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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA FRANCE

16 Novembre 2001



CESCR
27ème session
16 novembre 2001
Matin





La délégation française met l'accent sur les mesures
de lutte contre l'exclusion adoptées en France depuis 1998


L'ensemble des mesures prises ces trois ou quatre dernières années en matière de lutte contre l'exclusion constitue incontestablement l'action la plus importante menée par la France en faveur de la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. C'est ce qu'a affirmé ce matin M. Patrick Henault, Ambassadeur chargé des questions de droits de l'homme de la France, devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui entamait l'examen du deuxième rapport périodique de ce pays.

L'application de cette politique se poursuit aujourd'hui dans le cadre d'un plan national contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui définit les orientations pour la période 2001-2003 et met l'accent sur le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées et l'accès effectif de tous à leurs droits fondamentaux, a précisé M. Henault.

L'Ambassadeur chargé des questions de droits de l'homme a par ailleurs souligné que l'édifice républicain français repose sur «un pacte social qui vise à transcender toutes les différences et auquel peut adhérer volontairement tout individu». Néanmoins, le Gouvernement français œuvre à la promotion et à la valorisation de la diversité des langues et des cultures, a-t-il fait valoir. Ainsi, dans le domaine de l'enseignement, de nouvelles orientations ont-elles été arrêtées par les autorités publiques afin de généraliser l'offre publique d'enseignement des langues régionales en France.

La délégation française a en outre fourni des compléments d'information s'agissant notamment du fonctionnement de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et de l'impact qu'ont pu avoir en France, en matière de droits de l'homme, les événements du 11 septembre dernier.

Ayant à l'esprit le récent accident de Toulouse, un membre du Comité a demandé pourquoi la France n'a pas encore ratifié la Convention no174 de l'OIT sur la prévention des grands accidents industriels.

La délégation française est également composée de M. Bernard Kessedjian, Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Médiateur de la République, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et des ministères des affaires étrangères, de la justice, de la culture, de l'emploi et de la solidarité, de l'éducation nationale, des Départements et territoires d'outre-mer (DOM-TOM), de l'équipement et de l'intérieur.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité achèvera l'examen du rapport de la France.


Présentation du rapport de la France

Le deuxième rapport périodique de la France (E/1990/6/Add.27) rappelle notamment que le Code du travail prohibe, lors d'une procédure de recrutement ou de licenciement, toute discrimination fondée sur l'origine, le sexe, les mœurs, la situation de famille, l'appartenance à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l'état de santé ou le handicap. Tout employeur est également tenu d'assurer, pour un travail égal, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Le rapport rappelle que l'État fixe un salaire minimum (SMIC) afin de garantir le pouvoir d'achat des plus bas salaires et la participation de l'ensemble des salariés au développement économique de la nation. Il convient cependant de rappeler que le SMIC concerne uniquement les travailleurs sans qualification et sans ancienneté. Les autres salariés ont pour vocation à toucher plus que le SMIC, qui est un plancher et non une référence en matière de rémunérations. Depuis le 1er janvier 1997, indique le rapport daté de 2000, le SMIC mensuel brut est de 6 663,67 francs pour une durée de travail de 169 heures. Il concerne 2,2 millions de personnes, soit 11,5% des salariés (contre 8,2% en 1994) et plus particulièrement les jeunes qui représentent 33,5% des salariés payés au SMIC.

En ce qui concerne l'organisation de la protection sociale, le rapport souligne que si la couverture des salariés agricoles est presque identique à celle des bénéficiaires du régime général, la couverture des exploitants agricoles est, pour sa part, plus incomplète. Ils ne bénéficient en effet ni des prestations d'invalidité ni d'indemnités journalières et leurs pensions de vieillesse restent modestes. En 1998, les dépenses de protection sociale de la France se sont élevées à 2 496 milliards de francs représentant 29,2% du PIB. Le rapport indique par ailleurs que les conditions de vie des personnes âgées se sont considérablement améliorées en l'espace de quelques décennies. Toutefois, le groupe des plus de 75 ans n'a pas bénéficié de toutes ces améliorations et demeure relativement plus défavorisé que les autres groupes d'âge. En outre, la pauvreté persiste parmi les familles nombreuses et monoparentales. Au total, 946 000 foyers bénéficiaient du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1997. De plus, la loi d'orientation contre les exclusions, dans son exposé des motifs, a estimé le nombre des sans abri en France à 200 000. Le rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées précise que la France compte en outre deux millions de mal-logés.

Le rapport souligne d'autre part que les principes et le dispositif de l'enseignement des langues et cultures régionales, depuis l'école maternelle jusqu'au lycée, dans les régions où elles sont en usage ont été réaffirmés par une circulaire du 7 avril 1995. Les sept langues enseignées sont, par ordre décroissant d'effectifs d'élèves: l'occitan, le corse, le catalan, le breton, le créole, le basque et le gallo. En 1994-95, environ 113 000 élèves ont suivi un enseignement de langue régionale dont la majorité en initiation, soit une progression de 9% par rapport à l'année précédente.

Présentant le rapport de son pays, M. PATRICK HENAULT, Ambassadeur chargé des question de droits de l'homme de la France, a indiqué que l'action menée par la France pour lutter contre les phénomènes d'exclusion sociale est partie d'un constat, celui du caractère multidimentionnel de l'exclusion et de la nécessité, par voie de conséquence, d'associer l'ensemble des ministères et des partenaires institutionnels concernés par ces phénomènes. C'est ainsi que depuis 1998, cette action a été menée en s'appuyant sur les propositions formulées par l'ensemble de la société, par l'intermédiaire des réseaux associatifs et des intervenants sociaux directement en contact avec les personnes en situation d'exclusion. Au niveau gouvernemental, pas moins de dix-huit ministères ont été parties prenantes à la démarche qui a donné lieu successivement à l'adoption du programme gouvernemental du 4 mars 1998, doté de plus de huit milliards d'euros pour la mise en œuvre de mesures nouvelles sur trois ans, puis de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998. L'application de cette politique se poursuit aujourd'hui par l'adoption, en juin dernier, en Conseil des ministres, d'un plan national contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui définit les orientations pour la période 2001-2003.

L'objectif de la loi du 29 juillet 1998 était de répondre à trois priorités, a souligné M. Henault: d'une part, assurer l'accès de tous aux droits fondamentaux, garantis par le Pacte, que sont le droit au travail, le droit au logement et le droit à la santé; d'autre part de faire face aux situations de détresse et d'urgence sociale; enfin, assurer une coordination efficace de tous les acteurs. S'agissant de l'accès de tous aux droits fondamentaux, ont été développés dans le domaine de l'emploi, des programmes d'accompagnement personnalisé des personnes en difficulté tout au long de leur parcours d'insertion. Après l'emploi, le logement a constitué un autre axe majeur de l'action gouvernementale afin d'assurer à tous, y compris les plus démunis, non seulement un toit mais également l'accès à l'eau et à l'électricité. La possibilité pour toute personne de disposer de ce confort minimum apparaît en effet comme une condition déterminante de son insertion dans la société. Les mesures adoptées dans cette perspective concernent tout à la fois l'accès au logement, le maintien dans celui-ci et la lutte contre les habitats insalubres. M. Henault a par ailleurs souligné que la récente loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (2000) affirme la volonté de favoriser la mixité sociale dans les villes en prévoyant notamment l'obligation pour les communes de disposer dans leur parc de résidences principales de 20% de logements locatifs sociaux.

Un autre droit fondamental pris en compte par la loi de 1998 est le droit à la santé, a poursuivi M. Henault. En particulier, dans chaque région est établi un programme pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, qui est coordonné par le préfet de région, à partir d'une analyse préalable dans chaque département de la situation en matière d'accès aux soins des personnes plus démunies. Postérieurement à cette loi, mais dans la même logique, la loi du 27 juillet 1999, qui a créé la couverture maladie universelle, permet d'offrir une couverture sociale à tous et offre un taux de remboursement de 100% pour les personnes ayant un revenu très faible.

M. Henault a souligné que la nouvelle stratégie définie jusqu'en 2003 continue de mettre l'accent sur le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées et l'accès effectif de tous à leurs droits fondamentaux.

M. Henault a par ailleurs souligné qu'il existe un autre domaine où les autorités françaises ont engagé une politique active, appelée également à se développer pendant les prochaines années: c'est le domaine des langues et cultures régionales et minoritaires. L'édifice républicain français repose sur un pacte social qui vise à transcender toutes les différences et auquel peut adhérer volontairement tout individu. Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement français œuvre à la promotion et à la valorisation de la diversité des langues et des cultures. Il convient notamment de souligner que des crédits importants ont été inscrits au budget de l'État de 2000 et 2001 afin de réaliser plusieurs objectifs: assurer la sauvegarde et le rayonnement du patrimoine linguistique, oral ou écrit; aider l'édition dans les diverses langues pratiquées en France; permettre l'observation des pratiques linguistiques; ou encore soutenir financièrement les secteurs de la vie culturelle où la langue est source de création, comme la chanson, les spectacles théâtraux ou audiovisuels. Dans le domaine de l'enseignement, de nouvelles orientations ont été arrêtées par les autorités publiques, afin de généraliser l'offre publique d'enseignement des langues régionales en France. Est ainsi privilégié l'enseignement bilingue, à parité horaire avec le français. S'agissant des langues non territoriales, a précisé M. Henault, l'arabe dialectal et le berbère sont les plus représentées. Elles sont en effet enseignées à des milliers d'élèves aux différents degrés d'enseignement et font l'objet d'épreuves au baccalauréat.

M. Henault a par ailleurs souligné que le rôle joué par le Médiateur de la République dans le traitement des réclamations individuelles est loin d'être négligeable puisqu'en 2000, le bureau du Médiateur a reçu 53 706 réclamations dont plus d'un tiers concerne le secteur social (santé, protection sociale, assurance chômage, droit au travail).


Examen du rapport de la France

Interrogée sur l'aspect des mesures prises par la France en faveur de la promotion des droits économiques, sociaux et culturels qu'elle juge le plus important, la délégation a estimé que c'est incontestablement l'ensemble des mesures prises ces trois ou quatre dernières années en matière de lutte contre l'exclusion qui constitue l'action la plus importante.

Plusieurs membres du Comité ayant souhaité savoir comment il était possible de concilier le rattachement administratif de la Commission nationale consultative des droits de l'homme au bureau du Premier ministre avec la nécessaire indépendance de cette institution, la délégation a rappelé que cette Commission, avant d'être rattachée au Premier ministre, avait été rattachée au Ministère des affaires étrangères, selon les vœux mêmes de René Cassin (un des principaux rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme - ndlr). Cette Commission bénéficie d'un droit d'autosaisine, c'est-à-dire que si elle peut être consultée à la demande du Gouvernement, elle jouit également d'une totale liberté pour se saisir automatiquement elle-même de tout sujet et ce, sans autorisation préalable. Ses avis sont toujours publics et il n'est pas rare qu'ils créent des problèmes politiques pour les gouvernements, quels qu'ils soient, de sorte que la question de son rattachement administratif aux services du Premier ministre paraît tout à fait secondaire.

Interrogée sur l'impact qu'ont pu avoir en France, en matière de droits de l'homme, les événements du 11 septembre dernier, la délégation a assuré que ces événements, s'ils ont certes entraîné la mise en place d'un certain nombre de mesures nouvelles, notamment en matière de police, n'ont suscité aucune modification dans l'approche des questions de droits de l'homme qui est celle de la France. Certes, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a émis en la matière un avis qui n'a pas été entièrement suivi par le gouvernement, mais il n'en demeure pas moins que le débat a été porté sur la place publique, a précisé la délégation.

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a souligné qu'en cas de conflit entre le droit interne et l'une quelconque des dispositions d'un traité international, c'est le traité international qui prévaut. En ce qui concerne l'applicabilité directe des dispositions du Pacte, la délégation a indiqué qu'à ce jour, la réponse apportée à cette question par les diverses juridictions française n'a pas été uniforme. Pour le Conseil d'État, par exemple, un particulier ne peut se prévaloir directement d'une disposition du Pacte. La Cour de cassation, quant à elle, n'a pas encore été appelée à se prononcer directement sur la question.

Plusieurs membres du Comité ont estimé que l'approche adoptée par la France à l'égard des communautés minoritaires - auxquelles le pays propose l'intégration à la République - ne permettait pas de résoudre toutes les questions liées aux minorités présentes dans le pays.

Un expert du Comité a souhaité savoir si la France entendait accroître son aide publique au développement (APD) proportionnellement à l'accroissement de son PIB. La délégation a reconnu que l'APD française actuelle enregistre une diminution de 15% en termes réels par rapport à 1999. Il faut toutefois expliquer qu'il a été décidé qu'à partir de l'an 2000, l'aide au développement apportée aux Territoires d'outre-mer serait exclu de la comptabilité relative à l'APD. L'APD de la France a surtout connu une baisse entre 1994 et 1999 et s'est stabilisée depuis, a fait observer la délégation. On impute notamment cette baisse globale de l'APD française à une amélioration de la situation économique des pays de la zone franc suite à la dévaluation du franc CFA et aux crises politiques et sociales qu'ont traversées plusieurs pays africains et qui ont été à l'origine de la cessation de certains programmes de coopération, a par ailleurs affirmé la délégation. Quoi qu'il en soit, avec une APD qui représente 0,33% de son PIB en 2000, la France se place au premier rang des pays industrialisés pour cette aide publique au développement. En outre, la moyenne pour les pays de l'OCDE se situe à 0,22% du PIB consacré à l'APD.

Un expert a relevé que la France maintient des droits de douane sur les produits agricoles alors que nombre de pays en développement demandent un accès accru de leurs produits aux marchés du Nord. L'expert a-t-il souhaité entendre les commentaires de la délégation sur cette «question délicate».

Relevant la récente tendance à la hausse du chômage en France, un membre du Comité s'est interrogé sur la durabilité des mesures prises pour lutter contre le chômage, s'agissant en particulier de la loi sur les 35 heures hebdomadaires et des emplois parfois précaires créés dans le pays.

Ayant à l'esprit le récent accident de Toulouse, un membre du Comité s'est enquis des raisons pour lesquelles la France n'a pas ratifié la Convention no174 de l'OIT sur la prévention des grands accidents industriels.




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