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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TERMINE SA SESSION

21 Mars 2003



CERD
62ème session
21 mars 2003
Après-midi





Il adopte ses observations finales sur les Fidji et la Côte d'Ivoire



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a terminé, cet après-midi, les travaux de sa soixante-deuxième session en adoptant notamment ses observations finales sur les Fidji et la Côte d'Ivoire.
Au sujet de la Côte d'Ivoire, le Comité a également adopté une décision aux termes de laquelle il prie instamment le Secrétaire général des Nations unies d'inviter les organes compétents des Nations Unies de prendre en faveur des personnes déplacées en Côte d'Ivoire les mesures d'assistance humanitaire appropriées, en particulier celles tendant à aider le Gouvernement dans ses efforts à prévenir ou à faire cesser tout acte de discrimination sur une base raciale ou d'origine ethnique.
Dans ses observations finales sur la Côte d'Ivoire, dont la situation a été examinée les 12 et 13 mars derniers, le Comité s'est notamment félicité de la conclusion de l'Accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier dernier, de même que de l'Accord d'Accra du 8 mars dernier qui a permis la formation d'un gouvernement de réconciliation nationale, afin de rétablir la confiance et de sortir de la crise. Il accueille également avec satisfaction l'engagement pris par l'État de poursuivre tout média qui aura incité à la haine ou à la discrimination raciale. Il constate que l'utilisation abusive du «concept d'ivoirité» à des fins xénophobes a été un facteur important de la crise actuelle. Il invite le Gouvernement ivoirien, les partis politiques, la société civile et les forces armées à honorer les engagements de l'État découlant de la Convention en vue de rétablir la paix et la sécurité et d'entretenir un dialogue franc et constructif au sein de la population ivoirienne, à l'instar du forum de réconciliation nationale.
En ce qui concerne les Fidji, le Comité a exprimé sa préoccupation face à des informations concernant des agressions racistes et des actes d'intolérance religieuse contre des Indo-Fidjiens, en particulier lors des coups d'État de 1987 et de 2000. Il demande que des informations précises lui soient fournies sur les poursuites contre les auteurs de tels actes ainsi que sur l'adoption de mesures de prévention.
Avant de se séparer, les membres du Comité ont par ailleurs examiné des questions diverses, adoptant notamment le texte d'observations du Comité s'agissant d'un rapport du Haut Commissaire aux droits de l'homme intitulé : «Projet de directives : une approche des stratégies de réduction de la pauvreté sous l'angle des droits de l'homme». Il a en outre adopté le texte d'une lettre contenant sa réponse au Haut Commissaire aux droits de l'homme l'invitant à lui transmettre les informations pertinentes sur la question «Terrorisme et droits de l'homme». Le Comité a également adopté une décision relative à ses méthodes de travail
Le Comité a enfin adopté une décision sur le Guyana, qui n'a toujours pas présenté de rapport au Comité, aux termes de laquelle il se réserve la possibilité de demander et discuter des informations relatives à l'état de la discrimination raciale au Guyana en vertu de sa procédure d'alerte et d'action d'urgence, avant mars 2004, date prévue pour l'examen du rapport du Guyana.
Les membres suivants du Comité ont pris la parole : MM. Mohammed Aly Thiam, Raghavan Vasudevan Pillai, Régis de Gouttes, Linos-Alexandre Sicilianos, Patrick Thornberry, Mario Jorge Yutzis, Nourredine Amir, Yuri Reshetov, Kurt Herndl, José Lindgren-Alves, Patricia January- Bardill, Mahmoud Aboul-Nasr, Agha Shashi, Morten Kjaerum, Luis Valencia Rodríguez, Ion Diaconu.
L'ensemble des décisions et observations finales adoptées au cours de la présente session feront l'objet d'un communiqué final séparé.
La prochaine session du Comité se tiendra du 4 au 22 août 2003.

Observations finales et recommandations sur les Fidji
Terminant l'adoption de ses observations finales et recommandations sur les Fidji, le Comité exprime son inquiétude concernant la sous-représentation des Indo-Fidjiens et autres minorités ethniques dans la police, l'armée et les autres services publics et recommande que des programmes spécifiques soient adoptés pour assurer une représentation adéquate de tous les groupes ethniques dans ces services. Il demande que des statistiques à jour sur la pauvreté, le chômage et l'éducation au sein de chaque groupe ethnique soient présentées dans le prochain rapport. Il demande également aux Fidji de l'informer des résultats de ses programmes de discrimination positive, en particulier concernant la réduction de la pauvreté.
Le Comité est également très préoccupé par le fait que l'expiration de plusieurs baux sur les terres autochtones aurait conduit à l'expulsion de nombreux fermiers, en particulier indo-fidjiens. Les programmes de réinstallation semblant largement insuffisants, le Comité souligne qu'il est de la responsabilité de l'État d'assister les locataires expulsés et lui recommande d'intensifier ses efforts pour indemniser et réinstaller les familles concernées. Il l'exhorte en outre à développer des mesures de conciliation entre Fidjiens autochtones et Indo-Fidjiens sur la question de la terre. Le Comité souhaite recevoir des informations plus détaillées sur le nombre exact de personnes expulsées, réinstallées et indemnisées, ventilées par groupe ethnique, ainsi que sur la façon dont les Fidji comptent réagir à la question de l'expiration d'autres baux.
Le Comité est par ailleurs préoccupé par certaines informations selon lesquelles des discours de haine et des affirmations de la suprématie des Fidjiens autochtones ont régulièrement cours.
Le Comité souhaite obtenir de plus amples détails sur les dispositions du Code pénal relatives à la sédition et de la loi sur l'ordre public sur l'incitation à la confrontation raciale. Le Comité note que ces lois prévoient des condamnations à des peines d'emprisonnement et des amendes mais ne prévoient pas l'interdiction d'organisations racistes. Prenant note de la déclaration des Fidji concernant l'article 4 de la Convention, le Comité est toutefois en désaccord sur le fait que la législation des Fidji est en conformité avec l'article 4 et lui recommande d'adopter des lois spécifiques et sans ambiguïté sur l'interdiction d'organisations racistes. Le Comité est en outre préoccupé de la réticence des Fidji à interdire les organisations racistes au motif qu'il veut préserver les libertés d'expression et d'association, et le réfère à sa recommandation générale XV (1993).
Le Comité est préoccupé par les informations sur des agressions racistes et des actes d'intolérance religieuse contre des Indo-Fidjiens, en particulier lors des coups d'État de 1987 et de 2000. Il demande des informations précises sur les poursuites contre les auteurs de tels actes ainsi que sur l'adoption de mesures de prévention.
Prenant acte des informations faisant état de l'augmentation du taux de suicide parmi les Indo-Fidjiens, le Comité invite le Gouvernement à mener une recherche approfondie sur les causes de ce phénomène et à le tenir informé.
Le Comité invite les Fidji à soutenir les activités de la Commission nationale des droits de l'homme. Il souhaite obtenir plus d'informations sur les résultats de ses activités ainsi que sur les incidences pratiques de l'article 29 de la Loi sur la Commission des droits de l'homme l'autorisant à ne pas enquêter sur un cas lorsque «elle a des questions plus importante à traiter» ou quand «les ressources de la Commission sont insuffisantes pour mener une enquête adéquate».
Tout en se félicitant des assurances selon lesquelles les écoles aux Fidji ne sont pas racialement séparées, le Comité souhaite avoir plus de renseignements sur la mise en œuvre pratique du règlement sur l'éducation selon lequel «bien qu'une école puisse, dans sa sélection des élèves, donner la préférence aux élèves d'une race ou croyance particulière, aucune inscription ne peut être refusée sur la seule base de la religion ou de la race». Le Comité souhaite également savoir si l'État soutien financièrement des écoles multiraciales.
Le Comité souhaite en outre recevoir des informations sur le statut légal des enfants de couples mixtes ainsi que sur les différentes langues parlées aux Fidji.
Le Comité prend note de l'opinion des Fidji selon laquelle les solutions proposées dans le cadre du droit national et international sont suffisantes et qu'il n'est pas nécessaire de faire la déclaration prévue par l'article 14. Le Comité, soulignant l'insuffisance des informations prouvant que les solutions existantes sont suffisantes, invite les Fidji a reconsidérer leur position. En outre, il recommande vivement aux Fidji de ratifier les amendements à l'article 8, paragraphe 6 de la Convention.

Observations finales et recommandations sur la Côte d'Ivoire
Le Comité note que la Côte d'Ivoire traverse actuellement une période de troubles qui pose des difficultés pour sa stabilité et qui représentent autant de facteurs qui peuvent entraver ses efforts pour appliquer la Convention.
Le Comité accueille avec satisfaction la conclusion de l'Accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier dernier, de même que l'Accord d'Accra du 8 mars dernier qui a permis la formation d'un gouvernement de réconciliation nationale afin de rétablir la confiance et de sortir de la crise. Il accueille également avec satisfaction l'engagement pris par l'État de poursuivre tout organe de presse qui aura incité à la haine ou à la discrimination raciale.
Le Comité note avec satisfaction que la Côte d'Ivoire a créé un Ministère des droits de l'homme et compte mettre en place une commission des droits de l'homme et un médiateur de la République. Il se félicite de la déclaration de principe du Gouvernement ivoirien en faveur des droits de l'homme dans la crise actuelle. Il note également avec satisfaction que la Côte d'Ivoire a récemment ratifié la Convention n°182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants.
Prenant note des conclusions du Forum de la réconciliation nationale relatives à la correction des disparités économiques et sociales entre le Nord et le Sud du pays, le Comité encourage la Côte d'Ivoire à poursuivre la campagne de réduction des disparités régionales
Le Comité note avec préoccupation que l'utilisation abusive à des fins politiques de la loi n°61-415 portant sur le code de la nationalité a donné lieu à des pratiques discriminatoires. Par ailleurs, le Comité constate que l'utilisation abusive du «concept d'ivoirité», qui n'est pas constitutionnel, à des fins xénophobes a été un facteur important de la crise actuelle.
Le Comité exprime sa préoccupation s'agissant des informations faisant état de violences policières ainsi que de violences commises sur une base ethnique qui ont conduit à l'existence de charniers dans plusieurs régions du pays. Il encourage l'État à poursuivre ses efforts pour en prévenir la répétition et pour en punir les responsables.
Le Comité note avec préoccupation que la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier a provoqué, lors de son application, une insécurité foncière sur une base ethnique pour les étrangers qui possédaient des terres antérieurement à son adoption. Il prie instamment l'État de poursuivre ses efforts pour mieux expliquer ce texte et mieux protéger les droits acquis.
De manière générale, s'agissant des dispositions de la Constitution ou des actes législatifs sur la nationalité qui ont été mis en cause dans le cadre de la crise qui frappe la Côte d'Ivoire, le Comité lui recommande de tenir compte des réalités existantes sur le terrain, notamment la coexistence de groupes ethniques différents, pour assurer une application plus adéquate de ces dispositions.
Le Comité, notant avec préoccupation la propagande menée par certains médias nationaux dans le but d'inciter à la guerre et d'encourager la haine et la xénophobie, recommande à la Côte d'Ivoire de poursuivre ses efforts dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour mettre un terme à cette pratique.
Le Comité invite la Côte d'Ivoire à lui fournir des renseignements sur la place de la Convention dans la hiérarchie des normes juridiques ainsi que sur la possibilité pour les particuliers d'invoquer directement ses dispositions devant les tribunaux nationaux. Il aimerait également recevoir des renseignements sur l'application pratique des textes interdisant la discrimination raciale. En outre, il lui recommande de poursuivre ses efforts visant à fixer les domaines de compétence respectifs de la Commission nationale des droits de l'homme et du Médiateur de la République et à renforcer les garanties d'indépendance de ces organes, l'efficacité et la crédibilité de leur action. Il recommande aussi à la Côte d'Ivoire de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d'éduquer et de sensibiliser les fonctionnaires, les dirigeants politiques et les populations aux dispositions de la Convention.
Le Comité invite le Gouvernement, les partis politiques, la société civile et les forces armées à honorer les engagements de l'État découlant de la Convention en vue de rétablir la paix et la sécurité et d'entretenir un dialogue franc et constructif au sein de la population ivoirienne, à l'instar du forum de réconciliation nationale.
Le Comité rappelle a requête faite par la Côte d'Ivoire aux fins de création d'une commission internationale d'enquête qui diligentera des investigations et établira les faits sur toute l'étendue du territoire national afin de recenser les cas de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire depuis le 19 septembre 2002. Le Comité invite instamment la Côte d'Ivoire à prendre les mesures nécessaires pour établir les conditions propices au déroulement d'une telle enquête.
Le Comité recommande que la Côte d'Ivoire fournisse dans son prochain rapport des renseignements détaillés et complets sur les mesures qui ont été prises pour prévenir et incriminer tout aspect de discrimination dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par les différents groupes ethniques.

Autres questions examinées par le Comité
Le Comité a adopté une décision sur la situation des populations déplacées de Côte d'Ivoire (décision 1 (62)) par laquelle il prie instamment le Secrétaire général des Nations unies d'inviter les organes compétents des Nations Unies de prendre en faveur des personnes déplacées en Côte d'Ivoire, dans le cadre de leurs compétences respectives, les mesures d'assistance humanitaire appropriés, en particulier celles tendant à aider le Gouvernement dans ses efforts à prévenir ou à faire cesser tout acte de discrimination sur une base raciale ou d'origine ethnique.
Le Comité a également adopté une décision sur le Guyana (décision 2(62)) aux termes de laquelle il regrette que le Guyana, qui a ratifié la Convention internationale contre toutes les formes de discrimination raciale en 1977, n'a toujours pas présenté son rapport au Comité. Il reconnaît les difficultés économiques et sociales auxquelles le Guyana est confronté et demeure extrêmement préoccupé par les conflits politiques et ethniques qui ont aggravé la situation du pays et abouti à de graves confrontations. Bien que le Comité ait accepté la demande du Guyana de soumettre son premier rapport en mars 2004, il souhaite souligner que, à la lumière de l'urgence de la situation susmentionnée, il se réserve la possibilité de demander et discuter des informations relatives à l'état de la discrimination raciale au Guyana en vertu de sa procédure d'alerte et d'action d'urgence avant cette date.
Le Comité a adopté le texte d'une réponse au rapport intitulé : «Projet de directives : une approche des stratégies de réduction de la pauvreté sous l'angle des droits de l'homme» (CERD/C/62/Misc.22), dans lequel il salue ce document du Haut Commissariat aux droits de l'homme qui constitue une contribution importante à la discussion d'une approche fondée sur les droits de l'homme dans le cadre de la réduction de pauvreté. Les liens entre pauvreté et discrimination dans l'examen des situations de pays divers dans toutes les régions du monde donnent toute leur valeur au projet de directives pour combattre la discrimination. Le Comité souligne que l'accent pourrait être mis davantage sur les groupes ethniques particulièrement vulnérables à la discrimination et aux situations de pauvreté, en particulier les Roms, les populations autochtones et les personnes victimes de discrimination en raison de leur ascendance.
Le Comité a en outre adopté le texte d'une lettre contenant sa réponse au Haut Commissaire aux droits de l'homme l'invitant à lui transmettre les informations pertinentes sur la question «Terrorisme et droits de l'homme». Dans ce texte, le Comité attire l'attention sur la déclaration qu'il avait adoptée en mars 2002 sur la question, dans laquelle il rappelle notamment que les mesures prises pour combattre le terrorisme doivent être en conformité avec la Charte des Nations Unies et qu'elles ne sont légitimes que si elles respectent les normes internationales des droits de l'homme. Il a joute que l'interdiction de la discrimination raciale est une norme péremptoire du droit international qui n'autorise aucune dérogation. Dans ce contexte, le Comité affirmait qu'il comptait surveiller les effets potentiellement discriminatoires des législations et pratiques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Dans le cadre de l'examen de ces méthodes de travail, le Comité a décidé que le Secrétariat fournira aux membres du Comité, bien en amont de la session, des présentations sur les pays dont les situations doivent être examinées par le Comité.



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