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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE PRÉSENTE SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR L'OUZBÉKISTAN

08 Mai 2002



CAT
28ème session
8 mai 2002
Après-midi




Il poursuit l'examen du rapport du Luxembourg



Le Comité contre la torture a présenté, cet après-midi, ses conclusions et recommandations sur le deuxième rapport périodique de l'Ouzbékistan, examiné les 1er et 2 mai derniers, et a entendu les réponses apportées par la délégation luxembourgeoise aux questions qui lui ont été adressées par les experts hier matin.
S'agissant de l'Ouzbékistan, le Comité note, au nombre des faits nouveaux positifs, la présentation au Parlement d'un projet de loi tendant à mettre à la disposition des citoyens un système de plaintes en cas de torture, ainsi que l'assurance donnée par le représentant ouzbek que le pays est résolu à établir un pouvoir judiciaire indépendant. Le Comité recommande au pays de faire en sorte que des enquêtes rapides, impartiales et approfondies soient menées sur les nombreuses allégations de torture portées à la connaissance des autorités et de poursuivre et de punir, selon qu'il convient, les responsables. Il est également recommandé au pays d'adopter des mesures permettant aux personnes détenues d'avoir accès à un avocat, à un médecin et aux membres de leur famille dès le début de la période de détention. Le Comité recommande en outre à l'Ouzbékistan d'améliorer les conditions dans les prisons et dans les centres de détention provisoire. L'Ouzbékistan devrait aussi prendre des mesures pour réduire la durée de la période de garde à vue.
La délégation du Luxembourg, dirigée par M. Claude Nicolay, Procureur général adjoint, a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, de la Commission consultative des droits de l'homme; de l'Inspection générale de la police; de la législation applicable aux requérants d'asile; de l'extradition; des droits des personnes soumises à une vérification d'identité; du régime cellulaire strict; des questions relatives à l'indemnisation éventuelle des victimes de torture et l'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture; des affaires de mauvais traitements enregistrées ces dernières années dans le Grand Duché. La délégation luxembourgeoise a notamment expliqué que le requérant d'asile débouté doit être mis à disposition du Gouvernement 24 heures avant le départ afin d'éviter que la personne ne reste introuvable le jour de son départ. Pour cette mise à disposition, les personnes concernées sont placées au centre pénitentiaire du Luxembourg, a précisé la délégation avant d'indiquer qu'un projet de règlement créant un centre de séjour provisoire pour les étrangers en situation irrégulière est en cours de préparation.
La délégation a expliqué que, pendant la détention préventive, le juge d'instruction peut prononcer, à l'encontre du détenu, une interdiction de communiquer de dix jours, renouvelable une seule fois. Cette décision doit être spécialement motivée et peut faire l'objet d'un recours juridictionnel. L'interdiction de communiquer est très rarement prononcée, a assuré la délégation, mais elle impose un régime sévère.
Le Comité présentera, mercredi 15 mai à 15h30, ses conclusions et recommandations sur le Luxembourg.
Le Comité reprendra ses travaux vendredi 10 mai, à 10 heures, pour présenter ses conclusions et recommandations sur le Danemark avant d'entendre les réponses de la délégation de l'Arabie saoudite aux questions qui lui ont été posées ce matin par les experts.

Conclusions et recommandations sur l'Ouzbékistan
Dans ses conclusions et recommandations sur le deuxième rapport périodique de l'Ouzbékistan, le Comité note, au nombre des faits nouveaux positifs, la présentation au Parlement d'un projet de loi tendant à mettre en à la disposition des citoyens un système de plaintes en cas de torture, ainsi que l'assurance donnée par le représentant ouzbek que ce pays est résolu à établir un pouvoir judiciaire indépendant. Le Comité note en outre l'annonce par le représentant ouzbek de la création d'un système de recours contre les décisions des tribunaux et l'introduction de peines de substitution à l'emprisonnement ainsi que de la libération sous caution.
Le Comité se déclare néanmoins préoccupé par les allégations particulièrement nombreuses, persistantes et concordantes faisant état d'actes de torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants particulièrement brutaux perpétrés par les agents de l'État chargés de l'application des lois. Préoccupé en outre par le fait que la définition de la torture figurant dans le Code pénal ouzbek est incomplète et n'est pas pleinement conforme à l'article premier de la Convention, le Comité recommande au pays de réaliser rapidement des projets de révision des propositions tendant à modifier la loi pénale nationale de façon à y inclure le crime de torture, en pleine conformité avec la définition qu'en donne l'article premier de la Convention, ainsi que de l'assortir d'une peine adéquate. Le Comité recommande par ailleurs à l'Ouzbékistan de prendre d'urgence des mesures efficaces pour instituer un mécanisme d'enquête sur les plaintes totalement indépendant à l'intention des personnes placées en détention. Il lui recommande aussi de faire en sorte que des enquêtes rapides, impartiales et approfondies soient menées sur les nombreuses allégations de torture portées à la connaissance des autorités et de poursuivre et de punir, selon qu'il convient, les responsables. Le Comité recommande d'autre part à l'Ouzbékistan d'assurer que ceux qui portent plainte pour torture et leurs témoins sont protégés contre toutes représailles et de garantir, dans la pratique, le respect absolu du principe de l'irrecevabilité des éléments de preuve obtenus sous la torture. Il lui recommande également de prendre des mesures pour instaurer et garantir l'indépendance des autorités judiciaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Le Comité recommande par ailleurs à l'Ouzbékistan d'adopter des mesures permettant aux personnes détenues d'avoir accès à un avocat, à un médecin et aux membres de leur famille dès le début de la période de détention et permettant de veiller à ce que les personnes détenues puissent consulter un médecin lorsqu'elles le demandent et non sur autorisation des responsables des prisons. Il est aussi recommandé au pays de tenir un registre portant le nom de tous les détenus, ainsi que le jour et l'heure où les notifications ont eu lieu et les résultats des examens ─ registres que les avocats et d'autres personnes intéressées doivent pouvoir consulter. Le Comité recommande en outre à l'Ouzbékistan d'améliorer les conditions dans les prisons et dans les centres de détention provisoire. Il lui recommande également d'établir un système permettant l'inspection sans préavis des prisons et des centres de détention provisoire par des contrôleurs impartiaux et fiables dont les constatations doivent être rendues publiques. L'Ouzbékistan devrait aussi prendre des mesures pour réduire la durée de la période de garde à vue et assurer un contrôle judiciaire indépendant de la durée et des conditions de détention provisoire. Il est également recommandé au pays de procéder à une analyse des cas de condamnation reposant sur des aveux, en reconnaissant que les aveux peuvent très souvent avoir été obtenus par la torture ou les mauvais traitements et, le cas échéant, faire ouvrir sans délai une enquête et punir les personnes coupables de ces violations de la Convention. Le Comité recommande aussi à l'Ouzbékistan de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention (concernant les plaintes).
La délégation ouzbèke s'est déclarée très satisfaite des conclusions et évaluations présentées par le Comité. L'examen du deuxième rapport périodique de l'Ouzbékistan atteste qu'il reste encore beaucoup à faire en Ouzbékistan pour se conformer pleinement aux dispositions de la Convention contre la torture, a-t-elle reconnu.

Suite de l'examen du rapport du Luxembourg
S'agissant de la Commission consultative des droits de l'homme, la délégation luxembourgeoise a rappelé que cette institution a été mise en place en avril 2000. Son mandat est d'assister le Gouvernement en lui fournissant des avis et études sur toutes les questions de portée générale relatives aux droits de l'homme. Cette Commission fait fonction de correspondant national de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes.
En ce qui concerne l'Inspection générale de la police, il s'agit d'un organe indépendant qui, à ce jour, a procédé à plusieurs enquêtes et évaluations sur le travail de la police en général, a par ailleurs indiqué la délégation.
En réponse aux questions relatives à la législation applicable aux requérants d'asile, la délégation a déclaré que le taux assez faible de reconnaissance du statut de réfugié dans les années 1999 et 2000 (moins de 1%) s'explique notamment par l'origine des demandeurs d'asile. En effet, sur les 2021 demandeurs d'asile enregistrés en 1999, 98% venaient d'Europe, de régions non frappées par une guerre et où les demandeurs n'étaient pas menacés par le pouvoir en place. Dans la mesure où l'origine de la population des demandeurs d'asile a changé depuis peu, le taux de reconnaissance du statut de réfugié a sensiblement augmenté pour atteindre 6,4% en 2001 et 8,4% pour le premier trimestre 2002 (janvier à avril).
Certains experts s'étant enquis de la situation en matière d'accès des requérants d'asile au marché de l'emploi, la délégation a fait observer que le logement et la nourriture des demandeurs d'asile étant pris en charge par l'État, l'interdiction de travailler ne met pas les demandeurs d'asile en situation de péril. Pour faire face à l'afflux massif des demandeurs d'asile pendant la crise du Kosovo, ces personnes ont reçu exceptionnellement une "autorisation d'occupation temporaire" valable pour 6 mois et renouvelable. L'accès conditionnel au marché de l'emploi est prévu au niveau de l'Union européenne dans une proposition de directive relative sur laquelle un accord politique a été trouvé le mois dernier. Aussi, cette directive va-t-elle pouvoir être adoptée sous peu et le Gouvernement luxembourgeois entend la transposer en droit national le plus rapidement possible, a précisé la délégation. La crise du Kosovo a montré les limites de la Convention de Genève sur les réfugiés et de la procédure nationale en la matière, a estimé la délégation. Aussi, un nouveau cadre légal pour faire face à d'éventuelles situations du même genre a-t-il été mis en place par une loi de mars 2000 portant création d'un régime de protection temporaire. La mise en application de ce régime exceptionnel limité aux cas d'afflux massif de personnes fuyant une zone de guerre ou de violences généralisées présuppose une décision du Gouvernement et l'adoption, le moment venu, d'un règlement d'application, a indiqué la délégation.
Pour ce qui est du rapatriement des requérants d'asile déboutés, la délégation a notamment expliqué qu'après notification de la décision négative et épuisement de toutes les procédures administratives et judiciaires, le demandeur débouté est invité à se présenter auprès des autorités compétentes pour discuter de son retour volontaire dans son pays d'origine. Pour faciliter le retour du requérant d'asile débouté, le Gouvernement prend en charge son billet d'avion ainsi que les frais d'envoi d'un colis postal et lui verse une aide financière (1 190 euros pour un adulte et 595 euros pour un enfant). Une structure d'accueil au Kosovo et au Monténégro a été mise en place, a précisé la délégation. Le rapatriement forcé est seulement envisagé si le demandeur débouté refuse de quitter le pays volontairement, a-t-elle ajouté. Il est nécessaire de mettre à disposition du Gouvernement le demandeur débouté 24 heures avant le départ afin d'éviter que la personne ne reste introuvable le jour de son départ. Pour cette mise à disposition, les personnes concernées sont placées au centre pénitentiaire du Luxembourg, a poursuivi la délégation. Toutefois, les enfants et les personnes ayant une famille au Luxembourg ne sont jamais mis à disposition, a-t-elle précisé. Un projet de règlement grand-ducal créant un centre de séjour provisoire pour les étrangers en situation irrégulière est en cours de préparation, a par ailleurs indiqué la délégation avant d'ajouter que le Gouvernement considère que les procédures et mesures mises en place ne peuvent être considérées comme constituant un traitement inhumain et dégradant.
En ce qui concerne les questions d'extradition, la délégation a souligné que le Luxembourg n'extrade jamais ses nationaux. Pour ce qui est des victimes d'actes de torture, la loi va plus loin que les dispositions pertinentes de la Convention puisqu'elle donne compétence aux juridictions luxembourgeoises pour des actes de torture commis à l'étranger envers un Luxembourgeois ou une personne résidant au Luxembourg.
La délégation a expliqué que les personnes faisant l'objet d'une procédure de vérification d'identité n'ont pas le droit d'accès à un médecin ou à un avocat étant donné que leur rétention est limitée à quatre heures à compter du contrôle effectué sur la voie publique. Il est néanmoins d'usage bien établi que la police prévienne un médecin dès qu'une personne présente dans un commissariat se plaint d'un malaise, a précisé la délégation.
En ce qui concerne le régime cellulaire strict, la délégation a expliqué que pendant la détention préventive, le juge d'instruction peut prononcer une interdiction de communiquer de dix jours, renouvelable une seule fois. Cette décision doit être spécialement motivée et peut faire l'objet d'un recours juridictionnel. L'interdiction de communiquer est très rarement prononcée, a assuré la délégation, mais elle impose un régime sévère : détention en cellule individuelle sans télévision ni radio; promenade d'une heure par jour, seul; aucun contact avec qui que ce soit, sauf les gardiens de la section, le médecin et l'avocat. Pour tous les détenus – prévenus, condamnés, étrangers placés – les sanctions disciplinaires sont les mêmes. Parmi elles, la plus grave est le placement en régime cellulaire strict, qui est prononcé par le chef d'administration. Depuis des années, certaines organisations non gouvernementales répètent qu'il n'y a pas de prise en charge ni de suivi psychologique pour les détenus placés sous ce régime, a regretté la délégation, qui a assuré que ce n'est plus le cas depuis six ou sept ans, même si le système est encore perfectible, a-t-elle déclaré. Conscientes du fait que ce régime peut avoir des suites dommageables pour les personnes concernées, les autorités compétentes évitent dans la mesure du possible de recourir à cette punition, a assuré la délégation. La majorité des sanctions prises dans ce cadre vont de 15 jours à un mois de régime cellulaire strict, la moitié de la peine étant remise aux conditions de sursis (c'est-à-dire que la moitié de la peine n'est pas purgée s'il n'y a pas récidive dans les six mois).
La délégation a par ailleurs indiqué qu'il n'existe pas au Luxembourg de texte particulier concernant l'indemnisation de la victime d'un acte de torture.
Pour ce qui est de la question des preuves obtenues sous la torture, la délégation a rappelé qu'elle avait déclaré en 1999 que le Gouvernement n'envisage pas de légiférer en la matière. En effet, le principe que les preuves doivent être obtenues légalement est si profondément ancré dans les doctrines et jurisprudences française, belge et luxembourgeoise qu'un revirement de jurisprudence n'est pas à craindre, en particulier en ce qui concerne des preuves obtenues sous la torture.
S'agissant des affaires de mauvais traitements, la délégation a indiqué qu'en 2000, les parquets ont été saisis de 11 affaires de violences policières. Deux se sont soldées par des condamnations à des amendes pour coups et blessures volontaires. Il s'agissait chaque fois de deux gifles, a précisé la délégation. En 2001, les parquets ont été saisis de 13 affaires, a ajouté la délégation.



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