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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COLOMBIE

14 Novembre 2001



CESCR
27ème session
14 novembre 2001
Matin



Nombre d'experts expriment des préoccupations
face à la situation qui prévaut dans le pays



La violence et la crise qui frappent la Colombie touchent en premier lieu les segments les plus pauvres de la population, a déclaré ce matin le Directeur général adjoint du Département colombien de planification nationale, M. Manuel Fernando Castro, alors que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels entamait l'examen du quatrième rapport périodique de son pays.

Reconnaissant que la pauvreté s'est fortement accrue dans le pays entre 1996 et 2000, M. Fernando Castro a néanmoins fait valoir une évolution favorable des taux de scolarisation, de couverture sanitaire ou de travail des enfants. S'il est vrai qu'en Colombie, le trafic de stupéfiants est antérieur au conflit que connaît le pays depuis quelques années, il n'en demeure pas moins qu'il existe une corrélation croissante entre ce trafic et la violence qui frappe le pays, a par ailleurs fait observer M. Fernando Castro.

La délégation colombienne est également composée d'une représentante de la Mission permanente de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant notamment du conflit qui touche le pays et des perspectives de négociations dans ce domaine. Ont également été abordées les questions liées au Plan Colombie et aux déplacements internes de population.

Nombre d'experts ont dressé un sombre tableau de la situation qui prévaut actuellement en Colombie. Il a été rappelé que la Colombie se plaçait au deuxième rang mondial dans le classement des pays ayant une mauvaise répartition des revenus. Un membre du Comité a relevé que la délégation parle des exactions commises par les groupes armés mais reste silencieuse sur celles commises par l'État lui-même, dont on sait pourtant qu'elles ont été nombreuses ces trente dernières années.

Le Comité achèvera cet après-midi, à partir de 15 heures, l'examen du rapport colombien.


Présentation du rapport de la Colombie

Le quatrième rapport périodique de la Colombie (E/C.12/4/Add.6) affirme que, comparée au reste de l'Amérique latine, la Colombie a connu une évolution positive ces vingt dernières années, son PIB ayant augmenté à un rythme supérieur à la moyenne régionale. Dans les années 90, la Colombie a cependant commencé à prendre du retard alors que ses voisins donnaient des signes de récupération, reconnaît le rapport, et le pays est actuellement l'un des rares pays à connaître une inflation endémique relativement importante. Entre 1995 et 1997, l'incidence du paupérisme au niveau national (calculée par rapport au seuil de pauvreté) est passée de 55% à 54,2%, ce qui correspond à un effectif de 21,7 millions de Colombiens en situation de pauvreté. Le rapport souligne toutefois que le budget social, qui était inférieur à la moyenne latino-américaine en 1990, se trouve aujourd'hui au-dessus de celle-ci puisque, ces quatre dernières années (le rapport date du milieu de 2000), il atteignait jusqu'à 13% du PIB. Le rapport relève que les progrès de l'enseignement sont considérables et que, de ce point de vue, la décentralisation a été une mesure très importante pour l'amélioration de l'accessibilité des services médicaux et éducatifs.

Le rapport reconnaît que les pertes en vies humaines causées par les violences se sont traduites par une réduction de l'espérance de vie, notamment pour les hommes de 25 à 40 ans. On peut affirmer que la population masculine a perdu entre trois et quatre ans d'espérance de vie. Par ailleurs, les zones rurales présentent un grand nombre de personnes qui, alors qu'elles mènent une vie productive, ne savent ni lire ni écrire. Le rapport précise que la visée principale du Plan de développement 1998-2002 est la construction de la paix. La violence, telle que l'exprime le taux d'homicides, s'est étendue et aggravée sur tout le territoire du pays entre 1990 et 1998, souligne le rapport. Il précise que pour 1998, le taux estimatif serait de 60 homicides pour 100 000 habitants. Si l'on considère le nombre des homicides, la criminalité urbaine est la plus importante, mais si l'on considère les taux d'homicide, elle ne se concentre pas dans les grandes villes et se répartit dans tout le pays.

Le rapport indique que le Gouvernement colombien est en voie de soumettre au Congrès un nouveau projet de réforme agraire qui cherche à répondre aux problèmes soulevés par la pauvreté et les inégalités dans les campagnes; à faciliter l'accès des plus pauvres à la propriété foncière; à garantir l'utilisation efficace de la terre; à créer des emplois et à améliorer la rémunération du paysannat. En même temps, la question de la réforme agraire est au centre des Négociations pour la paix, ce qui donne à espérer que la conclusion de ces négociations sera favorable aux objectifs de la réforme. Cela dit, et même si elle n'a pas connu l'insécurité vivrière de certains pays en développement, la Colombie doit d'urgence adopter et mettre en application une politique de précaution.


Présentant le rapport de son pays, M. MANUEL FERNANDO CASTRO, Directeur général adjoint du Département de planification nationale de la Colombie, a déclaré que toute évaluation de la situation économique, sociale et culturelle de la Colombie doit nécessairement tenir compte du contexte général dans lequel évolue le pays, notamment depuis une dizaine d'années, ayant en particulier à l'esprit la violence qui sévit et les problèmes aigus qu'elle engendre. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, la société colombienne a connu de profonds changements socioéconomiques, a rappelé M. Fernando Castro. Dans les années 1960, des groupes armés insurgés sont apparus qui, à l'origine, revendiquaient des changements socioculturels avant que le conflit ne change de nature et ne s'amplifie à partir des années 1980-1990, essentiellement en raison de l'ampleur prise par le trafic des stupéfiants. C'est aux groupes d'insurgés et d'autodéfense que l'on attribue le plus grand nombre d'enlèvements et de destructions de biens, a rappelé M. Fernando Castro avant de souligner que ces actions portent atteinte aux droits de la population, en particulier en ce qui concerne son droit au développement.


Certes le trafic de stupéfiants est antérieur au conflit, mais il existe un lien entre trafic de drogue et violence, a-t-il souligné. L'espérance de vie des hommes a chuté de quatre ans en raison de cette violence, sans parler du coût économique qu'entraîne cette situation. En outre, d'après des sources officielles, on estime à 600 000 personnes le nombre de personnes récemment déplacées et à 100 000 le nombre de personnes déplacées chaque année, ce qui ne va pas sans provoquer de profonds bouleversements, a rappelé M. Fernando Castro.

L'investissement privé et l'investissement public ont chuté durant la décennie 1990, engendrant une hausse rapide du chômage dont le taux atteignait 20% en 1999, a par ailleurs indiqué le Directeur adjoint du Département de planification nationale. Il a reconnu que la pauvreté s'est fortement accrue dans le pays entre 1996 et 2000. Entre 1995 et 1997, le taux de scolarisation a augmenté de 20% suite à un doublement du PIB. Mais entre 1997 et 2000, en raison de la crise économique, la Colombie a perdu 11 points dans les indicateurs de développement humain. Le taux de scolarisation a perdu deux points pendant cette période et le PIB a lui aussi diminué. Néanmoins, sur une période plus longue, on peut observer qu'entre 1985 et 2000, le taux de scolarisation est passé de 52% à 72%. Si l'on considère les dix dernières années écoulées, on peut dire que la pauvreté a diminué en Colombie. La couverture sanitaire a fortement augmenté entre 1993 et 1997, passant de 24% à 57%, a souligné M. Fernando Castro, qui a également fait valoir que le travail des enfants a diminué de 20% entre 1988 et 1998. Il a fait observer que la violence et la crise frappent en premier lieu les segments les plus pauvres de la population.


Examen du rapport de la Colombie

Un membre du Comité a noté que la délégation parle des exactions des groupes armés mais reste silencieuse sur celles commises par l'État lui-même dont on sait pourtant qu'elles ont été nombreuses ces trente dernières années. Cet expert a rappelé que la Colombie s'est dotée de nombreux statuts dérogatoires au droit commun, le dernier datant du 13 août 2001. Il s'est en outre enquis des mesures prises par le pays pour faire en sorte que le Plan Colombie - dont on dit qu'il a pour principal objet d'éradiquer la culture de la coca - n'aggrave pas la situation des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays. Il a relevé que 80% du budget de ce Plan est consacré à des dépenses militaires et que sa composante sociale est tout à fait minime. Or, on sait aujourd'hui que ce Plan provoque de nouveaux déplacements de population et qu'il a des conséquences néfastes, notamment pour le droit à l'alimentation et le droit à l'environnement, a rappelé l'expert.

Un autre expert a rappelé qu'en l'an 2000, la Banque mondiale établissait que la Colombie se plaçait au deuxième rang mondial dans le classement des pays ayant une mauvaise répartition des revenus.

Un membre du Comité a jugé très grave la situation économique et sociale qui prévaut actuellement en Colombie. Il a fait observer que la plupart des pauvres appartiennent aux groupes de population non-blancs. Ce même expert a relevé que la Colombie enregistre jusqu'à 500 000 avortements illégaux par an.

Il y a plus d'assassinats en Colombie qu'en Chine, a constaté un expert avant de déplorer l'échec de la classe dirigeante colombienne à s'acquitter de sa responsabilité face à la situation de violence extrême que connaît le pays.

Interrogée sur les perspectives s'agissant des négociations engagées avec les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes), la délégation a rappelé que la position actuelle du Gouvernement colombien est que, dans la dynamique du conflit armé actuel en Colombie, il existe des éléments qui relèvent du terrorisme. Dans la pratique et au vu de la législation internationale, on peut en effet considérer que les attaques perpétrées contre la population colombienne constituent des actes de terrorisme même si l'orientation des groupes armés concernés n'est pas à proprement parler terroriste. Étant donné que l'on se trouve dans une période pré-électorale, il est un fait que l'on est entré dans une période de stagnation si ce n'est de rupture des négociations car les différents groupes attendent de voir qui sera le prochain Président du pays, a expliqué la délégation.

Le conflit armé oppose quelque 30 000 hommes armés à 42 millions de citoyens colombiens, a fait valoir la délégation avant de préciser que le principal groupe armé compte environ 15 000 membres alors que les groupes d'autodéfense en comptent environ 8000.

En ce qui concerne le Plan Colombie, la délégation a assuré que ce Plan comporte bien un élément central fondamental axé sur les questions humanitaires et sociales et prend notamment en compte la nécessité de promouvoir des cultures de substitution à la culture de la coca.

Lors de réunions qui se sont récemment tenues à Madrid, Bogotá et Bruxelles, plusieurs pays amis de la Colombie ont annoncé qu'ils allaient verser des contributions à hauteur de 1,3 milliard de dollars sur trois ans afin de venir en aide aux personnes déplacées dans le pays, notamment du fait de la mise en œuvre du Plan Colombie.

Il est faux de prétendre que c'est la pauvreté qui pousse les gens à se livrer à la culture de la coca et qu'il existerait ainsi une corrélation directe entre la pauvreté et cette activité, a affirmé la délégation. En fait, la plupart du temps, les gens qui se livrent à la culture de la coca y ont été contraints par des hommes armés et n'ont donc d'autre alternative que de cultiver cette plante ou d'aller grossir le flot des personnes déplacées.

Un expert s'est enquis de ce qui est fait en Colombie pour assurer que les projets d'exploitation pétrolière dans différentes régions du territoire, y compris sur des terres où vivent des Uwas, ne sont pas réalisés au détriment des droits des populations autochtones vivant sur ces terres.




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