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Communiqués de presse Procédures spéciales

LE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE RACISME S'ADRESSE AU COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

01 Mars 2004


01.03.2004


Le Rapporteur rend compte au Comité de sa mission au Guyana




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a tenu, ce matin, un bref échange de vues avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. M. Doudou Diène a notamment rendu compte de la visite qu'il a effectuée en juillet 2003 au Guyana, ainsi que des questions sur lesquelles il compte porter son attention dans ses travaux futurs, en particulier le système des castes, le racisme et la discrimination dans les sports, et des cas particuliers urgents. Il a également informé le Comité du rapport qu'il présentera dans deux semaines à la Commission des droits de l'homme et portant notamment sur la situation des musulmans dans le monde.

S'agissant du Guyana, le Rapporteur spécial a rappelé que la raison fondamentale de sa décision de visiter ce pays était la polarisation ethnique et raciale extrêmement lourde dans ce pays. Les partis politiques sont structurés autour des ethnies et l'appareil d'État est profondément marqué par la dimension ethnique, a souligné le Rapporteur spécial. Il s'agit donc d'un cas extrêmement dangereux d'une société qui, 30 ans après son indépendance, connaît encore une forte polarisation, laquelle se traduit par la violence politique d'institutions de l'État qui oppriment certaines communautés. Cette polarisation se traduit en outre dans la structure même de l'habitat, a poursuivi M. Diène.

Le Rapporteur spécial a indiqué que les autorités guyanaises lui ont apporté une collaboration très positive et ouverte durant sa visite au Guyana. Il a notamment précisé que, dès son arrivée dans le pays, il a pu rencontrer le Président ainsi que tous les membres du Gouvernement et de l'appareil d'État avec lesquels il a souhaité s'entretenir. M. Diène a affirmé être en mesure de dire, à l'issue de cette visite, que la polarisation ethnique et raciale est encore lourde au Guyana, ce que chacun s'accorde d'ailleurs à reconnaître. Le Rapporteur spécial a toutefois souligné que sa visite à coïncidé avec un début de processus de traitement politique de cette polarisation. En effet, les dirigeants politiques de tous bords ont publié un communiqué conjoint dans lequel ils affirment leur volonté de faire face à cette situation, a précisé M. Diène. Les dirigeants politiques, de l'opposition comme du pouvoir, ont en outre mis sur pied des comités parlementaires chargés d'examiner les questions fondamentales liées au racisme, a ajouté le Rapporteur spécial. Il y a donc un processus en cours au Guyana qui s'efforce de traiter les questions fondamentales de la société guyanaise. La société guyanaise, comme la plupart des sociétés du continent américain, est profondément marquée par la culture discriminatoire et raciste, a poursuivi le Rapporteur spécial. Il s'agit en effet de sociétés fondées sur le pilier de l'esclavage et de la discrimination; un pilier idéologique consistant à dire que ceux qui ont été réduits en esclavage l'ont été parce qu'ils appartenaient à des races inférieures. Les partis politiques, y compris les plus progressistes d'entre eux, se sont servis de la polarisation ethnique pour constituer une clientèle et donc un pouvoir, a expliqué le Rapporteur spécial. Prenant acte du mouvement politique en cours, M. Diène a indiqué qu'il souhaitait lui apporter son soutien. Il faut que ce pays recouvre son identité multiethnique et que le nécessaire soit fait pour introduire la multiplicité ethnique dans des structures par trop mono-ethniques, a-t-il insisté. Il faut que la société guyanaise passe d'un multi-ethnisme de fait à un multi-ethnisme volontariste, ce qui passe par la connaissance réciproque des communautés qui s'y côtoient.

En conclusion, M. Diène a affirmé que le Guyana est une société qui est peut-être en train de trouver une réponse à ses propres problèmes. À la Trinité-et-Tobago, a-t-il ajouté, la polarisation ethnique est moins forte qu'au Guyana; à cet égard, il ne faut pas sous-estimer l'attitude de la population elle-même, qui, à la Trinité-et-Tobago, a décidé de créer une dynamique pour «vivre ensemble», de sorte que la société trinidadienne est profondément métissée.

S'agissant des questions qu'il compte examiner dans ses travaux futurs, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il comptait porter son attention en particulier sur la question des castes, «une forme de discrimination profondément lourde et injuste», ainsi que sur la question du racisme et de la discrimination dans le sport. Il a également indiqué qu'il entendait traiter de cas urgents comme celui de la Fédération de Russie où toutes les informations indiquent qu'il existe une discrimination grave et violente, dont témoigne le cas de l'étudiant africain battu à mort la semaine dernière, à Moscou.

M. Diène a d'autre part affirmé que, depuis le 11 septembre 2001, la discrimination devient une question plus sensible. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, des politiques ont été adoptées qui négligent ou violent les droits de l'homme ou ne respectent pas leur primauté, a-t-il déclaré. Il a indiqué que son rapport de cette année sur la situation des musulmans dans le monde sera disponible dans deux semaines. Malgré l'existence d'instruments internationaux efficaces tels que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, on assiste de plus en plus, partout à travers le monde, à une exploitation des facteurs ethniques et raciaux comme plate-forme politique, a affirmé le Rapporteur spécial, qui a ajouté que les partis qui procèdent à de telles manipulations parviennent souvent à structurer l'agenda politique dans les pays concernés, a-t-il déploré.

M. Doudou Diène a rappelé l'importance de faire en sorte que la complémentarité entre le Comité et son propre mandat se traduise en actes. Il a rappelé qu'au cours de ces derniers mois, il a visité le Guyana, la Trinité-et-Tobago, le Canada, la Colombie et la Côte d'Ivoire et qu'à chaque fois, il s'est appuyé sur les observations et recommandations qu'avait déjà émises le Comité concernant ces pays.


Aborder la problématique du racisme et de la xénophobie exige d'adopter une double stratégie, qui soit à la fois politique et juridique, a rappelé M. Diène. Mais il faut également y adjoindre, désormais, une stratégie intellectuelle et éthique. En effet, a poursuivi M. Diène, en matière de combat contre le racisme, on constate que, dans beaucoup de pays qui ont connu la discrimination en tant que système et dans lesquels des mesures ont été prises contre le racisme, en profondeur, les racines n'ont pas été touchées par ces mesures, de sorte que l'on assiste dans ces pays à la résurgence d'actes de racisme et de discrimination. En témoigne le cas de l'Afrique du Sud où un joueur de l'équipe nationale de rugby a refusé de partager une chambre d'hôtel avec l'un de ses coéquipiers noirs et où récemment, des fermiers blancs ont jeté un ouvrier noir dans une cage à lions.

À l'instar du Président du Comité, M. Mario Jorge Yutzis, plusieurs experts ont jugé indispensable la complémentarité que le Rapporteur spécial se propose de développer entre son mandat et celui du Comité. De tels rendez-vous du Comité avec le Rapporteur spécial sont d'autant plus importants que ce dernier se rend davantage sur le terrain que les membres du Comité, a-t-il été souligné. Un expert a souligné l'importance qu'il y a, en matière de lutte contre le racisme, à mettre l'accent sur le rôle des partis politiques, des religions, des médias et du secteur privé - autant de forces qui influencent grandement les esprits en matière de discrimination raciale et ethnique.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, un débat thématique sur les non-citoyens et la discrimination raciale.

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