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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DES PHILIPPINES À SES QUESTIONS

29 Avril 2009

Comité contre la torture
29 avril 2009

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation des Philippines aux questions que lui ont été adressées hier matin les membres du Comité s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par Eduardo R. Ermita, Président de la Commission présidentielle des droits de l'homme, la délégation des Philippines a fourni d'abondantes explications aux questions posées par les experts. Elle a notamment réitéré l'attachement des Philippines au respect des principes découlant des traités et conventions auxquelles le pays a souscrit et ce malgré les défis internes et les catastrophes naturelles auxquelles le pays a été confronté. Répondant aux questions des experts, la délégation s'est notamment exprimée sur l'interdiction de l'utilisation de preuves obtenues par la torture et a démenti les allégations selon lesquelles ces principes, s'ils sont inscrits dans la loi, ne seraient en réalité pas appliqués. La délégation a également mis en cause des acteurs non étatiques dans la pratique de la torture. S'agissant de questions sur la loi contre le terrorisme, la délégation a expliqué qu'elle avait été adoptée pour prévenir les actes de terrorisme et comportait de nombreux garde-fous pour que les droits des accusés ne soient pas compromis.

S'agissant des questions du Comité portant sur les enquêtes menées suite aux assassinats de défenseurs des droits de l'homme et de militants, la délégation a fait état de l'existence d'une équipe spéciale d'enquête. Elle a expliqué que 57% des affaires soumises ont ainsi été présentées au bureau du Procureur, a affirmé la délégation, ajoutant que la Présidente avait tout récemment demandé à la police de réduire à zéro les assassinats politique et de militants et de renforcer le service de la police de terrain. La délégation philippine a, enfin, assuré le Comité qu'elle transmettrait à la Présidente de la République les recommandations des experts visant à l'adoption urgente de lois importantes.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport des Philippines et les rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 15 mai.


Demain matin, à 10 heures, le Comité contre la torture entamera l'examen du rapport du Nicaragua (CAT/C/NIC/1). La séance de l'après-midi sera consacrée à l'audition des réponses du Tchad.


Réponses de la délégation des Philippines

La délégation des Philippines a réitéré l'attachement des Philippines au respect des principes découlant des traités et conventions auxquelles le pays a souscrit et ce, malgré les défis internes et les catastrophes naturelles auxquels le pays a été confronté depuis une vingtaine d'années. Elle a tenu à rappeler au Comité le fonctionnement de la démocratie philippine, soulignant notamment que la Constitution défend le respect de la vie et reconnaît l'égalité entre les hommes et les femmes. Sur le rôle du pouvoir judiciaire, la délégation a assuré le Comité que la Constitution philippine ne tolère aucun acte de torture ou acte assimilable à un acte de torture, et n'autorise pas la détention au secret. Tout aveu reçu sous la torture est irrecevable, a insisté la délégation, et des sanctions pénales et civiles sont prévues en cas de violation de ce principe.

La délégation a démenti les allégations selon lesquelles ces principes ne seraient en réalité pas appliqués, précisant que la Cour suprême avait statué dans ce sens et confirmé cette jurisprudence dans le cadre de plusieurs affaires ayant eu lieu dans les années 1970. Tout signe apparent de torture doit être pris en compte par le juge pour suspendre la procédure. Dès 1985, la Cour suprême a défini la procédure que les juges doivent respecter dans le cadre de l'arrestation d'un suspect, a-t-il été précisé.

Un militaire qui commet un acte de torture doit se soumettre à un tribunal civil qui a seul compétence pour décider s'il y a eu violation de la Convention, a encore déclaré la délégation. Les garanties en matière de prévention de la torture sont, par ailleurs, connues des agents de l'ordre public.

Répondant aux questions du Comité sur la longueur des procédures, la délégation a répondu que les procès dans le domaine pénal sont naturellement longs.

La délégation philippine a par ailleurs souligné, en réponse à des questions sur le recours au principe de présomption d'innocence, qu'il est normal que les personnes qui portent une accusation de torture présentent des preuves.

La délégation est revenue aussi sur les programmes participatifs pour la promotion et le renforcement des droits de l'homme, telle que la «justice sur roues» et l'accès à la justice pour les pauvres évoqués au cours de la présentation du rapport.

En réponse à l'étonnement manifesté par le Comité à l'égard de la longueur des procédures d'adoption des lois, et particulièrement des lois portant sur la prévention de la torture et la protection des citoyens contre les actes assimilés à de la torture, la délégation a expliqué que le processus est long et complexe, qu'il implique de nombreux acteurs et que les retards sont allongés du fait de la modification tous les trois ans de la composition du Congrès.

La délégation a également fait valoir que la torture était pratiquée aux Philippines par des acteurs non étatiques, citant à cet égard l'insurrection communiste, le Front de libération islamique Moro et le groupe Abou Saief.

La délégation a également informé le Comité qu'une loi va prochainement entrer en vigueur assurant la conformité de la législation nationale avec la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Cette magna carta définit la nature des violences contre les femmes et les actes qui peuvent être érigés en crimes graves.

La délégation des Philippines a indiqué que la loi contre le terrorisme avait été adoptée pour prévenir les actes de terrorisme et qu'elle comportait de nombreux garde-fous pour que les droits des accusés ne soient pas compromis.

La délégation a également abordé la question de la formation de la police et des forces de l'armée, déclarant que l'éducation aux droits de l'homme fait partie de tous les programmes de formation spécialisés de la police nationale. Des séminaires de formation complémentaires ont également lieu. Les forces armées ont également institutionnalisé les droits de l'homme, qui font partie intégrante de leur formation. Un partenariat a par ailleurs été établi avec la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines pour la diffusion des principes relatifs aux droits de l'homme.

S'agissant des questions du Comité sur les mesures mises en œuvre pour prévenir la traite d'êtres humains, la délégation a mentionné la création, en 2003, d'un Conseil des institutions contre la traite d'êtres humains chargée de la protection et de la réhabilitation des victimes. Le Ministère de la justice gère, par ailleurs, 42 centres d'accueil, et 814 victimes ont bénéficié de ses services en 2008. Un service de police spécialisé a en outre été mis sur pied qui se charge spécifiquement des questions relatives à la traite et de la protection des femmes et des enfants.

La délégation a ensuite présenté des données chiffrées sur le nombre de plaintes déposées et traitées. Ainsi, entre janvier et décembre 2008, le bureau des enquêtes sur la traite a reçu 130 plaintes, dont 7 font l'objet d'une enquête et 8 ont été déclarées closes. La délégation a fait savoir que le 5 août 2008, l'intervention de la police a permis de sauver 36 personnes, dont vingt mineurs qui devaient être envoyés en Arabie saoudite.

La délégation a encore indiqué que les Philippines ont été retirés de la liste d'alerte des États-Unis, en 2006.

Abordant les questions du Comité relatives à l'article 11, la délégation a mentionné les mesures mises en œuvre pour assurer la réinsertion des mineurs. Entre janvier et décembre 08, 1058 jeunes ont bénéficié de ces services. Désormais, les enfants de quinze ans au maximum sont immédiatement dégagés de responsabilité pénale; 350 mineurs ont ainsi été libérés grâce à la loi.

La délégation a par ailleurs fait savoir qu'à l'heure actuelle, il y a 31 lieux de détention exclusivement destinés aux femmes et gérés par des femmes.

Le Bureau de gestion des prisons dispose d'un service d'audit et d'inspection chargé des contrôles et du bien-être des détenus, a poursuivi la délégation. Un programme a par ailleurs été mis en œuvre qui prévoit que les détenus peuvent utiliser leur téléphone portable pour porter plainte contre le personnel carcéral. De manière générale, concernant la situation dans les prisons, la délégation a affirmé que plus de 1000 prisons sont gérées au niveau national et que de nouvelles infrastructures vont être créées. Un projet de modernisation du Bureau de gestion des prisons est également prévu. Un autre projet de loi prévoit des services sociaux pour les prisonniers ayant commis de petits délits.

La délégation a aussi précisé le fonctionnement du groupe de travail chargé de la préparation de la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Elle a mentionné la mise en place d'un mécanisme interinstitutions pour réfléchir à la combler des lacunes qui persistent dans les domaines judiciaire et administratif.

Répondant à des questions du Comité sur les procédures opérationnelles de la police, la délégation a affirmé que ces procédures sont fondées sur des règles qui sont mises à jour en fonction des besoins du terrain. Ces règles prévoient notamment que des arrestations peuvent être faites sans mandat lorsque la personne est en train de commettre un délit, lorsqu'un délit vient être commis et lors de l'évasion d'un établissement pénitentiaire.

S'agissant des questions du Comité portant sur les enquêtes menées suite aux assassinats de défenseurs des droits de l'homme et de militants, la délégation a fait état de l'existence d'une équipe spéciale d'enquêtes. Elle a précisé que 57% de ces affaires ont été présentées au bureau du procureur, a affirmé la délégation.

Il y a un mois, a également fait valoir la délégation, la Présidente Arroyo a demandé à la police de réduire à zéro les assassinats politique et de militants et de renforcer le service de la police de terrain. Elle a aussi choisi d'offrir des récompenses en cas d'arrestations des coupables et d'afficher le portrait des personnes recherchées.

Pour ce qui est des assassinats de juges mentionnés par les experts, la délégation a répondu que 70 affaires ont fait l'objet d'enquêtes parmi lesquelles 37 ont été présentées devant des tribunaux. Un comité de la sécurité judiciaire a par ailleurs été créé par la Cour suprême.

La délégation a encore assuré le Comité que le Gouvernement philippin n'a pas procédé à des «extraditions extraordinaires».

En ce qui concerne la protection des témoins, la délégation a affirmé que l'assassinat allégué de trois témoins, mentionnée par le Comité, n'est pas fondé.

L'utilisation des enfants dans les conflits armés est une question que le Gouvernement philippin examine avec beaucoup de sérieux, conformément à ses obligations internationales, a encore fait savoir la délégation, en faisant valoir que cette problématique concerne avant tout l'enrôlement d'enfants par des groupes non étatiques. Le Gouvernement applique différentes stratégies pour faire face à ce problème, notamment l'intégration de la mesure de protection dans les accords de paix et de cessez-le-feu. Les Philippines ont, par ailleurs, permis la visite, en décembre 2008, du Représentant spécial du Secrétaire général sur les enfants dans les conflits armés; cette visite a eu des résultats positifs, a fait valoir la délégation.

La délégation a par ailleurs souhaité en savoir plus sur les 1016 cas de torture allégués mentionnés par des membres du Comité, demandant quelles sont ces affaires et quels sont les détails des allégations. Elle a relevé que les mêmes groupes qui ont dénoncé ces prétendus faits avaient attesté, lors de l'examen précédent, de plus de 800 assassinats extrajudiciaires, alors que seule une centaine était avérée, pour lesquels des procès sont en cours. Les efforts du Gouvernement sur ce point n'ont pas été pris en compte par le Comité, a regretté la délégation.

S'agissant des 149 cas de disparitions allégués, la délégation a assuré le Comité que les autorités procéderont à des enquêtes.

Complément d'examen

MME FELICE GAER, Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport des Philippines, a remercié la délégation pour les informations détaillées fournies par la délégation.

La rapporteuse a demandé si l'administration présidentielle accordait véritablement une priorité à la ratification d'une loi contre la torture. Elle est revenue, par ailleurs, sur l'indépendance des instances de protection des droits de l'homme, s'agissant notamment des enquêtes sur les violations des droits de l'homme telles que les disparitions et exécutions extrajudiciaires dont fait état notamment le rapport Melo sur la série d'assassinats politiques et d'exécutions sommaires aux Philippines.

M. WANG XUIXIAN, corapporteur, a salué le relèvement de l'âge de la responsabilité pénale de 9 à 15 ans.

S'agissant de la durée de la détention préventive, M. Wang a précisé que plus le délai avant jugement est long, plus le risque de torture est prononcé. Il a réitéré, par ailleurs, le souhait d'obtenir des informations à l'égard des allégations indiquant que la Commission des droits de l'homme se voyait refuser l'accès à certains centres de détention. En ce qui concerne les questions d'aveux arraché sous la torture, M. Wang a noté qu'il fallait que le Parquet porte également une responsabilité, répétant que bien qu'étant au fait des événements politiques, le Comité répète que conformément à l'article 2 de la Convention, aucune circonstance ne saurait justifier la torture.

Un autre membre du Comité a renchéri que toute personne mérite protection et que la participation à des activités terroristes ne sauraient permettre de déroger à ce principe. L'experte a estimé à cet égard que les documents fournis par la délégation philippine comportaient des zones d'ombre, s'agissant notamment de la détention sans mandat.

Tout en reconnaissant que l'État partie a fait beaucoup d'efforts concernant le droit des enfants, une experte a estimé que des efforts doivent encore être faits dans ce domaine.

D'autres membres du Comité ont encore observé que la délégation ne s'est pas exprimée sur la torture mentale, et a souhaité savoir si des registres évaluaient les conséquences de ce type de torture. Ils sont aussi revenus sur la pratique de «présomption de régularité» avancée par l'État partie.

Comment le Gouvernement s'acquitte-t-il de ses obligations internationales, si les principes des traités internationaux ne priment pas sur le droit interne, a demandé un expert.

Quelles sont les preuves requises pour établir qu'il y a eu torture, a demandé un autre membre du Comité. Combien de cas de tortures ont été jugés, et combien d'accusés ont été acquittés?

Il a par ailleurs été précisé que c'est un sénateur philippin connu qui a fait état de 146 personnes disparues.

Réponses complémentaires de la délégation

Réitérant au Comité l'assurance que le Gouvernement philippin ne participe à aucun acte de torture pas plus qu'il ne l'encourage, la délégation a indiqué qu'elle présenterait par écrit les précisions demandées par les experts. Elle a néanmoins d'ores et déjà assuré le Comité qu'elle transmettrait à la Présidente de la République ses recommandations visant à l'adoption urgente de lois importantes.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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