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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE PRÉSENTE SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LA BELGIQUE ET LA MOLDOVA

15 Mai 2003



CAT
30ème session
15 mai 2003
Après-midi





Le Comité contre la torture a présenté, cet après-midi, ses conclusions et recommandations sur les rapports de la Belgique et de la République de Moldova, examinés au cours de la présente session. Il a également adopté son rapport de session.
Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport initial de la Belgique, le Comité note avec satisfaction l'adoption en juin 2002 d'une loi de mise en conformité du droit belge avec la Convention, ainsi que l'adoption en juillet 2001 d'un article du Code de procédure pénale reconnaissant la compétence des juridictions belges pour connaître des infractions commises hors du territoire belge et visées par une convention internationale liant la Belgique. Il recommande néanmoins au pays de veiller à ce que les agents ayant commis des traitements dégradants fassent l'objet de sanctions pénales alors même qu'ils auraient agi sur l'ordre d'un supérieur; de s'assurer que les directives en matière d'utilisation de la force lors de manifestations publiques et d'éloignements d'étrangers répondent entièrement aux exigences de la Convention; de conférer un caractère suspensif aux recours introduits par tout étranger qui, faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, invoque qu'il/elle risque d'être soumis(e) à la torture dans le pays vers lequel il/elle doit être renvoyé(e); de poser une limite maximale à la détention d'étrangers faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire; de garantir expressément dans la législation nationale le droit de toute personne, qu'elle soit détenue judiciairement ou administrativement, d'accéder à un avocat et à un médecin de son choix dans les premières heures suivant son arrestation; de moderniser de toute urgence son droit pénitentiaire; et de lutter plus efficacement contre les violences entre prisonniers.
S'agissant de la République de Moldova, le Comité se félicite, entre autres, des efforts déployés par les autorités moldoves afin d'améliorer les conditions des prisons, notamment en redoublant d'efforts en ce qui concerne le traitement des personnes atteintes de tuberculose. Il exprime néanmoins sa préoccupation face aux nombreuses allégations persistantes d'actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants contre des détenus placés en garde à vue aux mains de la police. Il se dit également préoccupé par la suppression, dans le nouveau Code pénal, de la définition de la torture qui était pourtant conforme à celle de la Convention. Il exprime par ailleurs sa préoccupation face aux allégations de dysfonctionnement du système de justice pénale, apparemment imputable en partie au manque d'indépendance de la Procurature et du Judiciaire. Le Comité recommande notamment au pays d'assurer une enquête rapide, impartiale et complète concernant les nombreuses allégations de torture rapportées aux autorités et, le cas échéant, de poursuivre et punir les responsables de ces actes. Il lui recommande en outre de mettre un terme à la pratique de détention administrative par la police et de mettre sur pied un organe administratif indépendant qui soit compétent pour traiter des plaintes déposées contre la police et le personnel chargé de l'application des lois.
Le Comité achèvera les travaux de sa trentième session demain matin, à 10 heures.

Conclusions et recommandations sur le rapport de la Belgique
Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport initial de la Belgique, examiné les 6 et 7 mai 2003, le Comité accueille avec satisfaction ce rapport qui toutefois ne contient pas suffisamment d'informations relatives à l'application pratique de la Convention et aux difficultés rencontrées à cet égard. Il note avec satisfaction la reconnaissance par ce pays de la compétence du Comité pour connaître des plaintes interétatiques et individuelles; l'adoption en juin 2002 d'une loi de mise en conformité du droit belge avec la Convention; l'adoption en juillet 2001 d'un article du Code de procédure pénale reconnaissant la compétence des juridictions belges pour connaître des infractions commises hors du territoire belge et visées par une convention internationale liant la Belgique; la création en 1991, puis l'accroissement des pouvoirs du Comité permanent de contrôle des services de police placé sous l'autorité du Parlement; ainsi que l'abrogation en 1999 de l'article 53 de la loi du 8 avril 1965 permettant de placer un mineur dans une maison d'arrêt pour une période maximale de 15 jours.
Préoccupé par le manque de précision entourant la notion d' "ordre manifestement illégal" et par le fait qu'un agent ayant commis un traitement dégradant puisse s'exonérer de sa responsabilité pénale, en vertu de l'article 70 du Code pénal, s'il a agi sur ordre d'un supérieur, le Comité recommande à la Belgique de veiller à ce que les agents ayant commis des traitements dégradants fassent l'objet de sanctions pénales alors même qu'ils auraient agi sur l'ordre d'un supérieur et de clarifier la notion d' "ordre manifestement illégal". Il lui recommande en outre d'insérer dans le Code pénal une clause interdisant expressément d'invoquer l'état de nécessité pour justifier la violation du droit de ne pas être soumis à la torture. Il lui recommande aussi de s'assurer que les directives en matière d'utilisation de la force lors de manifestations publiques et d'éloignements d'étrangers répondent entièrement aux exigences de la Convention, d'en garantir l'application effective, et de procéder à des enquêtes immédiates en cas d'allégations de recours excessif à la force par les agents de la force publique. Il est par ailleurs recommandé à la Belgique de conférer un caractère suspensif, non seulement aux recours en extrême urgence, mais aussi aux recours en annulation introduits par tout étranger qui, faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, invoque qu'il/elle risque d'être soumis(e) à la torture dans le pays vers lequel il/elle doit être renvoyé(e). Le Comité recommande d'autre part au pays de poser une limite maximale à la détention d'étrangers faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, d'élaborer une législation spécifique relative aux mineurs non accompagnés qui prenne en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, et d'assurer le suivi des demandeurs d'asile remis en liberté.
Le Comité recommande à la Belgique d'assurer le principe de l'indépendance des juridictions belges par rapport au pouvoir exécutif, pour ce qui concerne l'exercice de la compétence universelle en matière de violations graves du droit international humanitaire. Il est également recommandé au pays de garantir expressément dans la législation nationale le droit de toute personne, qu'elle soit détenue judiciairement ou administrativement, d'accéder à un avocat et à un médecin de son choix dans les premières heures suivant son arrestation. Il lui est en outre recommandé de moderniser de toute urgence son droit pénitentiaire, en particulier en définissant le statut juridique des détenus, en clarifiant le régime disciplinaire en prison, et en garantissant le droit des détenus de porter plainte et de recourir efficacement contre la sanction disciplinaire dont ils font l'objet, devant un organe indépendant et rapidement accessible. Le Comité recommande aussi à la Belgique de lutter plus efficacement contre les violences entre prisonniers et de s'assurer que la mise en isolement des mineurs délinquants n'est prise qu'à titre tout à fait exceptionnel et pour une période de temps limitée. Il lui recommande également d'énoncer clairement dans la législation l'irrecevabilité de plein droit des preuves obtenues sous la torture. Tout en se félicitant de la décision des autorités belges d'étendre la définition de la torture et des traitements inhumains et dégradants à la commission de tels actes par des acteurs non étatiques, le Comité leur recommande de s'assurer que l'ensemble des éléments de définition de l'article premier de la Convention se trouve effectivement englobé dans la définition générale offerte par le droit pénal belge.

Conclusions et recommandations sur le rapport de la République de Moldova
Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport initial de la République de Moldova, examiné les 8 et 9 mai dernier, le Comité se félicite des indications fournies par la délégation de ce pays assurant que le nouveau Code de procédure pénale fournira un cadre juridique pour un traitement plus humain des détenus. Il se félicite également des efforts déployés par les autorités moldoves afin d'améliorer les conditions des prisons, notamment en redoublant d'efforts en ce qui concerne le traitement des personnes atteintes de tuberculose.
Le Comité exprime néanmoins sa préoccupation face aux nombreuses allégations persistantes d'actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants contre des détenus placés en garde à vue aux mains de la police. À cet égard, il se dit également préoccupé par le manque apparent d'accès rapide et adéquat à une assistance juridique et médicale pour les personnes placées en garde à vue. Le Comité se dit en outre préoccupé par la suppression, dans le nouveau Code pénal, de la définition de la torture qui était pourtant conforme à celle de la Convention. Il exprime également sa préoccupation face au manquement de l'État à assurer des enquêtes rapides, impartiales et complètes relatives aux nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements, ce qui contribue à une culture de l'impunité parmi les agents responsables de l'application des lois. Le Comité exprime par ailleurs sa préoccupation face au manque de contrôle judiciaire sur les établissements de détention temporaire; face aux allégations de dysfonctionnement du système de justice pénale, apparemment imputable en partie au manque d'indépendance de la Procurature et du Judiciaire; face aux allégations concernant l'importance accordée aux aveux comme première source de preuve dans la procédure pénale; face aux informations indiquant que les immigrants seraient apparemment détenus dans de mauvaises conditions dans des établissements de détention temporaire; face aux allégations concernant des expulsions d'étrangers qui se produiraient sans que soient prises en compte les garanties énoncées à l'article 3 de la Convention; ainsi que face au manque d'inspections indépendantes des lieux de détention et des prisons.
Le Comité recommande notamment à la République de Moldova d'assurer aux détenus, y compris ceux qui sont détenus pour des délits administratifs, la disponibilité, en pratique, des garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements. Il lui recommande aussi d'intégrer dans le nouveau Code pénal une définition de la torture en tant que crime spécifique qui soit conforme à l'article premier de la Convention. Le Comité recommande également à la Moldova d'assurer une enquête rapide, impartiale et complète concernant les nombreuses allégations de torture rapportées aux autorités et, le cas échéant, de poursuivre et punir les responsables de ces actes, ainsi que d'accorder une indemnisation aux victimes. Il lui recommande en outre de mettre un terme à la pratique de détention administrative par la police et de mettre sur pied un organe administratif indépendant qui soit compétent pour traiter des plaintes déposées contre la police et le personnel chargé de l'application des lois. Le Comité recommande également à la Moldova de prendre des mesures afin d'assurer que les preuves obtenues sous la torture ne soient pas invoquées devant un tribunal. Il lui recommande aussi de transférer du Ministère de l'intérieur vers le Ministère de la justice la responsabilité des personnes détenues dans des établissements de détention temporaire; de publier des directives sur la bonne conduite des interrogatoires durant la garde à vue aux mains de la police; de mettre à disposition dans tous les commissariats de police une brochure permettant à tous les détenus d'être informés de leurs droits immédiatement après leur arrestation; et d'améliorer les conditions de détention dans les commissariats de police et dans les prisons. Le Comité invite le pays à présenter son prochain rapport périodique – le deuxième – avant le 27 décembre 2004.



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