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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA GÉORGIE

01 Mai 2001



CAT
26ème session
1er mai 2001
Matin





Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique de la Géorgie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, Mme Rusudan Beridze, Secrétaire adjointe du Conseil de sécurité nationale de la Géorgie pour les questions de droits de l'homme, a reconnu que la définition de la torture retenue dans la législation géorgienne n'inclut pas certains aspects prévus dans la Convention. Il n'en demeure pas moins que la torture, qui est passible de peines allant de deux à huit ans d'emprisonnement, fait partie des crimes les plus graves en Géorgie. La durée totale de détention avant mise en accusation ou libération immédiate d'un suspect ne saurait dépasser les 72 heures, a par ailleurs précisé Mme Beridze. Elle a également indiqué que la Géorgie a aboli les services pénitentiaires à régime renforcé et spécial.

La délégation géorgienne est également composée de M. Amiran Kavadze, Représentant permanent de la Géorgie auprès des Nations Unies à Genève ainsi que de représentants de la Mission permanente de la Géorgie à Genève, et de la Commission juridique du Parlement géorgien.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la Géorgie, M. Alexander Yakovlev, s'est réjoui des progrès enregistrés par la Géorgie dans un certain nombre de domaines et a engagé le pays à renforcer la réforme qu'il a engagée dans le domaine de la justice pénale. Il a par ailleurs estimé que la Géorgie devrait adopter une nouvelle définition de la torture qui soit davantage conforme à celle de la Convention.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport géorgien, M. Andreas Mavrommatis, s'est inquiété de constater que certains amendements qui devaient être apportés au Code pénal ont été écartés, en particulier ceux qui concernent les dispositions relatives à la première heure de garde à vue des suspects. À l'instar de M. Mavrommatis, certains experts se sont enquis des mesures prises par le gouvernement pour assurer le respect de la liberté de religion dans le pays.

En fin de séance, le Comité a entendu deux de ses membres lui présenter les résultats des réunions régionales qui se sont tenues à Santiago du Chili et à Dakar dans le cadre du processus préparatoire à la Conférence mondiale contre le racisme qui se tiendra à Durban du 30 août au 7 septembre prochain.

Le Comité poursuivra l'examen du rapport de la Géorgie demain après-midi, à 15 heures. Il entendra alors les réponses de la délégation géorgienne aux questions qui lui ont été adressées ce matin ainsi que les observations de conclusion que présentera le Comité s'agissant de ce rapport. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra le Coordonnateur-adjoint de la Conférence mondiale contre le racisme.


Présentation du rapport de la Géorgie

Présentant le rapport de son pays, MME RUSUDAN BERIDZE, Secrétaire adjointe du Conseil de sécurité nationale de la Géorgie pour les questions de droits de l'homme, a rappelé que son pays est devenu membre à part entière du Conseil de l'Europe en avril 1999. La Géorgie a ensuite reconnu la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme. En février 2001, le Parlement géorgien a en outre ratifié la Convention européenne sur l'extradition.

Mme Beridze a indiqué que par torture, la Géorgie entend tout acte consistant à infliger des souffrances physiques ou psychologiques en frappant continuellement une personne ou en la soumettant à d'autres actes violents. Cette définition, il est vrai, n'inclut pas l'intimidation ni l'extorsion d'aveux comme cela est prévu dans la Convention, a-t-elle reconnu. Il n'en demeure pas moins que la torture fait partie des crimes les plus graves et qu'elle est passible de peines allant de deux à huit ans d'emprisonnement. En outre, ni la Constitution ni la législation n'envisagent de restriction à l'interdiction de la torture, même en cas de loi martiale ou d'état d'urgence.

Dans la foulée du dernier rapport présenté par l'ombudsman de la Géorgie - rapport qui allègue un certain nombre de faits susceptibles de constituer des infractions aux dispositions de la Convention - le Président de la République a édicté un décret-loi par lequel il engage les différents ministères à mener des enquêtes sur ces faits, a indiqué Mme Beridze.

Toute personne suspectée doit subir un interrogatoire dans les 24 heures qui suivent sa présentation devant la police ou devant tout autre organe d'enquête, a par ailleurs précisé Mme Beridze. L'enquête ne saurait durer plus de 48 heures après présentation du suspect devant l'organe d'enquête et, si dans les 24 heures qui suivent, le tribunal ne prend aucune décision le concernant (arrestation, autres mesures de contrainte..), le suspect doit être immédiatement libéré. La durée totale de détention avant mise en accusation ou libération immédiate ne saurait donc en tout état de cause dépasser les 72 heures. Dans de telles circonstances, on ne saurait raisonnablement parler de détention au secret à long terme. La détention avant jugement ne saurait, elle, excéder neuf mois.

S'agissant du système pénitentiaire géorgien, Mme Beridze a notamment indiqué que la Géorgie a aboli les services pénitentiaires à régime renforcé et spécial. Désormais, les personnes accusées peuvent recevoir beaucoup plus fréquemment des visites de leurs proches, a-t-elle ajouté. Le contenu calorique de l'alimentation en prison a été amélioré. Mme Beridze a par ailleurs indiqué qu'il existe actuellement dans le pays 17 établissements pénitentiaires dépendant du Ministère de la justice. En 2000, le nombre de personnes privées de liberté s'établissait à 7 022 condamnés (contre 6 392 en 1999) et à 1 202 personnes en détention avant jugement (contre 2 197 en 1999). Selon les dernières données disponibles, seuls 22 mineurs et 113 femmes condamnés purgeaient leurs peines dans des établissements pénitentiaires géorgiens. En 2000, dans le cadre du processus de réconciliation nationale, le Président de la Géorgie a accordé son pardon aux partisans du Président Gamsakhurdia qui avaient été condamnés pour avoir commis divers crimes - à l'exception de ceux (aujourd'hui au nombre de 33) qui purgent leurs peines pour meurtre prémédité.


Le deuxième rapport périodique de la Géorgie (CAT/C/48/Add.1) indique que durant la période considérée (1996-juillet 1999), le pays a pris de nombreuses mesures importantes pour fonder une société démocratique et instaurer l'état de droit. La législation a été entièrement renouvelée et rendue compatible avec les dispositions de la Constitution et les obligations internationales de la Géorgie. Pour donner suite aux recommandations présentées par le Comité à l'issue de l'examen du rapport initial du pays, le Président de la Géorgie a promulgué en juin 1997 un décret sur la consolidation de la protection des droits de l'homme. Ce texte met particulièrement l'accent sur la protection des droits des condamnés et détenus, sur leurs conditions de détention, les soins médicaux qui leur sont apportés, la formation appropriée du personnel des organes chargés de faire respecter la loi ainsi que sur un droit de regard accru du public à cet égard. La réforme du système judiciaire visant l'instauration d'un système judiciaire indépendant, juste et honnête fonctionnant dans le cadre de l'état de droit, a été accélérée. La loi sur les tribunaux de droit commun et la loi sur la Cour suprême adoptées par le Parlement ont grandement contribué à cette réforme. L'adoption par le Parlement du nouveau Code de procédure pénale et du nouveau Code de procédure civile constitue une importante contribution à l'avancement de la réforme.

L'événement majeur de l'histoire récente de la Géorgie a été son entrée au Conseil de l'Europe en avril 1999. Cette entrée confirme que les États européens reconnaissent en la Géorgie un pays qui avance dans l'instauration d'une société fondée sur le droit. Avant d'adhérer au Conseil de l'Europe, la Géorgie s'est conformée à l'un de ses principaux impératifs en abolissant la peine capitale le 11 novembre 1997. Une Commission chargée des droits de l'homme et des minorités ethniques a été créée au sein du Parlement, poursuit en outre le rapport. Cette Commission chapeaute une sous-commission des réformes pénitentiaires et des droits des détenus qui exerce non seulement des activités législatives mais protège également les droits des personnes dont la liberté est soumise à restriction (pas uniquement les personnes reconnues coupables). Pour remplacer le Comité des droits de l'homme et des relations entre les minorités, a été créée une nouvelle institution: celle de médiateur national, qui se voit attribuer par la loi de vastes pouvoirs lui permettant d'enquêter sur les violations des droits de l'homme imputables à des organismes d'État et de les signaler. Conformément à la Constitution, le Code de procédure pénale renferme des garanties concernant le rétablissement dans leurs droits et l'indemnisation des victimes de tout acte illégal commis par des représentants de l'État. Le fait que la torture continue d'être appliquée est néanmoins bien établi', ajoute le rapport. D'un côté, les organes chargés de faire respecter la loi persistent à masquer leur recours à des mesures coercitives illégales et non autorisées; de l'autre, les victimes prennent rarement le risque de porter plainte pour actes de torture. Il faut signaler en outre que la majorité des victimes n'a pas les moyens d'acquitter les frais de justice, ce qui porte atteinte au droit d'accès des citoyens à la justice.


Le Code de procédure pénale réaffirme le principe inscrit dans la Constitution selon lequel les témoignages et les déclarations obtenus par des actes interdits ne sont pas reconnus comme des éléments de preuve. Les coups et actes de torture visant à obtenir des déclarations n'ont pas disparu pour autant. Comme le soulignait le rapport du Médiateur national, les éléments de preuve obtenus de cette façon jouent dans certains cas un rôle fondamental dans les décisions des tribunaux et il arrive que ces décisions inspirent une forte suspicion. Les actes de torture commis dans le but d'obtenir des déclarations se produisent surtout pendant la détention provisoire, ajoute le rapport. Il va de soi que pour écarter le risque de torture, il est indiqué de réduire le recours à la détention à titre de peine préventive. Le nouveau Code de procédure pénale a introduit de nouvelles mesures (assignation à domicile, caution ...) mais les tribunaux n'y ont pas souvent recours. La torture est un acte qui, aux termes de la législation géorgienne, est passible de sanctions pénales. Sa définition ne correspond pas tout à fait à celle qui en est donnée à l'article premier de la Convention, ce qui explique sans doute pourquoi aucun acte de torture «classique» n'a été signalé pendant la période considérée (si tant est que de tels actes aient effectivement eu lieu). D'après les données fournies par le parquet géorgien, en 1997, des poursuites pénales ont été engagées contre 82 fonctionnaires du Ministère de l'intérieur, chiffre qui s'établissait à 46 pour l'année 1998. Des poursuites pénales ont été engagées contre 20 membres du personnel d'organes chargés de l'application des lois pour coups ou recours à d'autres formes de violence, poursuit le rapport. Seuls quatre d'entre eux ont été reconnus coupables et condamnés. Toutes les autres affaires sont en cours d'examen. La plupart des affaires portent sur des traitements cruels infligés par des policiers. D'après les données officielles concernant 1998 et les six premiers mois de 1999, aucun cas de torture visant à obtenir des éléments de preuve pendant l'instruction n'a été signalé. Dans le même temps, des accusés ont déclaré devant le tribunal avoir subi des actes de torture pendant l'instruction. Le tribunal a examiné en détail tous les dossiers se rapportant à ces affaires et a considéré que les plaintes des accusés n'étaient pas fondées. Les juges ont estimé que les plaintes déposées pour actes illégaux pendant l'instruction visaient à éviter les peines encourues pour les infractions commises.

Le rapport souligne par ailleurs que les autorités politiques géorgiennes et les organes chargés de faire respecter la loi se déclarent gravement préoccupés par la situation qui règne en Abkhazie (Géorgie) - république autoproclamée soustraite de facto à la compétence de la Géorgie. Les données recueillies par les services du parquet prouvent l'existence de violations massives et flagrantes des droits de l'homme exécutées sur ordre des autorités séparatistes. Quelque 5 738 citoyens pacifiques ont été tués en Abkhazie depuis le début du conflit. En outre, 267 345 personnes - des Géorgiens pour la plupart - ont été expulsés de leur domicile. La communauté internationale se doit de procéder à une évaluation politique et juridique de la situation dans la région et de condamner l'épuration ethnique et le génocide comme des manifestations pernicieuses d'un séparatisme agressif incompatible avec les droits de l'homme, estime le rapport.


Examen du rapport de la Géorgie

M. ALEXANDER M.YAKOVLEV, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la Géorgie, s'est réjoui des progrès enregistrés par la Géorgie dans un certain nombre de domaines et a engagé le pays à renforcer la réforme qu'il a engagée dans le domaine de la justice pénale. De la manière dont sera éventuellement gagnée la bataille contre la criminalité tout en respectant les droits des citoyens, pourra être déduit l'état d'avancement de la démocratie de la société géorgienne.

Si les droits des détenus sont violés par des organes de l'État et que d'éventuelles plaintes subséquentes ne peuvent être examinées que par des organes de l'État, alors une telle situation ne saurait être satisfaisante, a déclaré M. Yakovlev. Il a par ailleurs estimé que la Géorgie devrait adopter une nouvelle définition de la torture qui soit davantage conforme à celle énoncée à l'article premier de la Convention. En outre, on ne saurait déclarer recevables des preuves recueillies en l'absence d'un avocat, a rappelé M. Yakovlev.

M. ANDREAS MAVROMMATIS, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Géorgie, a relevé que rien n'indique que les tribunaux géorgiens, dans leurs décisions, tiendraient compte des dispositions de la Convention. Il s'est par ailleurs inquiété de constater que certains amendements qu'il avait été prévu d'apporter au Code pénal ont disparu, en particulier en ce qui concerne les dispositions relatives à la première heure de garde à vue des prévenus. L'expert s'est par ailleurs enquis des mesures prises par le gouvernement pour prévenir la violence conjugale et lutter contre ce problème. Que fait en outre le gouvernement pour lutter contre le trafic des femmes qui sont envoyées à l'étranger pour effectuer divers travaux dans le cadre d'un processus comparable à l'esclavage, s'est interrogé l'expert? Quelle est la nature exacte du régime pénitentiaire qui consiste à garder un détenu séparé des autres (détention incommunicado), s'est-il également enquis? Quelles mesures sont-elles envisagées pour assurer le respect du droit à la liberté de religion, a également demandé M. Mavrommatis?

S'agissant précisément de la liberté de religion, plusieurs experts se sont inquiétés de la situation des Témoins de Jéhova et certains ont même fait état de pogroms perpétrés à l'encontre de membres de minorités religieuses.

Un membre du Comité s'est inquiété du sort des personnes déplacées internes et réfugiées et a fait état d'allégations selon lesquelles 16% des femmes déplacées à l'intérieur du pays (soit 44 000 personnes) auraient été torturées ou soumises à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Quelles mesures sont prises pour assurer le bien-être des réfugiées et des personnes déplacées internes, a demandé cet expert?

Un autre expert s'est enquis du statut exact du Procureur et de son indépendance vis-à-vis du pouvoir, dans la mesure où il est partie aux procès?

Plusieurs experts se sont enquis de la situation et du statut exact des personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques. Trouve-t-on dans ces établissements des personnes qui y ont été internées sous la contrainte et sans que leur famille ne l'ait demandé?

A l'instar d'autres experts, le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, s'est inquiété qu'aux fins d'enquêtes, il semble que n'importe qui puisse être détenu par la police pendant 12 heures sans être assisté d'un avocat ni d'un médecin. De simples témoins peuvent ainsi être détenus pendant 12 heures sans avoir accès à un avocat, a insisté M. Burns. Le Président du Comité a dit avoir l'impression qu'il existe en Géorgie une culture d'impunité à l'égard de la police.



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