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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU VIETNAM

08 août 2001

CERD
59ème session
8 août 2001
Après-midi




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a commencé l'examen du rapport du Vietnam sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Nguyen Qui Binh, Représentant permanent du Viet Nam auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que depuis 1993, de nombreux programmes de développement socio-économique ont été lancés, visant particulièrement certains groupes défavorisés de la population tels que les groupes vivant dans les zones montagneuses ou dans les régions affectées par la guerre, les handicapés, les orphelins et les enfants de la rue. Il a en outre déclaré que la discrimination raciale ne constitue pas un problème majeur au Viet Nam.

La délégation du Viet Nam est également composée de M. Hoang Bich Lien, du Département des organisations internationales du Ministère des affaires étrangères, et de deux autres membres de la Mission permanente du Viet Nam auprès des Nations Unies à Genève.

Mme Patricia Nozipho January-Bardill, experte du Comité chargée de l'examen du rapport du Viet Nam, a pris bonne note de la liste d'instruments juridiques mis en place pour la protection des droits des minorités, mais a regretté qu'aucun cas pratique ne soit présenté dans le rapport vietnamien. Elle a en outre souhaité connaître la réaction de la délégation concernant un certain nombre de problèmes qui ne sont pas mentionnés dans le rapport, relatifs notamment au respect de la liberté religieuse, à la situation des réfugiés et à la situation des femmes et des enfants au Viet Nam.

Les experts suivants du Comité sont également intervenus: M. Régis de Gouttes, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Tang Chengyuan, Mme Gabriele Britz, M. Ion Diaconu, M. Patrick Thornberry, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Michael E. Sherifis, M. Agha Shahi, M. Yuri A. Rechetov, M. Marc Bossuyt, M. François Lonsény Fall et M. Mario Jorge Yutzis.

Le Comité achèvera l'examen du rapport du Viet Nam demain matin, mercredi 8 août, à partir de 10 heures. Il devrait également adopter ses observations finales concernant le rapport de la Chine, examiné le 31 juillet et le 1er août.

Présentation du rapport du Viet Nam

Présentant le rapport de son pays, M. Nguyen Qui Binh, Représentant permanent du Viet Nam auprès des Nations Unies à Genève, a évoqué la crise économique grave dans laquelle sont pays a été plongé au début des années quatre-vingt. Depuis, de profondes réformes, mises en place à partir de 1986 dans le cadre de la «Rénovation» (Doi Moi) ont permis des améliorations sensibles des conditions de vie pour la plupart des groupes de la société. Depuis 1993, de nombreux programmes de développement socioéconomique ont été lancés, visant particulièrement certains groupes défavorisés de la population tels que les groupes vivant dans les zones montagneuses ou dans les régions affectées par la guerre, les handicapés, les orphelins et les enfants de la rue.

Le représentant a déclaré que la discrimination raciale n'est pas un problème majeur au Viet Nam. Toutefois, le Gouvernement vietnamien a pris ce problème en considération dans la mise en œuvre de ses politiques de promotion du développement durable et de la cohésion nationale. En effet, les groupes ethniques représentent plus de 13% de la population du pays. Mais les termes «minorité» ou «race» sont rarement utilisés pour parler des différents groupes ethniques vietnamiens. Les expressions «peuples des villes» ou «peuples des montagnes» ou encore «nationalités sœurs» sont plus courantes. La Constitution de 1992 définit la politique vietnamienne dans le même esprit d'unité et de cohésion nationale.

Le représentant a indiqué que les communautés ethniques sont bien représentées dans les différentes institutions du gouvernement. Parmi les 450 députés de l'Assemblée nationale, 78, soit 15,6%, représentent des minorités ethniques. Au niveau local, les délégués aux Conseils du peuple dans les régions montagneuses représentent 45 à 55% du total.

M. Nguyen a affirmé que son gouvernement est conscient que pour favoriser l'élimination de la discrimination raciale, il faut garantir un meilleur niveau de développement aux groupes ethniques en leur appliquant un traitement préférentiel. En conséquence, le gouvernement a lancé une douzaine de programmes pour le développement sectoriel et pour l'élimination de la pauvreté dans les régions montagneuses où les groupes ethniques vivent majoritairement. Le «Programme 135» pour le développement socio-économique contient par exemple 1753 projets individuels concernant 30 provinces afin que des investissements soient faits pour, entre autres, améliorer la qualité de l'eau, les structures scolaires et développer l'infrastructure. Le «Programme 133» pour la réduction de la pauvreté fournit un soutien financier à 40 groupes ethniques dans 41 provinces afin qu'ils développent leur capacité de production agricole. Le représentant a ajouté que les objectifs du Gouvernement du Viet Nam pour les années 2000 sont l'extension de la couverture de la radio et de la télévision, l'amélioration du réseau de communication et l'élimination de maladies telles que la malaria et la lèpre.

Le représentant a déclaré que son gouvernement a accordé une attention particulière au maintien et à la promotion des héritages culturels des minorités ethniques par le biais de programmes d'éducation et de programmes de radio utilisant les principales langues des minorités et par la promotion d'échanges culturels entre les communautés ethniques.

Le rapport du Viet Nam (CERD/C/357/Add.2) réunit en seul document les sixième, septième, huitième et neuvième rapports périodiques. Il indique que, d'après le recensement de 1999, le pays compte 77 millions d'habitants, dont plus de 20% vivent dans les zones urbaines. Le Viet Nam est une nation unifiée comprenant 54 communautés ethniques, la majorité vietnamienne (les Kinhs) représentant environ 87% de la population et vit essentiellement dans les plaines. Les communautés ethniques, en revanche, vivent pour la plupart dans les zones montagneuses et les hauts plateaux. Plus des trois quarts de la population vietnamienne sont employés à des tâches agricoles.

Le rapport indique que, depuis 1986, le Viet Nam a entrepris un processus de réforme et de rénovations générales, l'objectif d'ensemble étant de faire passer son économie planifiée à une économie de marché multisectorielle, réglementé par l'État selon une orientation socialiste. En 1991, le gouvernement a adopté le «Plan stratégique pour la stabilisation et le développement socioéconomique jusqu'en l'an 2000» qui permet actuellement au pays de sortir de la crise socioéconomique.

Le rapport indique en outre que la discrimination raciale n'existe pas dans le pays. Tous les groupes ethniques coexistent pacifiquement depuis toujours, sans conflits raciaux ni discrimination. Tous bénéficient des mêmes droits dans tous les domaines quels que soient leur importance, leur langue, leur culture, leur histoire ou leur niveau de développement. La politique ethnique du pays vise à combler l'écart économique, culturel et sociale, entre les différents groupes ethniques, et entre eux et le reste de la population, et à aider les zones montagneuses à rattraper les zones du delta de manière à ce que tous les groupes puissent bénéficier du développement général. Deux institutions sont responsables de cette politique: le Conseil des nationalités qui est l'organe suprême chargé des questions ethniques et le Comité chargé des régions montagneuses et des minorités ethniques.

Examen du rapport du Viet Nam

Mme Patricia Nozipho January-Bardill, experte du Comité chargée de l'examen du rapport du Viet Nam, a souligné l'amélioration de la qualité du rapport soumis par le Viet Nam, en comparaison avec le dernier rapport examiné en 1993. Elle s'est félicitée des efforts accomplis par le Viet Nam en matière de protection des droits de l'homme. Elle a toutefois relevé l'affirmation selon laquelle il n'y a pas de discrimination raciale dans ce pays. À cet égard, elle a invité le gouvernement à examiner de plus près la définition donnée par le Comité du terme de «discrimination raciale» et qu'il s'assure qu'elle n'existe sous aucune forme dans le pays. De plus, le fait même que des mécanismes aient été mis en place pour remédier aux déséquilibres en matière de développement socioéconomique entre les différentes régions du Viet Nam suggère qu'il existe des causes à ces différences.

Les experts ont regretté que les informations concernant la composition ethnique de la population soient insuffisantes. À cet égard, des statistiques précises devraient figurer dans le prochain rapport, qui feraient apparaître l'évolution du nombre de personnes rattachées aux différentes communautés ethniques. De plus, des précisions ont été demandées concernant la définition du terme de «minorité ethnique» selon le gouvernement du Viet Nam.

Mme January-Bardill a demandé si les habitants du Sud jouissent, depuis la fin de la guerre, des mêmes droits que les habitants du Nord. Elle a également demandé des informations concernant le statut et les droits des Vietnamiens originaires des États-Unis et des Vietnamiens d'origine française. Un autre expert s'est interrogé sur les mesures d'aide prises par le gouvernement afin de permettre le déplacement, dans de bonnes conditions, de populations vivant au centre du pays. À cet égard, un expert a mentionné des affrontements qui ont eu lieu en août 2000, entre des Kinhs venus s'installer dans les régions traditionnellement occupées par les Ede et 150 membres de cette minorité.

Prenant bonne note de la liste d'instruments juridiques mis en place pour la protection des droits des minorités Mme January-Bardill a toutefois regretté qu'aucun cas pratique ne soit présenté. De même, aucun cas de poursuite judiciaire pour discrimination raciale ne figure dans le rapport, malgré les recommandations précédentes du Comité. De manière générale, les experts ont estimé que le rapport du Viet Nam est par trop juridique et théorique et ne fournit pas d'exemples précis d'application des nombreuses dispositions législatives récemment adoptées par le gouvernement.

M. January-Bardill a souhaité connaître la réaction de la délégation concernant un certain nombre de problèmes qui ne sont pas mentionnés dans le rapport. Ainsi, plusieurs organisations non gouvernementales font état de non-respect de la liberté religieuse de certains groupes ethniques. Par exemple, des groupes catholiques, évangélistes et bouddhistes ne pourraient pas exercer librement leur culte. Toujours selon ces informations, des religieux continueraient à être soumis à une surveillance et à être victimes de harcèlement. Le gouvernement maintiendrait un contrôle étroit sur les hiérarchies religieuses et les églises. Les groupes religieux seraient obligatoirement enregistrés et tenus d'obtenir des autorisations pour se réunir en séminaires et célébrer leur culte. L'organisation non gouvernementale Amnesty International rapporte en particulier le cas du Patriarche de l'église bouddhique unifiée du Viet Nam qui aurait été placé en résidence surveillée dans son monastère pour avoir tenté de porter secours à des victimes des inondations du delta du Mékong. Les experts ont souhaité recevoir des informations concernant ces problèmes.

Selon certaines sources, le Comité chargé des régions montagneuses et des minorités ethniques ferait preuve de partialité, a noté Mme January-Bardill. Des allégations de corruption ont également été mentionnées. En outre, un expert a demandé des informations complémentaires concernant la composition du Comité et la manière dont ses membres sont choisis. Des exemples pratiques de ses activités devraient également être communiqués au Comité.

M. January-Bardill a également fait allusion aux mauvais traitements qui seraient infligés à des réfugiés en provenance du Cambodge. Un expert a rappelé que le Comité avait demandé, lors de son dernier examen du rapport du Viet Nam en 1993, des informations sur la situation des réfugiés résidant sur le territoire vietnamien en général, ainsi que sur les communautés vietnamiennes à l'étranger. Un autre expert a indiqué que 110 000 réfugiés sont entrés au Viet Nam jusqu'en 2000. À cet égard, il a souhaité connaître l'appartenance ethnique de ces réfugiés et les mesures mises en œuvre par le gouvernement pour leur porter assistance. Le gouvernement pense-t-il leur permettre l'accès à la citoyenneté? Les possibilités de rapatriement offertes à ces réfugiés ont également fait l'objet de questions.

Plusieurs experts ont exprimé leur préoccupation concernant des informations venant d'organisations non gouvernementales portant sur des cas de stérilisation forcée de femmes appartenant à des minorités ethniques. La situation des femmes et des enfants, de manière générale, a suscité des questions de la part des experts, qui ont notamment indiqué que des cas de travail forcé et de prostitution des enfants. De plus, un trafic d'enfants à des fins d'adoption au niveau international semble exister au Viet Nam. Des informations ont également été souhaitées en ce qui concerne la situation souvent difficile des enfants d'origine mixte, ceux dont un des parents est originaire des États-Unis notamment. Un expert a soulevé la question des Vietnamiens qui ont collaboré avec la force occupante et qui souhaitent retourner vivre au Viet Nam. Le gouvernement pose-t-il des obstacles à ceux qui sont partis et qui veulent récupérer leurs biens et leur place dans la société, a-t-il demandé.



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