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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DU CHILI

05 Mai 2009



Comité contre la torture

5 mai 2009


Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Chili aux questions que lui ont été adressées hier après-midi par les membres du Comité s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par le Vice-Ministre de la justice, M. Jorge Frei, la délégation du Chili a notamment apporté des précisions sur l'inclusion des dispositions de la Convention contre la torture dans le droit interne. Elle a aussi fourni des explications sur le fonctionnement de la Commission vérité et réconciliation et de la Commission nationale des prisons politiques et de la torture, indiquant que ni l'une ni l'autre n'avait pour vocation d'identifier les auteurs des crimes commis par le passé, cette mission étant réservée à d'autres organes. La délégation s'est également expliquée sur l'indépendance des mécanismes de prévention de la torture mis en place en vertu du Protocole facultatif à la Convention. La délégation a par ailleurs fait valoir que le décret d'amnistie n'a plus été invoqué depuis 1998, du fait que les dispositions des traités internationaux priment sur le droit interne. Elle a aussi indiqué que d'importants efforts ont été déployés depuis 2005 pour lutter contre la délinquance et que des mesures ont été prises pour accélérer les procès, ce qui a eu pour conséquence d'aggraver la situation de la surpopulation carcérale. Le Chili est conscient que des mesures doivent être prises pour permettre aux tribunaux d'enquêter sur les violences commises contre les jeunes en détention, a par ailleurs assuré la délégation, qui a néanmoins affirmé que le rapport du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) sur la question était partiel et ne mettait en évidence que les plus points les plus saillants des difficultés, dont bon nombre ont d'ailleurs déjà fait l'objet de solutions, qui n'ont pas été mentionnées dans le rapport, a regretté la délégation.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport chilien, M. Luis Gallegos Chiriboga, saluant les réponses très complètes apportées par la délégation, a reconnu que la situation a évolué au Chili en matière de mise en œuvre des dispositions de la Convention. Il a recommandé toutefois que les projets de loi soient rapidement mis en œuvre pour que le Chili puisse enfin entrer dans le cadre de référence de la Convention. La volonté politique existe, a relevé l'expert, tout en soulignant la nécessité de mettre fin totalement à l'impunité. Le corapporteur, M. Fernando Mariño Menéndez, tout comme d'autres membres du Comité, a remercié la délégation pour ses explications détaillées qui couvrent une grande partie des questions posées, a-t-il déclaré.


Les observations finales du Comité sur le rapport du Chili seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 15 mai. Demain matin, à 10 heures, le Comité doit conclura l'examen d'Israël en entendant les réponses de la délégation de ce pays aux questions posées par les experts.


Réponses de la délégation du Chili

La délégation du Chili a fourni des précisions quant à l'inclusion des dispositions de la Convention contre la torture dans le droit interne. Elle a notamment indiqué que le Chili avait décidé de mettre en place un dispositif afin que tous les actes assimilables à un acte de torture soient sanctionnés, cela sans forcément promulguer une nouvelle loi en la matière. La délégation a indiqué que le Code pénal dresse la liste des types de délits assimilés à la torture et stipule que ces actes doivent être sanctionnés lorsqu'ils ont été commis.

La délégation a également apporté des éclaircissements sur le fonctionnement de la Commission vérité et réconciliation et sur la Commission nationale des prisons politiques et de la torture. Elle a indiqué que la Commission vérité et réconciliation a été, entre 1992 et 1996, un outil politique novateur destiné à faire la lumière sur les cas de morts, de disparitions et de torture sous la dictature militaire, mais que son but n'était pas d'identifier les auteurs des crimes qui ont été commis. La Commission nationale des prisons politiques et de la torture est en activité depuis 2003. En 18 mois, elle a reçu plus de 35 000 témoignages et a pu établir un avis pour plus de 28 000 personnes. Cette Commission, a expliqué la délégation, n'a pas, elle non plus, pour objectif d'identifier les auteurs de violations.

La délégation chilienne a aussi également des explications au Comité sur les mesures prises pour indemniser et réhabiliter les victimes des exactions passées. Elle a précisé que les familles de personnes disparues ont également reçu l'aide de l'État. Quant aux réserves du Comité portant sur le travail de la Commission, la délégation a souligné que cette Commission avait effectué un travail qui ne saurait être qualifié de symbolique; plus de 200 affaires sont aujourd'hui encore en cours.

La délégation s'est également expliquée sur l'indépendance des mécanismes de prévention de la torture prévus par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Un projet de loi vise à instaurer une commission qui enquêtera sur la situation des victimes de violations qui n'ont pas encore fait l'objet d'une enquête, a-t-elle dit.

Depuis 1998, le décret d'amnistie n'a plus été invoqué, a déclaré la délégation, bien que les dispositions légales soient encore en vigueur. En effet, les dispositions des traités internationaux priment sur le droit interne. Pour ce qui est de la prescription, il a été décidé que cette mesure n'était pas applicable, pour les mêmes raisons. La Cour pénale a néanmoins récemment invoqué la prescription pour des affaires de disparitions forcées. La délégation a encore dit que les crimes commis entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978 ne sont pas examinés par les tribunaux depuis 1998.

Répondant aux questions du Comité s'agissant de la surpopulation carcérale, la délégation a indiqué que d'importants efforts ont été déployés depuis 2005 pour lutter contre la délinquance et que cela se répercute sur la situation de détention. Elle a également mentionné, au titre des raisons ayant conduit à augmenter la population des prisons, une plus grande rapidité dans la conduite des procès et la création de nouveaux délits tels que ce ceux définis dans la loi sur le trafic des stupéfiants. La délégation a par ailleurs insisté sur le renforcement des peines de remplacement qui prévaut néanmoins et indiqué qu'un régime de peines ambulatoires est à l'examen. La délégation a d'autre part affirmé que le gouvernement appuyait les programmes de réinsertion pour permettre aux détenus de garder le lien avec la société. Elle a admis que la problématique du suicide en prison doit faire l'objet d'attention de la part des autorités et a fait valoir que ce phénomène est paradoxalement lié à l'amélioration des conditions carcérales et à l'instauration de cellules individuelles.

Répondant é des questions sur le mercenariat, la délégation a assuré que le Chili ne reconnaissait pas le mercenariat. Suite é une plainte déposée dans un cas de recours aux mercenaires, une loi a néanmoins été promulguée qui permet de poursuivre les entreprises responsables du recrutement de mercenaires, dans les limites du territoire national.

En ce qui concerne la formation aux droits de l'homme de la police, la délégation a dit que des programmes étaient mis en œuvre à l'intention des Carabiniers. Cet enseignement doit responsabiliser les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, a indiqué la délégation, précisant que 1010 heures de cours étaient dispensées dans le cadre de la formation des policiers. La délégation a encore indiqué que la formation des cadres de la police avait récemment intégré une chaire des droits de l'homme.

La délégation a, en outre, apporté des informations complémentaires au Comité s'agissant du régime de mise au secret des détenus, indiquant qu'un prévenu peut être placé en détention préventive prolongée de maximum 10 jours, si cela s'avère nécessaire pour garantir le bon fonctionnement du travail d'enquête. Mais cette faculté ne peut limiter l'accès du prévenu à son avocat et aux services de santé.

S'agissant d'une question du Comité sur le respect de la confidentialité et les pressions pratiquées sur les femmes ayant recours à un avortement, la délégation a tenu à souligner que, bien que l'avortement soit interdit par la loi, le personnel médical a reçu pour instruction de ne pas déroger au devoir de confidentialité.

Répondant à des questions sur la situation de la population autochtone, la délégation du Chili a expliqué que le droit interne reconnaît explicitement le caractère multiethnique de la société chilienne, ainsi que le droit des autochtones de recourir à leurs coutumes comme sources juridiques.

Les manifestations publiques encadrées obligent les policiers à ne pas avoir recours à la force, a par ailleurs indiqué la délégation, et toute plainte qui pourrait survenir doit faire l'objet d'une enquête.

La délégation a encore abordé la question de la délinquance juvénile, expliquant que le Chili était conscient que des mesures devaient être prises pour permettre aux tribunaux d'enquêter sur les violences commises contre les jeunes en détention. Elle a néanmoins affirmé que le rapport de l'Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) sur la question était partiel et ne mettait en exergue que les plus points les plus saillants des difficultés. Bon nombre de celles-ci ont déjà fait l'objet de solutions qui n'ont pas été mentionnées dans le rapport, a déclaré la délégation. Le rapport ne tient pas compte non plus des sanctions ambulatoires qui constituent la majorité des sanctions, a fait valoir la délégation.

Complément d'examen

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Chili, saluant les réponses très complètes apportées par la délégation, a reconnu que depuis le rapport de 2004, la situation a évolué au Chili, en matière de mise en œuvre des dispositions de la Convention. Il a recommandé toutefois que les projets de loi soient rapidement mis en œuvre pour que le Chili puisse enfin entrer dans le cadre de référence de la Convention. La volonté politique existe, a relevé l'expert, tout en soulignant la nécessité de mettre fin totalement l'impunité.

L'expert a aussi recommandé au Chili d'adopter une législation complète s'agissant des réfugiés.

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, corapporteur pour l'examen du rapport du Chili, a remercié la délégation pour les réponses apportées, qui couvrent une grande partie des questions posées, a-t-il dit. Revenant sur les questions relatives aux réfugiés et à la migration clandestine, M. Mariño a souhaité savoir si des objectifs politiques détaillés ont été envisagés dans ce domaine ou si ceux-ci ne sont à l'heure actuelle qu'à l'état de projets.

Pour ce qui est de l'imprescriptibilité du délit de la torture, le corapporteur a souligné qu'au même titre que les crimes contre l'humanité et le génocide, la torture est un délit qui doit bénéficier d'une absolue imprescriptibilité.

M. Mariño a réitéré sa question relative à la présence au Chili de personnes apatrides, demandant à ce pays de s'exprimer s'agissant de ses intentions à l'égard de ces personnes.

D'autres experts ont remercié le Chili pour ses explications détaillées. Une experte, a observé que dans plusieurs affaires dont elle a pris connaissance, la sentence en appel a été de moindre importance qu'en première instance. Elle a exprimé le sentiment de la prévalence de certaines lacunes dans le fonctionnement de la Cour d'appel.

Un autre expert a souhaité des clarifications s'agissant de l'affirmation par le Chili que la définition de la torture en droit interne est conforme à la Convention interaméricaine sur la torture, notant que ce qui intéresse le Comité est que cette définition soit conforme à la Convention contre la torture des Nations Unies.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation du Chili a souligné que les affaires d'apatridie sont aujourd'hui impossibles au Chili, le principe prévalant étant celui de jus sanguinis. Les cas auxquels se réfère le Comité concernent donc des situations antérieures à 2005, lorsque des enfants nés à l'étranger de père ou de mère chiliens ont pu être privés de nationalité du fait que le Chili requérait un an de résidence dans le pays pour l'obtention du passeport.

S'agissant de la situation des réfugiés, la délégation a affirmé qu'une commission interministérielle a élaboré un texte qui comblera une lacune qui existe effectivement dans la législation et mettra le Chili en conformité avec les normes internationales. La délégation a précisé que des consultations avaient eu lieu à ce sujet avec des représentants du Haut Commissariat pour les réfugiés. S'agissant en particulier de la centaine de réfugiés palestiniens arrivés l'année dernière au Chili, la délégation a assuré le Comité que la présidente Michelle Bachelet avait veillé à ce que ces personnes obtiennent une assistance en matière de santé et d'éducation. Les programmes d'assistance aux migrants s'accompagnent de l'octroi d'une série de prestations fondamentales pour veiller au respect de leurs droits économiques et sociaux, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne la loi d'amnistie et d'impunité, la délégation a insisté sur le fait que le Chili considère l'impunité comme inacceptable. Elle a rappelé que 56 condamnations ont été prononcées. Cela ne rend pas justice à toutes les victimes, mais nous continuons, a insisté la délégation, mentionnant les associations qui continuent de saisir les tribunaux pour que l'impunité soit bel et bien levée concernant les violations perpétrées par le passé.

La définition de la torture est Chili est conforme à la fois à la Convention interaméricaine et à la Convention contre la torture des Nations Unies, a encore assuré la délégation, en réitérant la volonté du Chili de poursuivre ce dialogue constructif avec le Comité contre la torture.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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