Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DU PÉROU

03 mai 2006

Comité contre la torture

3 mai 2006


Il entend les réponses de la délégation péruvienne
aux questions posées par les membres du Comité


Le Comité contre la torture a achevé, cet après-midi, l'examen du quatrième rapport périodique du Pérou en entendant les réponses fournies par la délégation aux questions que lui avaient posées hier matin les experts.

Dirigée par le Ministre de la justice du Pérou, M. Alejandro Tudela, la délégation a notamment souligné que les autorités péruviennes concernées sont tenues de faire respecter l'arrêt rendu en 2002 par la Cour interaméricaine des droits de l'homme selon lequel les lois d'amnistie entraînant l'impunité pour des actes de torture ne sont pas applicables sur l'ensemble du continent américain. Depuis un arrêt rendu en 2003 par le tribunal constitutionnel, le jugement de civils par des juridictions militaires est interdit, a par ailleurs rappelé la délégation. En mars 2004, le système de commandants politiques militaires appelés à gouverner de fait des zones placées sous état d'urgence a été jugé anticonstitutionnel. Sous l'actuel gouvernement, l'autorité civile conserve ses attributions de contrôle de l'ordre public, ce qui crée des conditions favorables à l'élimination de la torture, a fait valoir la délégation. Elle a en outre fait part des nombreuses mesures prises par le Pérou dans le domaine de la formation aux droits de l'homme.

En réponse à une question soulevée par le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport péruvien, M. Fernando Mariño Menéndez, la délégation a par ailleurs fait part de l'existence au Pérou d'un établissement pénal qui ne relève pas de l'administration pénitentiaire civile; il s'agit d'un centre spécial qui relève du contrôle de la sécurité militaire et dans lequel on trouve des membres d'organisations telles que le Sentier Lumineux ou encore le bras droit de l'ex-Président Fujimori.

Répondant par ailleurs à une question du co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport péruvien, M. Claudio Grossman, la délégation a indiqué que la population pénale au Pérou s'élève à 35 000 personnes inculpées ou condamnées. Elle a en outre assuré qu'il n'existe dans le pays aucun détenu qui serait soumis à des conditions de mise au secret ou d'isolement cellulaire.

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport péruvien avant de les rendre publiques d'ici la fin de la session, le vendredi 19 mai 2006.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique du Guatemala (CAT/C/74/Add.1).


Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité concernant l'administration de la justice, la délégation péruvienne - dirigée par le Ministre de la justice du Pérou, M. Alejandro Tudela – a fait valoir les progrès enregistrés en matière d'autonomie et d'indépendance des magistrats, avocats et procureurs.

La délégation a en outre indiqué que le nouveau Code de procédure pénale entrera progressivement en vigueur à compter de cette année, en commençant par un premier district avant de s'étendre à d'autres.

Il est possible d'engager une procédure constitutionnelle en amparo en cas de violation du droit à un procès équitable, a également indiqué la délégation.

Le registre national d'écrou est accessible à tout citoyen qui en fait la demande, a par ailleurs souligné la délégation. Les archives en sont ouvertes et publiques, a-t-elle ajouté.

La délégation a assuré que l'État péruvien avait conscience de l'insuffisance des sanctions engagées au pénal s'agissant des cas de torture qu'a connus le pays. Une première explication de l'insuffisance de telles sanctions réside dans le fait que les lois d'amnistie avaient permis d'appliquer une impunité totale pour des actes de violence incluant la torture. Mais désormais, les autorités péruviennes concernées sont tenues de faire respecter l'arrêt rendu en 2002 par la Cour interaméricaine des droits de l'homme selon lequel de telles lois d'amnistie ne sont pas applicables sur l'ensemble du continent américain.

Depuis un arrêt rendu en 2003 par le tribunal constitutionnel, le jugement de civils par des juridictions militaires est interdit, a par ailleurs rappelé la délégation. En outre, il est clair que la justice militaire n'a absolument aucune compétence pour traiter de délits ayant trait à des violations de droits de l'homme, a-t-elle souligné. Il ne saurait y avoir de démocratie sur le continent sans subordination des forces armées au pouvoir civil, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne les violences sexuelles, la délégation a indiqué qu'elles figurent dans le Code pénal en tant que délit contre la liberté sexuelle, mais sans être expressément liées à la définition de la torture. Ainsi, la définition pénale du viol est autonome de celle de la torture, afin de ne pas faire d'amalgame entre ces deux notions, a précisé la délégation.

La délégation a notamment attiré l'attention sur les versements effectués par l'État péruvien à titre de réparation, conformément aux décisions de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, y compris dans des affaires intéressant la torture et les conditions carcérales. La délégation a par ailleurs rappelé que l'action pénale relative à des violations de droits de l'homme, dont la torture, est imprescriptible, tout comme le droit à réparation.

En ce qui concerne l'état d'urgence, la délégation a admis qu'au cours de la décennie écoulée, il avait été abusé du système des commandants politiques militaires appelés à gouverner de fait des zones placées sous état d'urgence. En mars 2004, ce système de commandants politiques militaires a été jugé anticonstitutionnel par le Tribunal constitutionnel. Aussi, sous l'actuel gouvernement, l'autorité civile conserve-t-elle ses attributions de contrôle de l'ordre public, ce qui crée des conditions favorables à l'élimination de la torture, a fait valoir la déclaration.

La délégation a par ailleurs souligné que le principe de non-refoulement d'une personne vers un pays où elle risque d'être soumise à la torture est un principe consacré au Pérou.

La délégation a par ailleurs fait part des nombreuses mesures prises par le Pérou, ces dernières années, dans le domaine de la formation aux droits de l'homme. En 2002, a été adoptée une loi établissant l'obligation de diffuser et d'enseigner la Constitution, les droits de l'homme et le droit international humanitaire à tous les niveaux du système éducatif civil et militaire, a-t-elle indiqué. À cet effet, a été adopté en décembre dernier le premier Plan national d'éducation aux droits de l'homme. L'Académie de la magistrature a mis en place un programme de formation spécialisée sur le thème des droits de l'homme, destiné aux juges, magistrats et auxiliaires de justice, a précisé la délégation.


Fin de l'examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Pérou, M. Fernando Mariño Menéndez, a souhaité savoir si les autorités militaires péruviennes exercent un quelconque contrôle sur des prisons civiles. Il a également réitéré sa question posée hier matin concernant les raisons pour lesquelles avait été suspendu, entre 2003 et 2004, l'accès du Comité international de la Croix-Rouge aux centres pénitentiaires du Pérou.

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport péruvien, M. Claudio Grossman, tout en remerciant la délégation pour les informations très complètes qu'elle a fournies, a souhaité en savoir davantage sur la population carcérale au Pérou. Il a également souhaité savoir s'il y avait dans le pays des cas de mise au secret.

Relevant que, selon ce qui a été dit par la délégation, les décisions du Conseil national de la magistrature sont définitives et non susceptibles de recours, un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les attributions de cet organe. S'agit-il d'un organe administratif ou juridictionnel ?

La délégation a indiqué qu'il existe au Pérou un établissement pénal qui ne relève pas de l'administration pénitentiaire civile. Il s'agit d'un centre spécial qui relève du contrôle de la sécurité militaire, a-t-elle précisé. On y trouve des membres d'organisations telles que le Sentier Lumineux ou encore le bras droit de l'ex-Président Fujimori, a-t-elle ajouté. L'existence de ce centre s'explique par les exigences de sécurité qui s'imposent du fait du type de criminels qui y sont détenus, a expliqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que la population pénale au Pérou s'élève à 35 000 personnes inculpées ou condamnées. Elle a en outre indiqué qu'il n'existe dans le pays aucun détenu qui serait soumis à des conditions de mise au secret ou d'isolement cellulaire.

Conformément à la Constitution, le Conseil national de la magistrature pourrait être composé de représentants de la société civile; mais ce n'est pas le cas actuellement, a indiqué la délégation. Les résolutions adoptées par le Conseil sont certes définitives mais pas au point de ne pouvoir jamais être remises en cause, puisqu'elles peuvent l'être en cas de violation grave du droit à la défense, a-t-elle notamment précisé. La procédure de recours se ferait alors par le biais d'un recours en amparo, a précisé la délégation.

À aucun moment durant la période mentionnée (à savoir entre les années 2003 et 2004) le Gouvernement péruvien n'a suspendu les visites du CICR dans les centres pénitentiaires, a assuré la délégation. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y avait un accord de siège entre les autorités péruviennes et le CICR; or, une branche de l'administration péruvienne a rendu public un rapport du CICR, lequel a estimé que la publication de ce rapport n'était pas conforme à l'accord de siège tel qu'il le comprenait. En effet, n'était pas expressément abordée, dans cet accord, la possibilité ou non pour l'administration de publier un tel rapport. C'est donc le CICR qui a de lui-même décidé de suspendre ses visites le temps que soit négocié un nouvel accord de siège remédiant au vide juridique qui avait été à l'origine de cette situation. Dès que le nouvel accord de siège a été conclu, le CICR a repris ses visites, a assuré la délégation.
* *** *
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :