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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

10 Mars 2003



CERD
62ème session
10 mars 2003
Après-midi



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen des quinzième, seizième et dix-septième rapports périodiques de la Fédération de Russie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le rapport était présenté par le Ministre des nationalités de la Fédération de Russie, M. Vladimir Yurievich Zorin.
M. Zorin a notamment souligné que la Fédération de Russie compte 176 peuples ou ethnies et nationalités. En 1998, les autorités russes ont pris de nouvelles mesures afin de prévenir et combattre toute forme de discrimination raciale, notamment par le biais des lois sur la citoyenneté, sur la situation des étrangers, sur la lutte contre toutes les formes d'extrémisme. Des mesures ont également été prises afin de prévenir la haine à l'encontre les Tchétchènes, notamment dans le contexte des événements d'octobre dernier concernant la prise d'otages dans un théâtre moscovite.
Le Ministre des nationalités a rappelé qu'un référendum doit se tenir bientôt dans la République tchétchène de la Fédération de Russie, concernant une constitution qui devrait permettre à la population de revenir à une vie normale. Le projet de constitution prévoit notamment la souveraineté de la République tchétchène dans le cadre des compétences de la Fédération de Russie et utilise, fait sans précédent, les termes de citoyen de la République tchétchène.
La délégation russe est également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du développement économique, du Bureau du Procureur général et ainsi que de la maison d'édition Mir.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, M. Patrick Thornberry, a fait part de ses préoccupations face aux nombreuses informations relatives aux vérifications d'identité et au «profilage racial». Il s'est en outre inquiété d'informations faisant état d'activités armées menées contre des groupes non russes. Il s'est également inquiété des agissements d'organisations nationalistes qui propagent une propagande haineuse à l'encontre de certaines minorités. Beaucoup d'informations font état d'un sentiment anti-gitan qui règnerait au sein de nombreux médias, a-t-il ajouté. Il s'est aussi inquiété des violences commises par des néo-nazis et des skinheads à l'égard, en particulier, de personnes originaires du Caucase.
Les membres suivants du Comité sont également intervenus: M. Kurt Herndl, M. Régis de Gouttes, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Morten Kjaerum, M. Alexandre Sicilianos, M. Nourredine Amir, M. Mario Jorge Yutzis, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. José A. Lindgren Alves, M. Marc Bossuyt. Plusieurs membres du Comité ont fait part de leurs préoccupations face aux agissements d'un groupe extrémiste, le mouvement cosaque.
Le Comité entendra demain matin, à 10 heures, les réponses apportées par la délégation russe aux questions soulevées cet après-midi par les experts.

Présentation du rapport de la Fédération de Russie
M. VLADIMIR YURIEVICH ZORIN, Ministre des nationalités de la Fédération de Russie, a souligné que son pays compte 176 peuples ou ethnies et nationalités et est composé à 82% de Russes, une dizaine d'autres groupes ethniques comptant plus d'un million d'individus, parmi lesquels on compte notamment les Tatars (5,5 millions) et les Ukrainiens (4,4 millions). La Fédération de Russie compte également 65 petits peuples comportant moins de 50 000 individus, a précisé le Ministre, qui a ajouté qu'«il s'agit de groupes à problèmes envers lesquels il convient de faire preuve de paternalisme en leur apportant une aide».
En 1998, a poursuivi le Ministre, les autorités russes ont pris des mesures complémentaires aux dispositions légales déjà existantes afin de prévenir et combattre toute forme de discrimination raciale, notamment par le biais des lois sur la citoyenneté, sur la situation des étrangers, sur le service civil et sur la lutte contre toutes les formes d'extrémisme. Des mesures ont également été prises afin de prévenir et combattre la haine à l'encontre les Tchétchènes, notamment dans le contexte des événements d'octobre dernier concernant la prise d'otages dans un théâtre moscovite. Suite à ces événements, le Président Poutine était lui-même intervenu pour souligner qu'il ne fallait pas réagir en manifestant une quelconque haine à l'égard des Tchétchènes, a rappelé M. Zorin.
La Fédération de Russie compte environ deux mille organisations nationales qui s'occupent de questions relatives à la vie de diverses minorités nationales, a par ailleurs indiqué le Ministre. Le pays compte en outre quelque 20 000 organisations représentant 68 confessions différentes, a-t-il également indiqué.
Des problèmes hérités de l'histoire, notamment de la période soviétique, perdurent en Fédération de Russie, s'agissant notamment de la réhabilitation des peuples opprimés, a reconnu le Ministre. Mais nous cherchons généralement à résoudre ces problèmes, a-t-il assuré. Les Gitans sont 55 000 en Fédération de Russie, a par ailleurs indiqué M. Zorin, qui a souligné qu'une entité culturelle autonome des gitans de Russie avait été créée.
S'agissant de la République tchétchène de la Fédération de Russie, le Ministre des nationalités a rappelé qu'un référendum concernant la constitution de cette entité constituante de la Fédération doit se tenir bientôt. La tenue du référendum devrait permettre à la population tchétchène de revenir à une vie normale, a affirmé le Ministre. Il a indiqué que le projet de Constitution de la République tchétchène tel qu'il doit être soumis à référendum comporte deux éléments importants qui le distinguent d'autres textes du même genre existant dans d'autres républiques de la Fédération dans la mesure où il prévoit la souveraineté de la République tchétchène dans le cadre des compétences de la Fédération de Russie et où est utilisé pour la première fois, fait sans précédent, le terme de citoyen de la République tchétchène.
Un autre membre de la délégation russe est intervenu pour souligner qu'en juillet 2002, une loi fédérale a été adoptée sur la prévention des actes d'extrémisme politique, en vertu de laquelle sont interdites les associations qui s'adonnent à ce genre d'activités. Des modifications ont alors été apportées au Code pénal, de sorte que l'on peut dire que les autorités russes ont tenu compte des recommandations du Comité dans ce domaine, telles que présentées à l'issue de l'examen du quatorzième rapport périodique de la Fédération de Russie.
Un troisième membre de la délégation russe a souligné que la problématique linguistique apparaît dans les lois et constitutions des entités constituantes de la Fédération de Russie. Les langues des minorités sont utilisées dans le secteur de la radiodiffusion et plus de 450 programmes télévisuels, pour ne citer qu'eux, utilisent 69 langues. À la fin de l'année 2002, on comptait 414 journaux et périodiques en langues minoritaires dont un tiers était financé par le gouvernement. En outre, la législation garantit le droit de chaque citoyen de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle. Est en outre assurée la préservation des langues des petits peuples qui sont en voie de disparition.
Les quinzième, seizième et dix-septième rapports périodiques de la Fédération de Russie, réunis en un seul document (CERD/C/431/Add.2) contiennent en annexe (et en russe seulement) le projet de programme fédéral spécial intitulé «Inculquer la tolérance et prévenir l'extrémisme dans la société russe, 2001-2005»; des informations sur la situation des personnes qui ont quitté temporairement leur résidence permanente dans la République tchétchène de la Fédération de Russie; des renseignements sur la situation des Tziganes; ainsi que des renseignements sur la situation des Turcs Meshkets dans la Fédération de Russie.
L'article 19 de la Constitution dispose que «tous sont égaux devant la loi» et que «l'État garantit à tous l'exercice, en toute égalité, des droits et des libertés, sans distinction de sexe, de race, de nationalité, de langue, d'origine, de situation patrimoniale et professionnelle, de lieu de résidence, d'attitude à l'égard de la religion, de convictions, d'appartenance à des associations ainsi que d'autres considérations. Toute forme de limitation des droits fondée sur des motifs d'appartenance sociale, raciale ou nationale, de langue ou de religion est interdite». Il convient de noter que la liste des motifs de discrimination interdits qui figure dans cet article n'est pas exhaustive et que cet article peut donc être interprété d'une façon large et progressiste. L'article 13 de la Constitution dispose en outre que «sont interdites la création et l'activité d'associations dont les buts et les actes visent … à inciter à la discorde sociale, raciale, ethnique et religieuse». Quant à l'article 29 de la Constitution, il dispose que la propagande ou l'agitation incitant à la haine ou à l'hostilité sociale, raciale, nationale ou religieuse sont interdites, de même que la propagande en faveur d'une supériorité sociale, raciale, nationale, religieuse ou linguistique.
Le rapport précise que le nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er janvier 1997 prête une attention considérable à l'interdiction de toutes les formes de discrimination. L'article 4 du chapitre premier énonce les buts et principes du Code pénal et dispose que les personnes qui se sont rendues coupables d'infractions sont égales devant la loi et s'exposent à des sanctions pénales, sans distinction de sexe, de race, de nationalité, de langue, d'origine, de situation patrimoniale et professionnelle, de lieu de résidence, d'attitude à l'égard de la religion, de convictions, d'appartenance à une association ou d'autres circonstances. Le Code pénal pose en principe que la haine ou l'hostilité nationales, raciales ou religieuses sont retenues comme circonstance aggravante. Le Code pénal prévoit une peine pouvant aller jusqu'à la condamnation à mort pour tout acte visant la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, par le meurtre ou par des atteintes graves à la santé de ses membres, par l'empêchement de procréer, l'enlèvement d'enfants ou le déplacement forcé ou la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence conduisant à son anéantissement physique. Il convient de noter qu'un moratoire sur la peine de mort est actuellement en vigueur dans la Fédération de Russie.
Le 23 mars 1995, le Président de la Fédération de Russie, prenant en considération la grave menace que représente l'extrémisme politique sous toutes ses formes, a publié un décret concernant les mesures propres à assurer la coordination des mesures prises par les organes de l'État pour combattre les manifestations de fascisme et d'autres formes d'extrémisme politique. Le rapport précise en outre que la loi fédérale sur les droits (garanties) des petites minorités autochtones de la Fédération de Russie (1999) vise à protéger les terres ancestrales et les modes de vie traditionnels des petites minorités autochtones. L'un des documents de base régissant les relations entre les nationalités en Russie est le document énonçant les principes de la politique de l'État russe relative aux nationalités, qui a été entériné par le Président en 1996. Le rapport précise que les autorités judiciaires ont enregistré 11 entités nationales-culturelles autonomes à l'échelon fédéral, à savoir les entités allemande, ukrainienne, coréenne, bélarussienne, azerbaïdjanaise, serbe, lesguienne, tatare, tzigane, juive et kurde. Elles ont également enregistré plus de 100 entités régionales et plus de 200 entités locales.
Le rapport indique par ailleurs que le Ministère des nationalités, des relations fédérales et de la politique relative aux migrations de la Fédération de Russie reçoit des citoyens des plaintes individuelles peu nombreuses mais préoccupantes signalant des cas de discrimination fondée sur la nationalité, poursuit le rapport. Ces plaintes se réfèrent souvent à des abus d'autorité qui seraient commis par des responsables locaux de l'application des lois et par certains fonctionnaires qui infligeraient des sanctions et engageraient des procédures pénales sur la base non pas de la gravité d'une infraction, d'un délit ou d'un acte mais de l'appartenance de son auteur à une nationalité «non autochtone». Le plus souvent, il s'agit de personnes originaires du nord du Caucase ou des républiques transcaucasiennes, précise le rapport.
Malheureusement, reconnaît le rapport, les instruments constitutionnels de certaines entités constituantes de la Fédération de Russie contiennent des dispositions discriminatoires. C'est le cas notamment de la Constitution de la République des Adygei et de la République d'Ingouchie, qui contiennent encore des dispositions visant à limiter les droits et libertés de l'homme et du citoyen puisqu'elles prévoient que tout candidat à la Présidence de la République doit parler couramment le russe et la langue nationale.
En 1999, poursuit le rapport, on a dénombré 254 manifestations non autorisées au cours desquelles des idées visant à inciter à la discorde sociale, raciale et religieuse ont été propagées. Au total, il a été procédé à l'arrestation de 848 personnes qui avaient enfreint la loi et trois personnes ont fait l'objet de poursuites pénales, indique le rapport avant de préciser que des procédures administratives ont été engagées à l'encontre de 551 personnes.

Examen du rapport
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport russe, M. PATRICK THORNBERRY, a souligné qu'il est impossible de rentrer dans le détail dans tous les problèmes, du fait de la complexité de la Fédération de Russie. Il a rappelé que ce rapport couvre la période allant de 1997 à 2002. M. Thornberry a relevé que les accords internationaux signés par la Fédération de Russie font partie intégrante de son ordre juridique interne et que les dispositions de ces accords priment sur le droit interne.
M. Thornberry a souhaité savoir si les organisations non gouvernementales avaient été associées à la préparation du rapport que la Fédération de Russie présente aujourd'hui devant le Comité. Il a en outre relevé que l'article 19 de la Constitution (qui dispose que «tous sont égaux devant la loi») ne contient pas le mot de discrimination et se contente de faire référence à l'égalité. Peut-on dire que la législation anti-discriminatoire est complète, s'est par ailleurs demandé l'expert?
Il semble qu'aucune institution spécialisée n'existe dans le pays pour traiter de la discrimination en tant que telle, quoique l'on puisse se féliciter des activités de l'ombudsman, même si celui-ci ne dispose pas d'une unité spécialement chargée des questions de discrimination, a poursuivi M. Thornberry. Il a souhaité savoir ce qu'il en est du projet de loi visant à protéger les droits des minorités nationales dont fait état le rapport.
M. Thornberry a fait part de ses préoccupations face aux nombreuses informations relatives aux vérifications d'identité et aux «profilages raciaux» dans ce contexte, dont il a affirmé être en possession. L'expert s'est en outre inquiété des migrations forcées résultant notamment du conflit tchétchène, et a rappelé que le rapport du Représentant spécial pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays fait état de problèmes structurels, en Fédération de Russie, concernant la manière dont sont traités les problèmes de cette catégorie de population.
L'expert s'est en outre inquiété d'informations faisant état d'activités armées menées contre des groupes non russes. Il s'est également inquiété des agissements d'organisations nationalistes qui propagent une propagande haineuse à l'encontre de certaines minorités.
M. Thornberry a également fait part de sa préoccupation face aux déclarations racistes de certains représentants de l'État, parmi lesquels un Gouverneur. Beaucoup d'informations font en outre état d'un sentiment anti-gitan qui règnerait au sein de nombreux médias, a souligné l'expert. Il s'est en outre inquiété des violences commises par des nazis et des skinheads à l'égard, en particulier, de personnes originaires du Caucase. M. Thornberry a en outre souhaité obtenir davantage d'informations sur les groupes criminels formés sur une base nationale, dont fait état le rapport.
L'expert s'est également inquiété d'informations laissant apparaître que les Tchétchènes rencontrent d'importantes difficultés pour obtenir une chambre d'hôtel à Moscou. Il s'est interrogé sur la situation, d'une manière générale, des Tchétchènes hors de la République de Tchétchénie et sur les mesures prises pour prévenir les actes de discrimination à leur encontre. M. Thornberry a souhaité savoir si les Tchétchènes de la diaspora seront autorisés à participer au référendum constitutionnel qui doit se tenir dans la République de Tchétchènie.
M. Thornberry a souhaité savoir s'il est vrai que nombre de Meshkets ne sont pas en possession de permis de résidence. Si les Meshkets sont considérés comme une minorité nationale, alors de nombreuses questions se posent en ce qui les concerne, notamment, du point de vue de la langue, a-t-il insisté.
Plusieurs membres du Comité ont fait part de leurs préoccupations face aux agissements du mouvement extrémiste cosaque qui s'attaque aux minorités et aux populations d'origine caucasienne.
Un membre du Comité a fait état d'un document d'Amnesty International qui, tout en reconnaissant les efforts du Président Poutine pour lutter contre le racisme, souligne qu'il existe un décalage entre la protection des droits fondamentaux dont bénéficient les citoyens et la réalité des violations imputables, en la matière, à des agents étatiques et non étatiques. Ce même expert s'est inquiété des graves atteintes au droit humanitaire en République tchétchène et a relevé que 162 000 personnes auraient été déplacées de la République tchétchène et entassées dans les républiques voisines dans des conditions souvent déplorables. Cet expert s'est en outre fait l'écho d'informations faisant état de discriminations à l'encontre des Meshkets et des Turcs. Il s'est également enquis du sort des réfugiés, notamment ingouches. La lutte contre le terrorisme ne peut justifier des mesures qui seraient incompatibles avec un état de droit ou avec les normes fondamentales de droits de l'homme, a par ailleurs rappelé cet expert.
Un autre expert s'est demandé si des mesures étaient prises pour former les forces de police, à tous les niveaux de la hiérarchie, afin d'éviter toute discrimination. Ce même expert s'est demandé si, parmi les dispositions des nouveaux projets de lois à l'étude, il en est qui concerneraient les réfugiés et les requérants d'asile. Parfois, les requérants d'asile attendent de nombreuses années avant de voir statuer sur leur sort; aussi, qu'en est-il de la scolarisation des enfants dans ce contexte, a demandé cet expert?
Un autre expert s'est enquis du traitement des Tchétchènes en dehors de la République de Tchétchénie. Cet expert a souhaité obtenir davantage d'informations sur les nouvelles dispositions du Code pénal entrées en vigueur en juillet 2002.
Plusieurs experts ont exprimé des préoccupations en ce qui concerne la liberté de mouvement en Fédération de Russie.
Un membre du Comité a relevé que de très nombreux paragraphes du rapport russe traitent de l'extrémisme politique.
Un autre expert s'est enquis de la définition du terme de nationalité que retiennent les autorités russes.



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