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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION TUNISIENNE

07 Mars 2003



CERD
62ème session
7 mars 2003
Matin




Il examine également la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée
en l'absence de rapport



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, son dialogue avec la délégation de la Tunisie, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport tunisien, M. José A. Lindgren Alves, notant que ce pays connaît certains problèmes mais reste un exemple dans sa région ainsi que dans d'autres régions du monde. Il a estimé nécessaire pour la Tunisie de reconnaître l'existence d'une minorité berbère comme population autochtone. Des observations finales sur le rapport tunisien seront adoptées ultérieurement. Le Comité a en outre examiné la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée en l'absence de rapport.
Dirigée par le Représentant permanent de la Tunisie auprès des Nations Unies à Genève, M. Habib Mansour, la délégation tunisienne a répondu aux questions posées hier par les membres du Comité, affirmant notamment qu'il n'y a pas de problème de Berbères en Tunisie et que tous les Tunisiens se réclament de leur berbérité. Elle a fait observer que «le terme d'Amazigh n'a pas droit de cité à l'intérieur des frontières tunisiennes». Le Tunisien appartient à une société tout à fait homogène et il n'y a pas de problèmes de minorités, a-t-elle ajouté.
La délégation a également fait observer que selon la loi sur les partis politiques, chaque parti doit s'engager à refuser la violence sous toutes ses formes, ainsi que le fanatisme, le racisme et la discrimination. Elle a en outre assuré que les travailleurs étrangers ne sont victimes d'aucune ségrégation et a indiqué que, selon la loi, les étrangers ont le droit d'acquérir des propriétés et biens en Tunisie sous condition de l'obtention d'un permis administratif. Quant aux allégations selon lesquelles la situation des droits de l'homme se détériorerait dans le pays, la délégation a assuré que depuis plusieurs années, le processus démocratique gagne du terrain. «Nous n'avons pas de prisonniers politiques en Tunisie», a déclaré la délégation.
Les membres suivants du Comité ont pris la parole dans le cadre du dialogue avec la délégation : M. Régis de Gouttes, M. Kurt Herndl, M. Mario Jorge Yutzis, M. Tang Chengyuan, M. Mahmoud Aboul-Nasr.
Examinant par ailleurs la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée en l'absence de rapport, le rapporteur du Comité chargé de l'examen de cette question, M. Luis Valencia Rodríguez, a conclu que le Gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée viole une obligation internationale à laquelle il a souscrit en ne présentant pas de rapport au Comité depuis vingt ans. L'expert a notamment estimé que la Papouasie-Nouvelle-Guinée devrait présenter au Comité un rapport dans lequel figureraient des informations concernant la composition démographique de la population; les paramètres socioéconomiques relatifs en particulier aux groupes ethniques et tribaux; la situation en matière de discrimination raciale; ainsi que des données précises sur la situation à Bougainville.
Le Comité entamera, cet après-midi, à 15 heures, l'examen des deuxième à dixième rapports périodiques de l'Ouganda, réunis en un seul document (CERD/C/358/Add.1)

Fin de l'examen du rapport de la Tunisie
Plusieurs membres du Comité s'étant enquis, hier après-midi, de la situation des Berbères en Tunisie, la délégation a affirmé qu'il n'y a pas de problème d'Amazigh dans le pays. La délégation a d'ailleurs tenu à ce que le terme «Amazigh» soit rectifié par celui de Berbère. «Le terme "Amazigh" n'a pas droit de cité à l'intérieur de nos frontières», a-t-elle insisté. «Nous n'avons pas de problème de Berbères en Tunisie et nous nous réclamons d'ailleurs tous de notre berbérité», a déclaré la délégation. Le Tunisien appartient à une société tout à fait homogène et il n'y a pas de problèmes de minorités; si un tel problème est soulevé, ce n'est que dans l'esprit de certains, a poursuivi la délégation. La Tunisie est aujourd'hui un pays stable et prospère où règne la sécurité, ce qui lui permet d'aller de l'avant du point de vue de son développement et de réussir son intégration dans le monde et dans la modernité, a déclaré la délégation.
La délégation a par ailleurs assuré que la Tunisie n'a aucun problème avec Amnesty International qui a été autorisé à ouvrir un bureau à Tunis dès 1988. «Ce que nous regrettons, c'est la façon dont cette organisation entoure ce genre de dialogue», a affirmé la délégation. La délégation a fait observer que les autorités répondent toujours aux rapports d'Amnesty International mais que jamais Amnesty International ne publie les réponses apportées par les autorités aux allégations publiées dans ses rapports.
Quant aux allégations selon lesquelles la situation des droits de l'homme se détériorerait dans le pays, la délégation a assuré que depuis plusieurs années, le processus démocratique gagne du terrain en Tunisie. Les droits de l'homme sont bien ancrés dans la culture tunisienne, a ajouté la délégation. La Tunisie a toujours autorisé la formation d'organisations de droits de l'homme à condition qu'elle soit conforme aux dispositions légales en vigueur dans le pays. La loi est la même pour tous et il faut que la loi constitutionnelle soit respectée, a souligné la délégation.
«Nous n'avons pas de prisonniers politiques en Tunisie», a déclaré la délégation. «Nous n'avons pas cette notion dans notre législation», a-t-elle ajouté avant de préciser les personnes concernées «sont des gens qui sont condamnés en vertu du droit commun», soit pour incitation à la haine soit pour des actes attentant aux biens et aux personnes.
La délégation a par ailleurs indiqué que la loi sur les partis politiques adoptée en 1988 stipule en son chapitre 2 que tout parti politique doit respecter et défendre un certain nombre de principes au nombre desquels figure la sauvegarde des acquis de la nation tunisienne. Par conséquent, chaque parti doit s'engager à refuser la violence sous toutes ses formes, ainsi que le fanatisme, le racisme et la discrimination, a souligné la délégation avant de faire valoir qu'il n'est pas possible pour un parti de s'appuyer fondamentalement dans ses principes, objectifs, activités ou programmes, sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région. Des dispositions similaires régissent la création des associations, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que les autorités tunisiennes ont pris le parti de contrecarrer les activités des extrémistes en appliquant la loi, sans jamais recourir à l'état d'urgence ni à la mise en place de tribunaux d'exception. À travers l'article 52bis du Code pénal, le législateur a choisi de ne pas dresser une liste exhaustive des infractions terroristes et a choisi d'assimiler l'incitation à la haine raciale au terrorisme, a par ailleurs expliqué la délégation.
«Dans l'histoire récente de la Tunisie, il n'y a pas de phénomène en tant que tel de discrimination raciale», a poursuivi la délégation.
La délégation a par ailleurs fait part de deux affaires survenues ces dernières années et intéressant la Convention. L'une d'elles, étudiée par la Cour de cassation tunisienne, concerne la distribution, par une personne, de tracts publiés par le Comité de lutte contre la normalisation des juifs. Cette personne a été condamnée à trois ans d'emprisonnement et trois ans de contrôle administratif, a indiqué la délégation. Une autre affaire examinée, elle, par la Chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Tunisie, a trait à une personne condamnée à six mois d'emprisonnement pour avoir distribué des tracts émanant d'un groupe baptisé «Groupe des résistants démocratiques et nationaux».
Pour ce qui est de l'amendement apporté à l'article 8 de la Convention (concernant les frais encourus par les membres du Comité), la délégation a indiqué que l'acceptation de cet amendement ne devrait pas poser problème pour la Tunisie. Pour ce qui est de la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention (concernant les communications, ou plaintes individuelles), c'est un dossier en cours d'examen par les autorités tunisiennes il sera probablement apporté une réponse en la matière d'ici la présentation du prochain rapport du pays, a affirmé la délégation.
La délégation a par ailleurs fait valoir que selon les dispositions de l'article 32 de la Constitution, les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois.
Dès les années 1990, la Tunisie a mis en place un Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'institution consultative auprès du Président de la République. L'une des tâches essentielles de ce Comité est d'assister le Président de la République dans la promotion des droits de l'homme. Les prérogatives du Président de ce Comité ont été élargies et il est désormais habilité à effectuer des visites inopinées dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires, a fait observer la délégation. Suite à un rapport récemment présenté par le Président du Comité au Président de la République, ce dernier a décidé de prendre une série de mesures en vue d'améliorer davantage la situation dans les prisons, a indiqué la délégation.
L'ombudsman a quant à lui pour mandat de résoudre à l'amiable les litiges entre l'administration et les citoyens, a poursuivi la délégation. Une loi datée du 14 février 2002 stipule que ce médiateur administratif ne reçoit d'injonction d'aucune autorité publique, a précisé la délégation.
Interrogée sur les conditions d'emploi des étrangers en Tunisie, la délégation a assuré que les travailleurs étrangers ne sont victimes d'aucune ségrégation, comme en témoignent les dispositions du Code du travail qui stipulent qu'ils jouissent des mêmes droits que les autres.
S'agissant du droit de propriété des étrangers, la délégation a indiqué que la Loi sur le statut des étrangers (1968) prévoit entre autres, pour les étrangers, le droit d'acquérir des propriétés et biens en Tunisie sous condition de l'obtention d'un permis administratif à cette fin. Des accords bilatéraux ont également été conclus dans ce domaine avec certains pays.
En ce qui concerne les questions de nationalité, la délégation a indiqué que selon le Code de la nationalité, un individu peut être déchu de sa nationalité s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'État ou s'il se livre au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Tunisien et préjudiciables aux intérêts de la Tunisie, ou s'il est condamné en Tunisie ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi tunisienne et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement ou s'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations de la loi sur le service national. La déchéance n'est encourue que si ces faits se sont produits dans le délai de 10 ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité tunisienne et dans un délai de cinq depuis la perpétration des faits.
Un membre du Comité a souhaité obtenir des informations sur des cas pratiques d'application de l'article 52bis du Code pénal tunisien. Relevant que plusieurs ONG font état de pressions subies par des organisations et militants de droits de l'homme en Tunisie, cet expert a estimé que le Gouvernement pourrait judicieusement consulter les ONG compétentes lors du processus d'élaboration des rapports que le pays présente aux différents organes conventionnels des Nations Unies.
Un autre membre du Comité a insisté pour que le prochain rapport périodique de la Tunisie fournisse des informations détaillées sur le nombre d'Amazigh vivant dans le pays et sur leurs conditions de vie.
À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport tunisien, M. José A.Lindgren Alves, a affirmé que les informations fournies par la délégation tunisienne complètent le tableau que chacun s'était fait, avant ce dialogue, de la situation en Tunisie ; un pays qui a des petits problèmes mais reste un exemple dans sa région ainsi que dans d'autres régions du monde. «J'ai moi-même appris qu'il y avait un problème amazigh en Tunisie en arrivant au Comité», a affirmé M. Lindgren Alves. Il a estimé nécessaire pour la Tunisie de reconnaître l'existence d'une minorité berbère comme population autochtone. Il s'est dit persuadé que cette question allait suivre le pays partout. M. Lindgren Alves a affirmé que s'il s'avère vrai que l'utilisation de noms berbères est interdite, question à laquelle la délégation n'a d'ailleurs pas répondu, ce serait alors très malheureux.
M. Lindgren Alves s'est réjoui de la situation qui prévaut dans le pays en matière de liberté de culte, laquelle semble être totale. Il s'est en outre réjoui que le niveau de pauvreté en Tunisie ait baissé jusqu'à ne plus toucher que 4% de la population.
Les premiers habitants historiques de la Tunisie sont les Berbères; c'est là une évidence historique que nous continuons de cultiver, a assuré la délégation. Le Représentant permanent de la Tunisie auprès des Nations Unies à Genève a affirmé n'avoir jamais reçu, au cours de ses affectations, la moindre circulaire qui interdirait à un ressortissant tunisien de choisir quelque nom que ce soit.

Examen de la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée
Le rapporteur pour l'examen de la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée, M. Luis Valencia Rodríguez, a rappelé que le Comité n'a pas reçu de rapport de ce pays depuis vingt ans. Le Comité a, à plusieurs reprises, fait part de sa préoccupation face à la situation dans l'île de Bougainville où se trouve la plus grande mine de cuivre du monde. La lutte armée entre les forces gouvernementales et l'Armée révolutionnaire de Bougainville aurait fait 20 000 morts et des milliers de réfugiés et de personnes déplacées, a-t-il rappelé. En août 2001, les dirigeants des deux parties ont souscrit à un accord de paix prévoyant un référendum au sujet de l'indépendance du territoire. En mars 2002, l'armée de Papouasie-Nouvelle-Guinée a rasé un camp de réfugiés des environs de Vanimo afin d'obliger à rentrer chez eux les Indonésiens qui s'y trouvaient depuis qu'ils avaient fui l'Irian Jaya du fait d'une lutte entre l'armée indonésienne et un groupe séparatiste. M. Valencia Rodríguez a rappelé que cinq décisions antérieures du Comité n'ont pas fait l'objet de réponses de la part de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Le Gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée viole une obligation internationale $ laquelle il a souscrit en ne présentant pas de rapports au Comité depuis vingt ans, a souligné M. Valencia Rodríguez. Il a estimé que la Papouasie-Nouvelle-Guinée devrait présenter au Comité un rapport dans lequel figureraient des informations concernant la composition démographique de la population; les paramètres socioéconomiques relatifs en particulier aux groupes ethniques et tribaux; ainsi que la situation en matière de discrimination raciale. Un tel rapport devrait également fournir des données précises concernant Bougainville. En gage de bonne volonté de coopération avec le Comité, la Papouasie-Nouvelle-Guinée devrait en outre retirer la réserve qu'elle a émise à l'égard de l'article 4 de la Convention qui traite de la condamnation et de l'incrimination de la propagande et des organisations racistes, a ajouté M. Valencia-Rodríguez. La Papouasie-Nouvelle-Guinée pourrait également recourir à l'assistance technique du Haut-Commissaire aux droits de l'homme afin de préparer et présenter son rapport, a-t-il suggéré. Le Comité doit pour sa part affirmer que si l'État ne s'acquitte pas de ses obligations de présentation de rapport, le Comité examinera de nouveau la situation du pays à sa session de mars 2004.



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