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Communiqués de presse Organes conventionnels

L'ALLEMAGNE RÉPOND AUX QUESTIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

10 Mai 2004

Comité contre la torture
APRÈS-MIDI 10 mai 2004

Le Comité contre la torture a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport de l'Allemagne commencé vendredi matin, 7 mai. La délégation allemande a notamment répondu aux questions des membres du Comité concernant l'application de la Convention par les Länder, les garanties entourant les procédures d'extradition, la recevabilité devant les tribunaux de déclarations obtenues par des mauvais traitements, notamment.

La délégation allemande a notamment affirmé que la Convention contre la torture est applicable par les Länder, qui s'acquittent pleinement de leurs obligations à l'égard des instruments internationaux. La délégation a expliqué que le faible nombre de condamnations d'agents des forces de police poursuivis pour mauvais traitements s'explique, non pas par une culture de l'impunité, mais par la difficulté des victimes à satisfaire aux exigences en matière de preuve. Elle a en outre expliqué que la structure fédérale de l'État allemand ne permet pas la définition unique d'une procédure concernant la garde à vue et rend difficile l'adoption du Protocole facultatif à la Convention, qui prévoit la création d'un mécanisme unique de prévention de la torture au plan national.

Les observations finales et recommandations du Comité sur le rapport de l'Allemagne seront rendues publique le mardi 18 mai à 15 heures.

Demain à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Nouvelle-Zélande (CAT/C/49/Add.3).

Réponses de l'Allemagne aux questions des membres du Comité

Répondant aux questions posées vendredi par les membres du Comité, la délégation allemande a affirmé que la Convention contre la torture, comme c'est le cas pour tous les instruments internationaux ratifiés par l'Allemagne, est pleinement applicable par les instances judiciaires des Länder. En cas de conflit entre une disposition nationale et un instrument international, c'est le droit international qui prime. Toute violation du droit international par les autorités publiques peut faire l'objet d'un recours devant les tribunaux. Le Gouvernement fédéral dispose de procédures lui permettant de s'assurer que les Länder s'acquittent bien de leurs obligations au titre du droit international. De telles mesures n'ont jamais été prises jusqu'à présent, car les tribunaux locaux respectent le droit international, a ajouté la délégation.

Sur les 100 cas de plaintes portées par des justiciables pour recours à la violence par les forces de police recensés dans le rapport annuel d'Amnesty International, 69 ont fait l'objet d'un jugement en première instance, a déclaré la délégation. Pour l'heure, les auteurs ont été condamnés à des peines privatives de liberté dans 15 cas, a-t-elle précisé.

La délégation a récusé l'idée selon laquelle les sanctions appliquées aux membres des forces de police seraient sans commune mesure avec la gravité de leurs actes. Elle s'est également inscrite en faux contre l'idée que les mauvais traitements infligés par des membres des forces de police ne bénéficieraient pas de l'attention voulue de la part des pouvoirs publics, contribuant ainsi à l'émergence d'un climat d'impunité. À cet égard, la délégation a fait remarquer que l'absence de preuves suffisantes fournies par les victimes explique souvent l'absence de condamnation pénale.

Une personne détenue par la police ne peut pas être extradée s'il existe des «motifs substantiels» permettant de penser qu'elle sera exposée à un risque sérieux de torture, a affirmé la délégation. Avant de se prononcer sur une demande d'extradition, les autorités compétentes doivent examiner le cas qui leur est soumis dans son individualité mais tenir également compte de l'existence de violations flagrantes et massives des droits de l'homme dans le pays qui demande l'extradition. La délégation a indiqué que le Gouvernement ne tient pas de statistiques concernant les personnes ayant pu, au cours de procédures d'extradition les concernant, apporter la preuve qu'un risque concret existait dans leur cas, mais a assuré que de tels cas existent.

La délégation a par ailleurs reconnu la nature éparse des règles relatives à l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toutefois, dans la mesure où il n'y pas de vide juridique sur la question, le Gouvernement fédéral ne voit pas pourquoi il serait opportun de regrouper ces textes en une seule et même loi. L'observation selon laquelle des cas de torture ne tomberaient pas sous le coup de la loi est erronée, a assuré la délégation.

En Allemagne, a poursuivi la délégation, on estime que le droit pénal doit s'appuyer sur des délits dont les éléments sont aussi précis et clairement identifiables que possible. L'Allemagne s'acquitte de ses obligations au titre de la Convention en appliquant une série de dispositions pénales qui couvrent tous les cas concevables de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation a par ailleurs affirmé qu'en droit allemand, de par la nature fédérale de l'État, il n'existe pas une procédure unique régissant les droits et garanties de la personne gardée à vue. Il n'est pas juridiquement possible d'introduire une procédure unique applicable dans les mêmes termes à l'ensemble du territoire allemand.

La délégation a par ailleurs déclaré que toutes les mesures d'interrogatoire visant à influencer la volonté de la personne par injection de substances, mauvais traitement, hypnose, menaces diverses, ou chantage sont également interdites. Toutes déclarations qui auraient été obtenues par de tels moyens ne pourraient pas être utilisées dans les procédures pénales, a assuré la délégation.

Abordant le cas de M. Amir Ageeb, décédé peu de temps après le décollage de l'avion qui le conduisait de Francfort à Kartoum en exécution d'une procédure d'expulsion, la délégation a expliqué que le délai important écoulé entre les faits et la décision prise à l'encontre des fonctionnaires impliqués dans l'affaire s'expliquait par les nombreux actes de procédures qui ont été nécessaires à l'investigation de ce cas : expertise du médecin légiste, recherche de témoins à l'étranger, reconstitution.
La délégation allemande a par ailleurs expliqué que l'acquittement d'un membre de la police poursuivi devant les juridictions pénales pour mauvais traitements ne faisait pas obstacle à l'application de sanctions disciplinaires. La procédure disciplinaire n'est donc pas entièrement dépendante de la procédure pénale. Si un fonctionnaire est acquitté au plan pénal, une sanction disciplinaire ne peut être décidée que si cet acte constitue également une infraction au règlement de service, a toutefois précisé la délégation.

La délégation a indiqué que 21 965 demandes d'asile ont été déposées dans le cadre de la procédure aéroportuaire, depuis son instauration en 1993. Seules 49 personnes ont obtenu une décision positive. Ce taux très faible s'explique notamment par le fait que 80% des demandeurs d'asile n'ont pas de papiers d'identité, a précisé la délégation. Elle a en outre ajouté que bien que la loi dispose que la procédure aéroportuaire doit être complétée en 19 jours au maximum, il arrive que le demandeur d'asile reste pour une durée prolongée dans les zones réservées de l'aéroport, s'il n'est pas possible de le renvoyer immédiatement dans son pays d'origine parce qu'il manque de documents ou parce qu'il refuse de quitter le territoire. Le Gouvernement fédéral s'efforce alors, dans les limites de ses capacités, de convaincre les pays d'origine de s'acquitter de leur obligation de réadmettre leurs propres ressortissants dans les plus brefs délais.

La délégation a ensuite précisé qu'il existe d'ores et déjà des systèmes de contrôle préventif en matière de torture et de mauvais traitements dans les domaines pénitentiaire et psychiatrique. De telles institutions devraient être remaniées et fondues en un seul mécanisme préventif si l'Allemagne accède au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. La structure fédérale de l'État allemand ne facilite pas la signature du Protocole, a toutefois précisé la délégation.

L'Allemagne appuie pleinement les efforts déployés à l'échelle internationale pour lutter contre la traite des êtres humains. À cet égard, la délégation a souligné que la procédure nécessaire à la ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui porte sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, est sur le point d'aboutir. Par ailleurs, le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, devrait également entrer en vigueur cette année.

La délégation a enfin affirmé que l'Allemagne est liée par une directive récemment adoptée par l'Union européenne sur la protection des droits des réfugiés et ne procède pas, de ce fait, à l'extradition d'étrangers vers des pays où il existe un risque concret de torture, y compris de la part d'acteurs non étatiques.


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