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Communiqués de presse Organes conventionnels

L'ESPAGNE PRÉSENTE SON QUATRIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE AU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

12 Novembre 2002



CAT
29ème session
12 novembre 2002
Matin




Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport périodique de l'Espagne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. Fernando Manzenado González, Secrétaire général technique au Ministère espagnol de l'intérieur, a présenté le rapport de son pays, insistant notamment sur les nouvelles mesures adoptées depuis 1997 et rappelant en particulier que l'Espagne a ratifié les Statuts de Rome de la Cour pénale internationale et l'offre de l'Espagne de fournir des équipements espagnols pour l'emprisonnement de personnes qui seraient condamnées par la Cour. Il a également attiré l'attention sur la participation croissante de la police espagnole et des forces de sécurité dans les opérations de maintien et de rétablissement de la paix des Nations Unies.
L'importante délégation espagnole est également composée du Représentant permanent de l'Espagne à Genève, M. Joaquín Pérez Villanueva y Tovar; de M. Antonio Cerrolaza Gómez, Sous-Secrétaire au Ministère de l'intérieur; de M. Javier Nistal Burón, Sous-Directeur général de l'administration pénitentiaire; de M. Pablo Martín Alonso, Directeur de Cabinet à la coordination et l'analyse au Secrétariat d'État pour la sécurité; de M. Carlos Guervos Maillo, Sous-Secrétaire général à l'immigration; de M. Francisco Javier Borrego Borrego, Procureur général à la Cour européenne des droits de l'homme; ainsi que de membres de la Mission permanente de l'Espagne à Genève.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. Alejandro González Poblete, s'est félicité des mesures prises par l'Espagne depuis la présentation du dernier rapport et a noté que, s'il restait des allégations de cas très isolés de torture ou de mauvais traitements, les chiffres ne cessent de diminuer chaque année. Il s'est par ailleurs félicité des dispositions de la nouvelle loi sur l'extradition mais a regretté des informations selon lesquelles il y aurait eu des cas d'actes cruels et dégradants, voire de torture, lors d'expulsions de personnes déboutées du droit d'asile. Il s'est également dit préoccupé de certaines dispositions relatives à la lutte antiterroriste. Le co-rapporteur M. Ole Vedel Rasmussen, a pour sa part félicité l'Espagne pour les mesures de formation à l'intention de la police. Il a exprimé sa préoccupation concernant des cas de détention prolongée en isolement et souhaiterait voir ces pratiques modifiées. D'autres membres du Comité ont posé des questions sur des violations commises à l'encontre d'étrangers, en particulier par des fonctionnaires de la Guardia Civil. Ils ont également souhaité des informations sur l'indemnisation et la réhabilitation des victimes de la torture. Le sort réservé aux immigrés et des informations concernant des comportements racistes de la part de policiers espagnols ont fait l'objet de plusieurs questions de la part des experts.
La délégation est invitée à présenter ses réponses demain à 15h30. Le Comité se réunira cet après-midi à huis clos à 15 heures afin d'examiner les plaintes qui lui sont soumises en vertu de l'article 22 de la Convention.
À sa prochaine séance publique, demain matin à 10 heures, le Comité abordera l'examen du rapport de l'Égypte (CAT/C/55/Add.6).

Présentation du rapport de l'Espagne
Le Représentant permanent de l'Espagne à Genève, M. JOAQUÍN PÉREZ VILLANUEVA Y TOVAR, a souligné que l'engagement de l'Espagne dans la lutte contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants allait au-delà de la simple application des dispositions de la Convention. Il a précisé que, depuis trois ans, l'Espagne est un des principaux donateurs au Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture et que son pays jouait un rôle actif dans la défense des droits et libertés des personnes.
Présentant le rapport de l'Espagne et fournissant des informations sur les faits nouveaux intervenus depuis la soumission du rapport, M. FERNANDO MANZENADO GONZÁLEZ, Secrétaire général technique au Ministère de l'intérieur, a tenu à réitérer l'importance accordée par son gouvernement à la lutte contre le fléau du terrorisme, dans le strict respect d'un cadre juridique parfaitement délimité. Il a aussi souligné que l'engagement pris par l'Espagne en matière de respect des droits et des libertés fondamentales se manifestait pleinement dans la mise en œuvre de sa politique d'immigration. Il a illustré ces propos en évoquant la nouvelle législation adoptée en 2000 qui reconnaît une série de droits aux étrangers, tels le droit à l'assistance médicale, droits dont l'objectif est d'éviter tout traitement discriminatoire, tout acte de xénophobie ou de racisme envers des étrangers et permettre une intégration de ces populations dans la société. Il a aussi rappelé que l'Espagne a ratifié les Statuts de Rome de la Cour pénale intenationale et l'offre de l'Espagne de fournir des équipements espagnols pour l'emprisonnement de personnes qui seraient condamnées par la Cour. Il a également attiré l'attention sur la participation croissante de la police espagnole et des forces de sécurité dans les operations de maintien et de rétablissement de la paix des Nations Unies.
M. Manzenado González a souligné que la législation espagnole, en vertu de l'article 520 bis du Code de procédure pénale, permet de prolonger la détention provisoire à cinq jours dans des cas très particuliers de crimes graves et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il a ajouté que chaque détenu jouissait néanmoins de certains droits imprescriptibles, sujets à certaines restrictions dans les cas de détention pour actes de terrorisme. Ainsi le prévenu a droit à un avocat et à un soutien médical, et il jouit de l'habeas corpus.
Concernant les enquêtes pénales et disciplinaires en cas de mauvais traitements infligés à un détenu par un agent de l'État, la législation espagnole a mis en œuvre une série de mesures, prévoyant notamment des peines de suspension de liberté provisoire ainsi que des mesures disciplinaires allant jusqu'à l'exclusion du fonctionnaire du corps de la police.
Sur la question de la lenteur des procédures, M. Manzenado González a reconnu l'importance du problème et a rappelé que de nombreux efforts étaient déployés en vue d'une amélioration du système.
S'agissant de la formation des personnels et corps de sécurité chargés des questions relatives aux droits de l'homme, M. Manzenado González a rappelé que de nombreuses initiatives ont été adoptées depuis 1996 et une formation en matière de l'homme, et en particulier dans le cadre de la lutte contre la torture, est dispensée à la Guardia civil et aux membres des forces de police. Un manuel a été en outre élaboré qui complète cette formation par un code d'éthique destiné aux fonctionnaires de police.
M. Manzenado González a par ailleurs souligné que les membres de forces de sécurité espagnoles ont participé à de nombreuses actions de maintien et de rétablissement de la paix des Nations Unies, notamment en Angola, au Guatemala ou au Salvador.
Le représentant du Ministère de l'intérieur a attiré l'attention sur la construction par l'Espagne de treize nouveaux centres pénitenciers et de l'effort budgétaire important mené par le gouvernement, ainsi que des mesures prises dans le cadre d'une réinsertion des détenus et du recours à des alternatives à l'internement pour l'exécution des peines afin de faciliter cette réinsertion. La délégation a également mentionné l'exemple du Centre pénitentiaire de Madrid 6 qui permet aux détenus de vivre avec leurs enfants de moins de trois ans.
Concernant le statut des étrangers, la Loi organique du 11 janvier sur les droits et libertés des étrangers marque, a affirmé M. Manzanedo González, la volonté de son gouvernement de réaliser une intégration des étrangers, conformément à la législation de 1995.
D'autre part, un programme global de réglementation et de coordination relative aux étrangers et à l'immigration (Programa Global de Regulación y Coordinación de la Extranjería y la Inmigración en España - GRECO), adopté en 2001 par le Conseil des ministres, et en vigueur jusqu'en 2004, couvre tous les aspects du traitement de l'immigration ainsi que la lutte contre le racisme et la xénophobie. En outre, il existe des centres pour accueillir les migrants, les requérants d'asile et les réfugiés apatrides, notamment à Ceuta et Melilla. D'autres devraient être créés.
Sur la situation des mineurs non accompagnés, M. Manzanedo González a affirmé que toutes les garanties pour assurer la sécurité du mineur étaient prises et que celui-ci ne pourra être renvoyé dans son pays d'origine que si des garanties sont obtenues qu'il n'encourt aucun risque.
Enfin, le représentant espagnol a rappelé que, depuis la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'Espagne souhaitait éradiquer toute pratique humiliante, toute forme de discrimination, tout acte de torture ou d'atteinte à la dignité humaine, et que toutes les instances de l'État étaient sollicitées dans la mise en œuvre de cette action et de cette lutte.
Le quatrième rapport périodique de l'Espagne (CAT/C/55/Add.5) passe en revue article par article la mise en œuvre dans la législation nationale des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en insistant sur les nouvelles mesures et dispositions prises se rapportant à la mise en œuvre de la Convention. Le rapport rappelle l'engagement de l'Espagne dans la lutte contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, lutte qui, depuis la signature de la Convention, va bien plus loin que la simple application des dispositions du Pacte. Depuis trois ans, l'Espagne n'a cessé d'incorporer dans sa législation interne des mesures qui vont au-delà des dispositions du Pacte, notamment dans la défense des droits et libertés des personnes.
Le rapport précise que, hormis de très rares cas isolés, l'usage de la torture ou autres peines et traitements cruels, n'a pas cours en Espagne. Le rapport affirme que l'amendement de 1995 apporté au Code de procédure pénale et promulgué sous l'impulsion du Comité contre la torture a démontré son efficacité ces dernières années et renforçait efficacement les moyens de protection contre la torture. D'autre part, le délit de torture est considéré comme un crime grave passible de six à douze mois d'emprisonnement, conformément à l'article 57 du Code de procédure pénale. Les cours de justice et tribunaux ont en outre la possibilité d'inclure dans leurs jugements l'interdiction formelle pour le criminel d'approcher la victime ou un des membres de sa famille, de communiquer avec la victime ou de se rendre à nouveau sur les lieux du délit ou au domicile de la victime et de sa famille. Le rapport souligne enfin que les actes constitutifs de la torture sont communiqués au personnel des forces de sécurité afin qu'ils sachent que la torture est illégale et ne peut être en aucun cas justifiée.

Examen du rapport de l'Espagne
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. ALEJANDRO GONZÁLEZ POBLETE, s'est félicité des mesures prises par cet État partie depuis la présentation du dernier rapport et des nouvelles mesures prises se rapportant à la mise en œuvre de la Convention. Le rapporteur a noté que le rapport ne donnait pas d'informations réelles sur la mise en œuvre pratique de la Convention depuis 1996, notamment en ce qui concerne la date formelle d'entrée en vigueur de certaines dispositions. Il a noté que s'il restait des cas très isolés de torture ou de mauvais traitements, les chiffres, selon Amnesty International, ne cessent de diminuer chaque année. Il a néanmoins souhaité savoir quelles étaient les mesures adoptées pour éliminer ces pratiques. Il s'est aussi interrogé sur la persistance, selon certaines informations, d'actes de violence, de viols et de torture commis sur des étrangers, notamment par des fonctionnaires de la Guardia Civil. Il a noté que sur 59 cas de torture pour l'an 2000 dénoncés par Amnesty International, 17 ont été reconnus par l'Espagne.
Sur la question de l'extradition, le rapporteur a exprimé l'espoir que la nouvelle loi sur la réglementation de l'extradition n'entrera pas en conflit avec la Convention. Sur la portée de cette nouvelle loi sur l'extradition, il a noté que le rapport cite le cas des passagers clandestins, de la nouvelle instruction à leur égard et de l'adoption de mesures fournissant de nouvelles garanties : aide d'un interprète, d'un avocat et d'un médecin. Le délégué s'est donc félicité de ce nouveau pas en avant.
M. González Poblete a estimé que les dispositions concernant le droit d'asile sont conformes au texte de la Convention, mais il a tenu à relever des cas précis d'actes cruels et dégradants voire de torture lors d'expulsions. Il a notamment cité le cas d'une passagère étrangère maltraitée a plusieurs reprises par des vigiles d'une compagnie aérienne.
Le rapporteur a aussi mentionné de situations qui contribuent à décourager la dénonciation de la torture comme par exemple la prolongation préoccupante de la durée des procédures judiciaires, rappelant que le Comité avait exprimé des préoccupations en ce sens lors de l'examen du précédent rapport. Ainsi, a t-il ajouté à titre d'exemple, quatre policiers ont été condamnés en mars 1997 à quatre mois d'arrêt pour des faits qui s'étaient produits plus de 15 ans auparavant. Cela pose le problème de l'inclinaison des juges à davantage l'indulgence, comme en 2001, lorsque onze policiers et trois gardes civils ont pu bénéficier d'une «indulgence collective».
M. González Poblete a relevé que, dans la législation relative aux bandes armées terroristes, la prolongation de la détention de 3 à 5 jours n'a pas besoin de l'aval des juges. Le détenu est maintenu au secret et ce n'est que le cinquième jour qu'il est mis à disposition du juge chargé des affaires de terrorisme.
M. OLE VEDEL RASMUSSEN, co-rapporteur pour le rapport de l'Espagne, a félicité l'Espagne pour les mesures de formation à l'intention de la police, conformément à la Convention. Après examen du dernier rapport, l'expert a réitéré la préoccupation du Comité concernant des cas de détention prolongée en isolement et souhaiterait voir ces pratiques modifiées. Il a regretté les restrictions imposées aux droits de certains détenus, qui se voient imposer un avocat commis d'office et ne peuvent prévenir leur famille du lieu ou ils se trouvent.
L'expert a par ailleurs demandé des précisions sur les dispositions relatives à l'extradition.
D'autres membres du Comité ont posé des questions sur des violations qui auraient été commises à l'encontre d'étrangers, en particulier par des fonctionnaires de la Guardia Civil.
Un expert a souhaité savoir si les motivations racistes sont un facteur aggravant en cas de délit de torture. Les experts ont également souhaité des informations sur l'indemnisation et la réhabilitation des victimes de la torture. Ils ont ainsi regretté le manque de statistiques dans ce domaine. Une autre question a touché au rôle du gouvernement dans la réinsertion des victimes de torture, les experts voudraient savoir si l'Espagne compte agir plus fermement dans ce domaine.
Un membre du Comité est revenu sur un certain nombre de questions abordées dans un rapport d'une organisation non gouvernementale en 2002 portant sur le sort réservé aux immigrés et les comportements racistes des policiers espagnols. La délégation a été invitée à se prononcer plus en détail sur les allégations de traitements inhumains et dégradants sur la Grande Canarie et selon lesquelles des immigrés étaient détenus dans des conditions épouvantables.
Un autre membre du Comité s'est interrogée sur les fouilles corporelles et a souhaité savoir comment cela était réglementé. Il a aussi souhaité des informations sur les atteintes à la liberté sexuelle et souhaiterait une meilleure définition de certains termes. La violence sexuelle est-elle surveillée dans les prisons. Les détenus ont-ils un recours pour se plaindre et quel est-il. Reprenant le rapport d'Amnesty International, l'expert s'est interrogée sur une question fréquente qui concerne les femmes détenues, notamment celles placées au secret. L'expert a déclaré que des cas de viols de femmes étrangères ont été relevés.
Un autre expert a souhaité des renseignements sur le problème des enfants mineurs requérants d'asile non accompagnés et de leur prise en charge.
Un autre expert, évoquant le contexte de lutte contre le terrorisme, a regretté que, sous couvert de menace terroriste, certains justifient des actes de violence de la part des autorités de l'État.
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, a souhaité de plus amples renseignements sur des cas de policiers poursuivis pour actes de torture.



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