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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ARGENTINE

11 août 2004


11 août 2004



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Argentine sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les questions relatives aux populations autochtones ont été au centre de la discussion, notamment en ce qui concerne leur intégration sociale, leur représentation et la promotion de la diversité culturelle

Dans ses observations préliminaires, M. Patrick Thornberry, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Argentine, a relevé avec intérêt la démarche d'ensemble adoptée par les autorités argentines en vue d'une meilleure intégration des populations autochtones. Il s'est par ailleurs félicité de la place qu'occupent les traités en matière de droits de l'homme par rapport aux dispositions constitutionnelles. Il a jugé qu'une bonne partie de la législation est conforme à la Convention, malgré les survivances de concepts anciens. Le Gouvernement argentin a fait œuvre utile à bien des égards, notamment pour ce qui est des réformes constitutionnelles et de l'abrogation d'un certain nombre de lois héritées de l'époque autoritaire.

M. Alfredo Chiaradia, Représentant permanent de l'Argentine à Genève, a d'abord mis l'accent sur le contexte de crise très profonde qu'a traversé l'Argentine et qui a affecté d'importants secteurs de la population, provoquant un accroissement sans précédent de la pauvreté et du chômage. En ce qui concerne les populations autochtones envers lesquelles l'Argentine a une responsabilité historique importante, la délégation a reconnu l'adéquation presque absolue entre les régions les plus pauvres et celles habitées par les peuples autochtones, et a indiqué que le Gouvernement a décidé d'avancer vers la collecte d'informations qui permettront de faire un diagnostique au plus près de la réalité et de mettre en œuvre des mesures innovantes pour promouvoir l'intégration des populations autochtones. À cet égard, elle a mis l'accent sur les progrès déjà réalisés, notamment dans les domaines de l'éducation interculturelle bilingue et vers une meilleure représentation des autochtones.

La délégation a en outre mis l'accent sur les mesures prises en vue d'élaborer un plan national de lutte contre la discrimination ainsi que sur l'adoption d'une nouvelle loi sur l'immigration fondée sur les droits de l'homme, l'égalité de traitement et l'intégration sociale des immigrants.

La délégation de l'Argentine était également composée du Président de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, du Président de l'Institut national des affaires autochtones, de représentants de la direction nationale des migrations du Ministère de l'intérieur et de représentants des Ministères de la justice, de la sécurité et des droits de l'homme, ainsi que des affaires étrangères.

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport argentin afin de les présenter à la clôture de la présente session, le 20 août prochain.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique du Tadjikistan (CERD/C/463/Add.1).


Présentation du rapport périodique de l'Argentine

Le chef de la délégation argentine, M. ALFREDO CHIARADIA, Représentant permanent de l'Argentine à Genève, a réaffirmé la volonté de son pays de respecter les engagements auxquels il a souscrit en matière de droits de l'homme. À cet égard, il a cité le discours prononcé par le Président Nestor Kirchner à l'Assemblée générale des Nations Unies, açant la défense des droits de l'homme au centre de l'action gouvernementale. Évoquant les efforts déployés par l'Argentine dans ce domaine, il a notamment indiqué que son pays a accordé rang constitutionnel à la Convention et qu'un plan national d'action contre la discrimination a été adopté. Toutes ces mesures sont très importantes et ont été prises malgré la conjoncture difficile que traverse actuellement l'Argentine, a rappelé M. Chiaradia, qui a ajouté que les difficultés économiques sont en train d'être surmontées, ce qui ne peut que favoriser la réalisation des droits de l'homme.

La délégation argentine a souligné les progrès récents qui ne sont pas mentionnés dans le rapport, notamment les mesures adoptées en vue de la mise en œuvre de la Convention et ce, malgré le contexte de crise très profonde qu'a traversé l'Argentine. À cet égard, elle a souligné que la crise a affecté d'importants secteurs de la population, provoquant un accroissement sans précédent de la pauvreté et du chômage. Les groupes vulnérables ont payé un prix très élevé à cette crise et une frange importante est tombée dans l'extrême pauvreté alors que le pays avait connu un développement élevé auparavant. Si on prend en compte la notion de progressivité des droits économiques, sociaux et culturels, on doit parler ici d'une régression préoccupante, et le Gouvernement a pour politique d'inverser cette situation, a assuré la délégation. À cet égard, elle a indiqué que la crise a accru l'augmentation des disparités dans la redistribution des revenus du pays et que le nombre de personnes vivant au dessous du seuil de pauvreté a atteint quelque 57% de la population, dont 27% vivent en dessous du seuil de pauvreté extrême. À partir de 2002, le Gouvernement a lancé un important programme d'urgence alimentaire notamment dans les écoles, qui a pris en compte les variables régionales traditionnelles. Face à la situation d'urgence en matière d'emploi, un plan a également été élaboré afin de fournir un salaire aux chefs de famille pour des travaux d'intérêt général. En janvier 2003, près de 2 millions de personnes avaient bénéficié de ce programme, qui a été appliqué avec une grande rapidité. En matière de santé, un programme de distribution de médicaments et de soins de santé primaire gratuits a également été lancé, a indiqué la délégation, qui a précisé que les programmes lancés actuellement associent l'aide sociale à l'aide à l'emploi afin d'assurer une source de revenus aux chômeurs, de contribuer à surmonter la crise du logement et de transférer des personnes qui percevaient une assistance vers des emplois réels.

En matière législative, la délégation a mis en avant la loi adoptée en 2003 pour déclarer nulles les lois relatives à l'impunité des crimes contre l'humanité perpétrés pendant la dernière dictature militaire. Le Gouvernement actuel souhaite en terminer avec ces poches d'impunité pour les pires crimes que l'on puisse commettre, et renforcer le droit à la vérité et à la justice en assurant le respect réel des droits de l'homme. Le 25 juillet 2003, un nouveau décret a été publié qui rend obligatoire les poursuites judiciaires en cas de demandes d'extradition, ce qui représente un progrès au plan normatif et qui a des répercussions sur la lutte contre la discrimination, a souligné la délégation. Elle a en outre mis l'accent sur l'abrogation de la loi sur l'immigration de 1981 et son remplacement par une nouvelle loi garantissant la protection des immigrants et de tous les étrangers. Cette loi prévoit en effet les mêmes droits que ceux énoncés dans la Convention internationale pour l'élimination de la discrimination raciale et est conforme à la Convention sur les migrants, dont la ratification est en cours d'examen. Au niveau du Mercosur élargi, cette loi est probablement la plus élaborée et offre un cadre de référence pour les questions de migration dans la sous-région, a souligné la délégation qui, a précisé que l'élément saillant de cette loi est qu'elle garantit à tous les immigrants, avec ou sans papiers, un droit d'accès à la justice.

La délégation a mis l'accent sur les mesures prises en vue d'élaborer un plan national de lutte contre la discrimination. En ce qui concerne les populations autochtones envers lesquelles l'Argentine a une responsabilité historique importante, la délégation a indiqué que le Gouvernement a décidé d'avancer vers la collecte d'informations qui permettent de faire un diagnostique au plus proche de la réalité et de mettre en œuvre des mesures innovantes. À cet égard, elle a mis l'accent sur les progrès déjà réalisés, notamment dans la collecte de données, tout en reconnaissant que beaucoup reste à faire.

Le dix-huitième rapport périodique de l'Argentine (CERD/C/476/Add.2) fournit les résultats préliminaires du dernier recensement de 2001, ainsi que des informations sur les autorités veillant à la protection des droits de l'homme et en particulier sur l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) dont il détaille l'action et les mesures destinées à mettre en pratique la politique anti-discriminatoire pendant la période 2000 à 2002. Le rapport fait en outre l'historique de l'élaboration du plan national de lutte contre la discrimination et détaille les règles juridiques de protection des droits fondamentaux et la législation anti-discriminatoire ainsi que la jurisprudence opposée à la discrimination. Il est noté que le rapport ne vise pas à dissimuler l'existence de comportements sociaux discriminatoires qui sont manifestement condamnables, laquelle constitue la source d'inspiration des politiques adoptées par l'État contre l'intolérance. Le rapport donne des détails de la jurisprudence visant à aggraver les sanctions quand l'infraction est commise avec une intention discriminatoire et en particulier fait le point sur l'enquête menée à la suite des attentats commis contre l'ambassade d'Israël et le centre communautaire juif AMIA.

Le rapport note que diverses raisons ont empêché de recenser correctement la population autochtone et qu'il n'y a pas de chiffres officiels concernant son importance numérique. Il signale toutefois que les autochtones ne constituent qu'une petite partie de la société, qu'ils sont dispersés sur un territoire étendu et qu'ils composent des peuples et des communautés très diversifiées, ce qui fait que l'exécution de politiques décentralisées les concernant est extrêmement disparate. Les autochtones jouissent de tous les droits impartis à tous les Argentins. Le rapport souligne le progrès des droits reconnus aux peuples autochtones, indiquant qu'il faut y voir la volonté de la conscience nationale d'appliquer une législation de caractère réparateur qui vise en un même processus à assurer l'égalité en droits et l'égalité des chances en faveur d'un secteur de la population qui, sur le plan historique, fut victime de discrimination, et à lui garantir son identité et son intégrité culturelle dans le cadre de la diversité ethnique du pays.

Le rapport détaille en outre la politique générale adoptée pour lutter contre la discrimination à l'égard des migrants. À cet égard, il met en avant la ratification du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. De même, le Ministre des affaires étrangères argentin a entamé les démarches d'approbation et de ratification de la «Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille».


Déclaration du rapporteur du Comité pour le rapport de l'Argentine

M. PATRICK THORNBERRY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Argentine, a pris note de la présentation de données statistiques issues du dernier recensement, tout en déplorant qu'elles ne soient pas ventilées en fonction de critères d'appartenance ethnique ou raciale. Il a souhaité que la délégation éclaire le Comité sur la réalité humaine qui se cache derrière les statistiques, en particulier en ce qui concerne les groupes autochtones, pour lesquels certaines organisations non gouvernementales avancent des chiffres qui vont de 900 000 à 2 millions de personnes. Il s'est toutefois félicité de la reconnaissance dans la Constitution de la composante autochtone, ainsi que des garanties offertes à ces groupes. Il s'est par ailleurs félicité de la place qu'occupent les traités en matière de droits de l'homme par rapport aux dispositions constitutionnelles, mais il s'est interrogé sur le fait de savoir s'il y a des possibilités d'application inégales sur le territoire. À cet égard, il a noté que Constitution comprend encore une disposition en vertu de laquelle il convient d'«encourager l'immigration européenne».

M. Thornberry s'est félicité du renforcement de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), tout en s'interrogeant sur l'impact que les coupes budgétaires dont il a fait l'objet on peu avoir sur ses activités. Il a en outre souhaité savoir quelles ressources sont allouées au Plan d'action national contre la discrimination, notamment au niveau local. M. Thornberry s'est par ailleurs inquiété de la prépondérance de sentiments et d'actes anti-juifs et, rappelant la préoccupation déjà exprimée par le Comité face à la lenteur des procédures relatives aux attentats contre l'ambassade d'Israël et le centre culturel juif AMIA, il a souhaité avoir de plus amples renseignements sur l'avancement de ces affaires.

M. Thornberry a par ailleurs déploré que les informations relatives à l'exercice des différents droits ne soient pas présentées sous l'angle spécifique de la discrimination raciale et il a demandé si des mesures d'action positives ont été adoptées. Le rapporteur a souhaité des informations plus spécifiques sur l'application des dispositions de la Convention, par exemple dans l'enseignement. Il a également demandé quelle place est faite à l'enseignement des langues et cultures des peuples autochtones. S'agissant de la politique à l'égard des migrants, le rapporteur a déploré l'absence de mesures pour assurer un enseignement dans la langue d'origine des migrants. M. Thornberry a également déploré l'absence d'informations sur les mesures pour renforcer l'identité culturelle des minorités. Il a également souligné que les informations sur les plaintes reçues par l'INADI ne portent pas particulièrement sur la discrimination raciale. M. Thornberry s'est en outre interrogé sur la généralisation des mesures pour encourager la compréhension et la tolérance entre les différents groupes ethniques.

S'agissant des peuples autochtones, le rapport affirme qu'il n'y a pas de recensement précis des populations autochtones. M. Thornberry a rappelé que cela faisait partie des recommandations du Comité. Pour ce qui est de la propriété foncière, il a souhaité savoir s'il y a moyen de reconnaître la propriété des terres ancestrales comme dans d'autres pays et quel est le statut des ressources naturelles de ces terres. Pour ce qui est de l'exploitation des ressources qui peuvent affecter les populations autochtones, il a demandé si ces dernières sont consultées. Il a souhaité également avoir des informations sur les décrets d'application de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux populations autochtones et s'est enquis de la personnalité juridique des communautés autochtones. Il a par ailleurs attiré l'attention sur la recommandation du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse, qui a mis l'accent sur le fait que la restitution des terres autochtones est un préalable à la garantie de la liberté de culte.

En ce qui concerne les réfugiés et les migrants, M. Thornberry a demandé quelles dispositions permettent de déterminer le statut de réfugié en l'absence de loi sur la question. Il a également souhaité avoir des informations sur les campagnes xénophobes qui ont touché les migrants dans le contexte de la crise économique ainsi que sur l'exploitation des femmes migrantes à des fins sexuelles. M. Thornberry a relevé le rôle négatif des médias à l'égard des arabes et des musulmans, comme l'a déjà souligné le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse. Il a également déploré que la situation des Afro-argentins n'ait pas fait l'objet d'informations dans le rapport et souhaité avoir des informations notamment sur leur représentation dans la sphère politique. Il s'est demandé dans quelle mesure les minorités sont prises en compte et quelles sont les mesures qui visent à promouvoir leur identité culturelle.

Dans l'ensemble, M. Thornberry a jugé qu'une bonne partie de la législation est conforme à la Convention malgré les survivances de concepts anciens. Le Gouvernement argentin a fait œuvre utile à bien des égards, notamment pour ce qui est des réformes constitutionnelles et de l'abrogation d'un certain nombre de lois héritées d'une époque autoritaire, a-t-il estimé, encourageant le pays à poursuivre dans cette voie.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation

En réponse aux nombreuses questions relatives aux populations autochtones, la délégation a d'abord indiqué qu'il y a eu des améliorations dans le statut de l'Institut national des affaires autochtones (INAI). Elle a réaffirmé que l'Argentine a une dette historique à l'égard des autochtones et que cette responsabilité a pris un visage nouveau dans l'histoire récente du pays. À cet égard, elle a reconnu l'adéquation presque absolue entre les régions les plus pauvres et celles habitées par les peuples autochtones, indiquant qu'elle traduit la non-reconnaissance des peuples autochtones qui a prévalu pendant longtemps ainsi que les politiques d'assistance qui leur était destinées mais ne tenaient pas compte de leurs spécificités.

Sur la question du recensement, la délégation a indiqué qu'en 2001, une question a été inclue pour savoir si un membre de la famille se considérait comme autochtone ou descendant d'autochtones. Malgré certains défauts d'information, les résultats sont intéressants puisque 281 149 foyers ont répondu affirmativement, représentant, selon les projections statistiques, environ 3% de la population. La délégation a indiqué qu'une enquête complémentaire est actuellement en cours pour aboutir à un diagnostique qualitatif plus fin de la situation de ces populations. L'enquête porte sur un échantillon d'environ 65 000 personnes parmi celles qui ont répondu par l'affirmative et s'intéresse à diverses questions telles que la langue, la natalité et la mortalité, le logement, la propriété, le recours aux médecines traditionnelles, notamment. Cette enquête a été élaborée en collaboration avec l'INAI, et des coordonnateurs autochtones régionaux ainsi que des instructeurs et des sensibilisateurs autochtones y ont participé. La délégation a indiqué que cette enquête, qui doit s'achever à la fin de l'année, permettra de collecter des données importantes qui permettront d'affiner les politiques concernant les autochtones.

La délégation a affirmé que l'impact de la récente crise économique n'a pas été décisif sur les autochtones, qui étaient déjà plongés dans une crise profonde qui n'a fait que s'aggraver au cours des années 90. La crise de 2001 aurait même apporté certains aspects positifs, selon la délégation, dans la mesure où la généralisation des politiques d'aide sociale qui en est résultée a également bénéficié aux autochtones. Elle a toutefois reconnu que les populations autochtones ont peu participé à l'élaboration de ces programmes.

Au sujet de l'éducation interculturelle bilingue, la délégation a indiqué qu'un programme approfondi a été lancé, doté d'un budget d'un peu plus de 500 000 dollars des États-Unis. C'est une stratégie d'éducation qui suppose la pleine participation des langues et cultures autochtones aux processus d'éducation et la sensibilisation à la diversité culturelle. Elle a souligné les avantages pédagogiques de l'utilisation des langues autochtones et souligné les synergies créées à travers un effort commun de tous les acteurs de la collectivité. L'INAI a en outre travaillé sur un programme d'appui à l'éducation interculturelle à travers l'octroi de bourses d'études pour les étudiants du secondaire. Ces bourses ont été pour la première fois distribuées sur la base des recommandations d'assemblées des communautés autochtones qui ont dressé la liste des élèves autochtones nécessitant une bourse. Ces assemblées ont également été l'occasion de sensibiliser ces populations aux droits de l'homme, et un forum autochtone a été organisé pour discuter des questions les concernant. Un projet d'alphabétisation a également été mis en place dans le cadre de la politique d'éducation interculturelle bilingue, et des efforts sont déployés pour rassembler du matériel pédagogique et former les enseignants autochtones. Les provinces jouent un rôle important dans l'éducation interculturelle, notamment pour la formation de professeurs auxiliaires, a ajouté la délégation. Elle a également indiqué que dans le Chaco, qui est une province riche, une première école bilingue a été ouverte avec une subvention à 100% de l'INAI.

En ce qui concerne la perception des peuples autochtones par la population, notamment à travers les médias, la délégation a estimé que l'image des autochtones reste à construire, et a assuré que l'État veille à ce qu'il y ait un progrès dans l'intégration des communautés autochtones à travers la consolidation de leur identité.

Un conseil de participation autochtone élu doit être mis en place prochainement afin d'assurer une représentation régionale et nationale et permettra d'avoir une idée plus réelle de la participation des autochtones en général. En ce qui concerne la participation autochtones dans la fonction publique, la délégation a indiqué qu'il existe une participation des autochtones dans des conseils régionaux et provinciaux qui s'occupent des questions autochtones, mais a reconnu que leur participation dans les corps généraux de l'État reste à évaluer précisément.

Sur les lois en matière d'immigration, la délégation a d'abord souligné les évolutions intervenues par rapport à la situation antérieure qui se fondait sur la sécurité nationale et considéraient tous les immigrants comme «mauvais». Il a été décidé d'adopter une approche fondée sur les droits de l'homme et les instruments internationaux ratifiés par l'Argentine ainsi, que sur l'égalité de traitement et l'intégration sociale des immigrants. C'est sur ces bases qu'a été élaborée la loi sur l'immigration adoptée en janvier 2004.

La délégation a mis l'accent sur le problème complexe que représente la présence de 700 000 à 1 million d'immigrants qui sont sans papiers, du fait pour l'essentiel de la politique de l'État qui les a poussés dans l'illégalité. Elle a rappelé les débats qui ont agité les Argentins à la recherche de leur identité et qui se considéraient comme les «Européens des Amériques». Avec la concrétisation du Mercosur, les Argentins ont dû reconnaître leur intégration dans cette région dans la diversité de sa composition ethnique et culturelle. Lors de l'examen de la situation de tous les migrants sans papiers, les autorités ont réalisé la nécessité de faciliter leur installation dans le pays, et en particulier leur accès aux services de santé et à l'éducation. La délégation a en outre mis l'accent sur les efforts en matière de lutte contre la traite des personnes et de régularisation des immigrés clandestins. La délégation a informé le Comité que l'Argentine a signé hier la Convention internationale de protection de tous les travailleurs migrants et de leurs familles.

La délégation a également répondu à des questions relatives à la double discrimination qui touche les femmes migrantes et les femmes autochtones en évoquant un certain nombre de campagnes et de programmes visant notamment à renforcer les organisations de femmes en milieu rural ou à lutter contre la traite et l'exploitation sexuelle des femmes migrantes et des enfants.

Concernant l'application des traités internationaux, la délégation a indiqué que l'Argentine devrait faire prochainement la déclaration au titre de l'Article 14 de la Convention sur l'élimination de la discrimination raciale permettant au Comité d'examiner des plaintes individuelles. La délégation a en outre précisé le statut des traités internationaux dans le droit interne, indiquant qu'après de longs débats, ils sont considérés à présent comme supérieurs à la loi nationale et les instruments dans le domaine des droits de l'homme ont même rang constitutionnel, ce qui fait que toute loi contrevenant par exemple aux dispositions de la Convention peut être attaquée quant à son inconstitutionnalité.

Par ailleurs, la délégation a mis en exergue le caractère inédit du plan national de lutte contre la discrimination, notamment du fait des synergies et du dialogue qu'il créé avec les groupes vulnérables dans tout le pays. Le plan va au-delà de la Convention et même de la Déclaration de Durban, notamment en ce qu'il traite des discriminations sur la base de l'orientation sexuelle et de l'exclusion sociale, a fait valoir la délégation. Elle a mis l'accent en outre sur le rôle d'alerte précoce de ce plan, en permettant, avant même son achèvement, l'adoption de mesures immédiates en réponse à toute information relative à des discriminations. Un mécanisme de suivi de la mise en œuvre de ce plan est en outre prévu. La délégation a souhaité que le Comité recommande au Haut Commissariat aux droits de l'homme de poursuivre son appui à ce plan.

Plusieurs questions ont porté sur l'attitude des forces de l'ordre à l'égard des groupes vulnérables. À cet égard, la délégation a indiqué que l'Argentine n'a pas encore achevé son processus de transformation dans le cadre de la transition démocratique. Des mesures très importantes ont été adoptées, notamment pour lutter contre l'impunité pour les crimes contre l'humanité commis pendant la dictature ou encore pour réformer la police fédérale qui est, avec ses 40 000 hommes, la force la plus nombreuse mais aussi celle qui a été la plus affectée par l'expérience de la dictature et des états de siège qui se sont succédés au cours du XXe siècle. Cette transformation profonde suscite des résistances, a indiqué la délégation qui a reconnu que les groupes vulnérables, en particulier les populations autochtones et les immigrants venant des pays voisins, en sont les premières victimes.

La délégation a reconnu que les médias ont joué un rôle double en apportant, d'un côté, un appui à la lutte contre la discrimination, par exemple dans le cadre de la protection de témoins, mais aussi en diffusant parfois des valeurs hautement discriminatoires et autoritaires. L'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) organise régulièrement des campagnes de sensibilisation à travers les médias, en particulier la radio, sur les questions de discrimination.

Au sujet des Afrodescendants, la délégation a rappelé que 30% de la population de Buenos Aires en 1830 était d'origine africaine. Elle a également rappelé que beaucoup d'entre eux étaient dans l'armée et, à ce titre, ont notamment été chargés de l'extermination des autochtones avant d'être eux-mêmes massacrés pour effacer les traces de cette extermination. Beaucoup d'entre eux ont en outre été victimes d'épidémies, ce qui explique la faible présence d'Afrodescendants en Argentine. La délégation a toutefois indiqué qu'il existe plusieurs associations d'Afrodescendants dans le pays.

En réponse à des questions sur l'antisémitisme, la délégation a fait état du rapport annuel sur l'antisémitisme publié par une organisation non gouvernementale en collaboration avec l'INADI, et qui cette année porte également sur d'autres groupes.

S'agissant des réfugiés, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas encore de loi, même si un projet est en cours d'examen et pourrait être adopté d'ici la fin de l'année. Toutefois, les demandes d'asile sont réglementées par un décret de 1985 qui est en conformité avec les dispositions des conventions internationales sur les réfugiés, a indiqué la délégation, qui a détaillé la procédure d'examen ainsi que les recours disponibles et précisé notamment que toute mesure d'expulsion ou de refus d'entrée sur le territoire est traitée par les instances judiciaires. En outre, un cours de formation est en préparation en collaboration avec le Haut Commissariat pour les réfugiés à l'intention des fonctionnaires aux frontières, a-t-elle indiqué.

Observations préliminaires

Dans ses observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Argentine, M. PATRICK THORNBERRY, s'est félicité de l'interaction entre la délégation et le Comité, ainsi que des nombreuses informations fournies. Il a relevé que le rapport reste à approfondir sur certains points, notamment en ce qui concerne la collecte de statistiques qui doivent permettre d'adapter et de mieux cibler les politiques de l'État à l'égard des groupes vulnérables. Il a encouragé l'Argentine à poursuivre ses efforts pour lutter contre l'incitation à la haine raciale dans les médias, y compris l'internet, ainsi que pour réformer les services chargés de la sécurité des personnes et lutter contre les exactions à l'égard des populations vulnérables, notamment à travers la formation des forces de l'ordre.

M. Thornberry s'est en outre félicité de l'élaboration d'un plan national contre la discrimination ainsi que l'adoption d'une loi sur l'immigration fondée sur les droits de l'homme, rappelant que le principe de non-discrimination doit avoir la primauté dans la formulation des politiques en matière d'immigration. S'agissant des peuples autochtones, il a pris note d'informations relatives aux questions économiques et foncières, aux questions de représentation et à l'éducation interculturelle. Il a en particulier relevé avec intérêt la démarche d'ensemble adoptée en vue d'une meilleure intégration des populations autochtones.

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