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Communiqués de presse Organes conventionnels

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS: AUDITION D'ONG SUR LES SITUATIONS DANS DES PAYS A L'EXAMEN

08 Novembre 2004

Comité des droits économiques,
sociaux et culturels 8 novembre 2004

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a auditionné, cet après-midi, des organisations non gouvernementales qui ont fourni des informations sur les situations qui prévalent dans des pays dont l'examen des rapports figure à l'ordre du jour de la session du Comité qui s'est ouverte ce matin.

Ont plus particulièrement été évoquées les situations qui prévalent en Italie, au Danemark, en Azerbaïdjan et au Chili, quatre des cinq États parties dont les rapports seront examinés au cours de la session.

S'agissant de l'Italie, les organisations non gouvernementales ont attiré l'attention en particulier sur l'absence d'une institution indépendante de droits de l'homme conforme aux Principes de Paris; sur les expulsions de locataires; sur les questions relatives au droit à la santé; sur les expulsions de Roms hors du pays; sur la question du respect du droit au regroupement familial; sur les conditions dans les centres de détention temporaire pour requérants d'asile; sur le surpeuplement carcéral.

En ce qui concerne le Danemark, des intervenants ont notamment estimé nécessaire que le pays tienne compte de ses obligations internationales en rapport avec le droit à la santé dans tous les aspects de l'élaboration de ses politiques commerciales. Certains ont dénoncé une discrimination, sur le marché danois de l'emploi, à l'encontre des membres des minorités ethniques; ainsi que sur la problématique de la réunification familiale.

S'agissant du Chili, plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé une distribution inégale des revenus dans le pays; des actions antisyndicales systématiques menées par les employeurs; des insuffisances de la législation environnementale; une répression de toute forme de dissidence et de revendication politique, sociale, syndicale ou culturelle; une répression contre les Mapuche en ayant recours à la loi antiterroriste; le caractère discriminatoire du traité de libre échange conclu par le Chili avec les États-Unis; ainsi que le caractère discriminatoire du système de capitalisation individuelle en matière de sécurité sociale.

Pour ce qui est de l'Azerbaïdjan, une intervenante a attiré l'attention sur la situation des femmes, s'agissant notamment du problème de la traite de personnes.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont fait des déclarations: 3D - Commerce, droits de l'homme, économie équitable; Centre de consultation et de documentation sur la discrimination raciale; Alliance internationale des habitants; Via Adda non si cancella!; Vis-Volontariato Internazionale per lo Sviluppo; Comité pour la promotion et la protection des droits de l'homme; Associazione Studi Giuridici sull'Immigrazione; Médecins sans frontières-Italie; Istituto Internazionale Scienze Mediche Antropologiche Sociali; Institut pour la paix et la démocratie; Association internationale contre la torture; Fédération syndicale mondiale; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Association américaine de juristes; Meli Wixan Mapu; Consejo de las tierras. Un représentant de FIAN (Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir) a par ailleurs attiré l'attention sur l'étude que son organisation a entreprise au sujet du Programme Faim Zéro que le Président Lula a mis en œuvre au Brésil.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport initial de Malte (E/1990/5/Add.58).

Aperçu des déclarations concernant les situations dans des pays dont l'examen des rapports figure à l'ordre du jour de la présente session du Comité


Une représentante de 3D, Commerce, droits de l'homme, économie équitable, tout en relevant que le Danemark et l'Italie ont individuellement pris des mesures pour assurer que les règles de propriété intellectuelle liées au commerce ne portent pas atteinte au droit à la santé, a souligné que ces deux pays risquent de porter atteinte à leurs obligations internationales en soutenant des règles commerciales susceptibles de bafouer le droit à la santé dans les pays en développement. Aussi, leur a-t-il recommandé de tenir compte de leurs obligations internationales en rapport avec le droit à la santé dans tous les aspects de l'élaboration de leurs politiques commerciales.

Une représentante du Centre de consultation et de documentation sur la discrimination raciale a attiré l'attention sur les violations du droit culturel de l'enfant de parler sa langue maternelle dans les institutions prenant en charge des enfants au Danemark. Cette représentante a également attiré l'attention sur les informations faisant état d'une discrimination répandue, sur le marché danois de l'emploi, à l'encontre des membres des minorités ethniques. Elle a en outre soulevé la problématique de la réunification familiale au Danemark depuis que ce pays, invoquant des incidents de mariages forcés, a aboli le droit à la réunification familiale, décidant qu'un permis de résidence ne serait accordé qu'aux seuls époux âgés de plus de 24 ans.

Un représentant de l'Alliance internationale des habitants a attiré l'attention sur le problème des expulsions de personnes de leur logement en Italie, en indiquant qu'entre 1983 et 2002, plus de 1 500 000 familles ont été expulsées de leur logement, souvent par la force. Ces processus d'expulsion se sont poursuivis et même accrus ces deux dernières années, a-t-il souligné. Rappelant que ces expulsions trouvent généralement leur origine dans le non-paiement des loyers, le représentant a attiré l'attention sur l'augmentation fulgurante des loyers, qui ne sont plus contrôlés, en Italie. Le représentant a préconisé de réintroduire en Italie le contrôle public du secteur locatif pour rendre les loyers plus attractifs. Il a également préconisé l'abrogation des dispositions de la loi qui constituent une discrimination à l'égard des immigrants en matière d'accès aux HLM.

Un représentant de Via Adda non si cancella! a attiré l'attention sur la situation de la communauté rom en Italie, en particulier à Milan, en suggérant au Comité de demander au Gouvernement italien s'il pense que les expulsions de masse, auxquelles il a déjà eu recours notamment en Lombardie en expulsant des Roms vers la Roumanie, est compatible avec le Pacte. Le Comité devrait censurer le Gouvernement italien pour son racisme à l'encontre des populations roms.

Une représentante de Vis-Volontariato internazionale per lo Sviluppo a rappelé que comme tout pays, l'Italie n'est pas à l'abri des violations de droits de l'homme. Ce pays ne dispose d'aucune institution indépendante de droits de l'homme, a notamment relevé cette intervenante. L'éducation aux droits de l'homme reste en Italie une matière facultative dans tous les cursus scolaires ou universitaires, sauf dans deux facultés de droit du pays. Pourquoi l'Italie continue-t-elle d'invoquer la non-justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels pour éviter d'aborder la question fondamentale de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'homme?

Une représentante du Comité pour la promotion et la protection des droits de l'homme a souligné que son intervention avait pour objet d'apporter le soutien de son organisation aux efforts visant à créer une institution indépendante de promotion et de protection des droits de l'homme en Italie.

Un représentant de l'Associazione Studi Giuridici sull'Immigrazione a souligné que la condition des travailleurs migrants a subi de nombreux changements législatifs ces derniers années en Italie. Les requérants d'asile n'ont droit ni au regroupement familial ni à d'autres droits fondamentaux tels que le droit au travail, a-t-il fait observer. Il a dénoncé les retards considérables que prennent les procédures de renouvellement de permis de séjour temporaires, alors que le statut du migrant qui attend un tel renouvellement de permis n'est pas clairement défini par la loi.

Une représentante de Médecins sans frontières-Italie a fait observer qu'il n'y a pas en Italie de véritable politique d'intégration et de logement à l'intention des requérants d'asile. Les requérants d'asile qui attendent qu'il soit statué sur leur cas ne devraient pas être placés en détention, a-t-elle en outre rappelé. À cet égard, elle a fait part de ses préoccupations s'agissant des conditions qui prévalent dans les centres de détention temporaire pour requérants d'asile; elle a demandé que soient fermés les centres de Lametia Terme, de Trapani et de Turin. Elle a par ailleurs dénoncé les cas d'expulsions d'étrangers souffrant de pathologies graves.

Un représentant de l'Istituto Internazionale Scienze Mediche Antropologiche Sociali a rappelé qu'en Italie, un enfant né dans une famille pauvre est deux fois plus susceptible de mourir durant son enfance qu'un enfant né dans une famille riche. Il a souligné que seulement 2,8% des personnes de plus de 65 ans non autonomes perçoivent, en Italie, une aide contre 6,1% en France. En outre, plus de 5,5 millions de personnes n'ont pas d'emploi régulier voire pas d'emploi du tout dans le pays. En 2000, on estimait en outre que l'Italie comptait entre 35 000 et 50 000 prostituées immigrantes. Le représentant a par ailleurs attiré l'attention sur le surpeuplement carcéral en Italie, où 54 237 prisonniers étaient détenus en 2003 pour 42 000 places officiellement disponibles; il a dénoncé les conditions carcérales précaires qui résultent de cette situation, 75 suicides ayant été enregistrés dans les prisons italiennes en 2003.

Une représentante de l'Institut pour la paix et la démocratie a attiré l'attention sur la situation des femmes en Azerbaïdjan. Elle a notamment souligné que la crise économique et sociale qui perdure depuis de nombreuses années, tout comme la poursuite du conflit au Nagorno-Karabagh, ne manquent pas d'avoir des répercussions sur la situation des citoyens et en particulier des femmes. Aussi, la priorité devrait-elle être accordée à la protection des femmes, a-t-elle déclaré. Aucune législation spécifique n'existe Azerbaïdjan qui permettrait de lutter contre la violence au foyer, a ajouté cette intervenante. Le problème de la traite de personnes est l'un des problèmes les plus graves qui se posent dans le contexte de l'Azerbaïdjan, a poursuivi la représentante, précisant qu'à cet égard, l'Azerbaïdjan est à la fois fournisseur et pays de transit.

S'agissant du Chili, un représentant de l'Association internationale contre la torture (AICT) a souligné que la Concertation des partis pour la démocratie continue de gouverner le pays avec les mêmes institutions que celles qu'il a héritées de la dictature en 1990. Ainsi, le régime qui avait tant de fois été condamné par le communauté internationale se perpétue à travers de ses institutions et de sa Constitution. Le néo-libéralisme imposé par la force, qui s'est substitué à la démocratie participative au Chili, continue de menacer les droits de la population chilienne au travail, à l'alimentation, au logement, à la santé, à l'éducation et à la culture, a poursuivi le représentant de l'AICT. Il a attiré l'attention sur le déficit démocratique dont pâtit le Chili, sur l'inégale distribution des revenus dans le pays et sur l'absence de mécanismes publics de promotion de la participation citoyenne remettant en cause la structure sociale du pays. En dépit des affirmations relatives à la liberté d'expression, la publication du journal El Clarín, principal journal du pays qui fut exproprié par la dictature, n'est toujours pas autorisée et ses propriétaires espagnols ne sont toujours pas indemnisés. Le représentant de l'AICT a par ailleurs fait observer que les indicateurs socioéconomiques des secteurs les plus vulnérables de la population n'ont que peu progressé au Chili.

Une représentante de la Fédération syndicale mondiale a pour sa part souligné qu'au vu du rapport présenté par le Chili au Comité, il semble que les travailleurs n'existent pas dans ce pays. Est notamment passé sous silence le fait que la structure administrative de l'État s'avère incapable de contrôler les actions illégales menées par des employeurs, de sorte que l'on peut dire qu'il n'existe pas, au Chili, de justice en matière d'emploi. Le rapport ne dit pas non plus que les actions antisyndicales coordonnées et systématiques des employeurs sont monnaie courante au Chili. Dans ce pays, la santé a cessé d'être un droit garanti par l'État; seul l'accès à la santé est garanti. Les patients sont des clients et la santé une marchandise. L'égalité des chances est une utopie dans l'actuel modèle économique chilien, a poursuivi la représentante. La répartition des revenus est, au Chili, l'une des pires au monde, a-t-elle ajouté.

Une représentante de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a souligné que le système de capitalisation individuelle en matière de sécurité sociale qui prévaut au Chili a montré qu'il ne couvrait pas plus de 51% des personnes qui cotisent, ce qui en fait un système exclusif et discriminatoire qui, de plus, ne garantit pas une vie digne aux cotisants. Ce système est discriminatoire à l'encontre des femmes, dont les cotisations sont plus élevées que celles des hommes. En 2003, l'État chilien a conclu avec les États-Unis un traité de libre commerce qui est contraire à diverses lois chiliennes voire porte atteinte à certains principes constitutionnels; à titre d'exemple, ce traité favorise les investisseurs étrangers au détriment des investisseurs nationaux. En raison de la répression existante, seuls 10% des travailleurs chiliens sont syndiqués, a poursuivi la représentante. Quant à la législation environnementale, elle est absolument insuffisante, a-t-elle déclaré.

Un représentant de l'Association américaine de juristes a déclaré que, s'il se présente au monde comme un pays moderne, le Chili pâtit pourtant d'un déficit démocratique, notamment du point de vue de la participation des citoyens et de la répartition des ressources. Sous prétexte de sécurité nationale et pour protéger les intérêts économiques des grandes entreprises nationales et internationales, le Chili moderne n'hésite pas à recourir à la force pour réprimer toute forme de dissidence et de revendication politique, sociale, syndicale ou culturelle. Cet intervenant a par ailleurs dénoncé la discrimination dont le peuple mapuche est historiquement victime au Chili, eu égard notamment à la spoliation systématique dont fait l'objet ses terres. La répression à l'égard des Mapuche s'est durcie depuis qu'a été adoptée la loi antiterroriste, a-t-il ajouté. Des enfants mapuche ont été torturés au Chili, a insisté cet orateur.

Un représentant de Meli Wixan Mapu, membre de la communauté mapuche chilienne de Temulemu, a rappelé que les Mapuche s'opposent aux entreprises forestières qui investissent sur leurs terres. Il a souligné que la loi antiterroriste adoptée par le Chili est utilisée contre les Mapuche pour garantir les investissements de ces entreprises. Il a notamment dénoncé les destructions de leurs logements ainsi que les interrogatoires et mauvais traitements subséquents dont sont victimes les Mapuche.

Un représentant du Consejo de las tierras a fait part de la réunion de plusieurs peuples autochtones (notamment aymara, mapuche et quechua ) qui s'est tenue à Temuco, au Chili, afin d'examiner le rapport que les autorités chiliennes présentent au Comité. Il a recommandé que le Chili procède à la reconnaissance institutionnelle des peuples autochtones, en fondant cette reconnaissance sur le droit à l'autodétermination qui englobe notamment le droit à la terre et au sous-sol. L'orateur a également recommandé la création d'une institution chilienne des peuples autochtones.

Un représentant de FIAN (Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir) a indiqué que son organisation a entrepris une étude sur le Programme Faim Zéro du Président Lula et la façon dont il est mis en œuvre en particulier dans les municipalités pauvres du Nord/Nord-Est du Brésil. L'une des grandes innovations de ce Programme a été de mettre sur pied un ministère spécifiquement chargé de la lutte contre la faim, a rappelé le représentant. L'étude a montré que l'accès à l'alimentation, par le biais du système de «bourse familiale» mis en place en vertu de ce Programme, a notablement amélioré la diète des familles. Néanmoins, ce Programme n'a pas encore tenu toutes ses promesses, s'agissant notamment de la nécessité de conjuguer politiques structurelles (réforme agraire, génération de revenus…) et politiques spécifiques; dans nombre de municipalités, le Programme se limite à la distribution des «bourses familiales». Pour autant, cette première expérience reste positive et une participation plus active de la société civile serait bienvenue, a déclaré cet intervenant.


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