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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT D'ISRAËL

20 Novembre 2001



CAT
27ème session
20 novembre 2001
Matin




La délégation indique que la Cour suprême a
interdit en 1999 toute forme de menace physique
pendant les interrogatoires



Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique d'Israël sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport d'Israël, M. Yaakov Levy, Représentant permanent d'Israël auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a attiré l'attention du Comité sur la décision de la Cour suprême de 1999 qui a interdit toute forme de menace physique pendant les interrogatoires, décision prise moins de 18 heures après l'explosion de deux bombes à Haïfa et Tibériade. Il a également mentionné la décision prise par la Cour suprême en avril 2000 de faire libérer tous les prisonniers libanais sauf ceux qui représentaient une menace pour la sécurité d'Israël.

La délégation israélienne est également composée de M. Tuvia Israeli, Représentant permanent adjoint; de M. Yehuda Shaffer, Procureur adjoint; et de Mme Ady Schonmann, Conseillère aux droits de l'homme auprès du Ministère des affaires étrangères.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport d'Israël, M. Peter Thomas Burns, a assuré la délégation israélienne que le Comité contre la torture était parfaitement conscient de la situation difficile à laquelle Israël se trouve confronté en raison des attaques dont il fait l'objet. Il a indiqué que la libération des détenus libanais est un pas en avant, mais il a néanmoins regretté que la détention administrative n'ait pas encore été abolie et donne aux autorités administratives le droit de détenir une personne au secret pendant plus de huit mois.

Alexander Yakovlev, corapporteur pour l'examen du rapport d'Israël, a exprimé sa préoccupation s'agissant des allégations selon lesquelles les enquêteurs procédant aux interrogatoires se couvrent le visage et ne déclinent pas leur identité, ce qui rend difficile pour les personnes subissant l'interrogatoire de porter plainte pour le traitement qui leur est infligé.

Le Comité poursuivra l'examen du rapport d'Israël demain après-midi, à partir de 15h30. Il entendra alors les réponses de la délégation indonésienne aux questions qui lui ont été adressées ce matin. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation zambienne aux questions posées par le Comité hier matin.


Présentation du rapport d'Israël

Le troisième rapport périodique d'Israël (CAT/C/54/Add.1), en date du 4 juillet 2001, indique que le fait nouveau le plus important depuis la soumission du précédent rapport périodique est l'arrêt rendu en septembre 1999 par la Cour suprême d'Israël concernant les méthodes d'enquête de l'Agence israélienne de sécurité. Siégeant en formation de jugement, la Cour était saisie se sept requêtes distinctes contestant les méthodes utilisées par le Service général de sécurité (ainsi appelé à l'époque) lors des interrogatoires de personnes soupçonnées de terrorisme. La décision a d'autant plus de poids que l'affaire a été jugée par une formation élargie composée de neuf magistrats de la Cour suprême. Dans sa décision rendue à l'unanimité, la Cour a statué que les méthodes d'interrogatoire dénoncées ne constituent pas des actes de torture, telle qu'elle est définie dans la Convention, mais que le Service de sécurité n'est pas autorisé à user de certaines méthodes d'investigation faisant appel à l'exercice de pressions physiques modérées, considérant que ces méthodes sont contraires à la loi israélienne.

L'État faisait valoir, en effet, que les enquêteurs étaient habilités à exercer des pressions physiques modérées comme mesure de dernier recours pour sauver des vies humaines. Dans sa décision, la Cour a estimé que, s'il y avait des divergences d'opinion sur ce point, elle était prête à tenir pour acquit que l'enquêteur qui recourait à des pressions physiques au cours d'un interrogatoire dans les circonstances définies dans la loi, et qui était ensuite poursuivi pour avoir recouru à ces méthodes, pourrait avancer l'argument de l'état de nécessité pour sa défense. En revanche, le fait que cet argument puisse être invoqué dans un procès pénal comme moyen de défense ne signifie pas qu'il puisse servir de base juridique pour donner, à l'avance, une autorisation générale d'user de tels moyens. Le fait qu'un acte déterminé ne constitue pas une infraction pénale n'autorise pas pour autant les enquêteurs à le commettre en procédant aux interrogatoires, a conclu la Cour Suprême.

Le rapport indique qu'après un examen complet de la portée de la Cour suprême et nonobstant les limites réelles qu'elle entraîne pour ce qui est des pouvoirs et de l'efficacité du service de sécurité dans sa lutte contre les attaques terroristes incessantes, le Gouvernement israélien a décidé de ne pas proposer de texte législatif tendant à autoriser le recours à des pressions physiques dans les enquêtes menées par l'agence israélienne de sécurité. Au contraire, il a choisi de faire porter l'effort sur l'amélioration et le renforcement des capacités générales de l'agence en augmentant les effectifs et en modernisant les équipements techniques.

Présentant le rapport de son pays, M. Yaakov Levy, Représentant permanent d'Israël auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré qu'Israël demeure convaincu que le dialogue doit être maintenu avec les organes chargés de veiller au respect des traités internationaux tels que la Convention contre la torture en dépit des graves problèmes de terrorisme auquel le pays est confronté. Il a affirmé que la torture est interdite en Israël car le pays est une société démocratique soucieuse de respecter les droits de l'homme. Néanmoins, depuis la présentation du dernier rapport, la menace du terrorisme ne diminue pas. La population israélienne fait l'objet d'attaques constantes et de nombreux civils ont été tués. M. Levy a indiqué que le pays est confronté à un dilemme qui est de prévenir le terrorisme tout en assurant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le chef de la délégation a attiré l'attention du Comité sur la décision de la Cour suprême de 1999 qui a interdit toute forme de menace physique pendant les interrogatoires. Il a souligné que cette décision a été prise moins de 18 heures après l'explosion de deux bombes à Haïfa et Tibériade. Selon cette décision, l'Agence de sécurité israélienne n'est pas autorisée à employer certaines méthodes d'investigation faisant appel à l'exercice de pressions physiques modérées lors des interrogatoires.

Le chef de la délégation a précisé que les souffrances et les douleurs en elles-mêmes ne constituent pas une torture. L'utilisation de la force physique durant les interrogatoires demeure exceptionnelle, elle est justifiée par la nécessité de protéger des vies humaines et ne constitue pas une forme de torture. Le recours à des traitements cruels et dégradants est interdit, a-il ajouté, mais un interrogatoire entraîne toujours des désagréments tels que le manque de sommeil.

Par ailleurs, le chef de la délégation a mentionné la décision prise par la Cour suprême en avril 2000 de faire libérer tous les prisonniers libanais, à l'exception de ceux qui représentaient une menace pour la sécurité d'Israël. Seules les personnes constituant une menace pour la sécurité du pays peuvent être retenues en détention administrative par le Ministère de la défense. Or, la Cour a décidé que ces Libanais ne constituaient pas une menace et devaient être libérés sur le champ.

Le chef de la délégation a en outre rappelé le retrait des troupes israéliennes du Sud-Liban le 24 mars 2000. Il a néanmoins regretté que des attaques soient encore lancées à la frontière nord d'Israël par le Hezbollah. Enfin, il a indiqué que les plaintes déposées par les Palestiniens pour mauvais traitements lors des interrogatoires doivent être prises avec un certain recul car elles ne sont pas toujours fondées. Chaque plainte doit être examinée séparément et faire l'objet d'une enquête minutieuse afin d'en déterminer la véracité, a-t-il souligné.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport d'Israël, M. Peter Thomas Burns, a assuré la délégation israélienne que le Comité contre la torture était parfaitement conscient de la situation difficile à laquelle Israël se trouve confronté en raison des attaques terroristes dont elle fait l'objet. Il a salué le fait que le Comité ait pu recevoir des informations diverses et variées ne provenant pas uniquement du gouvernement, grâce notamment au régime démocratique qui règne dans le pays. Le rapporteur s'est également félicité de la décision de la Cour suprême sur les méthodes d'interrogatoire, qui constitue selon lui un pas en avant dans la lutte contre la torture.

M. Burns a souligné que tout État qui détient un individu en prison est tenu de justifier cette détention ainsi que le recours à la force s'il est exercé. Le gouvernement ne peut se contenter d'affirmer que les douleurs et souffrances infligées ne sont pas aiguës. Une enquête doit être systématiquement menée et elle doit apporter des détails sur le recours à la force afin de prouver qu'elle ne constitue pas une forme de torture.

Le rapporteur s'est par la suite intéressé aux conditions de détention. Il a fait valoir que la décision de la Cour suprême sur les méthodes d'interrogatoire était cruciale et prouvait l'intégrité de la Cour, mais comportait toutefois des lacunes. En effet, la Cour a fondé son jugement sur le droit à la dignité, qui est constitutionnellement garanti, mais elle n'a pas déclaré que la torture ne pouvait jamais être justifiée, même pas par l'état de nécessité. Or, quelles que soient les circonstances, la torture ne peut jamais être justifiée, a souligné M. Burns.

La libération des détenus libanais est un pas en avant, a estimé le rapporteur, qui a néanmoins regretté que la détention administrative n'ait pas encore été abolie et donne aux autorités administratives le droit de détenir une personne au secret pendant plus de huit mois. Il a d'ailleurs souhaité savoir si une personne en détention administrative pouvait avoir accès à un avocat. Par ailleurs, certaines organisations non gouvernementales ont relevé que, dans certains lieux de détention, des pratiques demeurent, notamment celle consistant à obliger le suspect à rester accroupi sur la pointe des pieds pendant une longue période (méthode dite de la «grenouille») ou encore celle consistant à attacher les suspects sur une petite chaise dans la position du «Shabach». Le rapporteur a souhaité savoir si ces méthodes étaient réglementées et comment le gouvernement pouvait garantir que ces pratiques ne déclenchent pas des souffrances aiguës. Il s'est également inquiété du sort d'un Libanais en détention administrative depuis 12 ans et a demandé à la délégation quels faits sont reprochés à cette personne.

Le rapporteur a souhaité connaître le nombre de membres des services généraux et de police qui ont été poursuivis pour brutalité durant les interrogatoires ces deux dernières années. Il a interrogé la délégation sur le nombre de poursuites qui ont été engagées à la suite de plaintes de personnes estimant avoir été victimes de mauvais traitements. Des informations provenant d'organisations non gouvernementales ont en effet noté une certaine impunité à l'égard des membres des forces de police.

M. Burns a attiré l'attention de la délégation sur l'appel urgent lancé par le Rapporteur spécial sur la torture concernant l'arrestation et la détention administrative d'une personne de nationalité libanaise depuis 1994. Ce Libanais affirme avoir été soumis à des chocs électriques, obligé de rester nu pendant plusieurs mois, secoué violemment ou encore obligé de rester debout pendant des heures. M. Burns a souhaité connaître les faits qui lui étaient reprochés et a indiqué qu'en lançant son appel, le Rapporteur spécial a donné l'occasion aux autorités israéliennes de prouver que ces allégations de torture n'étaient pas fondées.

Le cas d'un mineur palestinien de 16 ans qui aurait été torturé pendant son interrogatoire a également été mentionné par M. Burns. À la suite des sévices qu'il aurait subis, ce mineur a porté plainte mais l'enquêteur en charge du dossier lui a fait savoir que sans preuves médicales, sa plainte resterait sans suite. L'examen médical ayant eu lieu six mois après la commission des faits, le rapport médical n'a pas confirmé les dires du jeune homme. Or, ayant été hospitalisé dès sa sortie du commissariat, il devrait rester une trace de ses blessures dans le dossier médical conservé à l'hôpital, a observé M. Burns.

Le rapporteur a souhaité de plus amples informations sur le nombre de détenus mineurs et leurs conditions de détention. Une organisation non gouvernementale ayant relevé qu'un mineur de plus de 16 ans est considéré, dans les territoires occupés, comme un adulte et est incarcéré avec des adultes, le rapporteur a demandé à la délégation de clarifier ce point. Il a également exprimé de vives inquiétudes s'agissant de la politique de destruction de maisons dans les territoires occupés, qui n'est pas considérée par les autorités israéliennes comme étant une punition collective. Enfin, il a souhaité de plus amples informations sur le rôle joué par les médecins qui sont présents lors des interrogatoires.

M. Burns a également interrogé la délégation sur l'aggravation du phénomène de la traite des femmes en Israël et sur les mesures prises par le gouvernement pour y faire face.

M. Alexander Yakovlev, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport d'Israël, a souligné que les médecins ne devraient pas participer aux interrogatoires et ils devraient même dénoncer les méthodes utilisées lors de ces interrogatoires car elles ne respectent pas leur code de déontologie. Par ailleurs, les allégations selon lesquelles les enquêteurs procédant aux interrogatoires se couvrent le visage et ne déclinent pas leur identité inquiètent le corapporteur car les personnes interrogées peuvent difficilement se plaindre du traitement qui leur a été infligé puisqu'ils ne peuvent identifier les enquêteurs. En outre, le fait que les documents mentionnant l'arrestation et le témoignage du suspect soient uniquement rédigés en hébreu va à l'encontre des droits du suspect dans le cas des Palestiniens car ils ne comprennent pas toujours le contenu du document qu'ils doivent signer. Il est donc indispensable que les documents concernant les suspects palestiniens soient rédigés en Arabe, a estimé le corapporteur.

Par ailleurs, M. Yakovlev a souligné que les preuves obtenues sous la torture doivent être considérées comme non-recevables par les tribunaux. Il est également revenu sur le problème des destructions de maisons dans les territoires occupés et a cité le rapport d'une organisation non gouvernementale qui fait état de plus de 320 maisons détruites dans la bande de Gaza. Le corapporteur a estimé que ces pratiques sont une forme de traitement inhumain.

Plusieurs experts ont également condamné les destructions de maisons. Par ailleurs, un expert a suggéré que les interrogatoires soient filmés afin de s'assurer qu'il n'a pas été fait usage de la torture. Un membre du Comité a souhaité savoir si les détenus avaient la possibilité de bénéficier de l'intervention du médecin de leur choix. Le bouclage des territoires a également attiré l'attention de certains experts, et notamment l'impossibilité qu'il entraîne pour les Palestiniens de se rendre dans un hôpital.





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