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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA MAURITANIE

09 août 2004



9 août 2004


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, vendredi après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Mauritanie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Mme Fatimata-Binta Victoire Dah, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie, a pris acte de l'engagement du Gouvernement mauritanien à éradiquer toutes les séquelles de l'esclavage. Elle a relevé que l'absence de statistiques sur la composition ethnique de la population empêche le Comité de prendre la pleine mesure de la discrimination liée à l'ascendance, alors qu'elle semble constituer en Mauritanie la principale forme de discrimination au sens de la Convention. Au cours du débat, la Mauritanie a été invitée à revoir sa législation en vue notamment de reprendre dans un seul texte une définition de la discrimination raciale conforme à la définition de la Convention, de compléter son code pénal pour criminaliser la discrimination raciale en général et celle fondée sur l'ascendance en particulier, de réserver un traitement particulier aux groupes les plus vulnérables, surtout les femmes et les enfants. Tout en félicitant la Mauritanie pour les efforts déployés dans les domaines législatifs, économique, social et culturel, Mme Dah a attiré l'attention sur la nécessité de crédibiliser ces efforts en sanctionnant tout manquement aux règles de non-discrimination et en renforçant son action en faveur de toutes les composantes de sa population.

Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation mauritanienne, M. Hamadi Ould Meimou, Commissaire aux droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté et à l'insertion, a souligné que la consolidation de la démocratie, l'affermissement de l'État de droit, la lutte contre l'ignorance, la pauvreté et le chômage et l'amélioration constante du niveau de vie des populations ont été au cœur de l'activité gouvernementale durant les quatre années écoulées depuis la présentation du rapport initial de la Mauritanie. Le Gouvernement a renforcé le cadre d'application des droits de l'homme par la révision, l'adoption et la promulgation de différentes lois visant à améliorer le fonctionnement de la démocratie, à intégrer davantage les couches les plus vulnérables, à promouvoir les droits de la femme, à protéger l'enfant et à assurer la participation de la société civile aux efforts de développement du pays.
En ce qui concerne la survivance de pratiques esclavagistes et de discriminations contre les descendants d'esclaves, la délégation a répondu qu'il n'y a plus de pratiques esclavagistes ou discriminatoires à l'endroit des descendants d'esclaves, les «Haratines», qui sont aujourd'hui ministres, hommes d'affaires, universitaires, commerçants, ouvriers, chômeurs, analphabètes ou pauvres, tout comme les autres personnes issues des anciennes couches sociales. Au fil des ans, des mécanismes visant à corriger les inégalités sociales ont été mis en place qui ont profité en priorité aux régions où vivaient essentiellement des descendants d'esclaves. L'absence de statistiques à cet égard s'explique par le fait que le recensement ne se fait pas sur la base des anciennes origines sociales. La délégation a mis en avant les transformations profondes des mentalités depuis 1984, notamment grâce aux progrès économiques et sociaux. La soi-disant question de l'esclavage ne préoccupe plus personne en Mauritanie, hormis une poignée d'activistes qui en ont fait un fonds de commerce politique, et certains «auto-exilés» qui cherchent des alibis pour justifier des demandes indues du statut de réfugié dans les pays occidentaux, a affirmé la délégation.

La délégation de la Mauritanie était également composée d'autres représentants du Commissariat aux droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté et à l'insertion, ainsi que de la Présidence de la République et du Ministère des affaires étrangères.

Le Comité présentera ultérieurement, d'ici la fin de la session, le 20 août prochain, ses observations finales sur le rapport mauritanien.

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique de la Slovaquie (CERD/C/419/Add.2).


Présentation du rapport périodique de la Mauritanie

M. HAMADI OULD MEIMOU, Commissaire aux droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté et à l'insertion et chef de la délégation de la Mauritanie, a présenté les sixième et septième rapports périodiques de la Mauritanie en soulignant l'intérêt extrême que son pays accorde à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à ses principes de dignité et d'égalité, qui trouvent également leur légitimité dans les préceptes de l'Islam. Le rapport présente les dispositions juridiques pertinentes et les progrès accomplis dans les domaines politique, économique, social et culturels de la Mauritanie depuis 1999, qui se caractérisent par une situation politique stable et pacifique, une ouverture et un pluralisme qui témoignent de la vitalité de la démocratie mauritanienne. En particulier, les réformes menées dans le secteur de la justice ont donné des résultats significatifs et les efforts de formation et de perfectionnement des magistrats, greffiers et auxiliaires de justice se poursuivent.

Durant les quatre dernières années, le Gouvernement a renforcé le cadre d'application des droits de l'homme par la révision, l'adoption et la promulgation de différentes lois visant à améliorer le fonctionnement de la démocratie, à intégrer davantage les couches les plus vulnérables, à promouvoir les droits de la femme, à protéger l'enfant et à assurer la participation de la société civile aux efforts de développement du pays. À cet égard, le chef de la délégation a notamment cité le code sur le statut personnel, la loi sur la traite des personnes, la loi rendant obligatoire la scolarisation des enfants jusqu'à 14 ans et le nouveau code du travail qui prévoit des sanctions sévères contre le travail forcé. Des projets de lois consacrant l'égalité et la non-discrimination sont également à l'examen, notamment en ce qui concerne l'aide juridictionnelle pour les populations les plus démunies et l'adoption d'un code pénal et d'un code de procédure pénale pour mineurs. Ces progrès politiques et juridiques ont été accompagnés d'un renouveau culturel axé que l'acquisition du savoir. Des efforts sont déployés pour combattre l'ignorance et l'analphabétisme et toutes les énergies sont mobilisées pour éradiquer ce fléau en complément de la politique d'éducation de base qui vise à généraliser l'enseignement et à assurer une formation appropriée à chaque enfant mauritanien. Le projet de sauvegarde et de valorisation du patrimoine vise à faire connaître le patrimoine mauritanien dans sa diversité et à assurer sa promotion et sa protection.

M. Ould Meimou a mis l'accent sur les efforts menés par son pays en matière de promotion de la femme, qui ont porté sur la lutte contre l'ignorance et la pauvreté, la formation professionnelle, la promotion des droits de la femme et de l'enfant et la protection de la famille. La lutte contre la pauvreté constitue la pierre angulaire de la politique de développement de la Mauritanie, qui a adopté un cadre stratégique visant à améliorer constamment les conditions de vie des populations, à réduire les inégalités et à renforcer la cohésion et la solidarité nationale. Le rapport présente certains des mécanismes mis en place pour exécuter les ambitieux programmes de développement et qui illustrent bien la volonté d'éradiquer la pauvreté, a indiqué M. Ould Meimou, qui a souligné que les actions prises ont bénéficié à tous les Mauritaniens sans distinction aucune et dans toutes les régions. La consolidation de la démocratie, l'affermissement de l'État de droit, la lutte contre l'ignorance, la pauvreté et le chômage, l'amélioration constante du niveau de vie des populations ont été au cœur de l'activité gouvernementale durant les quatre années écoulées depuis la présentation du rapport initial de la Mauritanie, a-t-il souligné, affirmant que l'ambition de la Mauritanie est de préserver et consolider ces importants acquis.

Le rapport de la Mauritanie (CERD/C/421/Add.1) qui réunit en un seul document les sixième et septième rapports périodiques, n'aborde pas le cadre général de présentation ainsi que le cadre juridique qui ont été largement développés dans le rapport initial de 1998. Il fournit des données socioéconomiques récentes issues en particulier du recensement de 2000 et détaille la mise en œuvre de la Convention article par article. Le rapport conclut que la République islamique de Mauritanie a mis en place des mécanismes propices à une meilleure promotion des droits de l'homme et à même de combattre toute forme de discrimination raciale. Les réformes juridiques entreprises, la mise en œuvre d'ambitieux programmes économiques, sociaux et culturels et le renforcement des infrastructures de base participent d'un même effort visant à assurer le progrès économique et social de tous les Mauritaniens, sans distinction aucune.


Examen du rapport de la Mauritanie

M. BAMARIAM KOITA, Directeur général de la promotion des droits de l'homme au Commissariat aux droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté et à l'insertion de la Mauritanie, a présenté les réponses de son gouvernement aux questions écrites adressées par M. Fatimata-Binta Victoire Dah, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie. Il a notamment indiqué que la législation mauritanienne contient des dispositions qui donnent une définition de la notion de discrimination raciale conforme à la Convention et que l'État assure à tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe ou de condition sociale, l'égalité devant la loi. Toute propagande particulariste de caractère ethnique ou racial est punie par la loi et plusieurs dispositions législatives et réglementaires prévoient et sanctionnent la discrimination raciale. M. Koita a donné des indications sur la composition de la population selon le dernier recensement de 2000, indiquant que des questions ayant trait à l'appartenance ethnique, linguistique ou autres ne sont pas posées pour des impératifs d'édification d'une nation unie. Il a fait remarquer que la sédentarisation très rapide de la population et son accroissement dans les zones urbaines ont accéléré les mutations de la société mauritanienne.

M. Koita a indiqué que des mesures administratives d'interdiction ont été prises à l'encontre de journaux à la suite de la publication d'articles xénophobes et, de façon générale, que cette question fait l'objet d'une attention particulière de l'administration, qui veille à la bonne harmonie entre les différentes composantes nationales. Il a en outre fait valoir que les partis politiques ne peuvent s'identifier à une race, à une ethnie, à une région ou à une confrérie et doivent s'interdire toute propagande de caractère ethnique ou racial, cette disposition visant à combattre tous les particularismes et à consolider l'unité nationale. À cet égard, il a cité l'exemple de deux partis politiques qui ont été dissous pour avoir développé un discours incitant à la haine raciale.

En réponse à une question sur les groupes bénéficiant des mesures de protection des droits de l'homme, M. Koita a indiqué que ces mesures ciblent particulièrement les groupes vulnérables situés dans les régions les plus pauvres, et que ces groupes appartiennent à toutes les composantes nationales et à toutes les anciennes couches sociales. Il a rappelé dans ce contexte qu'un Mauritanien sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Les actions entreprises auprès des populations comportent plusieurs volets, y compris l'éducation aux droits de l'homme.

À une question portant sur la proportion de «Maures noirs» et de non-arabophones dans l'armée, la police et les autres institutions de l'État, M. Koita a d'abord précisé que les Maures noirs ne sont pas tous descendants d'esclaves mais qu'en tout état de cause, l'accès au service public est ouvert à tous les citoyens. Les Maures noirs et les non-arabophones sont présents dans l'armée, la police, l'administration, le gouvernement et toutes les autres institutions de l'État et ne font l'objet d'aucune exclusion de la vie nationale puisque les recrutements doivent se faire sur concours et que c'est la compétence qui guide l'administration. S'agissant des mariages mixtes, il a reconnu leur faible proportion par rapport aux mariages au sein d'une même ethnie ou d'une même tribu, expliquant cela par le poids des traditions, qui privilégient l'endogamie, plus que par des considérations d'ordre racial ou social. Avec les mutations sociales, un nombre de plus en plus important de Mauritaniens se marient en dehors de leur milieu d'origine et il n'y a jamais eu de problème de différenciation ou d'intégration des personnes métissées, qui sont plutôt considérés comme dotés de grandes qualités dans l'imaginaire mauritanien.

En ce qui concerne la survivance de pratiques esclavagistes et de discriminations contre les descendants d'esclaves, la délégation a répondu qu'il n'y a plus de pratiques «esclavagistes» ou «discriminatoires» à l'endroit des descendants d'esclaves, qui sont aujourd'hui ministres, hommes d'affaires, universitaires, commerçants, ouvriers, chômeurs, analphabètes ou pauvres, tout comme les personnes issues des anciennes couches sociales. La délégation a estimé que certaines organisations non gouvernementales tentent de transformer tout litige dont l'une des parties peut être rattachée de près ou de loin aux anciens esclaves en une manifestation d'esclavage, mais les pouvoirs publics ont toujours enquêté, de façon circonstanciée, sur ce genre d'allégations, a affirmé la délégation. En outre, le Gouvernement a mis en œuvre directement ou indirectement toutes les recommandations de M. Marc Bossuyt, expert de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme sur la question, et la délégation a assuré que la lutte contre les séquelles de l'esclavage est une priorité pour a Mauritanie. Au fil des ans, des mécanismes visant à corriger les inégalités sociales ont été mis en place qui ont profité en priorité aux lieux où vivaient essentiellement des descendants d'esclaves (Haratines). La délégation a ajouté que plusieurs cadres descendants d'esclaves ont joué un rôle de premier plan dans les politiques de développement économique et social et de promotion politique des Haratines. Elle a expliqué qu'il n'existe pas de statistiques sur la question car le recensement ne se fait pas sur la base des anciennes origines sociales. Elle a en outre fait valoir que les Haratines ne constituent pas une couche homogène et que ce sont leurs conditions économiques qui déterminent leur positionnement politique et social.

En réponse à une question sur le nombre de réfugiés mauritaniens noirs qui se trouvent encore au Mali et au Sénégal, la délégation a affirmé qu'aucun Mauritanien résidant à l'étranger ne peut être qualifié de «réfugié», que les frontières avec le Sénégal et le Mali sont ouvertes et qu'aucun obstacle n'empêche un citoyen mauritanien, où qu'il soit, de rentrer au pays. Elle a en outre précisé qu'il n'y a pas de «réfugiés mauritaniens noirs».



Par ailleurs, la délégation a affirmé que toutes les langues nationales, à savoir, l'arabe, qui est langue officielle, mais aussi le Pular, le Wolof et le Soninké, sont utilisées dans les médias publics, les différentes manifestations culturelles et les relations avec l'administration. Toutes les cultures nationales bénéficient sur un pied d'égalité de la politique de promotion du livre et de la lecture. En outre, la réforme du système éducatif de 1999 accorde un intérêt tout particulier au respect et à la promotion de la diversité linguistique et culturelle et a prévu la création d'un département chargé de l'enseignement des langues nationales au sein de la faculté de lettres.

M. Koita a indiqué que des campagnes de sensibilisation sont organisées régulièrement contre les mentalités rétrogrades et pour vulgariser les instruments relatifs aux droits de l'homme. S'agissant des efforts pour lutter contre ce que M. Bossuyt a appelé les séquelles de l'esclavage, il a mis en avant les transformations profondes des mentalités depuis 1984, avec le temps et le progrès économique et social. À cet égard, il a fait valoir que la soi-disant question de l'esclavage ne préoccupe plus personne en Mauritanie, hormis une poignée d'activistes qui en ont fait un fonds de commerce politique, et certains auto-exilés qui cherchent différents alibis pour justifier un statut de réfugiés indu dans les pays occidentaux.


Observations de la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie

MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie, s'est félicitée de l'évolution favorable de la Mauritanie dans un contexte de stabilité politique consolidée et de progrès économiques et sociaux appréciables. Pour ce qui est des exigences de la Convention, Mme Dah a relevé que le rapport obéit dans la forme aux exigences du Comité mais a regretté que l'absence ou l'ancienneté des renseignements sur la composition ethnolinguistique de la population. Elle a déploré que le rapport ne mentionne aucune définition de la discrimination raciale qui corresponde à la définition figurant dans la Convention et a estimé, dans la mesure où la législation nationale fait référence à la discrimination raciale dans plusieurs textes, qu'il serait utile de les réunir en un seul texte. Elle a par ailleurs déploré que la panoplie de textes incriminant l'incitation à la discrimination ou à la haine raciale ne soient que rarement mis en œuvre et qu'il n'y ait aucune information relative à des sanctions pénales et à des réparations. Le Comité pourrait inviter la Mauritanie à revoir sa législation dans le sens d'une incrimination dans le Code pénal de tels actes.

S'agissant des partis politiques interdits pour identification à une race, une ethnie, une région, une tribu, un sexe ou une confrérie, Mme Dah a estimé qu'il aurait été intéressant d'avoir des indications précises et détaillées quant aux partis non agréés sur l'une ou l'autre des bases précitées. Relevant les évolutions depuis 1998, Mme Dah s'est particulièrement félicitée de la signature d'un accord de coopération technique avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme pour l'élaboration d'un plan d'action national pour la promotion et la protection des droits de l'homme avec la participation de la société civile, ainsi que l'éligibilité de la Mauritanie à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. À ce titre, il serait intéressant de connaître l'impact de ce plan à court terme sur la réinsertion des diplômés au chômage, des personnes handicapées et des mendiants.

Mme Dah a réitéré que ni le Comité, ni elle-même en tant que rapporteur, ne mettent en doute l'assertion selon laquelle il n'y aurait plus d'esclavage en tant qu'institution en Mauritanie. En revanche, nombreuses sont les organisations non gouvernementales qui dénoncent des pratiques esclavagistes qui dénotent la faiblesse de l'administration en général et de l'administration de la justice en particulier, a observé Mme Dah. Elle a estimé qu'il y aurait lieu, dans un souci de bonne gouvernance, de «traquer» ces vestiges de pratiques d'un autre âge dans leurs manifestations où qu'elles perdurent sur son territoire et dans sa population. Elle a salué à ce propos l'adoption du code du statut personnel mais s'est interrogée sur les mesures transitoires qui feraient coexister les deux systèmes judiciaires - la juridiction traditionnelle des cadis et la justice moderne - car la plupart des cas invoqués par les organisations non gouvernementales se réfèrent à des exemples qui frisent le déni de justice, les deux juridictions se renvoyant la balle, en particulier en ce qui concerne le statut des personnes, les questions de succession et le droit à la propriété. Elle s'est également félicitée de l'adoption d'une loi sur l'interdiction de la traite des êtres humains, tout en s'interrogeant sur sa jurisprudence. Elle a par ailleurs réitéré la préoccupation du Comité face à la situation des réfugiés mauritaniens dans les pays voisins et les conditions de leur retour et de leur réinsertion.

Mme Dah a par ailleurs salué la performance de la Mauritanie qui a pratiquement atteint l'universalité dans ses efforts de scolarisation, y compris dans les zones les plus reculées et, en particulier, les efforts en matière de scolarisation des filles. Se félicitant en outre des efforts de sauvegarde du patrimoine culturel, elle a demandé ce qu'il en est de la culture et de la civilisation berbères.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation

La délégation mauritanienne a répondu aux questions des experts du Comité en réaffirmant la volonté de la Mauritanie d'aller de l'avant dans son dialogue avec le Comité afin d'améliorer constamment les conditions de vie des Mauritaniens et des Mauritaniennes. Elle a affirmé qu'il n'y a aucun obstacle à ce que la situation des droits de l'homme puisse s'améliorer sensiblement, notamment grâce aux efforts déployés sur le plan économique.

En ce qui concerne les séquelles psychologiques de l'esclavage, la délégation a réaffirmé la détermination du Gouvernement à combattre avec la dernière vigueur toutes les séquelles de l'esclavage. Elle a toutefois fait valoir que la Mauritanie n'existe que depuis 44 ans et que ces séquelles ne peuvent être éliminées en un jour. La Mauritanie avance chaque jour un peu plus vers le progrès, l'éradication du sous-développement, de la pauvreté, de l'analphabétisme et de l'ignorance, a indiqué la délégation, qui a souligné que tous ces efforts contribuent à éradiquer les mentalités rétrogrades et les séquelles de l'esclavage. C'est sur cette voie que le Gouvernement est engagé et il livre bataille sur tous les fronts, a-t-elle affirmé.

Plusieurs experts ont salué la volonté du Gouvernement de lutter contre les séquelles de l'esclavage et ses efforts pour s'attaquer aux soubassements de ces pratiques que sont l'ignorance, le sous-développement et les mentalités rétrogrades. Ils ont reconnu que le problème était davantage sociétal et culturel et que les efforts devaient porter sur la pédagogie et la sensibilisation en vue d'un changement des mentalités.

La délégation a fait valoir que les recettes actuellement mises en œuvre sont conformes à d'autres expériences similaires. L'esclavage est interdit par les lois et les règlements et n'existe plus en tant qu'institution comme cela a été reconnu dès 1986. Mais au-delà de cela, tous les mécanismes sont mis à l'œuvre pour en combattre les séquelles, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation avec l'aide des médias, des autorités religieuses et des organisations de la société civile.

La délégation a souligné les avancées significatives que représentent les nouvelles dispositions du code du travail pour lutter contre le travail forcé et la traite. Elle a en outre précisé que la loi de 2003 sur la traite des êtres humains prévoit le droit pour toute victime de porter plainte contre l'auteur d'une infraction ou de se constituer partie civile. En outre, l'aide juridictionnelle doit permettre aux victimes de faire valoir pleinement leur droit de recours.



En ce qui concerne des organisations non gouvernementales ayant une interprétation différente du Gouvernement au sujet des survivances esclavagistes et qui ne seraient pas reconnues, la délégation a indiqué que les décisions d'interdiction de ces organisations ont été prises en vertu des dispositions sur l'interdiction de la formation d'organisations sur une base ethnique ou raciale.

La délégation a également répondu à plusieurs questions relatives au statut de la femme, faisant valoir qu'avant même l'adoption du Code du statut personnel, qui est l'un des plus émancipateurs de la région, la femme mauritanienne a toujours été très dynamique et émancipée et qu'elle a toujours participé à la vie économique et politique du pays. Le Code du statut personnel n'a fait que réconcilier cet état de fait et le droit, a affirmé la délégation qui a fait remarquer que les organisations non gouvernementales sont dirigées majoritairement par des femmes, qu'il y a actuellement quatre femmes ministres et qu'une femme a été candidate pour la première fois à la magistrature suprême.

S'agissant des mutilations génitales féminines, qui restent très répandues dans certaines ethnies, des campagnes sont menées, notamment avec l'aide des associations et des ulémas, pour convaincre les populations de renoncer à ces pratiques traditionnelles néfastes qui n'ont rien à voir avec l'Islam et représentent un danger pour la santé des femmes et des jeunes filles, a indiqué la délégation. Pour ce qui est de la lutte contre le VIH/sida, tous les canaux de communication ont été mis à contribution pour éradiquer la pandémie dont le taux de prévalence est de moins de 1% en Mauritanie.

Répondant à un certain nombre de questions d'ordre juridique, la délégation a par ailleurs précisé les conditions d'acquisition de la nationalité mauritanienne, indiquant que la Mauritanie a un système complexe qui allie le jus sanguini et le jus soli.

S'agissant des langues nationales, la délégation a précisé que toutes les langues nationales sont utilisées, notamment dans les médias publics et dans les relations avec l'administration. Elle a indiqué qu'une première expérience de promotion des langues nationales à travers des classes expérimentales ne s'est pas avérée concluante. À la suite de cela, un cursus de linguistique appliquée aux langues nationales a été créé au sein de l'Université de Nouakchott afin de leur assurer leur place dans toute leur plénitude. La délégation a souligné qu'en Mauritanie, y compris dans la capitale, divers parlers cohabitent à travers des créoles intégrant des apports des différentes langues. En plus de la promotion des langues nationales, la délégation a attiré l'attention sur les efforts de revalorisation de la culture nationale, notamment en vue de réhabiliter et mettre en valeur les villes anciennes, telles que Chinguetti, ainsi que l'apport des royaumes africains de la sous région dans la culture mauritanienne. Elle a en outre précisé que la politique d'harmonisation des systèmes privé et public n'a aucune visée discriminatoire mais a pour but de faire en sorte que tous les enfants mauritaniens bénéficient d'un même enseignement. En réponse à des questions sur la langue berbère, la délégation a indiqué que celle-ci n'est pas parlée dans le pays et que ce n'est pas un problème qui se pose en Mauritanie.

En ce qui concerne la propriété des terres cultivables, une ordonnance stipule que la terre appartient à la nation et que tout Mauritanien peut en devenir propriétaire. L'esprit de la loi est d'introduire une rupture avec le régime traditionnel de type latifundiaire des terres et de permettre l'accession des paysans pauvres à la propriété, a-t-elle souligné.

La délégation a par ailleurs répondu à plusieurs questions sur les «réfugiés noirs», rappelant que les douloureux événements qui se sont déroulés entre la Mauritanie et le Sénégal dans les années 80 ont causé des déplacements de population dans les deux sens. La plupart des Mauritaniens qui avaient trouvé refuge au Sénégal ont bénéficié de programmes de rapatriement sous l'égide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et sont rentrés. Pour ceux qui restent encore au Sénégal, la délégation a estimé qu'il s'agit d'un phénomène résiduel qui s'explique par des convenances personnelles ou une instrumentalisation politique de la part de certains «auto-exilés». La délégation a assuré que toutes les conditions requises pour leur retour existent. Il a souligné que tout Mauritanien peut quitter ou revenir au pays quand il le souhaite et que les frontières avec le Mali et le Sénégal sont ouvertes.

Au sujet de la tolérance religieuse, la délégation a indiqué qu'il n'y a pas d'Edit de Nantes en Mauritanie qui est un pays très ouvert et tolérant comme en témoigne la totale liberté de culte des étrangers notamment dans les églises de Nouakchott et de Nouadhibou.

Revenant sur la question du manque de jurisprudence, la délégation a souligné la nécessité d'intégrer dans toute analyse les spécificités de chaque pays et de chaque culture. À cet égard, elle a fait observer que l'État mauritanien a moins de 44 ans et, surtout, que les facteurs culturels et psychologiques ont fait en sorte que la Mauritanie a peu de culture juridique et que le Mauritaniens ont peu recours aux tribunaux, leur préférant des solutions amiables ou de médiation non juridictionnelles et traditionnelle. La délégation a toutefois cité certains cas qui ont été portés devant la Cour africaine des droits de l'homme.

La délégation a fait valoir que la Mauritanie a adopté un plan d'action national des droits de l'homme, élaboré en partenariat avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme, afin d'entreprendre les actions de promotion qui devraient donner une meilleure connaissance des droits de l'homme et promouvoir une culture des droits de l'homme. Un Comité de pilotage de 26 personnes, dont 16 représentants de la société civile, a été mis en place pour suivre la mise en œuvre de ce plan, et des experts, internationaux et nationaux, ont tenu des ateliers de formation sur les questions des droits de l'homme à travers tout le pays. À l'issue de ces ateliers, les recommandations formulées par les participants ont été intégrées au plan national d'action qui prévoit notamment d'accorder un intérêt constant aux droits de l'homme dans les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté; de consolider et promouvoir l'état de droit; de renforcer les capacités nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme; d'assurer une meilleure protection des groupes vulnérables; d'identifier les axes prioritaires en matière de droits de l'homme, les insuffisances existantes et les moyens d'y remédier. La création d'une institution nationale est également envisagée par ce plan et des discussions sur cette question devraient commencer en septembre, a informé la délégation.

En réponse à plusieurs demandes de statistiques sur la répartition ethnique et raciale, la délégation a de nouveau mis en avant le fait que la Mauritanie est une jeune nation qui est confrontée à des défis majeurs, tels que l'ignorance, l'analphabétisme, le sous-développement et la pauvreté et qui font que la collecte de statistiques n'a pas été considérée comme une priorité. Elle a toutefois pris bonne note de l'intérêt des experts pour des données statistiques et assuré qu'un effort sera fait pour leur fournir les informations pertinentes.

La délégation a précisé les attributions du Commissariat aux droits de l'homme, qui est une institution gouvernementale récente (qui date de 1998) et qui s'occupe non seulement de la promotion et de la protection des droits de l'homme mais aussi de la lutte contre la pauvreté et de l'insertion. Un cadre stratégique à l'horizon de 2015 a été adopté dans le cadre d'une concertation avec tous les partenaires nationaux et internationaux et constitue la préoccupation de tous les acteurs en Mauritanie. Dans les couches et les régions les plus défavorisées, des programmes très divers ont été mis en place qui vont de la réhabilitation d'infrastructures de base à l'insertion des chômeurs diplômés, de mesures de désenclavement à la promotion d'activités génératrices de revenus, de la construction d'un habitat décent à la mise à la disponibilité de l'eau potable.

Le Commissariat privilégie la délégation de maîtrise d'ouvrage aux communes, aux organisations non gouvernementales ou aux organisations communautaires afin de développer une expérience locale et les capacités de la société civile. Cette expérience de partenariat s'applique tant à la construction de logements sociaux ou à des projets de microcrédit qu'à des programmes de promotion des droits de l'homme qui sont exécutés par des organisations non gouvernementales. Le partenariat avec la société civile est inscrit dans loi d'orientation, et les populations défavorisées bénéficient directement de ce mode d'action. L'action en matière d'insertion est extrêmement importante car elle permet de donner des chances aux populations les plus défavorisées et les mettre sur une trajectoire de croissance, a indiqué la délégation. Elle a réitéré que la société mauritanienne est une société complexe qui fait face à des défis énormes - eau, santé, éducation, taux d'analphabétisme - que le Gouvernement et tous les partenaires dans la société civile et la communauté du développement se sont attelés à relever. Beaucoup de progrès ont été réalisés mais beaucoup reste à faire avec la mobilisation de toutes les énergies, a insisté la délégation.

À une question sur la corruption, la délégation a assuré que la Mauritanie ne fait pas partie des pays dans lesquels la corruption est un problème prédominant et que des mesures ont été prises pour assurer la transparence des dépenses publiques et enrayer le fléau de la corruption dans le cadre de la consolidation de l'État de droit et de la bonne gouvernance.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, MME DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Mauritanie, s'est félicitée du dialogue, qu'elle a qualifié de franc, ouvert et riche d'enseignements, qui semble s'être définitivement instauré entre le Comité et la Mauritanie. Elle a pris acte de l'engagement du Gouvernement mauritanien à éradiquer toutes les séquelles de l'esclavage. Les interventions et suggestions avancées par les autres membres du Comité l'ont été dans le but d'une amélioration du processus de mise en œuvre de la Convention et dans l'ensemble, ils se sont félicités de l'action du Commissariat aux droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté et à l'insertion, notamment en ce qui concerne l'élaboration du rapport. Toutefois, le Comité souhaiterait qu'à l'avenir, le Gouvernement associe davantage la société civile en général et les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme en particulier, a indiqué Mme Dah, relevant le déficit de communication entre le Gouvernement et la société civile en ce qui concerne la lutte contre la discrimination. Elle a souhaité que la création prochaine d'une Commission nationale des droits de l'homme pourra corriger cela.

Par ailleurs, Mme Dah a relevé certaines insuffisances, notamment en ce qui concerne la fourniture de statistiques sur la composition ethnique de la population, qui n'ont pas permis au Comité de prendre la pleine mesure de la discrimination liée à l'ascendance, qui semble constituer dans ce pays la principale forme de discrimination au sens de l'article 1 de la Convention. À cet égard, elle a pris acte du souci de prudence quant à une quelconque référence à des divisions ethniques. Au cours du débat, la Mauritanie a été invitée à revoir sa législation en vue notamment de reprendre dans un texte ad hoc la définition de la discrimination raciale, de compléter son code pénal pour criminaliser la discrimination raciale en général et celle fondée sur l'ascendance en particulier, de réserver un traitement particulier aux groupes les plus vulnérables, surtout les femmes et les enfants. Tout en félicitant la Mauritanie pour les efforts déployés dans les domaines législatifs, économique, social et culturel, Mme Dah a attiré l'attention sur la nécessité de crédibiliser ces efforts en sanctionnant tout manquement aux règles de non-discrimination et en renforçant son action en faveur de toutes les composantes de sa population. En tant que pays sahélien, elle a souhaité à la Mauritanie une bonne saison des pluies et surtout d'être épargnée par le fléau des crickets migrateurs qui menace actuellement la région.

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