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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DES PAYS-BAS AUX QUESTIONS DES EXPERTS

08 Mai 2007

Comité contre la torture

8 mai 2007


Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation néerlandaise aux questions posées hier matin par les experts s'agissant des mesures prises par les Pays-Bas pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Piet De Klerk, Ambassadeur pour les droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, la délégation néerlandaise a notamment souligné que les autorités reconnaissent un caractère absolu à l'interdiction de la torture, à laquelle il ne saurait être dérogé même dans le cadre des mesures antiterroristes. La lutte contre le terrorisme doit se faire dans le cadre de la loi et le concept de «restitution extraordinaire» de personnes à la demande d'un autre État n'a pas sa place dans la politique néerlandaise, a ajouté la délégation. En outre, le Gouvernement néerlandais n'a jamais extradé une personne vers un pays où elle risque la torture sur la base d'«assurances diplomatiques», a assuré la délégation. La délégation a par ailleurs indiqué que la loi néerlandaise ne prévoit pas la présence obligatoire d'un avocat lors du premier interrogatoire. En revanche, la loi a prévu la possibilité d'un enregistrement audiovisuel des interrogatoires menés par la police, qui est obligatoire dans certaines circonstances.

La délégation des Pays-Bas a également fourni des compléments d'informations s'agissant de la réforme constitutionnelle en cours; de l'incorporation du Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans le droit interne; de la formation dispensée aux agents de l'État, de la lutte contre le trafic de personnes; de la procédure accélérée en matière de traitement des demandes d'asile; ou encore des plates-formes situées dans plusieurs ports néerlandais et utilisées comme centres de détention. En ce qui concerne la question de la fourniture, par une entreprise néerlandaise, de gaz toxiques au régime de Saddam Hussein, soulevée par un membre du Comité, la délégation a rappelé qu'un Néerlandais a été impliqué dans la fourniture d'un gaz poison et condamné pour implication dans un génocide.

Le Comité rendra publiques ses observations finales sur le rapport néerlandais à la fin de la session, le vendredi 18 mai prochain.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Japon (CAT/C/JPN/1).


Réponses de la délégation des Pays-Bas

La délégation néerlandaise – dirigée M. Piet De Klerk, Ambassadeur pour les droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas – a rappelé que les Pays-Bas ont engagé une réforme constitutionnelle qui permettra d'accorder à deux des cinq îles des Antilles néerlandaises, à savoir Curaçao et Saint-Martin, un statut de pays, plus ou moins comparable à celui dont bénéficie actuellement Aruba.

La délégation a par ailleurs souligné que l'interdiction de la torture est incontournable. Elle a affirmé que les autorités néerlandaises sont absolument d'accord avec le caractère absolu de cette interdiction, à laquelle il ne saurait être dérogé même dans le cadre des mesures antiterroristes. La lutte contre le terrorisme doit se faire dans le cadre de la loi et le concept de «restitution extraordinaire» (extraordinary rendition) de personnes n'a pas sa place dans la politique néerlandaise, a ajouté la délégation. D'ailleurs, a-t-elle fait valoir, aucun cas de transfert de ce type n'a été identifié aux Pays-Bas dans le cadre des différentes investigations menées par le Conseil de l'Europe ou par le Parlement européen.

En outre, le Gouvernement néerlandais ne s'est jamais basé sur des assurances diplomatiques pour s'assurer qu'une personne renvoyée vers un pays ne serait pas torturée; les autorités néerlandaises ont en effet conscience de la faiblesse d'un tel concept.

En ce qui concerne la question de la fourniture, par une entreprise néerlandaise, de gaz toxiques au régime de Saddam Hussein, soulevée hier par un membre du Comité, il est vrai qu'un Néerlandais, M. Frans van A., a été impliqué dans la fourniture d'un gaz poison; cette personne a d'ailleurs été condamnée pour implication dans un génocide, a déclaré la délégation.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale a été incorporé dans la législation nationale en 2003 par le biais de l'adoption de la loi sur les crimes internationaux, a par ailleurs indiqué la délégation. La compétence universelle est établie pour les crimes de guerre et la torture et une vaste juridiction extraterritoriale est établie pour le génocide et les crimes contre l'humanité. Cette même loi sur les crimes internationaux fait office de loi d'application aux Pays-Bas pour la Convention contre la torture.

Les Pays-Bas sont l'un des très rares pays où le droit des traités est considéré comme prévalant sur la Constitution nationale, a par ailleurs fait valoir la délégation. Le droit coutumier international fait partie du droit interne, a-t-elle ajouté. Toutefois, le droit coutumier ne prévaut pas sur une disposition du droit national ou sur une disposition constitutionnelle avec lesquelles il serait en conflit.

La délégation néerlandaise a rappelé qu'en vertu de l'article XX de l'accord entre les Pays-Bas et les Nations Unies concernant le siège du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le pays hôte n'exerce aucune juridiction pénale sur les individus présents sur son territoire qui doivent être ou ont été transférés en tant que suspects ou accusés dans les bâtiments du Tribunal pénal international.

S'agissant de la formation dispensée aux soldats néerlandais envoyés en mission de maintien de la paix, la délégation a indiqué que les soldats néerlandais reçoivent une formation générale incluant des éléments du droit international – notamment des Conventions de Genève – ainsi qu'une formation spécifique, traitant de déontologie, de droits de l'homme, d'usage de la force et de règles d'engagement, lorsqu'ils partent en mission. Quant aux policiers, a poursuivi la délégation, leur formation inclut des enseignements sur la prise en charge des détenus.

La délégation a précisé que 6,4% des personnels de police aux Pays-Bas sont d'origine ethnique étrangère. Le nouveau gouvernement a fait savoir qu'il avait l'intention d'accroître cette proportion, a-t-elle ajouté.

La délégation a par ailleurs fait état de l'entrée en vigueur, le 25 avril dernier, d'un amendement au Code civil interdisant le recours à la force à des fins éducatives.

S'agissant de la lutte contre le trafic de personnes, la délégation a fait part du plan national d'action adopté en la matière en 2004 et de la mise sur pied, depuis avril 2000, d'un Rapporteur national sur le trafic.

La délégation a par ailleurs indiqué que la loi néerlandaise ne prévoit pas la présence obligatoire d'un avocat lors du premier interrogatoire. En revanche, la loi a prévu la possibilité d'un enregistrement audiovisuel des interrogatoires menés par la police; en 2006, le bureau du Procureur s'est prononcé en faveur d'une généralisation de tels enregistrements. L'enregistrement devient obligatoire dans un certain nombre de circonstances, notamment si la peine encourue est supérieure à 12 ans de privation de liberté; dans les cas d'abus sexuels; et si la personne interrogée est un mineur de moins 16 ans.

En vertu de la loi, un suspect peut être détenu en préventive pour une période maximale de dix jours; mais dans les faits, cette période est plus courte, a indiqué la délégation.

Aucune ségrégation ethnique n'est opérée aux Pays-Bas dans le système de justice juvénile, a par ailleurs assuré la délégation.

En ce qui concerne les droits des étrangers et les procédures de refoulement, la délégation a expliqué que si le pays s'est doté de procédures accélérées pour le traitement des demandes d'asile, c'est parce que, pour bon nombre de demandes d'asile, on s'est aperçu que cela ne servait à rien d'attendre des décisions pendant des mois, voire des années, et que la durée ne changeait rien à la décision finale. Les procédures accélérées ne sont appliquées que dans les cas qui ne sont pas compliqués, a par ailleurs souligné la délégation. La durée de la procédure accélérée est d'environ cinq jours ouvrables, a-t-elle rappelé. L'assistance juridique est disponible lors de la première entrevue et avant, pendant et après la deuxième entrevue, a par ailleurs fait valoir la délégation. Quant aux doutes émis par certains en ce qui concerne la question de la charge de la preuve durant la procédure accélérée, la délégation a indiqué que l'on estime raisonnable que la charge de la preuve incombe au demandeur d'asile - ce qui n'empêche pas les autorités compétentes d'avoir à enquêter. Pour les enfants de 12 à 18 ans, le choix de la procédure devant être appliquée se fait au cas par cas, a par ailleurs souligné la délégation.

Dans certains ports du pays, dont celui de Rotterdam, des plates-formes de détention d'une capacité totale de 2000 places sont aujourd'hui opérationnelles. La délégation a précisé que dans certains cas, il s'agit de bateaux-hôtels où logeaient des personnels travaillant dans l'industrie pétrolière ou des militaires et qui abritent désormais des demandeurs d'asile. D'autres plates-formes ont été nouvellement et spécifiquement conçues pour détenir des personnes. Il est prévu d'utiliser ces plates-formes spécifiques durant les 25 prochaines années. Bien entendu, les personnes qui sont détenues sur ces plates-formes le sont légalement, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que les Pays-Bas ont décidé de ne pas appliquer le Protocole d'Istanbul (Manuel des Nations Unies pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), qui n'est d'ailleurs pas contraignant dans le contexte des demandes d'asile aux Pays-Bas.

En ce qui concerne plus particulièrement Aruba, la délégation a notamment rappelé que la constitution dont s'est dotée Aruba consacre l'inviolabilité de la personne. Les Antilles néerlandaises et Aruba ont chacune leur propre tribunal de première instance ainsi qu'une Cour d'appel commune. La Cour suprême de La Haye fait office de cour de cassation pour les trois pays (Pays-Bas, Antilles néerlandaise et Aruba).

Pour ce qui est du nombre relativement élevé de détenus placés en préventive (détention avant jugement), la délégation a indiqué que c'est le Code de procédure pénale d'Aruba qui précise les cas dans lesquels peut être appliquée la détention préventive ainsi que la durée maximale de la détention. Ainsi, la détention avant jugement ne peut-elle excéder 116 jours, a précisé la délégation. Les dix premiers jours sont effectués dans les cellules de la police, après quoi les suspects sont transférés vers une prison. Durant ce délai de 116 jours, la légalité de la détention est examinée à intervalles réguliers par le juge. En principe, les suspects sont jugés dans un délai de quatre mois, a poursuivi la délégation. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que cette période peut être prolongée d'un ou deux mois.

La délégation a par ailleurs expliqué que si une forte proportion des personnes détenues est de nationalité colombienne ou vénézuélienne, cela est essentiellement dû au fait que les personnes originaires de Colombie qui sont emprisonnés à Aruba sont essentiellement condamnées pour des délits en rapport avec le trafic de stupéfiants. Or, ces drogues – presque toujours convoyées par des Colombiens – proviennent généralement de Colombie et pénètrent à Aruba via le Venezuela. De la même façon, de nombreux détenus vénézuéliens sont emprisonnés pour des délits en rapport avec le trafic de stupéfiants.

S'agissant de la question du tourisme sexuel, la délégation a indiqué que le Code pénal d'Aruba pénalise tout contact sexuel avec un mineur de moins de 16 ans. La participation à la prostitution des mineurs de 16 à 18 ans est également sanctionnée par la loi. D'une manière générale, les autorités concernées n'ont aucune indication de tourisme sexuel en tant que tel dans l'île, a fait savoir la délégation.

En ce qui concerne les Antilles néerlandaises, la délégation a notamment indiqué que le personnel chargé de l'application des lois, notamment les forces de l'ordre, reçoit une formation aux droits de l'homme et au traitement des prisonniers. En outre, tous les prisonniers sont informés de leurs droits.

Il n'y a pas de délinquants mineurs de moins de 15 ans dans les centres de détention des Antilles néerlandaises, a assuré la délégation: ils sont envoyés dans des établissements spécialisés.


Conclusion de l'examen

MME NORA SVEAASS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport néerlandais, s'est dite satisfaite des réponses apportées par la délégation aux questions des membres du Comité. Elle a toutefois indiqué qu'elle aurait souhaité entendre la délégation dire qu'elle allait s'efforcer de faire changer immédiatement la pratique pour ce qui est des examens médicaux dans le contexte du traitement des demandes d'asile.

Un autre membre du Comité s'est enquis du statut juridique exact des Antilles néerlandaises et d'Aruba. Doit-on comprendre qu'il s'agit d'États indépendants souverains disposant de leur propre constitution? La responsabilité incombe-t-elle bien aux Pays-Bas en cas de contravention d'Aruba et des Antilles néerlandaises aux dispositions de la Convention contre la torture, a demandé un autre expert?

Un membre du Comité a réitéré sa préoccupation s'agissant du fait que les mineurs de 16 à 18 ans sont assimilés à des adultes lorsqu'ils sont en conflit avec la loi.

La Convention contre la torture s'applique aux trois éléments constitutifs du Royaume des Pays-Bas, même si chacun de ces trois éléments dispose de ses propres mécanismes d'application. C'est le Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas qui assume la responsabilité dans le domaine de la présentation des rapports en vertu des instruments internationaux ratifiés par le Royaume, a expliqué la délégation néerlandaise.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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