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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTENT LES RÉPONSES DU COSTA RICA

06 Mai 2008

Comité contre la torture
APRËS-MIDI

6 mai 2008

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Costa Rica aux questions que lui avaient adressées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Christian Guillermet, Directeur général de politique extérieure au Ministère costaricien des relations extérieures et du culte, la délégation a apporté des éclaircissements sur les questions soulevées par les experts et qui portaient, en particulier, sur l'intégration dans la législation nationale des dispositions de la Convention, les indemnisations versées aux victimes de torture ou mauvais traitements, les conditions de la mise au secret, l'application du principe de non-refoulement, la législation en matière d'immigration.

S'agissant des motifs qui ont amené le Costa Rica à refuser la demande d'asile à M. Mario Uribe, ancien sénateur colombien qui fait l'objet d'une enquête sur ses liens avec les groupes paramilitaires colombiens, M. Guillermet a expliqué que, conformément à la Convention de Caracas, le statut d'asile ne peut être accordé à une personne poursuivie pour un délit de droit commun et que cette disposition avait été communiquée à Mario Uribe avant que celui-ci ne dépose formellement sa demande à l'ambassade du Costa Rica à Bogotá. (Mario Uribe, cousin du Président colombien Álvaro Uribe, s'est finalement rendu à la police colombienne la semaine dernière).


Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Costa Rica en séance privée, avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 16 mai. Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'ex-République yougoslave de Macédoine.


Réponses de la délégation du Costa Rica

MME LAURA THOMPSON, Représentante permanente du Costa Rica auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que dans le système pénal costaricien, les actes d'instigation sont punis pour autant qu'ils soient prouvés. À la question de savoir s'il y avait eu des accusations de torture sur la base de l'article 123 bis du Code pénal, elle a confirmé qu'il n'y a eu qu'un seul cas allégué. Ceci, a-t-elle précisé, s'explique sans doute par le fait que cet article est relativement récent et qu'on n'ait pas encore l'habitude de citer cette disposition pour des cas qui, par le passé, auraient été considérés au titre de «l'abus de pouvoir». Elle s'est aussi référée aux cas où il a directement été fait référence à la Convention contre la torture qui, a-t-elle rappelé, a la primauté sur les lois nationales, comme tous les autres traités internationaux que le Costa Rica a ratifiés.

S'agissant de la protection des victimes et des témoins qui dénoncent des cas de torture, la représentante du Costa Rica a mentionné l'existence d'un service qui s'occupe spécifiquement de la protection et de la réhabilitation des victimes. Au Costa Rica, a-t-elle par ailleurs expliqué, il n'y a pas de régime particulier pour l'indemnisation des victimes de torture, mais l'État considère qu'il a une responsabilité envers les citoyens dans les cas de dysfonctionnement des institutions étatiques ou de tort moral. Elle a précisé que toute plainte de torture qui n'obtiendrait pas réparation pourrait être portée devant la Cour américaine des droits de l'homme, dont les décisions ont des effets contraignants pour l'État.

En ce qui concerne les ambiguïtés subsistant au niveau législatif pour ce qui est de l'utilisation des preuves obtenues par la torture, le Costa Rica a déclaré que le paragraphe en question était à l'examen.

Revenant sur les questions posées par les experts sur l'application du principe de non-refoulement, la délégation costaricienne a dit que l'application de ce principe ne souffre aucune exception.

S'agissant de la nature des preuves, la représentante costaricienne a confirmé que les preuves doivent être suffisantes. La personne arrêtée doit être présentée devant un juge dans un délai de 24 heures au maximum. Le détenu est sensé pouvoir disposer d'un avocat et un article établit clairement l'inviolabilité de la défense. Pour détenir une personne au secret, un ordre judiciaire motivant cette décision est nécessaire et la mise au secret ne peut en aucun cas dépasser 10 jours, sans quoi elle est considérée comme illégale. Mme Thompson a relevé qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle qui ne peut intervenir qu'une fois la procédure pénale entamée.

Répondant à des questions sur la suspension de fonctionnaires impliqués dans des cas de torture, Mme Thompson a indiqué que la durée maximale de la destitution d'un fonctionnaire coupable de torture est de 15 ans.

M. CHRISTIAN GUILLERMET, Directeur général de politique extérieure au Ministère costaricien des relations extérieures et du culte et chef de la délégation, a précisé que le projet de loi sur l'immigration est en cours de révision et sera soumis au Gouvernement avant d'être renvoyé au Parlement pour adoption. La loi sera sans doute mise en application dans quelques mois, a-t-il dit. Il a reconnu que des critiques avaient été formulées contre la loi sur l'immigration, qui ont motivé une réforme. L'un des critiques les plus acerbes, a dit M. Guillermet, n'est autre que l'actuel président, M. Oscar arias Sanchez, ce qui laisse augurer que la loi ira dans le bon sens. M. Gillermet a encore indiqué qu'un nouveau centre d'accueil des étrangers en transit a été ouvert en août 2006, qui constitue une amélioration importante des infrastructures et des conditions générales.

La délégation du Costa Rica a reconnu que des plaintes ont été déposées contre des douaniers par des personnes qui auraient été victimes d'agissements arbitraires dans certains points de contrôle routiers; elle a indiqué que des enquêtes disciplinaires ont été ouvertes.

S'agissant des migrants mineurs non accompagnés, la délégation du Costa Rica a affirmé qu'ils sont référés au Patronat national pour l'enfance, qui est l'instance habilitée à traiter les situations impliquant des enfants. La délégation a indiqué que la loi sur l'immigration en vigueur prévoit des peines pour l'exploitation sexuelle des enfants. La traite n'est pas encore pénalisée, mais il est prévu d'ériger le délit de traite en crime.

Le chef de la délégation a souligné qu'à l'École nationale de police, la sensibilisation aux droits de l'homme fait partie du programme et la formation porte, en particulier, sur les droits économiques, sociaux et politiques. S'agissant de l'application du Protocole d'Istanbul (manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), il a affirmé que ses principes ont peu à peu été intégrés dans la pratique. Il a noté à cet égard que l'institut de médecine légale avait, par exemple, participé à l'élaboration du manuel sur conduite à adopter face aux personnes privées de liberté en matière de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Mme Thompson, se référant aux questions portant sur la discrimination à l'encontre des femmes, a rappelé que le Costa Rica avait signé la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Elle a aussi indiqué que deux lois, l'une sur la violence sexuelle, l'autre sur la violence domestique avaient été édictées et qu'une loi renforçant la lutte contre l'exploitation sexuelle des mineurs était également entrée en vigueur récemment.

S'agissant des motifs qui ont amené le Costa Rica à refuser la demande d'asile à M. Mario Uribe, M. Guillermet a expliqué que, conformément à la Convention de Caracas, le statut d'asile ne peut être accordé à une personne poursuivie pour un délit de droit commun et que cette disposition avait été communiquée à Mario Uribe avant que celui-ci ne dépose formellement sa demande à l'ambassade du Costa Rica à Bogotá. La délégation costaricienne a précisé que les notions d'asile et de refuge étaient bien distinctes; le refuge est accordé par le Ministère des migrations alors que l'asile est octroyé par le Ministère des affaires étrangères.

S'agissant de l'application des lois contre le terrorisme, Mme Thompson a dit que son pays n'a pas encore adapté sa législation au contexte international, mais va le faire prochainement, tout en restant animé par le respect du principe qu'aucune loi ou règlement ne peut porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes. Elle a par ailleurs assuré que les châtiments corporels sont interdits au Costa Rica et qu'il n'y a pas de loi ou de normes qui portent sur le déboutement des requérants d'asile.


Questions complémentaires des membres du Comité

MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Costa Rica, a exprimé son appréciation pour les réponses apportées par la délégation costaricienne. Elle s'est dite particulièrement satisfaite de ce que la Convention ait pu être appliquée en tant que telle dans deux situations précises, mais a souhaité savoir s'agissant d'un des cas mentionnés, si une personne en particulier avait été considérée responsable des actes intervenus.

Mme Sveaass a salué la capacité d'autocritique du Costa Rica s'agissant de la loi sur l'immigration, tout en soulignant que ce qui est important est de s'assurer que la mise en œuvre effective fait l'objet d'une surveillance suffisante pour garantir que les personnes qui ont besoin d'aide, notamment les jeunes, sont réellement protégées.

Se référant aux allégations faisait état de personnes se trouvant en détention préventive sans qu'une procédure judiciaire n'ait été lancée, la rapporteuse a demandé ce qu'il en était dans les faits.

S'agissant de la manière dont le Protocole d'Istanbul est porté à la connaissance de la police et des forces de l'ordre, Mme Sveaass a encore souhaité savoir quelle est la procédure si des traces de tortures sont décelées sur des demandeurs d'asile arrivant au Costa Rica.

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, corapporteur pour l'examen du rapport du Costa Rica, a recommandé qu'une différence soit établie entre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants. Ces deux notions couvrent des situations bien différentes, a-t-il souligné. Il a aussi soulevé la question du viol dans le mariage, qui n'est pas érigé en crime, et souhaité savoir si le Gouvernement prévoyait de prendre des mesures à cet égard. Des précisions ont encore été demandées sur des points touchant à la manière dont sont traités les demandeurs d'asile sans papier, ainsi que des allégations de violence et de discrimination fondées sur l'orientation sexuelle.

Un autre expert a souhaité savoir quel est le mécanisme chargé de la surveillance de l'application du Protocole facultatif. Il est aussi revenu sur le principe de non-refoulement, demandant, que ce soit sous la catégorie «refuge» ou «asile», s'il y a une voie de recours pour qui se verrait refuser sa demande.

Une question a encore été posée sur la durée maximale de maintien au secret, l'explication fournie par l'État partie ne convainquant pas un expert. À partir de quel âge un demandeur d'asile est-il considéré comme adulte, a encore demandé cet expert.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

Répondant aux questions complémentaires du Comité, la délégation a reconnu qu'il y a une augmentation du nombre de personnes en détention préventive, indiquant qu'elle est due à l'augmentation du phénomène généralisé de violence. Le délai maximum pour la détention préventive est fixé à douze mois, a aussi précisé la délégation costaricienne. S'agissant de la loi de protection des témoins et des victimes, il a été dit à nouveau que son application a été retardée.

Pour ce qui est du viol dans le cadre du mariage, le Costa Rica a aboli la disposition qualifiant le contexte de «circonstance atténuante», a fait valoir la délégation.


S'agissant du mécanisme de contrôle de l'application du Protocole d'Istanbul, c'est à l'ombudsman national (Défenseur des habitants) qu'incombe cette fonction, a indiqué la délégation.

La délégation du Costa Rica a reconnu qu'il n'y avait pas de voie de recours au refus d'une demande d'asile, mais a indiqué qu'une personne qui se voit refuser l'asile peut demander le refuge. En ce qui concerne le statut de réfugié, son acceptation est un acte administratif de l'État et la décision qui est émise peut faire l'objet de recours administratif.

S'agissant du temps de détention au secret, il n'y a pas de projet de réduire le temps de détention de 10 jours, a indiqué la délégation, soulignant à nouveau le caractère exceptionnel de cette mesure. La délégation du Costa Rica a aussi confirmé que la tentative de torture et la tentative de délit en général sont punissables.

La délégation costaricienne a expliqué, s'agissant de la détention de mineurs, que seuls peuvent être sujets à des sanctions des enfants de plus de 12 ans. Les sanctions applicables sont de trois types, à savoir des sanctions éducatives, des mesures d'orientation et de supervision et la privation de liberté, qui est réalisée sous forme d'un internement à domicile ou dans des centres d'internement réservés aux mineurs.

M. Guillermet a conclu en disant que le Costa Rica considère ce dialogue avec le Comité comme un mécanisme d'évaluation des politiques qui sont menées et a réitéré l'engagement de son pays à respecter les traités internationaux auxquels il est partie.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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