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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

16 Novembre 2001



CESCR
27ème session
16 novembre 2001
Après-midi





Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels terminé cet après-midi l'examen du rapport de la France en entendant les réponses de la délégation aux questions soulevées par les experts s'agissant notamment de la situation de l'emploi et la hausse récente du chômage, de l'impact des mesures de réduction du temps de travail, de la nature des emplois créés ces dernières années. Des renseignements ont également été fournis sur l'enseignement de la langue berbère; les mesures prises pour lutter contre le trafic des personnes et la prostitution des mineurs; la politique de la France en matière d'accueil des requérants d'asile; les mesures prises en faveur des sans-abri; ainsi que la violence contre les femmes.

Dirigée par M. Patrick Henault, Ambassadeur chargé des questions des droits de l'homme de la France, la délégation a indiqué qu'il semble que le passage aux 35 heures a permis la création de 324 000 emplois. S'agissant du taux élevé de suicide chez les chômeurs, la délégation a indiqué que le Ministre français de la santé, M. Bernard Kouchner, a décidé de faire de cette question une priorité nationale en mettant en œuvre un plan d'action qui - à l'horizon 2005 - vise à passer sous la barre symbolique des 10 000 suicides annuels en France.

Le Comité adoptera ultérieurement à huis clos ses observations finales sur le rapport de la France avant de les rendre publiques à la fin de la présente session, le vendredi 30 novembre 2001.


Lundi matin, à 10h45, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la Croatie (E/1990/5/Add.96) auquel il consacrera trois séances (deux lundi et une mardi matin).


Fin de l'examen du rapport de la France

Un expert s'étant enquis ce matin des raisons pour lesquelles la France n'a pas encore ratifié la convention de l'OIT (n°174) sur la prévention des accidents industriels majeurs, la délégation a souligné qu'aucun pays européen ne l'a ratifiée à ce jour. La difficulté en la matière vient du fait qu'une directive européenne a déjà été adoptée sur ce même sujet; la question se pose donc de savoir si la ratification d'un instrument traitant d'un sujet qui fait déjà l'objet d'une directive européenne doit être communautaire ou peut être entreprise par chaque pays individuellement. La Cour de justice communautaire a été saisie de cette question, a indiqué la délégation.

S'agissant de la situation de la France en matière d'emploi, la délégation a indiqué que le taux de chômage, qui se situait à 12% dans le pays en 1997 avant de chuter à 8,8%, est remonté très légèrement ces derniers mois pour atteindre les 9,9%. Deux millions de personnes sont aujourd'hui à la recherche d'un emploi. En ce qui concerne la réduction du temps de travail à 35 heures, la délégation a précisé qu'elle couvre actuellement 6 des 14 millions de salariés du secteur privé. La mesure devrait être appliquée aux cinq millions de fonctionnaires du secteur public à partir du 1er janvier prochain. Au niveau du bilan, il semble que les entreprises qui sont passées aux 35 heures ont permis la création de 324 000 emplois, a affirmé la délégation avant de souligner que la création d'emplois résulte bien évidemment aussi de tout un faisceau de mesures engagées par les pouvoirs publics. Aujourd'hui, a par ailleurs indiqué la délégation, un point de croissance correspond à la création de 150 000 emplois. Soulignant que la reprise économique s'appuie toujours dans un premier temps sur le recours à des missions intérimaires avant que les contrats ne se transforment en contrats à durée indéterminée (CDI) dès qu'elle se consolide, la délégation a affirmé que sur les 1,6 millions d'emplois créés entre 1997 et 2001, plus de la moitié voire les trois quarts relèvent de CDI.

S'agissant des questions relatives aux suicides, la délégation a reconnu que selon les études qui ont été menées, il apparaît que le taux de suicide chez les chômeurs est 8,5 fois supérieur à la moyenne nationale. Aussi, le Ministre français de la santé, M. Bernard Kouchner, a-t-il décidé de faire de cette question une priorité nationale en mettant en œuvre un plan d'action qui - à l'horizon 2005 - vise à passer sous la barre symbolique des 10 000 suicides annuels en France.

Interrogée sur les mesures prises pour promouvoir l'enseignement de la langue berbère en France - où vivent environ 1,5 million de Berbères dont certains ont la nationalité française - la délégation a notamment indiqué que le Ministre de l'éducation nationale a institué, pour le baccalauréat, une épreuve facultative de langue berbère, non seulement à l'oral mais aussi, depuis peu, à l'écrit. Le Ministère a passé une convention avec l'Institut national des langues orientales pour la correction des épreuves écrites et pour la conception des sujets, a précisé la délégation. Des mesures dérogatoires ont en outre été prévues qui permettent de prendre en compte la situation particulière de certains candidats récemment arrivés en France qui n'ont pu bénéficier de l'enseignement nécessaire pour se présenter aux épreuves de langues vivantes et qui peuvent donc choisir leur langue maternelle (y compris le berbère le cas échéant) au titre de l'épreuve obligatoire de langue vivante. La délégation a par ailleurs indiqué que la réalisation d'une encyclopédie berbère en plusieurs fascicules reçoit actuellement le soutien du Centre national du livre, lequel soutient en outre un certain nombre de magazines berbères.


En ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre le trafic des personnes et la prostitution des mineurs, la délégation a souligné que plusieurs filières de prostitution ont pu être démantelées au cours de l'année dernière. La prostitution du point de vue de la personne qui se prostitue n'est pas réprimée en France, sauf dans le cas du racolage qui relève du trouble à l'ordre public, a rappelé la délégation. Ainsi, la personne qui se prostitue est-elle considérée comme une victime. Le proxénétisme, en revanche, est réprimé en tant qu'atteinte à la dignité de la personne, a poursuivi la délégation. Sont punis de dix ans d'emprisonnement les actes de proxénétisme aggravés, tels que ceux commis à l'encontre des mineurs ou avec violence. Un nouveau projet de loi va être présenté au Parlement français afin de lutter plus efficacement contre la prostitution des mineurs, a par ailleurs précisé la délégation avant d'indiquer que la France sera représentée par Mme Ségolène Royal, Ministre déléguée à l'enfance, la famille et aux personnes handicapées lors du deuxième Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, qui se tiendra à Yokohama (18 au 20 décembre).

Interrogée sur la politique de la France en matière d'accueil des requérants d'asile, la délégation a rappelé que le droit d'asile en France résulte à la fois d'engagements constitutionnels et d'engagements conventionnels. C'est essentiellement sur la base de la Convention de Genève de 1951 que la France reconnaît aux personnes qui le demandent le statut de réfugié. La qualité de réfugié n'est pas accordée en fonction de critères politiques ou socioéconomiques, a insisté la délégation; elle est accordée seulement sur la base de la définition de la Convention de Genève. Ainsi, le requérant doit-il avoir de bonnes raisons de craindre d'être victime de persécutions de la part des autorités de son pays d'origine. Est également prise en compte la situation de la personne qui ne peut notoirement obtenir la protection des autorités de son pays d'origine. La délégation a indiqué que l'on enregistre actuellement en France 102 000 réfugiés statutaires et 300 000 enfants de réfugiés.

La délégation a par ailleurs expliqué qu'il est possible d'octroyer l'asile territorial à des personnes non couvertes par la Convention de Genève (et qui ne peuvent donc obtenir le statut de réfugié). Ainsi, lorsqu'une personne a été déboutée de sa demande d'asile en vertu de la loi sur les réfugiés, elle peut demander la protection au titre de l'asile territorial. La délégation a précisé que même si une personne n'est pas admise au bénéfice de la protection au titre de l'asile territorial, il est interdit de l'éloigner vers un pays où elle dit encourir des risques de torture ou de traitement inhumain ou dégradant. Toute personne qui invoque de tels risques voit sa situation examinée avec attention et s'il s'avère que ces risques sont bien réels, elle ne sera pas renvoyée.

La délégation a précisé que l'on peut demander l'asile en France soit à partir de son territoire d'origine, soit aux frontières de la France soit en France même lorsqu'on y est déjà entré, que ce soit régulièrement ou non. La décision d'admission aux frontières est prise par le Ministre de l'intérieur après avis du Ministère des affaires étrangères, a rappelé la délégation avant de souligner qu'en 2001, plus de 95% des demandes d'entrée en France de requérants d'asile ont été acceptées. Tout refus d'admission peut faire l'objet d'un recours auprès d'une commission qui comporte un représentant du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a indiqué la délégation. Sauf cas exceptionnel, ce recours est suspensif, c'est-à-dire que le requérant ne peut être renvoyé dans son pays avant la fin de la procédure.

Un projet de texte doit être discuté dans les prochains jours par le Parlement concernant l'assistance aux mineurs requérants d'asile aux frontières, a par ailleurs indiqué la délégation avant de faire observer qu'il s'agit là d'une question soulevée de manière récurrente par les associations.


Toutes les demandes d'asile sont instruites par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a rappelé la délégation. L'OFPRA souhaite accroître le taux d'audition des requérants d'asile, qui se situe actuellement aux alentours de 50%, a-t-elle indiqué. La délégation a expliqué que l'allongement des délais d'instruction des demandes d'asile contribue à placer les personnes concernées dans une situation de précarité qu'il n'est pas souhaitable de voir se
prolonger. La hausse vertigineuse des demandes d'asile - elles sont passées de 30 000 en 1999 à 38 000 en 2000 - conduit à un engorgement des services chargés de l'instruction des demandes, a par ailleurs souligné la délégation. Aussi, des mesures ont-elles d'ores et déjà été prises afin de renforcer les effectifs de l'OFPRA. Il a également été décidé de rationaliser les procédures tout en renforçant les droits de la défense devant les organismes de recours.

La délégation a réaffirmé que les événements du 11 septembre dernier n'ont aucune influence sur les engagements que la France a souscrits en matière de protection des droits de l'homme; et il en va de même pour la politique du pays en matière d'accueil des réfugiés, a-t-elle insisté.

En ce qui concerne les sans-abri, la délégation, tout en mettant l'accent sur la difficulté d'appréhender leur situation avec précision, a indiqué que selon une enquête réalisée à Paris en 1995, le nombre de sans-abri dans la capitale était alors de huit mille, la part des femmes - en augmentation depuis - étant à l'époque de 17%. Les résultats d'une enquête sur les sans-abri, menée au niveau national par l'INSEE durant l'hiver 2000-2001, devraient être disponibles à la fin de cette année, a précisé la délégation. Afin de leur venir en aide, le Ministère des affaires sociales a mis en place dans chaque département un dispositif d'accueil inconditionnel de tous les sans-abri. Pour sa part, le ministère du logement met à disposition des logements subventionnés par l'État dont les plafonds de loyers sont fixés régulièrement et réévalués chaque année. Les locataires de ces logements sont aidés par le versement d'aides personnalisées au logement qui peuvent atteindre jusqu'à 90% du montant du loyer.

Un membre du Comité a cité des chiffres faisant état, pour une seule année, en France, de plus de sept mille viols et plus de douze mille actes de violence sexuelle perpétrés contre des femmes. La délégation a affirmé que selon des estimations, ces chiffres, basés notamment sur une enquête réalisée en 1998 et sur les déclarations faites à la police, ne représenteraient que 5% du total des violences contre les femmes perpétrées en France. Aussi, en juin 2001, les autorités ont-elles lancé dans le pays une grande enquête sur la violence contre les femmes afin de bien évaluer l'ampleur et la nature du problème, de manière à pouvoir lui apporter les réponses adéquates.



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