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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DES FIDJI

11 Mars 2003



CERD
62ème session
11 mars 2003
Après-midi





Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen des sixième à quinzième rapports périodiques des Fidji sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Isikeli Mataitoga, Représentant permanent des Fidji auprès de l'Union européenne, a souligné que le Gouvernement s'est fixé pour objectif premier de promouvoir la stabilité au sein de la société multiethnique et multiculturelle des Fidji, grâce à un rétablissement de la confiance entre les différents citoyens et communautés ainsi qu'à un renforcement des bases propices à une croissance économique et à une prospérité favorables à tous. Le Gouvernement reconnaît que les autochtones fidjiens constituent la communauté majoritaire des Fidji, tant du point de vue numérique qu'en tant que principaux propriétaires terriens. En répondant à leurs préoccupations, notamment par des programmes d'action affirmative, le Gouvernement investirait aussi dans la stabilité future du pays, a déclaré M. Mataitoga. Le Vingtième plan annuel pour les Fidjiens autochtones et les Rotumans constitue un ingrédient essentiel de l'instauration de la paix et de la stabilité, a-t-il insisté.
La délégation fidjienne est également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur; du Ministère des finances; du Département des plaintes de la police; et de la Commission de réforme des lois.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport fidjien, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, a indiqué ne pas bien comprendre le refus des Fidji de souscrire aux dispositions de l'article 4 de la Convention, relatives à l'interdiction des organisations qui cherchent à promouvoir la haine raciale. Dans un pays comme les Fidji où il y a des tensions raciales, l'adoption d'une législation telle que celle envisagée dans cet article semble essentielle, a-t-elle estimé. Elle a souligné que la Constitution du pays ne définit pas la discrimination, ne mentionne pas les métis et semble organiser la suprématie d'un pouvoir politique autochtone. Elle a indiqué nourrir des préoccupations s'agissant, en particulier, de la politique foncière, et de la législation sur la discrimination positive, qui semble avoir un impact négatif.
Les membres suivants du Comité sont également intervenus: MM. Kurt Herndl, Régis de Gouttes, Luis Valencia Rodríguez, Alexandre Sicilianos, Morten Kjaerum, Patrick Thornberry, Mario Jorge Yutzis, Raghavan Vasudevan Pillai, Tang Chengyuan, Nourredine Amir. Nombre d'entre eux ont souligné que des divergences persistent entre le Comité et les autorités fidjiennes s'agissant en particulier de la question des réserves et des déclarations interprétatives que le pays à émises s'agissant de nombreuses dispositions de la Convention.
En début de séance, le Président du Comité, M. Ion Diaconu, a indiqué que la Suisse vient de faire la déclaration prévue au titre de l'article 14 de la Convention en vertu de laquelle elle reconnaît la compétence du Comité pour examiner des plaintes émanant de particuliers qui se disent victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans la Convention.
Le Comité poursuivra demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport des Fidji en entendant les réponses apportées par la délégation aux questions posées cet après-midi par les experts.

Présentation du rapport de Fidji
Présentant le rapport de son pays, M. ISIKELI MATAITOGA, Représentant permanent des Fidji auprès de l'Union européenne, a souligné que les troubles politiques récents qu'a connus son pays ont créé des difficultés qui ont perturbé le processus de préparation du rapport que les Fidji devaient présenter au Comité. Les autorités fidjiennes n'en ont pas moins décidé de renouer un dialogue transparent et constructif avec le Comité, comme en témoignent la présentation du présent rapport et la présence de la délégation fidjienne, aujourd'hui, devant le Comité. M. Mataitoga a assuré que son pays prenait avec sérieux toutes les préoccupations exprimées par le Comité.
M. Mataitoga a indiqué que le Forum constitutionnel des citoyens (FCC), qui avait été radié des fondations caritatives, devrait être enregistré au titre d'une nouvelle législation. Il a également indiqué que les autorités fidjiennes ont tenu en février 2003 leur première réunion avec les organisations non gouvernementales et s'est dit encouragé par la participation active de toutes les ONG à cette réunion.
Nombre de lois et de politiques gouvernementales des Fidji, y compris la déclaration des droits de la Constitution, permettent de répondre aux exigences de la Convention, a souligné M. Mataitoga.
M. Mataitoga a rappelé que les événements politiques de 1987 et 2000 avaient eu de graves conséquences pour le pays, causant des dommages irréparables sur les relations raciales et sur l'économie nationale. Afin de prendre des mesures préventives de manière à ce que de tels événements ne se reproduisent pas, le Gouvernement s'est fixé pour objectif premier de promouvoir la stabilité au sein de la société multi-ethnique et multiculturelle des Fidji, grâce à un rétablissement de la confiance entre les différents citoyens et communautés ainsi que grâce à un renforcement des bases propices à une croissance économique et à une prospérité favorables à tous aux Fidji. Le Gouvernement fidjien reconnaît que les autochtones fidjiens constituent la communauté majoritaire des Fidji, tant du point de vue numérique qu'en tant que principaux propriétaires terriens. En répondant à leurs préoccupations, le Gouvernement investirait aussi dans la stabilité future du pays, a reconnu M. Mataitoga. Les programmes d'action affirmative ne sont pas nouveaux, a-t-il souligné. Le Vingtième plan annuel pour les Fidjiens autochtones et les Rotumans constitue un ingrédient essentiel de l'instauration de la paix et de la stabilité, a-t-il insisté.
Les sixième à quinzième rapports périodiques des Fidji, réunis en un seul document (CERD/C/429/Add.1), rappellent que le dernier rapport du pays a été soumis au Comité en octobre 1982 et examiné en juillet 1983. Dans le cadre d'une évolution importante du cadre politique des relations raciales aux Fidji, les dirigeants des deux principaux partis politiques représentés au Parlement sont convenus d'exhorter les parlementaires de leurs partis respectifs à réduire le nombre des remarques raciales au cours de la nouvelle session parlementaire. Cet accord revêt une grande importance compte tenu du ton des remarques raciales formulées au cours de la session précédente, précise le rapport. Le rapport indique par ailleurs que le Forum constitutionnel des citoyens (FCC), qui assure la présidence et le secrétariat de la Fédération fidjienne des organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme, a été radié par le greffier des fondations caritatives en avril 2001, le greffier ayant reçu une plainte contestant la légalité du FCC en vertu de la loi applicable.
En ratifiant par succession la Convention, en 1973, le Gouvernement fidjien a expressément confirmé la réserve et les déclarations auxquelles le Gouvernement britannique avait subordonné la ratification de la Convention au nom de ce qui était à l'époque la colonie des Fidji, mais en les reformulant de manière à ce que le Gouvernement fidjien se réserve le droit de ne pas appliquer les dispositions de l'article 5 de la Convention relatives aux élections, à la propriété de la terre, au système scolaire fidjien. Le Gouvernement précise en outre que, selon lui, l'article 4 de la Convention ne demande aux parties d'adopter de nouvelles mesures législatives dans les domaines visés par cet article que dans la mesure où les États parties considèrent que des dispositions législatives complémentaires ou une modification de la loi et de la pratique en vigueur dans ces domaines sont nécessaires à la réalisation de l'objectif précisé à l'article 4.
Le rapport indique que le recensement de la population de 1996, comme les précédents, a classé la population dans huit groupes ethniques: Chinois, Européens, Fidjiens, Indiens, métis d'Européens, Rotumans, insulaires du Pacifique et groupes ethniques divers. Tous les citoyens des îles Fidji ont les mêmes droits en vertu de la loi, poursuit le rapport. Il souligne que ce principe fondamental sous-tend la position des Fidji à l'égard de tous les articles de la Convention. Les Fidji ont la législation antidiscriminatoire la plus stricte et complète des îles du Pacifique, ajoute le rapport. Ces lois interdisent la discrimination raciale dans l'emploi, la fourniture de biens et de services, l'éducation et la formation, la délivrance des autorisations professionnelles, l'adhésion aux organisations syndicales ou patronales, l'accès aux lieux publics et la fourniture de terres, de logements et de services d'hébergement.
Les dispositions législatives interdisant la discrimination sont toutefois peu nombreuses, reconnaît le rapport. La Constitution de 1997 interdit expressément toute discrimination aux motifs de la race, de l'origine ethnique, de la langue maternelle, de la couleur et du lieu d'origine et aussi du sexe de la naissance, de l'orientation sexuelle, de l'âge, de l'incapacité, de la situation économique, de l'opinion et de la croyance, poursuit le rapport. Des exceptions sont prévues notamment pour assurer la bonne administration des Fidjiens et des Rotumans en matière de terres, de droits de pêche et surtout de titres. Étant donné la nécessité de s'attaquer aux disparités économiques, sociales et éducationnelles existant entre les Fidjiens et les Rotumans et les autres communautés ethniques des Fidji, les programmes en faveur des groupes désavantagés sont en principe provisoires et doivent cesser une fois que les buts ou objectifs fixés auront été atteints.
Le Gouvernement fidjien a pris note de la ferme conviction du Comité selon laquelle la loi devrait interdire toute organisation de caractère raciste, ajoute le rapport. De telles mesures d'interdiction ne peuvent être prises aux Fidji, précise-t-il. Le Gouvernement considère en effet qu'interdire les organisations extrémistes ou tenter de restreindre leurs activités en raison de leurs opinions politiques n'apparaîtrait pas comme étant conforme au principe de liberté d'expression et irait très certainement à l'encontre du but recherché. Le fait que ces groupes n'ont pas été interdits ne met pas leurs membres à l'abri de poursuites s'ils commettent des infractions pénales, souligne néanmoins le rapport. En outre, le Gouvernement fidjien ne pense pas qu'il soit bon, quant au principe, de définir une catégorie à part pour les crimes violents à motivation raciale, qui seraient punissables d'une peine plus lourde que les autres infractions de violence égale. Dans la pratique, il serait très difficile de prouver la motivation raciale, au-delà d'un doute raisonnable. Le Gouvernement pourrait envisager des formules selon lesquelles un tribunal pourrait considérer la motivation raciale comme une circonstance aggravante dans la limite des peines maximales existantes.

Examen du rapport fidjien
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport fidjien, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, a rappelé que les coups d'État, en 1987 et en 2000 ont eu des conséquences tragiques pour le pays. Elle a souligné que la radiation du Forum constitutionnel des citoyens (FCC) avait été une décision politique découlant du fait que ce Forum remettait en question la dissolution du parlement et la prolongation du Gouvernement intérimaire. Mme January-Bardill a par ailleurs rappelé que lors de l'examen du cinquième rapport périodique des Fidji, le Comité avait souligné qu'une déclaration ou une déclaration interprétative ne pouvait être considérée comme une réserve et ne pouvait donc en aucune manière affecter la mise en œuvre de la Convention. Elle a indiqué que le Comité ne manquerait pas de réitérer sa recommandation visant à ce que les Fidji revoient la réserve qu'elles ont prononcées à l'égard de l'article 5 de la Convention. Mme January-Bardill a indiqué ne pas bien comprendre le refus des Fidji de souscrire aux dispositions de l'article 4 de la Convention relatives à l'interdiction des organisations qui cherchent à promouvoir la haine raciale. Dans un pays comme les Fidji, où il y a des tensions raciales, l'adoption d'une législation telle que celle envisagée dans cet article semble essentielle, a-t-elle estimé. Elle a par ailleurs relevé que la question de la composition du Cabinet des Fidji est encore devant les tribunaux.
La rapporteuse s'est dite encouragée par l'ambition affichée par les Fidji de s'attaquer aux disparités socioéconomiques dans le pays. Il n'en demeure pas moins que la Constitution du pays ne définit pas la discrimination, ne mentionne pas les métis et semble organiser la suprématie d'un pouvoir politique autochtone. Certaines critiques soulignent en outre que le Gouvernement fidjien continue de politiser la culture, l'identité et l'ethnicité et que les personnes ne bénéficient de droits que lorsqu'ils correspondent à l'élite telle qu'elle est conçue dans l'imaginaire national et lorsqu'elles appartiennent à la principale ethnie. En outre, les politiques foncières semblent violer la Convention en ce sens qu'elles sont favorables à une partie seulement de la population, à savoir les Fidjiens autochtones, a par ailleurs fait observer Mme January-Bardill. Dans quelle mesure la Commission des droits de l'homme des Fidji a-t-elle participé à l'élaboration du rapport, s'est-elle par ailleurs enquise?
En résumé, Mme January-Bardill a indiqué nourrir des préoccupations s'agissant, en particulier, de la politique foncière (qui viole l'article 3 de la Convention); du non-enregistrement du Forum constitutionnel des citoyens (FCC); et de la législation sur la discrimination positive, qui semble avoir un impact négatif. Bien sûr, une discrimination positive peut s'avérer nécessaire pour redresser des faits historiques, mais si l'effet est contraire au but recherché, le Comité ne peut qu'exprimer sa préoccupation, a souligné Mme January-Bardill.
Plusieurs membres du Comité ont souligné que des divergences persistent entre cet organe et les autorités fidjiennes s'agissant en particulier de la question des réserves et des déclarations interprétatives que le pays à émises s'agissant de nombreuses dispositions de la Convention. Un expert a relevé l'étendue assez exceptionnelle de ces réserves. Plusieurs experts ont relevé que les Fidji n'ont pas fait la déclaration prévue au titre de l'article 14 de la Convention (concernant la reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles) au motif que l'effet global des différents recours disponibles aux Fidji en vertu du droit interne et du droit international est déjà tout à fait considérable, et ce, alors que la Conférence de Durban avait appelé les États à faire cette déclaration.
Parmi les motifs de préoccupation soulevés par les membres du Comité, figurent le taux de suicide particulièrement élevé - selon certaines ONG - au sein de la population indo-fidjienne; les attaques racistes dont seraient victimes les Indo-Fidjiens; l'action affirmative mise en place par les autorités; le statut des différentes langues parlées aux Fidji; la question du délit de sédition.



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