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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE L'EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE

08 Mai 2008



Comité contre la torture
APRËS-MIDI
8 mai 2008


Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de l'ex-République yougoslave de Macédoine aux questions que lui avaient adressées hier matin les membres du Comité s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Mahajlo Manevsky, Ministre de la justice, la délégation macédonienne a fourni des précisions s'agissant, notamment, de l'harmonisation de la législation nationale avec les dispositions de la Convention, de la durée de la détention préventive, des mesures de prévention de la violence domestique, des mécanismes de surveillance de la police et du traitement des minorités, de la lutte contre la traite des êtres humains. À ce sujet, M. Manevsky a fait valoir que des amendements au Code pénal visant à mieux intégrer l'application de certaines conventions relatives à la traite sont en vigueur depuis janvier 2008. Il a précisé que la loi prévoyait également la confiscation des propriétés acquises grâce aux bénéfices tirés de crimes portant sur la traite d'êtres humains. La délégation a souligné que le pays a une position stratégique dans les Balkans et que plusieurs groupes responsables de la traite y sont régulièrement détectés. Il est parfois difficile de déterminer s'il s'agit d'entrées illégales d'étrangers en situation irrégulière ou de la traite des personnes.

La délégation a aussi fourni des explications sur les mesures prises pour assurer une surveillance indépendante de l'action de la police, avec l'aide de la Commission européenne, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et d'organisations non gouvernementales.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de l'ex-République yougoslave de Macédoine, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 16 mai.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Islande (CAT/C/ISL/3), qui est le dernier à l'ordre du jour de la présente session. La séance de l'après-midi sera consacrée à l'audition des réponses de la Zambie et de l'Islande.


Réponses de la délégation de l'ex-République yougoslave de Macédoine

M. MAHAJLO MANEVSKY, Ministre de la justice de l'ex-République yougoslave de Macédoine, répondant aux questions des experts s'agissant de l'harmonisation de la législation, a rappelé que la Constitution avait été amendée le 30 mars 2004 et que tous les éléments de l'article 1 de la Convention contre la torture y avaient été incorporés, de même que les dispositions d'autres instruments internationaux ratifiés par le pays.

En ce qui concerne le problème de la traite des êtres humains, M. Manevsky a souligné que, depuis janvier 2008, le Code pénal avait été amendé pour mieux intégrer l'application de certaines conventions relatives à la traite. Il a précisé que la loi prévoyait également la confiscation des propriétés acquises grâce aux bénéfices découlant de ces crimes. Du fait de sa situation géostratégique, l'ex-République yougoslave de Macédoine est une plate-forme pour les groupes de criminels, et de nombreux migrants traversent le pays, dont il est parfois difficile de savoir s'ils sont venus librement ou sont victimes de la traite, a-t-il indiqué. Il a assuré, à ce propos, que le pays a pris de nombreuses mesures pour mettre fins aux activités illégales de la traite d'êtres humains et punir leurs auteurs.

La délégation a ajouté que l'ex-République yougoslave de Macédoine a bien ratifié la Convention contre la traite des êtres humains et que son application était une priorité pour le Gouvernement. Elle a par ailleurs expliqué que les recommandations du Comité s'agissant de la définition du viol et des mesures pour prévenir ce crime seraient prises en compte dans le cadre des amendements apportés au Code pénal.

La délégation a par ailleurs confirmé que les requérants d'asile ont la possibilité de contester une décision les concernant dans un délai de 15 jours, et que l'appel suspend l'exécution d'une décision d'expulsion. Une commission du Gouvernement doit dès lors se prononcer dans un délai de trois jours suivant le recours.

La délégation a également confirmé que le Bureau de l'ombudsman était une institution nationale indépendante de défense des droits de l'homme basée sur les principes de Paris. Elle a précisé que ce Bureau est financé par le biais de l'État et du Ministre des finances et doit voir son budget approuvé par le Parlement, ce qui lui confère plus d'autonomie. S'agissant du suivi des activités de l'ombudsman, elle a indiqué que sur 965 cas signalés de violations en 2007, seuls 77 sont toujours à l'étude. Elle a souligné qu'afin d'améliorer la coordination entre les services concernés, des réunions trimestrielles sont organisées pour examiner les recommandations de l'ombudsman.

La délégation macédonienne a indiqué que les étrangers arrêtés sur le territoire pour des actes de torture commis à l'étranger ne peuvent subir une peine excédant cinq ans. Mais cette question peut être résolue au travers de l'extradition.

La délégation a également apporté des précisions sur la loi sur la police, qui s'inscrit dans une stratégie nationale de réforme de la police qui a été élaborée par des experts, assistés par des représentants de la Commission européenne et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. La loi sur la police procure une possibilité de contrôle sur la police et son fonctionnement. La loi établit une nouvelle distinction entre le Ministère de l'intérieur et la police. La délégation a précisé que la législation prévoit un contrôle de la police par plusieurs ministères et qu'un principe de contrôle extérieur a été conçu récemment, qui doit toutefois être finalisé avant d'être mis en application.

S'agissant des droits des détenus en garde à vue, la délégation a indiqué qu'un fonctionnaire est spécifiquement affecté à l'enregistrement et à la garde à vue et est responsable des conditions de la détention. S'agissant de l'arrestation et de la détention des mineurs, la délégation a expliqué que des fonctionnaires spécialisés traitent ces cas spécifiques et que les familles sont dans tous les cas avisées. La délégation a assuré que les policiers étaient sensibilisés et formés à la prise en charge des femmes victimes de violence. Une formation régulière est aussi dispensée à la police aux frontières, a indiqué la délégation.

La délégation a également expliqué qu'une nouvelle méthode de sélection des juges a été mise en place par laquelle les juges sont nommés par un Conseil judiciaire formé de 15 juges et dont 3 membres seulement sont désignés par le Parlement. Les procureurs sont désignés sur la base d'une procédure similaire qui vise à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire. La profession d'avocat est un service public indépendant, a confirmé la délégation.

Abordant des questions sur des allégations de violences sexuelles contre des femmes par des fonctionnaires, la délégation a affirmé qu'il n'y avait pas de cas ou de plainte enregistrés.

En ce qui concerne la formation du personnel pénitentiaire en matière d'égalité des sexes, la délégation a déclaré qu'une formation sur l'égalité des sexes n'a pas encore eu lieu en pratique, mais que cette question est abordée dans le cadre des formations sur les groupes vulnérables. Elle a indiqué par ailleurs que l'harmonisation de la loi sur l'application des peines sur les normes européennes est en cours. À cet égard, le Comité a été informé que 110 formateurs ont été formés en 2007 dans le cadre d'un programme de formation de 13 mois. La délégation a encore fait état de diverses mesures prises pour améliorer l'infrastructure carcérale, en particulier à Skopje, et a affirmé que tout est mis en œuvre pour assurer le droit à la santé des détenus.

Au sujet de la violence domestique, il a été dit que différents ministères, assistés par le Bureau de l'égalité et diverses organisations non gouvernementales, se sont coordonnés pour élaborer une stratégie nationale. Les organisations non gouvernementales du pays sont les acteurs-clefs de la promotion des droits et de la protection des victimes de violence domestique, a affirmé la délégation. Une campagne de sensibilisation a, par ailleurs, été lancée en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).

La loi sur l'amnistie adoptée en 2002 ne prévoit pas d'impunité pour les crimes portant sur les droits de l'homme et les crimes de guerre, a assuré la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que dans les régions où vivent des minorités, des organisations civiles composées de personnes d'origines ethniques diverses militent pour la coexistence et s'occupent, en particulier, de la situation des femmes.

Abordant une question sur les mesures punitives alternatives, l'ex-République yougoslave de Macédoine a affirmé qu'elle réfléchissait à cette question et qu'un projet de loi était en cours d'élaboration.

Au sujet des violences contre les enfants, la délégation a indiqué qu'un numéro vert est disponible pour que les victimes ou les témoins puissent signaler les faits. En 2007, 102 enfants ont été signalés comme étant victimes de châtiments corporels et 492 ont été exposés à la violence domestique. Dans 17 cas, les autorités ont constaté de la négligence grave.

S'agissant des enfants Roms, la délégation a fait valoir que 380 000 euros ont été alloués pour mieux intégrer des jeunes enfants Roms dans les jardins d'enfants. Huit centres d'information ont été mis à la disposition de la population rom, financés par le Ministère du travail et des affaires sociales. Pour ce qui est des mariages des mineurs roms, la délégation a reconnu que de tels cas existent et que les jeunes dès 16 ans peuvent se marier s'ils y sont autorisés par les parents.

Pour ce qui des personnes atteintes de maladies mentales, la délégation a fait état de la création d'unités psychiatriques spéciales et de la nomination d'un ombudsman spécial pour ces personnes.

Pour ce qui est de la surveillance des activités policières, la délégation a fait état de 162 plaintes déposées en 2007 contre des fonctionnaires. Des procès ont été intentés; 145 requêtes d'amendes ont été faites, de même que 149 recommandations de blâmes; 43 agents ont été déchus de leurs grades et d'autres ont été suspendus de leurs fonctions durant la durée de l'enquête. Ces données démontrent l'efficacité du mécanisme de plaintes, a estimé la délégation. Elle a ajouté que 80% des plaintes portent sur les «unités spéciales alpha» qui sont amenées à être dissoutes dans un proche avenir.

Complément d'examen

Questions des experts

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDES, en tant que rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'ex République yougoslave de Macédoine, a de nouveau voulu savoir si le prétexte d'agir sur l'ordre d'un supérieur peut être invoqué pour se dégager d'une responsabilité.

Le rapporteur a par ailleurs demandé si les disparitions forcées résultant du conflit de 2001 étaient considérées par l'État partie comme crimes de guerre et si elles sont couvertes par les dispositions sur l'amnistie.

L'expert a en outre demandé des précisions s'agissant des règles sur l'utilisation des armes à feu.

MME NORA SVEAASS, corapporteuse pour l'examen du rapport macédonien, a souhaité obtenir plus de détails s'agissant de la manière dont l'État partie prend en compte les droits des personnes souffrant d'un handicap mental.

Au sujet des mesures de prévention de la violence contre les femmes, la corapporteuse, soulignant les efforts nécessaires dans toutes les sociétés pour changer les attitudes, a demandé si les campagnes de sensibilisation ciblaient aussi les auteurs des violences.

Se référant aux allégations de personnes soumises à de fortes pressions dans le cadre d'enquêtes en rapport avec des activités terroristes, la corapporteuse a engagé l'ex-République yougoslave de Macédoine à s'assurer du respect de l'article 15 de la Convention.

Une autre experte, se référant aux réponses de la délégation s'agissant de la loi sur la police, a déclaré que c'est la norme juridique qui doit détermine les garanties des personnes détenues et non la police, qui doit appliquer ces garanties. Elle a encore relevé que la loi sur la police confère un pouvoir discrétionnaire aux policiers s'agissant de l'usage de la force coercitive; le Comité souhaiterait obtenir plus de précisions à l'égard des dispositions prises par le pays pour prévenir un usage excessif de la force.

Revenant sur la durée de la détention préventive, fixée au maximum à 180 jours, l'experte a demandé si une personne qui aurait été déclarée innocente suite à une détention aussi longue a la possibilité d'obtenir réparation. Le citoyen a-t-il la possibilité de saisir la justice sans passer nécessairement par un procureur ou une autre autorité judiciaire, a par ailleurs demandé un expert.

S'agissant du contrôle de la garde à vue, un expert a demandé s'il faut comprendre que c'est la police qui contrôle la police, auquel cas il s'agirait d'un dysfonctionnement. Il a demandé, par ailleurs, quelle tâche précise était dévolue au Procureur s'agissant du contrôle de la garde a vue.

L'expert a demandé s'il a bien compris qu'une période de détention préventive peut s'étendre jusqu'à 15 ans si l'autorisation est donnée par les juges.

Un expert a exprimé son appréciation pour les mesures prises et prévues par l'ex-République yougoslave de Macédoine pour lutter contre la traite d'êtres humains et a félicité le pays pour les efforts consentis pour appliquer les dispositions de la Convention.

Une experte a encore abordé la question de la collaboration de l'ex-République yougoslave de Macédoine avec le Tribunal pénal international de la Haye, demandant, notamment, quelle était sa position s'agissant des quatre accusés qui n'ont pas encore été déférés devant le Tribunal.

Un expert a demandé si l'État partie avait l'intention de ratifier les Conventions de l'ONU sur les travailleurs migrants, sur les disparitions forcées et sur les personnes handicapées.


Réponses complémentaires de la délégation

La délégation de l'ex-République yougoslave de Macédoine a assuré que personne ne peut être absout de sa responsabilité en invoquant l'ordre d'un supérieur. La délégation a, par ailleurs, indiqué que la police de l'ex-République yougoslave de Macédoine ne dispose pas de taser (arme permettant d'immobiliser une personne par décharge électrique) et que le port d'armes à feu est soumis des conditions bien précises. Les armes à feu ne peuvent, en outre, être employées que face à une agression et uniquement s'il n'y a pas d'autre moyen pour l'agent d'exercer sa fonction.

La délégation a aussi informé le Comité que la période maximale de garde à vue est de 24 heures et que c'est le juge qui décide ensuite si cette période doit être prolongée. Toute personne injustement détenue a droit à réparation, a assuré la délégation.

La délégation a encore assuré le Comité de sa très bonne collaboration avec le Tribunal international de La Haye. Les institutions macédoniennes collaborent conformément aux règles établies par les Nations Unies, a-t-elle affirmé.

S'agissant de la ratification des traités internationaux, la délégation a dit que la ratification des Conventions sur les disparitions forcées et sur les personnes handicapées figure sur sa liste de priorités, mais que ce n'est pas le cas de la Convention sur les travailleurs migrants.

Répondant aux questions sur la protection des personnes atteintes de maladie mentales, la délégation a précisé qu'il est prévu que des unités de santé mentale et des experts juridiques collaborent avec l'ombudsman et signalent les cas éventuels d'internement forcé.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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