'équipe de Manchester United. L'équipe autrichienne ayant perdu ce match, ce responsable avait alors déclaré que les Autrichiens avaient joué «contre Manchester et non contre une équipe de Nègres».

Selon certaines sources, a par ailleurs fait observer M. Yutzis, il apparaît qu'une énorme quantité de réfugiés ne peuvent pas bénéficier de la sécurité sociale en Autriche.

M. Yutzis a par ailleurs souhaité savoir combien d'enseignants aux niveaux secondaire et supérieur proviennent des minorités.

L'expert s'est en outre dit préoccupé par la situation des Roms en Autriche dont il semble qu'ils ne disposent pas des conditions appropriées pour défendre leurs intérêts particuliers. Tout en se félicitant qu'il ne semble plus exister d'écoles distinctes pour les seuls enfants rom, plusieurs autres experts se sont enquis de la situation en ce qui concerne l'enseignement en langue rom.

Un membre du Comité s'est enquis des sanctions éventuellement prononcées en Autriche pour propos racistes tenus par voie de presse ou de tout autre média.


Adoption d'une déclaration

Le Comité a adopté, par consensus, une déclaration par laquelle, condamnant sans équivoque les attaques terroristes perpétrées contre les États-Unis le 11 septembre 2001, il souligne que les mesures visant à combattre le terrorisme doivent être conformes à la Charte des Nations Unies et qu'elles doivent être considérées comme légitimes si elles respectent les principes fondamentaux et les normes universellement reconnues du droit international. Le Comité rappelle que l'interdiction de la discrimination raciale est une norme péremptoire du droit international qui ne saurait souffrir la moindre dérogation et demande donc aux États et aux organisations internationales d'assurer que les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne donnent lieu à aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique. Aussi, le Comité fait-il part de son intention de veiller aux effets potentiellement discriminatoires de la législation et des pratiques mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.




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