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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA LETTONIE

14 août 2003



Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale
63ème session
14 août 2003




Le Comité demande à Israël de révoquer une loi récente
et de faciliter l'unification des familles
sur une base non discriminatoire




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé ce matin l'examen du rapport périodique de la Lettonie sur l'application, dans ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité a en outre adopté une décision demandant à Israël de révoquer une loi récente qui suspend la possibilité de réunification des familles dans les cas de mariage entre un citoyen israélien et une personne résidant en Cisjordanie ou à Gaza. Le Comité demande à Israël de reconsidérer sa politique en vue de faciliter l'unification des familles sur une base non discriminatoire.

M. Nils Muiznieks, Ministre de l'intégration sociale de la Lettonie, a souligné que la période couverte pas le rapport, à savoir 1998-2002, a été riche en événements, citant notamment la tenue d'un référendum sur la libéralisation de la loi sur la citoyenneté qui a marqué un tournant et a introduit des mesures de naturalisation simplifiées. Il a mis l'accent sur la politique linguistique et l'adoption d'une législation réglementant l'usage de la langue officielle dans le secteur privé qui a été jugée conforme aux obligations internationales de la Lettonie. Des efforts intenses ont en outre été déployés au cours de cette période pour débarrasser le système éducatif de l'héritage soviétique de ségrégation et pour garantir la compétitivité des jeunes appartenant aux minorités grâce à des programmes de formation linguistique améliorés ainsi que par l'introduction de plusieurs modèles d'éducation bilingue. M. Muiznieks a également mis en avant l'adoption d'une législation contre la discrimination, l'introduction de dispositions fermes contre la discrimination dans le Code du travail, l'abolition de la mention de l'appartenance ethnique sur les passeports, ainsi que les poursuites engagées à l'encontre de plusieurs groupes extrémistes.

La délégation lettone était également composée de Directeur de la Division des politiques en matière de droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères, de la Directrice du département juridique du Bureau des naturalisations, de la Directrice de la Division de l'intégration au Ministère de l'éducation et des sciences, du Directeur adjoint du Département de la citoyenneté et des migrations, ainsi que de représentants du programme de formation linguistique et du Ministère des affaires étrangères.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lettonie, M. Morten Kjaerum, s'est félicité du nouveau processus adopté par l'État partie pour la rédaction de son rapport et, en particulier, de la participation de la société civile à ce processus. Il a félicité et encouragé la Lettonie pour la mise en place d'une société ouverte et démocratique en très peu de temps. Au nombre des évolutions très positives, M. Kjaerum a particulièrement évoqué l'introduction d'un chapitre sur les droits de l'homme dans la Constitution ainsi que l'adoption d'une nouvelle loi sur l'emploi, les amendements à la loi électorale ou encore l'adoption d'une nouvelle loi sur les documents d'identités qui ne font plus mention de l'appartenance ethnique. Il a toutefois estimé que des sujets de préoccupation demeurent, notamment en ce qui concerne la définition de la discrimination dans la législation, ou encore le faible nombre de demandes de naturalisation. Il s'est dit convaincu que les mesures adoptées ainsi que la révision de certaines législations en vue de l'adhésion prochaine à l'Union européenne auront un effet positif.

Au cours de la discussion, les experts du Comité ont salué les efforts et les réussites de la Lettonie en vue de restaurer une société démocratique, ouverte et respectueuse des droits de l'homme en l'espace d'une dizaine d'années seulement. De nombreuses questions ont été posées sur la loi et les procédures de naturalisation, sur les différences entre citoyens et non-citoyens, sur les mesures pour imposer la langue lettone et sur l'intégration des minorités.

Les membres du Comité suivants ont participé au débat: M. Luis Valencia Rodríguez,
M. Patrick Thornberry, M. Régis de Gouttes, M. Linos-Alexandre Sicilianos, M. Mario Jorge Yutzis, M. Chengyuan Tang, M. Marc Bossuyt, M. Mahmoud Aboul-Nasr et M. Alexei Avtonomov.

Le Comité a également adopté une décision par laquelle il décide de lancer un appel urgent aux États parties pour qu'ils ratifient le plus tôt possible l'amendement à l'Article 8 de la Convention, adopté en 1992 et entériné par l'Assemblée générale en 2002, et qui prévoit le financement du Comité à partir du budget ordinaire de l'Organisation des Nations Unies.


Le Comité reprendra ses travaux cet après-midi, à partir de 15 heures, pour entamer l'examen du rapport périodique de la Finlande (CERD/C/409/Add.2).


Présentation du rapport de la Lettonie

M. NILS MUIZNIEKS, Ministre de l'intégration sociale de la Lettonie et chef de la délégation lettone, a présenté le rapport de son pays en soulignant qu'il a été rédigé par un groupe de travail qui a permis une importante participation des organisations non gouvernementales, qu'il a été traduit en Letton et qu'il a fait l'objet d'une vaste diffusion. Il a été précisé que le retard avec lequel le rapport a été présenté résulte des nouvelles procédures qui ont été mises en place afin d'améliorer la qualité et la complémentarité des rapports présentés par la Lettonie en vertu des différents instruments.

M. Muiznieks a souligné que la période couverte pas le rapport, à savoir 1998-2002, a été riche en événements. À cet égard, il a notamment cité la tenue d'un référendum sur la libéralisation de la loi sur la citoyenneté qui a marqué un tournant et a introduit des mesures de naturalisation simplifiées. Toutefois, il a reconnu que peu de demandes de naturalisation ont été soumises, mettant ce la sur le compte de différents facteurs, en partie psychologiques, notamment liés au fait que la naturalisation n'est pas nécessaire pour poursuivre sa vie quotidienne dans le pays. À cet égard, il a souhaité que certaines mesures liées notamment à l'adhésion à l'Union européenne ou à la professionnalisation de l'armée, auront un effet d'encouragement sur les demandes de naturalisation.

Au nombre des questions importantes, la délégation a mis l'accent sur la politique linguistique et l'adoption d'une législation réglementant l'usage de la langue officielle dans le secteur privé, qui a été jugée conforme aux obligations internationales de la Lettonie. Des efforts intenses ont en outre été déployés au cours de cette période pour débarrasser le système éducatif de l'héritage soviétique de ségrégation et pour garantir la compétitivité des jeunes des minorités grâce à des programmes de formation linguistiques améliorés ainsi que par l'introduction de plusieurs modèles d'éducation bilingue.

En outre, 1998 a également vu l'adoption d'une législation contre la discrimination, l'introduction de dispositions fermes contre la discrimination dans le Code du travail, l'abolition de la mention de l'appartenance ethnique sur les passeports, ainsi que des poursuites à l'encontre de plusieurs groupes extrémistes.

Depuis 2002, les changements se sont encore accélérés, a fait remarquer la délégation, notamment avec la création du Ministère de l'intégration sociale chargé de coordonner la politique contre la discrimination et pour l'intégration sociale des minorités. Les efforts se poursuivent pour promouvoir la naturalisation, notamment par le biais de la formation linguistique. Le Gouvernement a également adopté une démarche pragmatique pour la réforme de l'éducation fondée sur le dialogue et les besoins des écoles. C'est un processus difficile mais nécessaire, a reconnu M. Muiznieks affirmant toutefois que la réforme de l'éducation avait été reconnue conforme aux droits des minorités par l'OSCE. Il a également évoqué la suppression des restrictions linguistiques dans les programmes de radio et de télévision à la suite d'une décision de la Cour constitutionnelle ainsi que l'adoption d'un plan national d'action contre l'intolérance, dont il a souhaité qu'il sera un modèle.

La délégation a demandé que, lors de l'examen du rapport, le contexte historique et, en particulier le legs de l'occupation soviétique de la Lettonie qui a notamment subi une politique de russification, soit pris en compte.

Le cinquième rapport périodique de la Lettonie (CERD/C/398/Add.2 et suppl.) note en particulier que les accords internationaux ont force obligatoire, que le nouveau code pénal entré en vigueur en avril 1999 donne une interprétation de l'expression «discrimination raciale» et définit comme passible de sanction tout acte se traduisant par une restriction directe ou indirecte délibérée des droits économiques, politiques ou sociaux de l'individu ou l'octroi direct ou indirect d'avantages à un individu du fait de sa race ou de sa nationalité. Il souligne les événements significatifs qui se sont déroulés depuis la précédente soumission et qui ont contribué à renforcer la protection des droits de l'homme et la compréhension par le public de ces droits, en particulier, l'amendement de la Constitution est l'inclusion d'un chapitre intitulé «droits de l'homme», l'adoption d'un nouveau code du travail qui donne une définition de la discrimination indirecte et l'adoption d'un programme de l'État sur l'intégration sociale en Lettonie, dont le but est d'établir une société civile démocratique et unie fondée sur des valeurs fondamentales communes.

Le rapport fournit également des renseignements sur la mise en œuvre de la Loi sur la citoyenneté et le processus de naturalisation. Ainsi, l'Office de la naturalisation a organisé un certain nombre de manifestations informatives et éducatives visant à donner au public un maximum de renseignements sur ce qu signifiait l'obtention de la citoyenneté et les conditions à remplir pour y avoir droit. En novembre 2001, une vaste campagne visant à informer le public et à mieux lui faire comprendre les questions liées à la citoyenneté a été lancée pour informer le public sur les possibilités d'acquérir la citoyenneté lettonne et d'encourager les non citoyens à choisir cette option. Les non-citoyens ont été avertis personnellement par courrier, des journées d'information sur la citoyenneté ont été organisées et une page Internet en russe a été créée. Le rapport précise que l'Office de la naturalisation a élaboré et publié divers matériels d'information en letton et en russe. Le rapport indique aussi qu'un Conseil consultatif pour l'enseignement aux minorités a été créé en 2001. On compte actuellement plus de 200 établissements scolaires pour les minorités en Lettonie – 179 écoles russes, 6 écoles polonaises, 2 écoles juives, 1 école ukrainienne, 1 estonienne, 1 lituanienne et 1 bélarussienne, ainsi que des classes destinées aux élèves roms/gitans dans plusieurs écoles. Il convient de remarquer que, au cours des 10 dernières années, la demande d'enseignement en langue lettone s'est accrue alors que, en conséquence, la demande d'enseignement en langue russe a diminué.


Examen du rapport de la Lettonie

M. MORTEN KJAERUM, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lettonie, s'est félicité du nombre important d'informations figurant dans le rapport en réponse aux questions posées par le Comité lors de l'examen du précédent rapport letton ainsi que sur les importants changements intervenus depuis. Il s'est félicité du nouveau processus de rédaction du rapport et, en particulier, de la contribution des organisations non gouvernementales.

Soulignant les évolutions très positives intervenues récemment en Lettonie, M. Kjaerum a évoqué en particulier l'introduction d'un chapitre sur les droits de l'homme dans la Constitution ainsi que l'adoption d'une nouvelle loi du travail, les amendements à la loi électorale ou encore l'adoption d'une nouvelle loi sur les documents d'identités qui ne font plus mention de l'appartenance ethnique.

Toutefois, M. Kjaerum a indiqué que des motifs de préoccupation demeurent, notamment en ce qui concerne la définition de la discrimination raciale. En ce qui concerne les non-citoyens, il a attiré l'attention sur la recommandation 11 du Comité qui affirme l'obligation des États partie à faire rapport intégralement sur leur législation concernant les étrangers et son application.

M. Kjaerum a noté que l'application de l'article 4 de la Convention relative à l'interdiction de la propagande raciste est assurée par plusieurs dispositions légales mais il a souligné l'absence de référence explicite à l'incitation à la haine raciale ou ethnique ou à l'humiliation d'un groupe ethnique. Il a souhaité des éclaircissements à cet égard.

Se félicitant des progrès accomplis dans l'acquisition de la citoyenneté lettonne, le Rapporteur a souligné les problèmes qui demeurent en particulier concernant les non-russophones, qui représentent 66,7% des non-citoyens, eux-mêmes représentant 21% de la population totale. À cet égard, il s'est interrogé sur les différences statistiques, selon les sources, concernant les taux de succès ou d'échec aux tests requis sur la connaissance de la langue, de l'histoire et de la Constitution lettones. Il a en outre préconisé que des mesures additionnelles soient prises pour encourager les demandes de naturalisation, notamment par l'abaissement des droits à payer, un réexamen du test, la mise en place de cours de langue à peu de frais et des campagnes de sensibilisation à l'importance de la citoyenneté pour une pleine participation à la société.

M. Kjaerum a déploré le peu d'indicateurs socio-économiques ventilés en fonction des groupes ethniques ou de la division entre citoyens et non-citoyens, en particulier en ce qui concerne la situation des femmes russophones. Il a également demandé des informations supplémentaires sur le taux de chômage qui frappe les personnes qui ne sont pas Lettons de souche et, plus généralement, sur la discrimination au travail. En ce qui concerne les Roms, il s'est inquiété des informations relatives aux très forts taux de chômage et du manque d'éducation et de formation professionnelle au sein de cette communauté et a demandé quelles sont les mesures que prend le Gouvernement pour remédier à cette situation. Il a également posé des questions sur la situation des demandeurs d'asile et des réfugiés - qui semblent désavantagés -, sur la mise en œuvre du droit à l'éducation dans les langues minoritaires à différents niveaux; sur l'usage exclusif de la langue lettone dans l'administration et les difficultés qui en résultent pour ceux qui n'ont pas le letton pour langue maternelle; sur le critère d'«intérêt public» pris en compte pour l'utilisation de la langue lettone dans le secteur privé.

Le rapporteur a par ailleurs salué les efforts visant à renforcer le système judiciaire ainsi que le nouveau droit à indemnisation en cas de discrimination en matière d'emploi et les efforts de sensibilisation et d'information sur les possibilités de plainte et de recours. Il a exprimé sa profonde admiration pour les évolutions démocratiques de la Lettonie et les résultats impressionnants auxquels elle est parvenue en si peu de temps.

Au cours de l'examen du rapport de la Lettonie, plusieurs membres du Comité ont salué les efforts et les réussites de la Lettonie en vue de restaurer une société démocratique, ouverte, et respectueuse des droits de l'homme en l'espace d'une dizaine d'années seulement.

La délégation a jugé les questions et le dialogue avec le Comité très fructueux. Elle a précisé l'interprétation que fait la Lettonie du statut de citoyenneté. À cet égard, elle a rappelé que la Lettonie a toujours été une société multiethnique et a mis l'accent sur le bouleversement de l'équilibre national qui a résulté de l'occupation soviétique, notamment du fait de nombreuses déportations et de la politique de «russification». Depuis l'indépendance et avec la restauration de la Constitution, la loi prévoit l'octroi automatique de la citoyenneté à tous ceux qui avaient la citoyenneté lettone avant l'occupation. En ce qui concerne ceux qui n'étaient pas citoyens lettons mais avaient des permis de résidence et jouissaient ainsi de tous les droits et de la protection de l'État, ils sont considérés comme non-ressortissants mais jouissent d'un statut privilégié reconnu par l'État letton au nom de la continuité de l'État et ne peuvent être considérés comme apatrides au sens de la Convention sur les apatrides, a précisé la délégation, indiquant qu'en 2003, les Russes représentent 672 876 personnes, soit 29% de la population totale sur lesquels 330 000 sont non-citoyens. L'appartenance ethnique n'a jamais été un critère d'octroi de la citoyenneté en Lettonie, a assuré la délégation.

Répondant aux questions relatives à la naturalisation, la délégation a précisé que plusieurs procédures et mesures ont été adoptées afin d'encourager la naturalisation, comme plusieurs organisations l'avaient recommandé. À cet égard, la délégation a souligné que la loi permet à tous les résidents de Lettonie de demander leur naturalisation sans aucune restriction fondée sur des motifs ethniques. Les restrictions qui existent s'appliquent notamment à des personnes qui ont été reconnues coupables par un tribunal d'avoir nui à l'indépendance de la Lettonie; ont répandu des idées fascistes, chauvines, nazies, communistes ou autres idées totalitaires, après 1990; ou encore, qui appartenaient aux forces armées ou de police soviétiques et ont choisi la Lettonie pour résidence au moment de leur démobilisation alors qu'ils n'étaient pas résidents en Lettonie au moment de leur conscription ou de leur enrôlement. La délégation a précisé que depuis l'indépendance, plus de 64 000 personnes se sont vues octroyer la citoyenneté lettonne et seulement 106 demandes ont été rejetées sur la base des restrictions prévues par la loi. Selon les critères, il faut également avoir une maîtrise de la langue et de l'histoire lettones ainsi que de la Constitution et de l'hymne national. Un examen permet de vérifier ces connaissances. D'après les statistiques, 86% des candidats ont réussi l'examen de langue. En outre, depuis juin 2001, les élèves des écoles n'ont plus besoin de passer ce test, a précisé la délégation.

S'agissant des raisons pour lesquelles peu de demandes de naturalisation sont soumises, la délégation a fait état d'une étude qui avance notamment l'absence de motivation liée au fait qu'on ne voit pas quel avantage la naturalisation peut avoir au quotidien, l'importance des frais ou encore l'insuffisante maîtrise de la langue lettonne en particulier chez les personnes d'un certain âge. L'Office de la naturalisation a proposé des mesures comme la réduction des frais pour les personnes à la retraite, les handicapés, les étudiants ou les enseignants et l'exemption pure et simple de l'examen pour certaines catégories de personnes. Le Gouvernement et l'Office de la naturalisation poursuivent leurs efforts pour informer les non-ressortissants sur les avantages et les modalités d'obtention de la citoyenneté. Une fois par an, les demandeurs ont la possibilité de tester leur niveau avant de passer les examens. Une ligne de téléphone gratuite fait également partie de la campagne d'information. Plus de 30 000 personnes ont en outre suivi les cours d'apprentissage de la langue lettonne en 2002, avec le financement de l'État. Il faut également noter que la population comme l'État sont impliqués dans ce processus d'acquisition de la nationalité lettone.

Soulignant que la Lettonie préfère avoir des citoyens à part entière plutôt que des non-ressortissants, elle a expliqué les différences de statut qui peuvent exister entre les ressortissants et les non-ressortissants. À cet égard, elle a indiqué qu'il y a une politique très ouverte à l'égard des non-citoyens auxquels des opportunités de participation politique sont offertes même s'il n'ont pas le droit de vote. Toutefois, la Lettonie préfère les encourager à devenir citoyens à part entière et l'expérience a montré que dans les régions où une large participation leur est offerte, les demandes de naturalisation sont en baisse. Par ailleurs, il n'y a pas de grandes différences entre citoyens et non-citoyens, a affirmé la délégation, citant en exemple le taux de chômage dans le secteur privé qui s'établit à 11% pour les citoyens et à 13% pour les non-citoyens.

S'agissant de la connaissance obligatoire de la langue lettone, la délégation a indiqué qu'aujourd'hui encore, 80% de la population affirme parler russe comme première ou deuxième langue contre 78% qui affirme parler letton. Les Lettons sont minoritaires dans la plupart des grandes villes, ce qui est une des conséquences de la politique de russification menée pendant l'occupation, a indiqué la délégation, qui a en outre souligné que la langue russe était imposée pendant l'occupation. La délégation a estimé que l'imposition de la connaissance de la langue lettone, que certains experts ont qualifiée de «lettonisation», n'est pas contraire aux droits des minorités et cela a été reconnu par plusieurs instances. En revanche, elle a mis l'accent sur l'importance de la connaissance de la langue officielle par tous les citoyens pour une intégration sociale et démocratique. En ce qui concerne l'utilisation de la langue dans les municipalités, la délégation a mis l'accent sur la souplesse dont font preuve les autorités pendant cette période de transition, notamment pour ce qui de traduire des documents rédigés dans une autre langue ou encore la mise à disposition d'interprètes pour les groupes vulnérables, par exemple au cours de procès.

La politique linguistique vient de la volonté de créer une société démocratique et de sortir du legs soviétique tout en s'imposant des limites très strictes notamment s'agissant des droits culturels des minorités, a indiqué la délégation. La loi qui s'étend au secteur privé ne porte que sur les activités qui touchent à l'intérêt public. En outre, le Gouvernement a financé un programme de formation linguistique plutôt que d'imposer des amendes, qui se limitent à 12 cas particuliers, a souligné la délégation.

S'agissant de la réforme de l'éducation, qui a fait l'objet de nombreuses questions de la part du Comité, la délégation a d'abord précisé qu'en 1991, au moment de l'indépendance, deux systèmes différents coexistaient, le système letton et le système russe, qui lui-même recouvrait d'autres systèmes «russifiés» et qui s'adressaient notamment aux Polonais ou aux juifs. Afin de garantir l'égalité des chances, l'harmonie sociale et la promotion de la démocratie, il fallait refonder ce système. Les écoles russes, outre l'usage de la langue russe, avaient des programmes axés sur l'idéologie soviétique. En 1995, le PNUD a organisé un séminaire avec des experts internationaux qui ont fait des recommandations notamment sur la réforme linguistique et une transition progressive vers l'éducation en letton. Le programme national de formation linguistique en letton s'est développé et une formation a notamment été offerte aux enseignants qui s'occupent des minorités. En 1998-1999, la loi sur l'enseignement a été mise en œuvre, offrant notamment aux écoles minoritaires différents modèles bilingues. La loi du 12 août 2003 prévoit que cinq matières doivent être enseignées en letton alors que les matières enseignées dans les langues minoritaires peuvent représenter 40% de l'enseignement. Dans les écoles minoritaires, 48% des matières dans certaines classes sont toujours enseignés en russe, a indiqué la délégation, voulant démontrer ainsi le caractère progressif du changement qui devrait s'étaler jusqu'en 2010.

Par ailleurs, la délégation a indiqué qu'un dialogue est maintenu avec les parents d'élèves, les élèves et les enseignants et que des études montrent une réaction globalement positive de leur part. Elle a souligné que l'intégration sociale est l'un des objectifs majeurs qui sous-tendent l'idée d'un système d'éducation unifié. S'agissant du financement des écoles privées, la délégation a indiqué que la Lettonie a traditionnellement un système d'éducation public mais que le financement des écoles privées est à l'étude.

Répondant à plusieurs questions d'ordre social, la délégation a rappelé que la discrimination en matière d'emploi est interdite par la Constitution, qui protège par ailleurs le droit à la sécurité sociale pour tous, ressortissants ou non-ressortissants. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect du principe d'égalité de traitement ou de discrimination indirecte. En dépit de cette législation, peu de cas de discrimination ont été portés devant les tribunaux, a reconnu la délégation qui a expliqué ce phénomène notamment par le caractère encore nouveau de la loi. C'est pourquoi des activités ont été menées auprès des autorités, des employeurs et des employés afin de les sensibiliser, et un code de conduite a été élaboré à l'intention des employeurs. En ce qui concerne la discrimination dans le système de sécurité sociale, la délégation a indiqué que les différents systèmes d'assurances sociales (vieillesse, maladie ou chômage) sont intégrés et sont fondés sur la solidarité entre les générations et s'appliquent à tous les cotisants quel que soit leur statut. En outre, la délégation a fait valoir qu'en ce qui concerne la pauvreté, l'appartenance ethnique n'est pas le facteur déterminant, soulignant que la répartition de la pauvreté se fait plutôt sur une base régionale et précisant que ce sont les zones rurales qui sont les plus pauvres et que celle-ci sont majoritairement peuplées de Lettons de souche. S'agissant des Roms, la délégation a indiqué que 12,5% de la population active rom est au chômage, reconnaissant que ces chiffres sont préoccupants alors que la moyenne pour l'ensemble du pays s'établit à 9%. En ce qui concerne le droit de s'affilier à un syndicat, celui-ci est garanti indépendamment de l'appartenance ethnique ou du statut de citoyenneté, a précisé la délégation.

S'agissant de la définition de la discrimination raciale dont plusieurs experts ont relevé qu'elle n'était pas tout à fait conforme à la Convention, la délégation a indiqué que des changements législatifs et administratifs sont à l'étude en vue de l'adhésion à l'Union européenne et, en particulier, avec l'entrée en vigueur de la Directive européenne sur le racisme. La délégation a toutefois estimé que ces différences de définition peuvent être réglées par l'interprétation dans la mesure où la Constitution contient à la fois des clauses de non discrimination et d'égalité mais reconnaît aussi les dispositions des traités internationaux et, même, reconnaît le principe de primauté du droit international sur le droit interne. La loi sur les pouvoirs judiciaires stipule en outre que toutes les personnes sont égales devant les tribunaux. La délégation a par ailleurs informé que les exigences de langue qui étaient requises pour se porter candidat aux élections ont été abolies.

En réponse à plusieurs questions sur le nombre de plaintes pour discrimination portées à l'attention du Bureau national des droits de l'homme, la délégation a indiqué que le Bureau a fait deux consultations orales sur des cas de discrimination l'année dernière. Mais elle a surtout fait valoir que, d'une façon générale, les Lettons n'ont pas une tradition procédurière très forte et qu'ils ont davantage recours à des moyens de conciliation et de concertation qu'aux tribunaux. S'agissant des cas de génocide qui ont été jugés, la délégation a précisé qu'ils concernent des crimes qui se sont produits pendant la seconde guerre mondiale et que la Lettonie estime qu'il relève de ses obligations internationales de juger ces crimes qui ont frappé des Juifs ou des Lettons qui ont été déportés en Sibérie.

La délégation a ensuite répondu à des questions relatives au droit d'asile et à l'immigration. À cet égard, elle a notamment précisé que la détention avant expulsion d'immigrés clandestins ne peut être prolongée au-delà de 10 jours sans une décision de justice et ce, pour un maximum de 2 mois. Par ailleurs, elle a indiqué que le nombre très faible de réfugiés permet un examen au cas par cas et que, selon la réglementation, les institutions d'État et les collectivités locales coopèrent pour leur garantir le droit au logement. Mais la délégation a reconnu qu'il pouvait y avoir des difficultés notamment en raison du peu de logements vacants, et que les organisations non gouvernementales doivent parfois intervenir.

En ce qui concerne les groupes extrémistes en Lettonie, la délégation a déclaré que l'extrémisme raciste est faible en Lettonie et que la menace qu'il représente n'est pas aussi importante que dans d'autres pays. Trois groupes principaux ont été identifiés et ont vu leurs membres condamnés pour incitation à la haine raciale, vols d'armes et agression ou autres violences. À la question de savoir pourquoi ces groupes ne sont pas interdits, la délégation a indiqué que pour deux d'entre eux, ils ne sont même pas enregistrés.

En ce qui concerne l'intégration sociale des minorités, la délégation a indiqué que le programme d'intégration a fait l'objet de consultations avec des experts et des représentants des minorités. L'identification de projets pour la promotion des minorités, en particulier pour la promotion de la naturalisation, se poursuit. Ces projets portent sur des domaines divers et notamment sur la promotion des cultures minoritaires. En effet, le fait que le Gouvernement souhaite renforcer et promouvoir la langue et la culture lettonne, qui ont été diminuées pendant l'occupation soviétique, n'est pas en contradiction avec la promotion des autres langues et cultures, a souligné la délégation.


Observations préliminaires

M. MORTEN KJAERUM, s'est félicité des explications fournies et l'équilibre entre les réponses très complètes aux questions posées et l'explication du contexte particulier de la Lettonie. Il a particulièrement relevé le dilemme auquel la Lettonie fait face : octroyer plus de droits aux non-citoyens et contribuer ainsi également à leur intégration ou, au contraire, les encourager à devenir citoyens à part entière par le biais de la naturalisation. Soulignant la difficulté du sujet, il s'est félicité du fait que cette question fasse l'objet d'une réflexion. Par ailleurs, il a relevé que d'amples informations ont été fournies sur le cadre juridique et que l'accent a été mis sur la tradition de coopération et de participation qui explique parfois le faible recours aux tribunaux. M. Kjaerum a félicité la Lettonie pour la mise en place d'une société ouverte et démocratique en l'espace d'une dizaine d'années seulement et l'a encouragé à poursuivre dans cette voie.


La délégation a remercié les membres du Comité pour leurs commentaires et suggestions et a exprimé le souhait de la Lettonie de poursuivre un dialogue aussi fructueux aussi longtemps que possible pour parvenir à mettre en œuvre au mieux la Convention.


Examen de la situation en Israël

En fin de séance, le Comité a adopté une décision par laquelle il exprime sa préoccupation face à la transformation, le 31 juillet 2003, de l'«Ordre de suspension temporaire» en Loi sur la nationalité et l'entrée en Israël, qui suspend la possibilité de réunification des familles, soumise à des exceptions limitées et discrétionnaires, dans les cas de mariage entre un citoyen israélien et une personne résidant en Cisjordanie ou à Gaza. Le Comité note avec inquiétude que l'Ordre de suspension temporaire a déjà affecté un grand nombre de familles et de mariages.

Cette loi soulève de graves questions au regard de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Selon le texte du Comité, Israël devrait révoquer cette loi et reconsidérer sa politique en vue de faciliter l'unification des familles sur une base non discriminatoire. Ce texte demande en outre à Israël d'inclure des informations détaillées à ce sujet dans sont prochain rapport périodique.

Présentant le texte de cette décision, M. MAHMOUD ABOUL-NASR, membre du Comité, a exprimé sa préoccupation face à la situation qui prévaut en Israël et aux violations persistantes des droits des Palestiniens, en particulier par la construction d'un mur de sécurité, qui ont été condamnées à plusieurs reprises par la communauté internationale.

Lors de la discussion du texte, certains membres du Comité ont exprimé leur préoccupation face à l'exception faite aux résidents de certaines zones d'un droit accordé par ailleurs et donc, du caractère discriminatoire d'une telle mesure. S'agissant de l'argument de sécurité avancé par l'État d'Israël, tout en reconnaissant la liberté de chaque État à déterminer ses propres critères d'appréciation de la sécurité, certains experts se sont interrogés sur le rapport entre une telle mesure et la sécurité, et se sont demandés s'il existe réellement une pratique, comme le suggère une lettre adressée par Israël au Comité, de la part des femmes palestiniennes qui utiliseraient leur statut de résidentes, obtenu par mariage, pour commettre des attentats suicides.

Certains ont souhaité que le texte insiste davantage sur l'aspect hautement discriminatoire de cette loi et rappelle notamment la nécessité que le regroupement familial se fasse sur une base non discriminatoire. La question de la discrimination sur la base de la région de résidence ou de l'origine des personnes a en outre été discutée.

Un expert a souligné que, selon la lettre adressée au Comité par Israël, la mesure est toujours à l'examen devant les juridictions israéliennes et a suggéré que cela soit pris en compte. À cet égard, d'autres membres du Comité ont souligné le fait que cette loi est actuellement en vigueur et que le Comité doit agir dans le cadre de sa procédure d'urgence.



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