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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA LIBYE

03 Mars 2004

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale 3 mars 2004



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Libye sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Dans ses observations préliminaires, le rapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, M. Raghavan Vasudevan Pillai, a relevé que la Libye affirme qu'il n'y a pas de discrimination raciale dans le pays et a souligné que le Comité éprouve des difficultés à accepter une telle affirmation de la part de quelque pays que ce soit. M. Pillai a par ailleurs souhaité que la Libye fournisse des informations sur les suites données aux incidents qui avaient abouti à l'expulsion de nombreux Noirs de Libye. M. Pillai a par ailleurs déclaré que le rapport de la Libye constitue une nette amélioration par rapport au précédent.

Dans une brève déclaration liminaire, M. Mahmud Abuseif, membre du Département chargé des Nations Unies au Comité général du peuple pour les relations et la coopération internationales de la Libye, a rappelé que le pays a été un pionnier pour ce qui est de prendre des mesures pour lutter contre toutes les formes de discrimination.

La délégation libyenne était également composée de représentants du Comité général du peuple pour les relations et la coopération internationale et du Comité général du peuple pour la sécurité et la justice. Elle a répondu aux questions soulevées par les experts s'agissant notamment de la situation des travailleurs migrants; de la question de l'héritage pour les non-musulmans; de la situation des Berbères. À cet égard, la délégation a expliqué que personne ne parle de minorité berbère dans la société libyenne. La société libyenne est une société musulmane et homogène dont les Berbères font partie et dans laquelle ils sont intégrés, a-t-elle insisté.

Le Comité présentera ultérieurement, avant la fin de la présente session, ses observations finales sur le rapport libyen.


Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen des quatorzième à seizième rapports périodiques du Liban (CERD/C/383/Add.2).

Présentation du rapport la Libye

Présentant brièvement le rapport de son pays, M. MAHMUD ABUSEIF, du Département des Nations Unies au Comité général du peuple pour les relations et la coopération internationales de la Libye, a souligné que la Convention se fonde sur les principes de dignité et d'égalité entre les hommes et traduit donc le principe fondamental de la Déclaration universelle des droits de l'homme selon lequel les hommes naissent égaux en droit. Il a rappelé que la Libye a été un pays pionnier pour ce qui est de prendre des mesures pour lutter contre toutes les formes de discrimination.

Le rapport de la Jamahiriya arabe libyenne (CERD/C/431/Add.5), qui contient en un seul document les quinzième à dix-septième rapports périodiques du pays, souligne que les Libyens, qui sont tous de même origine raciale, professent l'islam et parlent l'arabe. Leur nombre a plus que quadruplé en moins de 40 ans pour atteindre 4 389 739 lors du recensement de 1995. La population non libyenne, qui est venue vivre et travailler en Libye, a augmenté, passant d'environ 47 000 personnes en 1954 à quelque 412 000 en 1984. Lors du recensement de 1995, le pays comptait 409 326 non-Libyens, soit 8,53% de la population totale. Cela étant, le nombre effectif de non-Libyens vivant dans le pays pourrait être supérieur à ce chiffre, car de nombreux non-Libyens qui ne sont pas résidents permanents effectuent en Libye des séjours de courte durée allant d'une semaine à six mois. Enfin, certains entrent dans le pays autrement que par les points d'entrée officiels et y vivent clandestinement. On ne dispose pas de données exactes et fiables sur ces personnes, précise le rapport. Les travailleurs migrants qui entrent en Libye légalement ou avec des visas d'entrée valides, ou qui bénéficient de contrats de travail conclu conformément à la législation sur les travailleurs migrants, jouissent de tous les droits accordés à leurs homologues libyens, y compris, en particulier, le droit à une assurance santé et à la sécurité sociale, les droits en matière de licenciement, le droit à des congés et le droit à l'éducation pour leurs enfants.

Les migrants qui entrent dans le pays clandestinement ou y entrent légalement mais n'ont pas le droit, aux termes de leur visa d'entrée ou des accords applicables, de travailler ou de résider en Libye ou ceux qui occupent un emploi occasionnel, saisonnier ou autre, sont soumis à la législation relative au séjour des étrangers. L'expulsion de ces personnes se fait en coordination avec les États concernés, en particulier en cas de menace à l'ordre public ou à la santé publique, et conformément aux lois en vigueur, dans le respect de la dignité de la personne expulsée et de ses droits en vertu des lois applicables et des dispositions des accords bilatéraux, régionaux et internationaux. Ces accords s'appliquent également lors de conflits du travail ou lorsque des étrangers ne respectent pas les valeurs, coutumes, traditions et mœurs locales sur leur lieu de vie ou de travail. On ne saurait considérer cette attitude comme une manifestation de xénophobie ou d'intolérance à l'égard des étrangers ni en faire une question politique ou raciste, souligne le rapport.

On peut affirmer catégoriquement qu'il n'y a aucune discrimination raciale de quelque sorte que ce soit en Libye, affirme le rapport. Il n'existe aucune communauté religieuse ou ethnique définie par sa religion, sa race, sa langue, son sexe, sa couleur de peau ou ses affiliations politiques, ces éléments étant essentiels pour l'apparition du phénomène de discrimination raciale, précise-t-il. Le fait que tous les citoyens libyens aient la même origine, la même religion et la même langue a sans aucun doute contribué de manière déterminante à l'absence de discrimination raciale dans le pays, insiste-t-il.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport libyen, M. Raghavan Vasudevan Pillai, a déclaré que le rapport de la Libye constitue une nette amélioration sur le précédent. Il a fait observer que la Libye a déjà ratifié les six principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et s'apprêterait à ratifier le septième, à savoir la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants. M. Pillai a par ailleurs relevé que la Libye ne ménage aucun effort pour cesser de compter uniquement sur le pétrole comme source de revenus.

M. Pillai a néanmoins estimé qu'aucun pays au monde ne peut prétendre, comme le fait la Libye dans son rapport, qu'il n'y a aucune discrimination raciale de quelque sorte que ce soit sur son territoire. L'expert a rappelé qu'en vertu des directives générales du Comité relatives à la présentation des rapports des États parties, il est important que des informations soient fournies sur la composition ethnique de la population. Rappelant que les incidents qui se sont produits dans le pays en septembre 2000 avaient notamment abouti à l'expulsion de nombreux Noirs de Libye, M. Pillai s'est enquis de la suite donnée à ces événements, en particulier en ce qui concerne les travaux du comité qui avait été mis en place par les autorités afin d'enquêter sur ces incidents. Les victimes de ces événements ont-elles été dédommagées, a-t-il également demandé?

M. Pillai a demandé s'il y avait des cas, dont pourrait rendre compte la délégation, où la Convention aurait été directement invoquée devant les tribunaux libyens et où ses dispositions auraient primé sur celles du droit interne. L'expert a en outre demandé des précisions sur la manière dont la Libye aborde la protection des droits de chacun, qu'il s'agisse de ressortissants ou de non-ressortissants. Relevant que l'article 206 du Code pénal prévoit des peines contre ceux qui militent en faveur de groupements ou associations interdits par la loi, M. Pillai a souhaité savoir comment les autorités définissent de tels groupements ou associations.

M. Pillai a par ailleurs relevé que le Comité des droits de l'enfant avait reçu de la Libye une information selon laquelle était examinée la possibilité d'une règle permettant à une mère libyenne de transmettre la nationalité à ses enfants quelle que soit la nationalité de son mari. Qu'en est-il actuellement?

M. Pillai s'est inquiété des informations faisant état de décès de migrants africains dans le désert de Libye ou en mer Méditerranée alors qu'ils cherchaient à traverser la Libye ou transitaient par ce pays pour se rendre en Europe.

À l'instar de M. Pillai, un membre du Comité a attiré l'attention de la délégation sur le rapport publié en 2001 par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme qui avait dénoncé les persécutions dont avaient fait l'objet, dans le contexte des événements de septembre 2000, des habitants noirs, victimes d'atteintes à leurs droits fondamentaux.

Un autre expert a relevé, dans le rapport libyen, plusieurs points positifs, au nombre desquels figurent la primauté des instruments internationaux sur le droit interne; les efforts déployés afin de diffuser la Convention auprès du public; ainsi que les efforts accomplis pour promouvoir les droits des femmes dans le pays.

Néanmoins, comme l'ont relevé la plupart des membres du Comité, l'assertion selon laquelle il n'y a pas de discrimination raciale en Libye doit être accueillie avec la plus grande réserve car aucune société n'est à l'abri de phénomènes de discrimination raciale ou ethnique, a poursuivi cet expert. Et même s'il s'avérait qu'aucune forme discrimination ne soit à déplorer en l'état actuel des choses, il appartient à l'État de se doter d'une législation pour prévenir toute discrimination et tout acte de racisme, a rappelé l'expert. Ce même membre du Comité a par ailleurs attiré l'attention sur l'absence, en Libye, de dispositions législatives visant spécifiquement la discrimination raciale ou ethnique, les dispositions des articles 206 et 207 du Code pénal libyen étant à cet égard trop générales. Cet expert a par ailleurs fait état d'informations selon lesquelles les travailleurs migrants, en particulier les travailleurs migrants noirs, rencontreraient des difficultés en Libye. Il a en outre évoqué la situation des populations berbères de Libye en soulignant qu'une organisation non gouvernementale, Tamazgha, insiste pour que la langue berbère tamazigh soit reconnue comme langue nationale.

Un autre membre du Comité s'est enquis du statut des Berbères en Libye. Dans quelle mesure peuvent-il professer librement leurs religions, a-t-il souhaité savoir?

Plusieurs experts ont déploré le manque d'informations dans le rapport en ce qui concerne les groupes berbère, touareg et noir. Un expert a souhaité savoir si le Gouvernement conteste l'existence même de ces groupes.

Un expert a souhaité savoir comment les immigrants illégaux sont traités en Libye avant leur expulsion du pays. Il a également voulu savoir quel pourcentage de la population libyenne ne professe pas l'islam. Une personne doit-elle professer l'islam pour pouvoir prétendre à un emploi dans la fonction publique, a demandé cet expert?

Un membre du Comité a souhaité savoir si la Libye a signé la Convention de 1951 sur les réfugiés et s'est enquis des dispositions qui s'appliquent aux quelque 30 000 réfugiés palestiniens et quelques milliers de réfugiés somaliens que compte la Libye.


La délégation a réitéré que la discrimination raciale, pour quelque motif que ce soit, est quelque chose qui n'existe pas en Libye. Le cas échéant, les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale l'emporteraient sur les dispositions du droit interne, a par ailleurs indiqué la délégation. Il ne saurait donc y avoir de conflit entre la Convention et la législation nationale, a-t-elle expliqué. C'est également ce qui explique qu'il n'ait pas été nécessaire d'adopter une législation spécifique pour appliquer la Convention dans le pays.

En réponse aux questions relatives à la situation des Berbères, la délégation a rappelé que l'origine des berbères est celle d'une population arabe qui a émigré du Yémen vers l'Afrique du Nord avant même l'apparition de l'islam. Personne ne parle de minorité berbère dans la société libyenne, a poursuivi la délégation. La société libyenne est une société musulmane et homogène dont les Berbères font partie et dans laquelle ils sont intégrés, a-t-elle insisté. Aucun berbère n'a jamais demandé la création d'établissements scolaires spécifiques enseignant dans la langue berbère, a par ailleurs assuré la délégation. Ce qui vaut pour les Berbères vaut pour les Touaregs qui vivent dans le Sud du pays, a ajouté la délégation. Il existe peut-être un problème berbère dans d'autres pays, mais en tout cas pas en Libye, a assuré la délégation. Monter cette question en épingle pourrait relever d'un objectif politique visant à balkaniser la situation dans le pays, a-t-elle estimé.

Les Berbères, tout comme les Touaregs d'ailleurs, ne sont pas des étrangers ni des minorités et sont pleinement intégrés dans la société libyenne, a insisté la délégation.

La délégation a par ailleurs affirmé que les Palestiniens ne sont pas des réfugiés. Ils ont leur État et vont y retourner, a-t-elle déclaré.

En ce qui concerne les conditions de séjour des étrangers, la délégation a notamment souligné que la Libye fait partie des États qui ont adopté la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. S'agissant du cas de cinq ressortissants de la Sierra Leone, la délégation a rappelé que la Libye avait déjà fourni toutes les explications nécessaires à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

La délégation a par ailleurs expliqué que la loi sur les associations syndicales et professionnelles ainsi que la loi sur les organisations non gouvernementales définissent le cadre juridique applicable à toute association ou syndicat qui souhaite faire entendre son opinion et défendre ses droits.

La délégation a en outre souligné qu'une série d'accords bilatéraux ont été signés avec de nombreux pays afin d'organiser et de garantir les droits des travailleurs migrants. Divers organes ont compétence pour traiter des infractions et plaintes concernant ces droits, a précisé la délégation. Des plaintes sont actuellement examinées par les tribunaux, a ajouté la délégation, comme en témoigne l'affaire des travailleurs africains qui fait actuellement l'objet d'un appel.

Pour ce qui est de la manière dont est gérée la question de l'héritage pour les non musulmans, la délégation a indiqué que le Code civil contient des dispositions contraignantes en la matière.


Tout en se félicitant de la volonté de dialogue et de l'esprit de coopération manifestés par la Libye, en particulier depuis que ce pays a présidé la Commission des droits de l'homme, en 2003, un expert a souhaité savoir ce qu'il est advenu de l'intention du Gouvernement libyen, dont le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme s'était fait l'écho, de créer un comité pour enquêter sur les incidents de xénophobie rapportés à l'encontre des travailleurs migrants.

Un autre expert a insisté pour en savoir davantage sur la situation des Berbères, Palestiniens et Noirs africains vivant en Libye. Dans quelle mesure ces personnes sont-elles représentées dans la société libyenne en général, notamment dans la fonction publique, a demandé cet expert?


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur le rapport libyen, le rapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, M. Raghavan Vasudevan Pillai, s'est réjoui de l'esprit de coopération et de poursuite du dialogue dont témoigne la discussion entre les experts et la délégation. Relevant que l'affirmation relative à l'absence de discrimination raciale en Libye a été réitérée par la délégation, il a souligné que le Comité a toujours eu du mal à accepter une telle assertion pour quelque pays que ce soit. M. Pillai a par ailleurs expliqué que le Comité ne cherche pas seulement à déceler, dans les États parties dont elle examine la situation, une discrimination raciale systémique mais aussi toute discrimination sporadique qui pourrait exister. M. Pillai a par ailleurs souhaité que la Libye fournisse des informations sur la manière dont a travaillé le comité qui avait été créé afin d'enquêter sur les incidents qui s'étaient produits dans le pays en 2000.


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