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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU MAROC

06 Mai 1999


MATIN
HR/CAT/99/16
6 mai 1999



Le Comité contre la torture a entamé l'examen du deuxième rapport périodique du Maroc sur les mesures prises par ce pays sur le respect de ses obligations en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il entendra les réponses de la délégation marocaine aux questions des experts demain après-midi, et adoptera ses observations finales et recommandations mardi prochain, 11 mai.

La délégation du Maroc venue présenter le rapport est dirigée par M.Nacer Benjellouni-Touimi, Représentant permanent du Maroc auprès de l'Office des NationsUnies à Genève. Elle comprend également M.Driss Belmahi, Directeur par intérim de la Direction de la concertation et de la défense des droits de l'homme au Ministère des droits de l'homme; M.Mohammed Habib Belkouch, Conseiller expert au Cabinet du Ministre des droits de l'homme; et M.Mohammed Majdi, Premier conseiller à la Mission à Genève.

Un rang de priorité élevé est accordé à la protection des droits de l'homme au Maroc, a déclaré M.Benjellouni-Touimi, en rappelant les libérations de prisonniers politiques depuis 1994 et la possibilité pour les personnes qui avaient choisi de vivre en exil, de retourner dans leur pays. Pour ce qui est de 112 personnes présumées disparues entre 1960 et 1980, le représentant a rappelé que la question a été clarifiée par le Conseil consultatif des droits de l'homme et que des indemnités seront versées aux intéressés ou à défaut à leurs ayants droit.

Le rapporteur chargé de l'examen du rapport du Maroc, M.Guibril Camara, s'est félicité de la publication de la Convention contre la torture au Bulletin officiel. Il a cependant regretté que le Maroc n'ait pas encore légiféré pour criminaliser la torture sous toutes ses formes. Il a également déploré le maintien de la réserve concernant la compétence du Comité à recevoir des plaintes relatives à l'application de la Convention par le Maroc. Le corapporteur chargé pour le rapport du Maroc, M.Antonio Henriques Gaspar, a souhaité savoir si les personnes portées «disparues» mais qui ont été «retrouvées» en prison pourront bénéficier d'indemnisations.

Le Comité contre la torture se réunira à nouveau à 15 heures pour présenter ses observations finales et recommandations à propos du rapport présenté par l'Italie. Il entendra ensuite les réponses de la délégation de la Jamahiriya arabe libyenne aux questions posées hier par les membres du Comité.

Présentation du deuxième rapport périodique du Maroc

M.Nacer Benjelloun-Touimi, Représentant permanent du Maroc auprès de l'Office des NationsUnies à Genève, a souligné que le récent avènement du gouvernement dirigé par M.El Youssoufi, constitue un moment historique dans le cours de la modernisation de la vie politique nationale. Le Gouvernement a affirmé le caractère prioritaire de la défense des droits de l'homme. Le chef de la délégation a rappelé que la grâce royale de 1994, a permis la libération de 424 prisonniers politiques «et le retour de toutes les personnes qui avaient choisi de vivre en exil.» De plus, l'action du Conseil consultatif des droits de l'homme a permis la libération de 28 détenus en 1998. M.Benjellouni-Touimi a déclaré que le Conseil a également clarifié le cas de 112 personnes présumées disparues entre 1960 et 1980. Les intéressés ou leurs ayants droit seront indemnisés, a-t-il ajouté.

Dans le domaine judiciaire, le Conseil supérieur de la magistrature a décidé la révocation de neuf juges et l'exclusion de treize autres qui s'étaient écartés de l'éthique d'indépendance et de fidélité à la loi, a déclaré le représentant. En dépit de problèmes de surpopulation carcérale, la situation a pu être améliorée. Le nombre de médecins dans les prisons, notamment, a été augmenté. Une autopsie est menée chaque fois qu'un détenu décède en prison. Lorsque le décès est imputable à des mauvais traitements, le responsable est sanctionné. Une contre-expertise peut également être demandée par la famille du défunt ou par des organisations non gouvernementales, a indiqué le représentant.

Dans le cadre des efforts visant à promouvoir une culture des droits de l'homme au sein de la société marocaine, le Maroc va renforcer les enseignements en matière de droits de l'homme contenus dans les programmes scolaires au niveau primaire et secondaire. S'agissant de la recommandation du Comité relative à l'introduction dans la législation pénale de toutes les formes de torture prévues par la Convention, le Gouvernement a l'intention d'«adapter les lois marocaines aux chartes internationales».

Le deuxième rapport périodique du Maroc (CAT/C/43/Add.2) précise que la jurisprudence de la Cour Suprême affirme qu'en cas de contradiction entre la norme interne et la norme internationale, cette dernière l'emporte, à condition d'avoir été publiée au Bulletin officiel, ce qui a été le cas pour la Convention contre la torture en décembre 1996. Au Maroc, les autorités ayant une mission en matière de promotion et de protection des droits de l'homme sont le ministère chargé des droits de l'homme et le Conseil consultatif des droits de l'homme.

Les droits de l'homme sont enseignés dans les écoles de formation de policiers et de gendarmes, ainsi que dans les académies militaires. Les magistrats reçoivent également des enseignements dans ce domaine au cours de leur formation. Dès lors qu'il commet un dépassement dans l'exercice de ses fonctions, tout fonctionnaire peut être poursuivi et sanctionné sur le plan disciplinaire ou même sur le plan pénal, si ce dépassement constitue une infraction.

Examen du rapport présenté par le Maroc

M.Guibril Camara, rapporteur chargé de l'examen du rapport du Maroc, a estimé qu'un pas essentiel a été franchi avec la publication de la Convention contre la torture au Bulletin officiel, la rendant ainsi opposable aux autorités. En revanche, il a regretté que les autorités marocaines ne semblent pas avoir donné une suite à deux recommandations capitales du Comité qui concernent la nécessité d'inclure dans la législation la définition de la torture prévue par la Convention et l'incrimination de tous les actes de torture, ainsi que de retirer les réserves du Maroc en ce qui concerne la disposition de la Convention reconnnaissant la compétence du Comité à recevoir et examiner des communications d'États parties ou de particuliers concernant la façon dont le Maroc s'acquitte de ses obligations au titre de la Convention.

Par ailleurs, le rapporteur a estimé que la disposition selon laquelle «les actes commis au cours d'une insurrection ou d'une guerre civile ne peuvent donner lieu à l'extradition que s'ils constituent des actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus par le droit de la guerre et seulement lorsque la guerre civile aura pris fin» est contraire à l'article 3 de la Convention sur l'expulsion, le refoulement ou l'extradition.

M.Antonio Henriques Gaspar, corapporteur chargé de l'examen du rapport du Maroc, a salué les efforts entrepris par le Maroc en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Il a souligné que les actes de torture ne peuvent en aucun cas être considérés comme des crimes politiques. Il a voulu savoir si la loi marocaine admet l'entraide judiciaire la plus large possible en matière de lutte contre la torture même en l'absence de traités d'entraide bilatérale. Il a salué l'introduction d'enseignements sur les droits de l'homme dans la formation des forces de l'ordre. En dépit de ces efforts positifs, il a déclaré que la formation des policiers semble encore poser des problèmes, notamment dans les zones rurales.

Le corapporteur a estimé que les enquêtes doivent être menées par des autorités indépendantes et sans que le dépôt de plainte formelle soit requis. Les résultats des enquêtes doivent passer dans le domaine public, a-t-il estimé. Il a demandé des éclaircissements au sujet d'allégations d'organisations non gouvernementales selon lesquelles les plaintes ne sont pas prises en considération. Le corapporteur a demandé des informations sur le résultat des enquêtes entreprises dans le cadre d'affaires de violations des droits de l'homme. À propos des personnes «disparues» retrouvées en prison, il a demandé si des compensations sont prévues. La législation marocaine ne disposant pas de façon claire qu'une preuve obtenue sous la torture ne peut être reçue, le corapporteur a suggéré que la loi soit alignée sur les dispositions de la Convention.

Le corapporteur a en outre demandé des précisions sur l'application effective de l'interdiction des traitements inhumains qui ne sont pas des cas de torture, plusieurs cas de violences de ce type ayant été rapportés par des organisations non gouvernementales.

Au cours du débat, un expert a souhaité obtenir des précisions sur la façon dont le Maroc traite les cas de torture survenus avant la ratification de la Convention contre la torture et jusqu'à la publication de la Convention au Bulletin officiel. Un autre expert a demandé si le personnel civil et médical reçoit un enseignement concernant l'interdiction de la torture. Il a voulu savoir si une personne arrêtée peut avoir accès à un avocat, contacter un proche et être examinée par un médecin de son choix. À propos de l'autopsie systématique des détenus décédés en prison, l'expert a demandé si la délégation disposait de statistiques à cet égard. Un expert a encore évoqué des violations parfois impunies commises au Sahara occidental.

En ce qui concerne la procédure de détention préventive, décrite par Amnesty International comme une détention «incomunicado», un autre expert a souhaité savoir si le détenu à accès à un avocat ou à un médecin. Il a également demandé des précisions sur une affaire de violences sexuelles très brutales perpétrées contre des détenus mineurs. Il semblerait que ces violences se soient produites avec la complicité des autorités pénitentiaires.

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