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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ PRÉSENTE SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

16 Mai 2002



CAT
28ème session
16 mai 2002
Après-midi



Il lui demande de mettre en place un programme d'inspection
des prisons et de mener des enquêtes sur les allégations
de violations en Tchétchénie



Le Comité contre la torture a présenté, cet après-midi, ses conclusions et recommandations sur le troisième rapport périodique de la Fédération de Russie examiné les 13 et 14 mai dernier, se félicitant de l'adoption d'un nouveau Code pénal et d'un nouveau Code de procédure pénale mais lui demandant notamment d'enquêter sur les allégations de mauvais traitement dans des centres de détention, ainsi que sur les allégations de violations en Tchétchénie. Il se penche également sur ses méthodes de travail.
Le Comité se félicite de la ratification par la Fédération de Russie de la Convention européenne de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que sa ratification de la Convention européenne pour la prévention de la torture. Il note également l'adoption d'un nouveau Code pénal et d'un nouveau Code de procédure pénale ainsi que l'assurance fournie par le pays que ces codes entreront en vigueur dès le 1er juillet prochain. Le Comité note aussi le transfert du système pénal correctionnel de l'autorité du Ministère de l'intérieur vers celle du Ministère de la justice.
Le Comité se dit néanmoins préoccupé par les allégations nombreuses et persistantes faisant état de tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis à fréquemment à l'encontre des détenus par les agents responsables de l'application des lois, généralement en vue d'obtenir des aveux. Le Comité se dit en outre préoccupé par le cadre persistant d'impunité dont bénéficient les agents civils et militaires pour les actes de torture et autres mauvais traitements. Aussi, recommande-t-il à la Fédération de Russie d'assurer des enquêtes rapides, impartiales et complètes sur toutes les allégations de torture rapportées aux autorités. Il recommande par ailleurs au pays d'incorporer rapidement dans son droit interne la définition de la torture telle que définie par la Convention et de faire de la torture et de tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant des crimes spécifiques associés à des peines appropriées. Il recommande également à la Fédération de Russie de prendre des mesures afin de permettre aux détenus d'avoir accès à un avocat, à un médecin, à des membres de leur famille dès le début de leur garde à vue et afin d'informer les suspects et les témoins de leurs droits dès le début de leur mise en détention. Il est aussi recommandé au pays d'assurer dans la pratique le respect absolu du principe de l'inadmissibilité des preuves obtenues sous la torture et de réexaminer les affaires où les accusations sont uniquement fondées sur des aveux, dont plusieurs peuvent avoir été obtenus sous la torture.
Le Comité recommande d'autre part à la Fédération de Russie d'améliorer les conditions dans les prisons et les centres de détention avant jugement, de manière à les rendre conformes à la Convention. Il est également recommandé au pays de mettre en place un programme d'inspections sans préavis des centres de détention préventive et d'autres lieux de détention par des inspecteurs impartiaux dont les constatations, à l'issue de leurs visites devraient être rendues publiques. Le Comité recommande à la Fédération de Russie d'envisager la création d'un organe indépendant d'inspection des prisons. Il lui recommande par ailleurs de s'assurer que personne n'est expulsé du pays, renvoyé ou extradé vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire que cette personne risquerait d'être soumise à la torture.
En ce qui concerne les événements en Tchétchénie, le Comité se dit particulièrement préoccupé par les informations nombreuses et persistantes de violations graves des droits de l'homme et de la Convention, s'agissant notamment de détentions arbitraires, de torture et de mauvais traitements, d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, en particulier au cours des «opérations spéciales» et s'agissant également de la création de centres de détention temporaires illégaux, notamment des «camps de filtration». Les allégations de violence sexuelle brutale ont atteint un niveau inhabituel. Le Comité se dit en outre particulièrement préoccupé par la dualité du système de juridiction en Tchétchénie, qui comprend à la fois des procureurs et des tribunaux militaires et civils, ce qui entraîne une longueur inacceptable des délais d'enregistrement des affaires.
Aussi, le Comité recommande-t-il que soit clarifiée la juridiction qui s'exerce sur les événements de Tchétchénie dont le statut, à l'heure actuelle, n'est pas clair puisqu'il n'y a pas d'état d'exception et qu'un conflit armé non international est en cours. Bien qu'un certain nombre de mécanismes aient été mis en place en Tchétchénie en relation avec les allégations de violations des droits de l'homme, aucun ne possède les attributs d'un organe d'enquête impartial et indépendant. Le Comité recommande à la Fédération de Russie d'assurer la mise en œuvre effective, entre autres, du décret n°46 du Procureur général qui exige la présence de représentants du bureau du Procureur au cours des «opérations spéciales» menées en Tchétchénie. Il est en outre recommandé au pays de renforcer les pouvoirs, notamment d'enquête, du Représentant spécial du Président pour les droits de l'homme et les droits et libertés civils en Tchétchénie. Des mesures devraient également être prises afin d'assurer le contrôle du civil sur le militaire, recommande le Comité.
La délégation russe a assuré que ces conclusions et recommandations constituent pour la Fédération de Russie une «base solide» en vue de la mise en œuvre d'un programme sérieux visant à améliorer l'ensemble des mesures de protection contre la torture dans le pays.
En fin de séance, le Comité a par ailleurs adopté des décisions concernant ses méthodes de travail. S'agissant de la mise en œuvre de l'article 22 de la Convention, relatif à l'examen par le Comité des communications présentées par des particuliers qui prétendent être victimes d'une violation des dispositions de la Convention, le Comité a décidé de nommer M. Andreas Mavrommatis en tant que rapporteur chargé de recevoir les plaintes, dont le mandat consistera à adopter ou à retirer des mesures provisoires de protection. Il sera également chargé, notamment, de faire des recommandations au Comité concernant l'admissibilité des plaintes. Le Comité a également décidé qu'un rapporteur sera chargé du suivi des décisions relatives aux plaintes soumises en vertu de l'article 22, afin de surveiller le respect des décisions du Comité dans ce domaine. Le Comité a par ailleurs décidé qu'un rapporteur sera chargé du suivi des conclusions et recommandations adoptées par le Comité à l'occasion de l'examen des rapports des États parties et de les encourager à prendre des mesures appropriées à cette fin.
Le Comité se réunira demain matin, à 10 heures, pour clore les travaux de sa vingt-huitième session. Un communiqué final sur la session sera publié qui reprendra notamment toutes les conclusions et recommandations adoptées par le Comité au cours de la présente session, ouverte le 29 avril dernier.



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