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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU KAZAKHSTAN

09 Mai 2001



CAT
26ème session
9 mai 2001
Matin




Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Kazakhstan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La délégation était notamment composée du Ministre de la justice et du Président de la Commission des droits de l'homme près le Président de la République.

Présentant le rapport de son pays, M. Abdildin Zhabaikhan, Président de la Commission des droits de l'homme près le Président de la République du Kazakhstan, a souligné que le 29 décembre 2000, le pays s'est doté d'une nouvelle loi constitutionnelle qui garantit l'indépendance des tribunaux. Le pays envisage par ailleurs de transférer la tutelle sur les établissements pénitentiaires du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice. En outre, une loi visant la mise en place d'un ombudsman est en cours de discussion.

M. Igor Rogov, Ministre de la justice du Kazakhstan, a notamment fait part de la volonté de son pays d'améliorer les infrastructures pénitentiaires et la situation dans les prisons, notamment en ce qui concerne la lutte contre la tuberculose. Le Kazakhstan envisage d'adhérer au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a par ailleurs indiqué le Ministre de la justice.

La délégation kazakhe est également composée du Représentant permanent du Kazakhstan auprès des Nations Unies à Genève, M. Nourlan Danenov, ainsi que d'un représentant de la Mission permanente à Genève.

Mme Felice Gaer, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kazakhstan, a notamment fait part de sa préoccupation face à la recrudescence des mauvais traitements dont seraient victimes les femmes détenues au Kazakhstan, phénomène d'autant plus préoccupant que le nombre de femmes détenues a sensiblement augmenté ces derniers temps.


M. Alexander Yakovlev, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport kazakh, a fait état d'une affaire dans laquelle un accusé a affirmé, certificat médical à l'appui, que ses aveux lui avaient été extorqués par la torture, ce qui n'a pas empêché qu'un jugement soit rendu alors que l'affaire aurait dû aboutir à un non-lieu.

La délégation kazakh répondra demain, à 15h30, aux questions qui lui ont été posées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité présentera ses conclusions et recommandations concernant la Grèce avant de poursuivre l'examen du rapport du Brésil.


Présentation du rapport du Kazakhstan

Présentant le rapport de son pays, M. ABDILDIN ZHABAIKHAN, Président de la Commission des droits de l'homme près le Président de la République du Kazakhstan et Député du Parlement du Kazakhstan, a indiqué que le 29 décembre 2000, le pays s'est doté d'une nouvelle loi constitutionnelle qui garantit l'indépendance des tribunaux. Ce sont les organes du Parquet qui sont responsables de l'application des lois, a-t-il précisé. Dans le cadre de la réforme juridique qu'il a entrepris de mener à bien, le Kazakhstan a décidé de transférer la tutelle sur les établissements pénitentiaires et correctionnels du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice. Seules les maisons de détention provisoire restent encore provisoirement sous tutelle du Ministère de l'intérieur. Un Département chargé de la garde à vue et de la détention provisoire a été créé au sein du Ministère de la justice, a par ailleurs indiqué M. Zhabaikhan. Il a également mis l'accent sur le travail de formation continue du personnel d'encadrement des forces de l'ordre effectué par son pays en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, sous forme notamment d'organisation de séminaires.

Le recours à la torture est une infraction qualifiée de délit et les aveux obtenus sous la torture n'ont aucune valeur juridique, a poursuivi M. Zhabaikhan. Une loi visant la mise en place d'un ombudsman est en cours de discussion, a-t-il par ailleurs indiqué. Le Kazakhstan se trouve encore sur le long chemin qui mène vers la démocratie, a déclaré M. Zhabaikhan avant de souligner que l'important c'est que le pays ait volontairement choisi de promouvoir les droits de l'homme.

M. IGOR ROGOV, Ministre de la justice de la République du Kazakhstan, a souligné que le code pénal de son pays interdit toute procédure qui mettrait en danger la vie des personnes inculpées. En outre, si une personne subit des torts, elle sera réhabilitée aux frais de l'État. Conformément au Code pénal, l'avocat est présent dès le début de la détention du suspect. Dans les 72 heures qui suivent l'arrestation du suspect, un mandat d'arrêt doit être prononcé à son encontre faute de quoi, la personne doit être immédiatement libérée. Depuis 1998, en coopération notamment avec une organisation non gouvernementale néerlandaise, un programme est mis en œuvre afin d'éliminer la tuberculose dans les établissements pénitentiaires, a précisé le Ministre de la justice en faisant part de la volonté de son pays d'améliorer les infrastructures pénitentiaires et la situation dans les prisons. Le Kazakhstan envisage d'adhérer au statut de Rome de la Cour pénale internationale, a également indiqué le Ministre de la justice.


Le rapport initial du Kazakhstan (CAT/C/47/Add.1), qui couvre la période 1998-1999, a été établi par la Commission des droits de l'homme, laquelle dépend du Cabinet du Président de la République. Il souligne notamment qu'un processus complexe d'instauration d'un État démocratique et social fondé sur la primauté du droit est en cours dans le pays. Le caractère inacceptable de la torture est pris en compte dans le Code pénal dont les dispositions rendent pénalement responsables et sanctionnent les fonctionnaires et responsables des poursuites pénales qui ne respectent pas les voies de droit et les règles d'exécution des peines, notamment en recourant à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La législation pénale du Kazakhstan n'établit pas directement la responsabilité pour faits de torture en tant qu'infraction distincte, poursuit par ailleurs le rapport. Il souligne en outre que le Code d'exécution des peines a beaucoup élargi les droits des condamnés qui bénéficient désormais d'une protection juridique et sociale plus efficace. Conformément à la législation du pays, l'ordre donné par un supérieur ou un agent de la fonction publique ne saurait être invoqué pour justifier la torture, poursuit le rapport.

Le rapport souligne que le Kazakhstan a récemment adopté de nouveaux textes législatifs et réglementaires pour prévenir les actes de torture dans le pays. Ces textes contiennent un certain nombre de dispositions importantes visant à renforcer l'application des normes énoncées dans la Convention. On compte parmi ces textes: la loi sur les procédures et conditions de garde à vue des personnes suspectées ou inculpées d'infraction pénale (1999); la loi d'amnistie prononcée à l'occasion de l'Année de la solidarité entre les générations (1999); le décret-loi du Président de la République concernant les organismes chargés des affaires intérieures de la République (1995); l'arrêté ministériel du 14 décembre 1999 confirmant le règlement interne des maisons d'arrêt du Ministère de l'intérieur.

«L'examen des cas de violation des droits et libertés constitutionnelles des citoyens pendant la période à l'étude a révélé l'existence d'un grand nombre de violations faisant intervenir des formes brutales et illicites de traitements et de peines». À la fin du rapport figurent des renseignements concernant un certain nombre de cas concrets impliquant une douzaine de victimes d'actes de torture ou de mauvais traitements.


Examen du rapport du Kazakhstan

M. ALEXANDER M.YAKOVLEV, corapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Kazakhstan, a souhaité obtenir des statistiques concernant le nombre de cas de torture enregistré dans le pays, ainsi que les cas d'abus de pouvoir en général. Il a par ailleurs souhaité savoir si la Commission des droits de l'homme auprès du Président de la République a déjà examiné des situations concrètes de violations des droits de l'homme.

La première heure voire la première journée de détention du suspect constituent des périodes décisives durant lesquelles le recours à la torture peut intervenir et les preuves de tels actes disparaître, a rappelé M. Yakovlev. Il a fait état d'une affaire examinée par un tribunal de la partie orientale du pays, dans laquelle un accusé a affirmé, certificat médical à l'appui, que ses aveux lui avaient été extorqués par la torture, ce qui n'a pas empêché qu'un jugement soit rendu alors que l'affaire aurait dû se terminer par un non-lieu, car il ne saurait y avoir de jugement s'il est avéré que des aveux ont été obtenus sous la torture.

M. Yakovlev a souligné l'importance de la dimension culturelle pour la prévention de la torture et s'est réjoui, à cet égard, que le Président de la République du Kazakhstan ait lui-même déclaré que les actes de torture constituent une atteinte intolérable à la dignité humaine.

MME FELICE GAER, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kazakhstan, a mis l'accent sur la nécessité, pour le pays, de se doter d'une définition de la torture qui soit conforme à celle énoncée à l'article premier de la Convention. Comme le souligne un rapport de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur l'inspection des prisons, des changements de mentalité s'avèrent nécessaires au Kazakhstan, ce qui - s'agissant de la torture - passe avant tout par l'adoption d'une définition appropriée.

Mme Gaer s'est par ailleurs inquiétée des chiffres indiquant que 12% des personnes détenues en prison au Kazakhstan seraient atteintes de tuberculose. Elle a également fait part de sa préoccupation face à la recrudescence des actes de torture, de mauvais traitements et d'abus sexuels dont seraient victimes les femmes détenues au Kazakhstan, phénomène d'autant plus préoccupant que la proportion de femmes détenues est passée de 7 à 10% de la population carcérale totale. Mme Gaer a par ailleurs fait part de ses préoccupations en ce qui concerne l'accès aux soins médicaux et les mesures disciplinaires dans les établissements pour jeunes délinquants.

Il y a un an, a également relevé Mme Gaer, la Fédération Helsinki a déclaré que les tribunaux kazakhs n'étaient absolument pas indépendants.


Un autre membre du Comité a mis l'accent sur l'urgence, pour le pays, de se doter d'une définition appropriée de la torture et de procéder à une réforme du système de justice pénale, notamment afin d'assurer la réalisation d'enquêtes promptes et impartiales concernant toute allégation de torture.

Se fondant sur un documentaire qui est passé récemment à la télévision, certains experts ont insisté pour que le Kazakhstan se penche sur les conditions de détention des jeunes délinquants. À cet égard, un expert s'est inquiété que la supervision quotidienne des jeunes délinquants soit confiée à des détenus plus âgés, les «caporaux», ce qui ne peut que favoriser certains abus.

Plusieurs experts ont jugé trop long le délai de 72 heures retenu par le Kazakhstan comme délai maximum avant l'expiration duquel un suspect doit être présenté devant un juge.

Un autre expert s'est enquis du régime statutaire du Procureur et de ses collaborateurs.



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